arch/ive/ief (2000 - 2005)

Grève de la faim des prisonniers politiques turcs
by Elly Monday December 11, 2000 at 02:42 AM
elvare@yucom.be

Depuis le 20 octobre, 816 prisonniers politique sont en grève de la faim dans les prisons turques. Dés le 30 octobre, un certain nombre de grévistes a décidé d'aller jusqu'au bout de leur grève, c.à.d. jusqu'à la mort.

Rapport sur la situation des droits de l'homme dans les prisons turques

Troisième semaine de grève de la faim pour 816 prisonniers politiques turcs.
Depuis le 20 octobre 816 prisonniers politique sont en grève de la faim dans plusieurs prisons Turcs.
Ainsi les prisonniers veulent dénoncer les tortures et les conditions inhumaines qui leurs sont faites . Ils veulent également protester contre la construction d'un nouveau type de prisons de type "F": ces prisons sont composées uniquement de cellules d'isolement.

TAYAD (Tutuklu ve Hükümlü Aileri Yardimlasma Dernegi), une organisation des droits de l'homme liée au membres des familles de prisonniers politiques craignent que l'isolement des prisonniers augmente les tortures, les disparitions et la déstabilisation psychologique des prisonniers.
Tayad a organisé un congrès de 3 jours sur le thème, La réalité dans les prisons. Lors de ce congrès, des professeurs, des médecins, des avocats, des journalistes, des membres des familles des prisonniers, ainsi que des ex-détenus ont critiqué sévèrement l'installation de ces cellules d'isolement, qui ne peut pas être dissociée de la répression féroce du gouvernement turc contre toute forme d'opposition politique.
L'organisation belge des droits de l'homme, "People's Rights Watch (PRW)", à la demande d'avocats turcs et d'organisations de défense des droits de l'homme, a envoyé une délégation constituée d'un avocat et d'un médecin afin de juger sur place l'opposition à la situation désespérée régnant dans les prisons turques.
Dans les prisons d'Istanbul, d'Ankara et de Diarbakir, des prisonniers sont morts sous la torture: cela ne peut plus être gardé secret par le gouvernement turc. En octobre 1999, PRW a enquêté sur les événements du 6 septembre 1999 survenus dans la prison d'Uluncanlar à Ankara où dix prisonniers politiques ont été exécutés et 46 autres ont été sérieusement blessés.
D'après la version des autorités turques, il s'agissait de mater une révolte.
Les prisonniers auraient été armés et se préparaient à s'échapper par un tunnel qu'ils auraient creusés.
Des 10 morts, 4 corps ont pu être photographiés, Les autres dépouilles n'ont pu être vues par les membres des familles. Les corps montraient des blessures et hématomes sur la face, des blessures sur les testicules, certainement dues à des coups ainsi qu'à des décharges éléctriques. Ont été également relevées des traces d'impact de balles qui ont traversé les corps de part en part, des fractures au niveau des membres, des traces de brûlures au 3ème degré dues à des produits chimiques. Sur la base de ces constatations, PRW a conclu que ce qui était survenu dans la prison d'Uluncanlar était un cas extrème de violations des droits de l'homme, comme le droit à la vie, l'interdiction des tortures, le droit aux soins médicaux, le droit aux contacts avec les avocats. PRW est arrivé à la conclusion que ce n'était pas un cas isolé. D'après des avocats turcs, le nombre actuel de prisonniers politiques dans les prisons est estimé entre 11.000 et 17.000.
Déjà en 1996 une grève de la faim de 69 jours avait coûté la vies à 12 prisonniers.
En août 2000, l'organisation des droits de l'homme TAYAD (Tutuklu ve Hükümlü Aileri Yardimlasma Dernegi), avait loué 6 bus pour amener de Istanbul à Ankara tous les membres des familles (mères, frères, soeurs et enfants) des prisonniers politiques.
Le but de cette démarche était d'apporter au Ministre de la Justice une pétition s'opposant aux prisons de type 'F'. En cours de route certaines de ces personnes ont été arrêtées.
A la sortie du Palais de justice, des policiers fortement armés ont chargé et embarqué 30 personnes. Plusieurs personnes ont été frappées au visage, aux genoux, aux reins, plusieurs d'entre elles ont été relevées avec des fractures aux bras et aux jambes.
La représentante de PRW, Docteur Elly Van Reusel, a dû intervenir et soigner différentes personnes blessées par la police.

Puisque la grève de la faim dure depuis près de 8 semaines (11 décembre 2000), et qu'un certain nombre de prisonniers sont aux portes de la mort, TAYAD trouve très important qu'un grand nombre de personnes dans le monde soient au courant de cette grève de la faim.

Début novembre s'est tenu un congrès de 3 jours, congrès auquel ont été personnalités respectées tant au plan intellectuel que moral, notamment l'actuel procureur près de la prison d'Istanbul, plusieurs professeurs de la faculté de droits d'Istanbul.
La présence des mères et pères des prisonniers politiques a été fortement remarquée. Ces proches des prisonniers portaient des foulards blancs sur lesquels étaient accrochés des rubans rouges, ce qui signifie que les mères ne seront en paix que lorsque leurs enfants leur seront rendus et que le gouvernemnt turc respectera les droits des personnes.
Le congrés débute (comme par hasard) le 10 novembre, jour du 27ème anniversaire de la mort du général Kemal Attaturk, fondateur de la Turquie moderne. Un vieux participant s'écrie "Attaturk a dit que la jeunesse est l'avenir de la Turquie, mais comment peut-on dire que la jeunesse turque est l'avenir, si le gouvernement met nos jeunes en prison, les martyrise et les assassine?"
Que des proches osent être présents à ce congrès n'est pas sans importance.
Devant l'entrée du bâtiment où se tenait le congrès, une vingtaine de policiers montaient la garde munis de l'équipement armés le plus intimidant possible...
Des fouilles ont été effectuées sur tous les participants du congrès. Pendant le congrès des agents de la sécurité ont perturbé les débats, ce qui stressait les orateurs. Le plus horrible était la présence d'agents assis une rangée derrière les mères.
La présence massive de toutes ces personnes n'ont pu empêcher les conférenciers de faire des critiques sévères et pertinentes du régime pénitentier turc.
Le professeur en théologie islamique Huseyin Hatemi, a déclaré souhaiter que le gouvernement turc se conforme à la constitution turque ainsi qu'aux lois internationnales, il a ajouté que la loi de "non-discrimination" devait être appliquée par le gouvernement turc, car tous les ingrédient se trouvent dans la loi mais elle n'est pas mise en application. Il faut donc des réformes permettant son application.
L'Avocat Necati Ozdemir, actuel procureur près de la prison d'Istanboul insiste quant à lui sur le fait que les droits de l'homme sont au-dessus des autorités. Suivant Necati Ozdemir, le système pénal actuel n'est pas le reflet de ce que la justice devrait être. Il rejette par ailleurs l'existence d'un 'procureur près d'une prison' qui n'a aucune base légale. Maître Necati a démissioné, lorsque son supérieur l'a mis sous pression, suite non seulement à son plaidoyer pour un traitement plus humain, mais également lorsqu'il a centralisé les plaintes des prisonniers afin de défendre leurs intêrets vis-à-vis du ministre de la justice.
Maître Necati est actuellement un membre actif de la commission des droits des hommes à Istanbul. Cette commission envoie régulièrement à la presse des textes critiquant la situation désespérée dans les prisons turques, organise des séminaires qui cherchent à apporter des solutions alternatives.
Les conditions de vie dans les prisons turques sont extrêmement dures, ceci est rapporté par un grand nombre d'organisations de défense des droits de l'homme. Les prisonniers politiques sont parqués dans des salles exiguës, où du fait du trop grand nombre de prisonniers, ils sont obligés de dormir à tour de rôle. Il n'y a ni chauffage, ni eau propre, ni nourriture en quantité et qualité suffisantes. Le plus criant est le manque de soins médicaux qui engendrent un nombre élevé de décès.
En plus, les ministres de la justice, des affaires intérieures et de la santé ont signé un protocole selon lequel les prisonniers politiques doivent accepter la présence d'officiers pendant la visite médicale. Ce qui revient en pratique à nier non seulement la notion de secret médical mais également le droit de chaque être humain aux soins médicaux.
Ce protocole donne aux responsables des prisons la possibilité d'alimenter de force les prisonniers, si nécessaire.
Le Docteur Yesim Islegen, un des membres du conseil des médecins rattachés à la commission des droits de l'homme, a rappelé à ses confrères que le code déontologique des médecins précisait que l'on ne peut, dans pareil cas, collaborer avec les autorités.
Les autorités turques sont depuis plus de deux ans occupées à la construction de prisons du type F - c.à.d. des prisons qui ne contiennent que des cellules individuelles. Ces autorités disent vouloir construire des "hôtels de luxe" conforme aux normes actuelles de l'Union européenne. Ces cellules d'isolement ont une superficie de 3,5 x 2,5 mètres, ont une seule fenêtre à verre opaque; dans la porte métallique ont été placées deux ouvertures - une pour passer la nourriture, la seconde pour observer le prisonnier. Dans la cellule se touvent un lavabo et une toilette afin que le prisonnier ne doive plus en sortir.
Les congressistes ont cité le philosophe français Michel Foucault, qui ayant lu la description de la prison idéale vue par le philosophe du 18ème siècle Jeremy Bentham, une prison dans laquelle les prisonniers sont complètement isolés, ne peuvent échapper à la surveillance du gardien, extrapole ce concept, et entrevoit les moyens de répression qui pourraient être employés par l'appareil d'Etat de manière subtile vis-à-vis de ses opposants. Pendant les années soixante Foucault et ses étudiants entreprennent des actions sociologiques et philosophiques contre le système pénitencier français.
Des membres de TAYAD, parmi lequels on retrouve des ex-prisonniers politiques, soulignent que la construction de nouvelles prisons ne peut être détachée de son contexte qui démontre que pour le gouvernement turc chaque forme d'opposition sera vue comme un acte de terreur.
L'avocat Ali RiZA Dizdar souligne que l'article 16 de la loi 'anti-terreur' désigne que chaque action politique sera sans pardon et que ses membres ou présumés membres pourront être enfermés dans des prisons aux cellules d'isolement.
L'avocat Ali RiZA Dizdar craint non seulement que de cette manière le gouvernement veuile supprimer tout contact entre les prisonnniers et le monde extérieur, avec comme corollaire la démotivation et la disparition de la solidarité entre prisonniers, mais surtout que les tortures continuent ainsi que les disparitions (les témoins gênants pourront ainsi être
supprimés.)
De plus, les cellules d'isolement sont une forme de torture psychique.
Des expériences psychologiques menées à Hambourg démontrent que les animaux en "cellules d'isolement" montrent, lors d'isolement de longue durée une extrême fatigue ainsi que de problèmes de concentration.
Cette politique d'isolement a été également analysée sous l'aspect juridique
de la loi N° 3113, "loi anti terreur". Cette loi est depuis 1991, d'application par le Conseil national turc de sécurité.
Dans l'article n° 1, la "terreur" est décrite comme suit: " Chaque acte fait par une ou plusieurs personnes appartenant à une organisation qui a comme but le changement politique, juridique, social, économique de la république; la mise en péril de l'existence même de l'Etat turc et des droits fondamentaux, la suppression de la liberté; la mise en péril de la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat par des méthodes de pressions, violence, terreur, intimidation, répression ou menace".
Suivant l'article n° 2, seront considérés comme des terroristes criminels non seulement les membres d'une organisation - correspondant à la description de l'article n°1- qui, individuellement ou à plusieurs, ont commis un méfait correspondant aux buts décrits mais aussi les membres qui n'ont pas participé au dit méfait. Les membres ne faisant pas partie d'une organisation terroriste mais qui, au nom de cette organisation, ont participé à l'action seront également considérés comme terroristes criminels et punis de la même manière que les membres de l'organisation.
Le 3 juin 1997 le tribunal de la sécurité d'Etat a condamné une personne à une peine de 22,5 ans de prison pour la raison suivante.
L'homme, pendant un congrès du parti légal pro-kurde HADEP, avait remplacé le drapeau turc par le drapeau kurde. Il a été condamné sur base de l'article n°2 de la loi "anti-terreur", comme prédendument membre de l'organisation interdite turque PKK. Le président ainsi que les responsables du congrès ont été comdamnés à 6 ans de prison, 29 autres membres ont écopé de 4 ans.
Plus grave encore, le tribunal, a décidé de poursuivre Hadep pour ses liens avec le PKK. Cette procédure peut amener à la dissolution de ce parti.
Le professeur Hatemi, considère que la loi "Anti terreur" permet facilement que des personnes soit amenées sans aucune preuve devant des juges. Toujours selon le professeur Hatemi, cette loi qui met les preuves à charge de la défense est contraire à la constitution turque.
De plus, la définition donnée à la loi "anti-terreur " telle que décrite ci-dessus, est également en contradiction avec la constitution.
Le professeur de Droit Hatemi a mis en parallèle cette loi avec le poids immense qu'a le procureur. Celui-ci n'est pour ainsi dire, jamais contrôlé par le juge. Lorsque le juge interroge un prévenu, cela se passe régulièrement en présence du procureur, ce qui est en contradiction flagrante avec l'idée de neutralté du juge et des droits de la défense.
Un autre point noir de cette loi "anti-terreur" est que lorque un prévenu est poursuivi sur cette base le juge des peines peut donner entre 4 & 20 ans de prison dans des cellules d'isolement - bien entendu.
Il n'y a pas de diminution de peines ni de sorties anticipées pour les prisonniers politiques.
L'organisation de la défense des droits de l'hommeTAYAD, propose que les exigences concernant la gestion dans les prisons turques, soient reprises dans la plateforme telle qu'elle a été rédigée pendant le congrès, et remise à la presse ainsi qu'aux différentes délégations internationales.
Voici ces points.
- Interdiction des cellules d'isolement
- Suppression de la loi "Anti-terreur"
- Suppression du protocole d'accord entre les ministres des affaires intérieures, de la justice, de la santé publique, concernant la présence de la police pendant les soins médicaux dispensé aux prisonniers politique.
- Il faut des lieux communs dans les prisons, les prisonniers doivent pouvoir se rencontrer et recevoir des visites.
- Les prisonniers doivent avoir le droit de rencontrer les membres de leur famille, au minimum une fois par mois.
-Suppression des complications de la procédure actuelle, concernant les contacts entre avocats et leur clients, ce qui est une atteinte aux droits de la défense.
- Une meilleure hygiène, ainsi que des soins médicaux valables.
- L'utilisation du téléphone et des ordinateurs doit être permise.
- Les journaux et ordinateurs doivent être accessibles.
- Un contrôle international sur la gestion des prisons et respect du droit international ainsi que les droits de l'homme.
Pour Tayad, les avocats, les médecins, les membres des familles et également les prisonniers politiques, ce congrès n'est pas seulement un mouvement de résistance, mais également un appel aux autorités turques afin de faire cesser les horreurs dans les prisons, et qu'elles respectent la Constitution ainsi la Convention des droits de l'homme qu'elle ont souscrite. Depuis 1927 des personnes sont poursuivies pour leurs opinions (délits d'opinions).
Sous prétexte du problème de la minorité kurde, des milliers de Turcs ont été arrêtés et emprisonnés dans des conditions inhumaines. Si maintenant ces prisonniers doivent se retrouver en cellules d'isolement, cela enlèvera tout espoir d'une solution pacifique. Les prisonniers politiques ne survivent actuellement aux années de prisons et de tortures mentales que par le fait qu'ils sont enfermés tous ensemble, et que de cette manière ils s'aident mutuellement à se maintenir mentalement et politiquement debout.
Dans une cellule d'isolement tout cela disparaîtra au bout de quelques mois.
Finalement,on trouve dans le "manuel de la gestion des prisons" : "Les terroristes ne peuvent communiquer entre eux. En effat lorqu'ils ne sont plus en contact entre eux, ils meurent comme meurt un poisson hors de l'eau."

Mr. Bart De Schrijver, avocat, Deurne
Dr. Elly Van Reusel, médecin

Grève de la faim des prisonniers politiques turcs
Témoignage d'un médecin et d'un juriste belges


Depuis le 20 octobre, 816 prisonniers politique sont en grève de la faim dans les prisons turques.
Dés le 30 octobre, un certain nombre de grévistes a décidé d'aller jusqu'au bout de leur grève, c.à.d. jusqu'à la mort.
Par cette action, ils protestent contre l'introduction de cellules d'isolement dans les prisons de type F.
La situation des droits de l'homme en Turquie est désastreuse, pour les prisonniers politiques. Leurs familles et un grand nombre d'organisations de défense des droits des gens .... ont peur que la torture et les disparitions augmentent (en référence à ce qui s'est passé à Ullucanlar l'année passée).
Dans plusieurs pays européens, des grèves de solidarité sont en cours, notamment à Bruxelles.
Début novembre 2000, en Turquie, Mr Bart De Schrijver et Dr. Elly Van Reusel ont pris part à un congrès portant sur la situation des droits de l'homme en Turquie. Ils ont également parlé avec des prisonniers ainsi que des victimes de tortures. Vous pouvez les interviewer.
Vous trouverez en annexe un rapport détaillé sur la situation des droits de l'homme en Turquie. Nous vous invitons à le publier et à le diffuser.

Avec nos salutations les meilleures, au nom de People's Rights Watch (PRW),
Dr. Elly Van Reusel gsm 0486/071.901 elvare@yucom.be <mailto:elvare@yucom.be>
Mr. Bart De Schrijver gsm 0479/930.579