Critiques de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne by Gérard de Sélys Saturday December 09, 2000 at 12:47 PM |
gds@rtbf.be |
Les organisations syndicales et groupes citoyens de l'Union européenne ont émis de sérieuses réserves à propos de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne censée être adoptée ce 7 décembre par les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice en "conférence intergouvernementale". Voici l'essentiel de leurs critiques.
Le préambule de la Charte donne le ton, un ton particulièrement ultra-libéral. Il précise en effet que "l'Union (...) assure la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux". Pour les organisations syndicales et citoyennes, la libre circulation des biens, des services et de capitaux n'est pas un droit fondamental.
L'article 15 de la Charte affirme que "Toute personne a le droit de travailler"... ce qui constitue, aux yeux de ses critiques, un net recul par rapport au "droit au travail" inscrit dans d'autres textes fondamentaux.
L'article 17 de la Charte précise que "La propriété intellectuelle est protégée." Selon les critiques, "protégée" est trop vague et, à la limite, ne veut rien dire.
L'article 28 stipule qu' "en cas de conflit d'intérêts, les travailleurs et les employeurs ont droit à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève". Ce qui constitue un véritable "droit de lock-out" accordé aux dirigeants d'entreprise. (Le lock-out est la fermeture unilatérale d'une entreprise, privant ses employés et ouvriers de tout revenu).
L'alinéa 3 de l'article 34 consacré à la "Sécurité sociale et aide sociale" précise qu' "afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement". Les droits à la sécurité sociale et au logement ne sont ainsi plus que "reconnus et respectés", ni imposés, ni garantis.
En matière d'environnement, l'article 37 stipule qu' "un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l'Union..." "Doivent " n'est pas une contrainte mais une indication. "Doivent" devrait être remplacé par "sont".
Le droit à la protection de la vie privée est soumis aux impératifs du monde des affaires. L'alinéa 2 de l'article 41 accorde en effet: "le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires."
Enfin, la Charte, même en retrait par rapport aux textes déjà existants, n'a rien de contraignant. Ses articles 51 et 52 précisent en effet que "La présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies pas les traités." et que "Les droits reconnus par la présente Charte (...) s'exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci."