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4 Octobre Action Tchequie + Lettre Ouverte
by raf Sunday October 01, 2000 at 11:32 AM
raf.custers@euronet.be

Lettre Ouverte à la Consul de la Tchequie, par des manifestants belges présents à Prague + appel à une nouvelle action ce mercredi le 4 aôut devant l'ambassade

Lettre ouverte envoyée à l ambassade de Tchéquie à Bruxelles.

Madame le Consul,

Nous avons organisé une action de protestation devant l Ambassade de la République tchèque, ce jeudi 28 septembre, afin de protester contre les violences et les atteintes aux droits de l Homme dont nous avons été les témoins pendant notre séjour à Prague du 23 au 27 septembre 2000 à l occasion des différentes manifestations contre le FMI et la Banque mondiale.

Nous n avons pas obtenu de réponse satisfaisante aux questions que nous avons posées c est pourquoi nous vous décrivons ci-après ce que nous avons constaté et subi à Prague en vous priant de transmettre notre plainte aux autorités concernées de la République tchèque.

Tout d abord, avant même l arrivée des manifestants, les autorités avaient mené une vaste campagne visant à alarmer la population: écoles fermées, congés aux entreprises, mesures de sûreté exceptionnelles dans la ville. Cette pression sur l opinion publique a abouti à nous présenter d emblée comme des terroristes et des casseurs. Avant d être présents à Prague nous étions déjà coupables.

Lors de notre passage à la frontière, notre car a été retenu pendant trois heures et deux d entre nous ont été empêchés d entrer pour des questions administratives. 800 Italiens ont été retenus dans leur train plus d une nuit parce que certains d entre eux avaient participé aux manifestations de Seattle et figuraient sur des listes d  " indésirables ". 35 autocars amenant des manifestants ont également été bloqués en dehors de Prague le jour de l ouverture du sommet FMI-BM.

Dès notre arrivée, nous avons eu droit à des contrôles incessants dans la rue de la part de policiers. Certains ont été suivis par des voitures de police puis leur passeport ont été contrôlés alors que rien ne le justifiait. D autres ont subi les insultes des policiers stationnant en masse dans les stations de métro, de même que les contrôles sélectifs et agressifs des billets de transport dans le réseau du métro de la part de contrôleurs en civil qui attrapaient au passage ceux qui présentaient une apparence vestimentaire sensée être celle des manifestants. Le stade Strahof, transformé en camping, était l objet de mesures d intimidations permanentes, y compris à l aide d hélicoptères qui le survolaient de manière rapprochée de jour comme de nuit avec des projecteurs. Ceux qui logeaient dans des hôtels dans la banlieue de Prague (Opatov) ont eu droit à la présence constante de policiers dans leur hôtel, non seulement à la réception, mais aussi dans les ascenseurs et dans la salle de restaurant. Les personnes présentes au Centre de Convergence près du métro Palmovka ont été continuellement filmées à partir du pont situé en face du Centre et ceux qui s y rendaient étaient contrôlés.

Le jour de la manifestation du 26 septembre, les mesures policières ont encore monté d un cran car, aux côtés des 11.000 policiers, nous avons pu constater la présence de l armée et de forces spéciales d intervention dont certaines s exprimaient en anglais parfait, ce qui nous fait envisager la présence de policiers venus de l extérieur du pays. Le matériel de répression s apparentait plus à une infrastructure de guerre civile qu à un dispositif de maintien de l ordre. En effet, les ponts menant au Congrès où se réunissaient les délégués du FMI et de la Banque mondiale, était bloqués par des blindés de l armée qui visiblement avaient été repeints au couleur de la police. Ils étaient renforcés par la présence d autopompes, d hélicoptères de surveillance et même d un avion qui survolaient la ville à basse altitude.

Les forces de répression ont été déployées dans la ville avec une démesure inquiétante. Toutes les stations de métro du centre ville étaient fermées (Florenc, Museum, Mustek, etc). Non seulement, les policiers gardaient en masse les stations de métro, les hôtels, les fast food, les parcs, les lieux historiques, mais ils avaient également l appui de gardes privés postés devant les commerces et les banques, sans compter le renfort de groupes de skins nazis qui ont attaqué des petits groupes de manifestants isolés et ont pris les manifestants à revers lors des affrontements avec la police.

