Jusqu'à huit ans de prison pour aider des réfugiés? by david pestieau Monday December 04, 2000 at 07:09 PM |
dpestieau@wol.be saint-gilles |
Le gouvernement français de la « gauche plurielle » (PS-PCF-Verts) a soumis au Conseil Européen une proposition de directive qui vise à renforcer la répression des filières d'immigration clandestine(1). Le projet vise clairement les trafiquants mais aussi les ONG qui viennent en aide aux réfugiés !
Selon un projet de directive européenne
Les peines prévues sont très lourdes : plus de huit ans de prison ferme si l'infraction a été commise en « bande organisée » et si celle-ci a mis la vie de personnes en danger. Comble du cynisme, le document ajoute « c'est la traduction juridique de la réaction du Conseil européen à la tragédie de Douvres (qui avait causé la mort de 58 Chinois morts étouffés dans un calion en juin dernier).
Or, tout le trafic humain est basé sur le caractère illégal du séjour des personnes transportées. En augmentant la répression, le trafic ne va s'arrêter mais encore devenir plus maffieux et plus organisé. Seule la légalisation de séjour pour tous ceux qui veulent construire leur avenir en Europe peut enrayer le phénomène du trafic.
Mais l'article deux du document va encore plus loin : « les Etats membres sont priés de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les personnes morales [par exemple des associations de défense des réfugiés] puissent être tenues pour responsables des infractions » Les mesures préconisées vont jusqu'à la possibilité de dissoudre l'organisation, de l'exclure de tout subside public et de la placer sous contrôle judiciaire.
Il s'agit là d'une criminalisation grave du mouvement antiraciste qui est à mettre en lien avec la loi sur les organisations criminelles 432 qui, dans sa définition, peut poursuivre des organisations pour leur participation directe ou indirecte dans des actes visant à mettre en cause l'ordre public.
Un amendement belge pourrait être introduit pour écarter de la répression les organisations agissant dans un but purement humanitaire, comme le prévoit la loi belge Vande Lanotte. Dans le procès d'Ingrid Verschaeve qui avait été poursuivie pour avoir aidé son fiancé sans-papier, on avait pu voir que cette loi avait quand même entraîné la condamnation en première instance de la jeune femme. Seule la mobilisation des amis d'Ingrid et de Frontières ouvertes, avait permis l'acquittement en appel.
Or, dans la directive européenne si l'amendement est accepté, l'ONG devra prouver qu'elle n'a pas agi dans un but lucratif.
Le même type d'amendement avait été introduit pour la loi 432 écartant les mouvements syndicaux et politiques des champs des poursuites. Mais on le voit à travers le procès Clabecq : la justice n'hésite pas à criminaliser des mouvements sociaux, le caractère large de la loi 342 permettant de poursuivre finalement quand même une délégation ou un parti révolutionnaire.
Gilles De Kerkhove, directeur de la Direction Générale Justice et Affaires Intérieures de la Commission européenne a ajouté: « Dans la plupart des Etats européens, la traite des êtres humains n'est pas considérée comme un délit grave or c'est cela qui permettrait l'utilisation, à l'échelon européen des techniques policières coercitives (écoutes téléphoniques, extradition) »
La lutte contre le trafic humain deviendrait ainsi le prétexte pour permettre l'écoute téléphonique de trafiquants et de comités de défense des sans-papiers. Si il s'agit de traquer les grands criminels et trafiquants, on se demande pourquoi la Commission ne commence pas d'abord à lever le secret bancaire pour repérer les mouvements de fonds suspects des milieux maffieux. Sans doute parce que les banques et les multinationales sont les vrais mâitres de la Commission européenne.
Cette directive européenne doit directement être retirée et non simplement amendée, une mobilisation à l'échelle européenne non seulement du mouvement antiraciste mais du mouvement révolutionnaire, démocratique et syndical car il s'agit là d'une attaque susceptible d'être utilisé demain contre tous les mouvements sociaux.
Ensuite, il faut des lois qui permettent le séjour légal de tout immigré en Europe, seul base pour démanteler le trafic d'êtres humains.
(1) Le Soir, 4 décembre 2000