Détention et expulsion d'étrangers en Belgique by Collectif de Résistance Friday September 22, 2000 at 11:45 AM |
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Deux ans après le meurtre légal de Semira Adamu...
Détention et expulsion d’étrangers en Belgique
La Belgique a été tristement célèbre pour ses expulsions d’étrangers lorsque, le 22 septembre 1998, la
jeune demandeuse d’asile nigériane Semira Adamu a été tuée par les gendarmes chargés de l’expulser sur
un vol Sabena à destination du Togo. Semira avait une personnalité très forte: elle s’était exprimée dans
les médias belges au sujet de l’injustice qu’elle subissait comme demandeuse d’asile et de l’extrême
brutalité des agents de l’État belge. C’est pourquoi ce meurtre ne passa pas inaperçu, contrairement à la
plupart des cas de ce genre (un sans-papiers zaïrois avait déjà trouvé la mort dans des circonstances
comparables durant les années 80, sans que cela ne suscite autre chose que des protestations
ponctuelles).
Les assassins de Semira firent tomber le Ministre de l’Intérieur (qui déclara mystérieusement avoir été
“trahi par la gendarmerie”), tandis que les amis de Semira célébrèrent les funérailles dans la cathédrale
Saint-Michel, au coeur de la capitale. Devant des milliers de personnes (beaucoup d’Africains, beaucoup de
Belges) il fut lancé un hommage à la résistance de cette jeune femme rebelle, qui désobéit jusqu’au bout à
l’oppression.
Tous les partis politiques belges sauf le Vlaams Blok (fasciste) se déclarèrent émus. Mais la politique belge
en matière d’expulsion n’a pourtant fait que s’intensifier depuis, en nombre comme en violence.
Le gouvernement y met désormais beaucoup plus de moyens. À titre indicatif, il est utile de savoir qu’en
1998 les dépenses officiellement affectées à la politique d’expulsion d’étrangers jugés indésirables
s’élevaient à 95 millions de FB (2,35 millions d’EURO), elles passent en 1999 (après Semira) à 159,3
millions de FB en 1999 (3,95 millions d’EURO) (1) . Encore ne s’agit-il ici que des expulsions en tant que
telles: les totaux généraux de la politique de contrôle des étrangers s’élevaient en 1998 à 1.460,5 millions
de FB (36,2 millions d’EURO) pour passer en 1999 à 1.947,7 millions de FB (48,28 millions d’EURO) et le
budget initial pour l’an 2000 s’élève déjà à 2.038 millions de FB (50,52 millions d’EURO).
Le minsitre de l’intérieur affirme organiser 20 expulsions chaque jour. Derrière ces chiffres, des désastres
humains incalculables et une violence administrative et policière quotidienne.
Les techniques d’expulsion ont elles aussi “évolué” depuis la mort de Semira Adamu. Le coussin étant
devenu symboliquement inutilisable, les gendarmes ont dans un premier temps fait usage de violence
directe, à mains nues. Ainsi, une demandeuse d'asile sierra-léonaise a failli trouver la mort en février 1999
par la combinaison d’une forte pression dans l’estomac et de coups à la nuque (“coup du lapin”). Plus tard,
les témoignages recueillis firent état de l’utilisation d’un gant rembourré à la place de sinistre coussin, avec
la même fonction: obstruer les voies respiratoires de façon à empêcher l’individu de crier. En effet, toutes
ces techniques visent essentiellement à ce que les autres passagers de l’avion n’entendent rien.
Actuellement, la technique employée est celle dite du “cochon attaché”, qui consiste à ligoter les bras et les
jambes de la personne dans le dos, pour la transporter comme un sac (2) . Un gardien de centre fermé a
témoigné anonymement à la télévision belge à la fin de l’année 1999: il décrivait la gradation de la
violence à chaque tentative d’expulsion, le fait que les personnes sont “ligotées comme des salamis”, et la
technique de persuasion qui consiste à faire assister par un futur déporté (c’est le terme officiel) à
l’expulsion violente d’une autre personne de façon à ce que le témoin sache ce qui l’attend lui-même s’il
continue de refuser de monter dans l’avion.
