arch/ive/ief (2000 - 2005)

L'Europe kaki débarque à Nice
by Ataulfo Riera Friday October 27, 2000 at 02:28 PM
cap_nemo1@caramail.com

La création d'une force militaire européenne capable de jouer, en duo avec le grand frère américain, les gendarmes du capitalisme mondialisé, connaîtra un pas décisif lors du Sommet des chefs d'Etats européens à Nice les 6 et 7 décembre prochain. Article paru dans le bimensuel "La Gauche"

L'article
by Ataulfo Riera Friday October 27, 2000 at 03:46 PM
cap_nemo1@caramail.com

Voici finalement l'article prévu au dessus...


L'Europe kaki débarque à Nice

C'est en effet à Nice que sera définitivement adopté le projet de constituer entre 2001 et 2003 un «corps de réaction rapide» constitué par des contingents issus de plusieurs pays membres. Depuis que les Etats-Unis ont été «rassurés» sur l'absence de toute concurrence avec les structures militaires qu'ils dominent (OTAN), les jalons sont désormais solidement posés, bien qu'avec quelques couacs.

Au niveau des structures, trois organes ont été mis sur pied depuis le mois de mars: un Comité politique et de Sécurité (COPS... mot qui en anglais signifie «flics », ça ne s'invente pas!) formé par des ambassadeurs désignés par leur pays respectif et par un secrétaire général; un Comité militaire intérimaire et un « noyau » d'Etat major.

Au niveau des moyens, l'UE voit grand. Au départ, le corps européen de réaction rapide devait compter 60.000 hommes capables de se projeter partout dans le monde en moins d'un mois et de tenir sur place pendant un an. Dans leur enthousiasme, et jugeant sans doute que les résistances contre la mondialisation deviennent massives, les Quinze ont revu leur chiffre à la hausse: 80.000 soldats, avec une réserve de 230.000 pour «tenir» pendant un an. Plus de troupes et donc plus de matériel puisque pour combler leur retard en matière de transport aérien et de communication, les armées européennes devront passer commande auprès des multinationales de l'armement. Tant européennes qu'américaines d'ailleurs puisque les premières, contrairement à celles d'outre altantique, ne sont pas parfaitement intégrées et n'offrent pas tous les «produits» de pointe requis. C'est ce qui explique qu'elles font toutes pression pour la concrétisation du corps de réaction rapide européen

Les Etats-Unis accompagnent étroitement le processus. Le 19 septembre dernier a eu lieu la première réunion, qualifiée d'historique, entre les 19 ambassadeurs du Conseil de l'OTAN et leurs homologues européens du COPS. Lord Robertson, secrétaire général de l'OTAN et Javier Solana, « monsieur Sécurité » de l'UE, se rencontrent toutes les semaines. Quant à la décision d'augmenter les capacité du corps européen, elle fut prise sur base d'un rapport - le «catalogue des forces" - mené de concert entre des experts européens et les états-major de l'OTAN. Il va sans dire qu'une telle augmentation des effectifs et des moyens signifiera des coûts plus élevés qui seront supportés par la collectivité sans même qu'on daigne lui demander son avis.

Plus de moyens, plus de fric et tout cela pour quoi faire? Ceux qui attendent d'une «armée européenne» et de l'UE un rôle plus progressiste que l'OTAN en matière de politique étrangère et de «sécurité » - et qui fasse contrepoids à l'impérialisme américain - se trompent lourdement. Malgré leurs rivalités commerciales, Europe et Etats-Unis défendent le même ordre capitaliste mondialisé. En cas de crise majeure, les pays européens privilégieront l'instrument OTAN et donc la mainmise des Etats-Unis. C'est là tout le sens des déclarations sur l'OTAN comme «restant la base de toute défense collective» (Traité d'Amsterdam). Par contre, les dirigeants européens veulent disposer d'un outil efficace au cas où le grand-frère d'Outre-Atlantique se montrerait réticent à mobiliser ses GI's.
Quant aux objectifs du corps européen, résumés dans les missions dites de Petersberg, ils comprennent les opérations «humanitaires», l'évacuation de ressortissants, le maintien de la paix et l'utilisation de forces de combat dans la gestion de crises, ce y compris dans des missions de rétablissement de la paix. Bref, tout l'habillage réthorique qui, depuis toujours, a habillé les interventions des puissances impérialistes partout où leurs intérêts étaient en jeu. D'ailleurs, comme le précise clairement le Traité d'Amsterdam, les objectifs de la Politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) dont le corps de réaction rapide sera l'outil, seront «la sauvegarde des valeurs communes » (le marché libre!) et les «intérêts fondamentaux» de l'Union européenne.

Outre ce qui concerne l'adoption d'une Charte imbuvable (voir article précédent), l'élargissement à l'Est, la réforme institutionnelle et la révision de l'article 133 (sur le commerce) du Traité d'Amsterdam, le Sommet de l'UE à Nice en décembre doit également mobiliser les mouvements pacifistes et antimilitaristes pour refuser l'Europe kaki.