arch/ive/ief (2000 - 2005)

Réflexions sur "Dancer in the Dark"
by @den Monday October 23, 2000 at 08:05 PM
gilamaison@skynet.be

Encore sous le choc de " Dancer in the Dark" de Lars Von Trier, il est trop tôt pour tirer un bilan serein du film. Ce film est un pur chef-d'œuvre…insupportable. S'il n'y avait pas d'intermèdes musicaux, j'aurais quitté la salle, non parce que le film était mauvais, au contraire, mais parce que le cinéaste nous emmène dans une logique d'une cruauté absolue. ....

Encore sous le choc de " Dancer in the Dark" de Lars Von Trier, il est trop tôt pour tirer un bilan serein du film. Ce film est un pur chef-d'œuvre…insupportable. S'il n'y avait pas d'intermèdes musicaux, j’aurais quitté la salle, non parce que le film était mauvais, au contraire, mais parce que le cinéaste nous emmène dans une logique d'une cruauté absolue. Je vais tenter de lancer quelques grandes lignes de réflexions qui, je l'espère, susciteront le débat dans ces colonnes

1. Le film divise les critiques en deux camps.

Je suis étonné de voir la haine que certains critiques déploient à l'encontre du film: " Chantage à l'émotion" ( Morice de Télérama), " Exaspérant" ( Didier Péron, Libération)

Dans le camp des "pour", on glorifie ; les éloges les plus vives sont distribuées. C'est une preuve incontestable que le film vaut le détour: il déroute. (1) Il est très rare de voir dans le milieu des critiques de cinéma de tels écarts. C'est parce que le film ne donne pas à ces routards de la critique la sauce habituelle, prête à être prémâchée et digérée. Le film utilise un langage cinématographique absolument original.

2. La forme du film.

L'originalité du film repose sur l'application des thèses cinématographiques de l'auteur, " Le dogme" : utilisation de la caméra à l'épaule, usage de petites caméras numériques.

A ceci s'ajoute l'utilisation de la comédie musicale menée de façon de maître par Bjork. Or ici, la comédie musicale a un apport fondamental. Elle est en rupture avec la tradition hollywoodienne du film musical. La chanson, ici, sert à faire le bilan d'étapes importante du film, à prendre une distance qui nous permet de sortir de l'émotionnel. Par exemple, lors du meurtre, le cadavre se relève et chante sa version des faits. On est en pleine distanciation, dans le plus pur style de Brecht.

3. Le fond du film.

On peut, sans se gêner, dire que ce film est politique. Critique au vitriol de la société américaine des années 50, le film nous fait découvrir l'univers carcéral américain et nous révulse quand il aborde la question de la peine de mort. Ensuite, l'héroïne est une ouvrière. On y découvre la dureté de l'exploitation, les machines qui peuvent écraser une main à tout moment, la course aux rendements, la difficulté du travail de nuit. Bien sûr, ces injustices ne sont pas le cœur du film mais elles nous laissent une trace indélébile qui nous serre le cœur. Mais on y découvre aussi la solidarité. La scène musicale dans l'usine est, par exemple, un pur chef-d'œuvre. Libération écrira que le film est "une bizarre revalorisation du kitsch socialiste."

Autant de bonnes raisons pour se ruer au cinéma et de regarder Arte, ce lundi, qui consacre une soirée à Lars Von Trier.

( 1) Libération pense que le film "sert des intérêts idéologiques et esthétiques pour le moins nébuleux." Libé, 18/10/2000

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Ce que veut @den, en guise de manifeste.

Le 'marron', cet esclave qui à l'époque de la servitude, brisait ses chaînes pour fuir l'ordre établi, et bien, le nègre marron m'a pris à la gorge. Et ce mot que je cherchais pour dire ma révolte de l'ordre culturel et de l'ordre tout court, ce mot qui souligne à merveille ce refus qu'on voudrait balancer à la gueule de ceux qui nous macdonaldisent, qui disneyisent, qui nous transforment en clochards de la culture, je le trouvais sur cette "île inquiète"(1): le marronage ! Aujourd'hui, en Occident, la chaîne n'emprisonne plus l'esclave au pied. Les chaînes de notre servitude sont aussi posées dans notre cerveau. Combien de Français, de Belges abrutis par Jean-Pierre Foucault ? A quoi rêvent encore les hommes écrasés par la Loterie Nationale et les rubriques zodiacales de je ne sais quel canard boiteux ? Pourquoi cet océan de verroteries ??? Le marronage m'apprend à vouloir casser mes chaînes et à prendre le maquis de la contre-culture. C'est là qu'est le vrai but d'@den car marronage signifie subversion et transgression d'un ordre contraire. En conséquence, je vous invite à partir dans la montagne bouter l'incendie de notre inaliénable révolte.

Gilles Martin


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by - Tuesday October 24, 2000 at 03:51 AM
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Une cinéphile m'a fait remarquer qu'une partie des textes des chansons est issue de la comédie "La mélodie du bonheur". L'héroïne est en fait une enfant, dans ses aspirations; c'est un des ressorts du film. Incontestablement une oeuvre maîtresse. Pour moi, le passage le plus émouvant est celui sur le pont lorsqu'elle jette ses lunettes dans la rivière. Le deuxième grand moment émouvant est à la fin, lorsqu'elle chante que ce n'est pas la dernière chanson de la comédie (elle partait toujours avant la dernière chanson pour que le rêve ne s'achève pas, quand elle allait voir une comédie musicale); je me suis demandé si ce n'est pas à ce moment qu'il fallait quitter son siège. Ce qui est formidable et pathétique, c'est de voir combien les gens sont héroïques dans leur petitesse, combien de secrets et de douleurs tout un chacun subit. Au fond, c'est moche la vie, voila la morale de l'histoire. On ne parvient pas vraimentà juger les personnages du film lorsqu'ils sont incarnés; par exemple, même la maton qui conduit l'héroïne à la corde on a envie de s'apitoyer dessus plutôt que de la critiquer.