Lors de ces affrontements, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et, selon certains témoins, des gaz au poivre, gravement toxiques. Nous avons également été témoins de tabassages de manifestants tombés dans un parc, de charges de motos et de camions sur des manifestants pacifiques près du centre de conférence, de violences policières sur des blessés, de personnes traînées à terre ou jetées avec violence dans l entrée d un commissariat. La police a rabattu des manifestants vers une ligne de chemin de fer alors que des trains y passaient.

La liberté de la presse a également été mise en péril car les forces spéciales d intervention, vêtues de noir, ont attaqué des journalistes lors des affrontements. Le 28 septembre, nous avons également appris que le centre de presse indépendant Indymédia était encerclé par les policiers.

La loi tchèque prévoit certaines garanties démocratiques en cas d arrestation mais celles-ci n ont pas été respectées. En effet, les policiers qui doivent normalement avoir un numéro d identification visible, cachaient celui-ci de diverses manières. Les personnes arrêtées n ont pas pu téléphoner pour contacter un proche ou un avocat. Des personnes blessées ont été laissées sans soins dans les commissariats dont l accès était refusé aux avocats et aux médecins. Des manifestants avec des bras et des jambes cassés ont été gardés dans les commissariats sans intervention médicale. Les proches des détenus, venus demander des nouvelles, étaient arrêtés à leur tour. Des manifestants ont été, selon nos sources, privés de nourritures et de boissons et plus grave encore, l information que nous avions eue et selon laquelle une femme avait le dos cassé, a été confirmée par vous mais l explication qui nous a été donnée, est totalement inacceptable. En effet vous prétendez que la femme d origine américaine qui a des vertèbres cassées aurait " opté de se jeter par la fenêtre d un commissariat ". Nous ne pensons pas qu un être humain décide à un moment donné de se jeter par la fenêtre par simple choix mais plutôt que le danger qu elle courait dans le commissariat était tel qu elle n a eu d autre possibilité que de se jeter dans le vide pour y échapper. Cette situation n est pas sans rappeler, des faits semblables qui se sont produits sous certains régimes dictatoriaux comme le Chili de Pinochet. Nous sommes vivement inquiets pour la sécurité de cette femme et nous souhaitons que toute la lumière soit faite à propos de cet événement.

Le lendemain de la manifestation du 26 septembre, la répression policière s est poursuivie. Des membres de notre groupe ont été témoins d une action d encerclement pratiquée par la police près de la place Miru. Des manifestants s étaient rassemblés pour demander la libération des personnes arrêtées mais deux cents d entre eux ont été maintenus pendant plus de quatre heures à l intérieur d un cordon de police sans pouvoir accéder à des toilettes. D autres, dont trois personnes qui nous accompagnaient et qui se promenaient simplement sur le pont Charles ont été arrêtés et détenus toute la nuit dans un commissariat. Ils ont, de ce fait, manqué le bus qui devait les ramener en Belgique le 27 au soir.

Nous avons appris, le 28 septembre, que 859 personnes dont 500 Tchèques étaient encore arrêtées et que les non Tchèques étaient concentrés dans un centre de rétention pour étrangers près de Plzen (Pilsen). Nous demandons qu elles soient immédiatement libérées et nous relevons le fait que les centres de rétention pour réfugiés et étrangers servent à enfermer des manifestants, d opinion. Nous sommes opposés à l existence de tels centres de rétention pour les réfugiés et nous constatons que nos craintes de les voir servir également de lieux de concentration pour prisonniers d opinion en Europe se sont avérées fondées.

En conclusions, nous vous demandons de transmettre aux autorités tchèques notre plainte contre les violences et les arrestations dont ont été victimes les opposants à la Banque mondiale et au FMI. Nous demandons que des enquêtes soient menées pour établir la vérité sur les actes de violences graves perpétrés dans les commissariats, sur les mesures antidémocratiques prises contre les personnes dans la rue et dans les commissariats et contre les journalistes, sur les arrestations de 859 personnes maintenues dans les centres de rétentions à la frontière, dans les prisons et les commissariats. Nous demandons leur libération immédiate et l arrêt de toutes poursuites pénales contre elles.

Nous transmettons la présente à la Ligue belge des Droits de l Homme, à Amnesty International et à la presse et nous vous remercions de transmettre cette lettre aux autorités concernées de votre pays.

Veuillez agréer, Madame le Consul, l expression de notre considération distinguée.


Un groupe d opposants à la Banque Mondiale et au FMI, présents à Prague du 23 au 27 septembre 2000.

RASSEMBLEMENT MERCREDI 4 OCTOBRE
devant l'ambassade de la Tchequie
av. Buyl 154, à 100 mètres de l'ULB