Un accord a été signé, sous l’égide du gouvernement, entre la gendarmerie et l’Association des Pilotes de
Ligne, de façon à codifier l’usage de la violence dans le respect de la sécurité du vol. Les pilotes de la
Sabena avaient en effet refusé d’embarquer des déportés durant l’été 1999, suite à des brutalités policières
en plein vol qui avaient même contraint un avion à revenir à l’aéroport de Bruxelles-National pour y
débarquer les agresseurs et leur victime.
Il est difficile de mesurer l’impact précis de cet accord, mais l’exemple suivant en marque les limites. Le 22
décembre 1999, la rédaction du quotidien Le Soir recevait une lettre signée par 50 passagers du vol
Bruxelles-Conacry, qui avaient assisté à l’expulsion très violente d’une jeune fille de nationalité éthiopienne
attachée à un fauteuil avec des lanières en plastique. Ils ont vivement protesté, mais l’avion a décollé en
pleine confusion, alors que les passagers étaient encore debout. Ce type de pratique est formellement
contraire à l’accord signé, et même aux règles de sécurité internationales auxquelles la Belgique souscrit.
Mais en cette matière, la loi du plus fort est la seule qui compte. La jeune fille a ensuite été recueillie par
Médecins Sans Frontières à Conakry, qui lui a prodigué des soins d’urgence (3) .
Un autre moyen pour les gendarmes de contourner la protestation des passagers est de mettre la personne
KO avant qu’elle ne soit dans l’avion. C’est dans le fourgon qui la conduit à l’avion qu’elle reçoit des coups,
pouvant aller jusqu’au coma, avant qu’on ne la cache dans la cuisine à l’arrière de l’avion. Un témoignage
très précis a été recueilli à Dakar par le député belge Vincent Decroly, qui a pu retrouver la trace d’un
déporté sierra-léonais et des médecins sénégalais qui l’ont soigné après la torture qu’il avait subie. Les
gendarmes lui avaient arraché une partie du cuir chevelu et il présentaient plusieurs autres contusions.
Interpellé à ce sujet au Parlement, le Ministre Duquesne a tout nié en bloc, en se référant... au rapport des
gendarmes selon lequel il n’y aurait pas eu d’incident.
La violence des gendarmes est d’autant plus intense que la personne résiste à son expulsion, et cette
résistance est évidemment conditionnée par les craintes que la personne éprouve vis-à-vis du risque qu’elle
court à l’arrivée. En faisant abstraction du cas de Semira Adamu, dont le meurtre a un caractère plus
politique, les cas de torture les plus graves dont nous ayons eu l’écho (4) sont ceux de demandeurs d’asile
sierra-léonais (Sentigue Kargbo, Fatimata Mohamed et Matthew Sellu). Étant donné la guerre sauvage qui
sévit dans leur pays, ceux-ci ont tendance, selon leurs propres termes, à “préférer risquer la mort entre les
bras des gendarmes qu’au Sierra Leone” où ils risquent en outre des mutilations, viols, etc. On le voit, la
violence policière vis-à-vis des déportés ne peut être appréhendée de façon isolée: elle est aussi le
moment ultime d’une violence administrative plus générale, qui consiste à refuser l’accès à la demande
d’asile dans une majorité de cas, y compris lorsqu’il est notoire que la personne fuit une situation
particulièrement tragique.
Comme ailleurs en Europe, les futurs déportés sont d’abord enfermés dans des lieux carcéraux. En
Belgique, ces lieux portent le nom de “centres fermés”, par opposition aux “centres ouverts” qui sont des
lieux d’accueil pour les demandeurs d’asile en procédure. En principe, les détenus des centres fermés sont
des personnes déjà exclues de la procédure, leur demande ayant été jugée “manifestement infondées”
après leur arrivée à l’aéroport de Zaventem (Bruxelles National), ainsi que des “illégaux” c’est-à-dire des
immigrés ne disposant pas de titre de séjour, qui se sont fait arrêter lors d’un contrôle ou d’une rafle. Mais
le principe subit de plus en plus d’entorses: il devient fréquent d’enfermer dans ces centres des
demandeurs d’asile dont la procédure est toujours en cours, de façon à ce qu'ils soient disponibles pour une
expulsion immédiate en cas de refus. Cette pratique est contraire à la Convention de Genève et aux
recommandations du UNHCR, mais elle est de vigueur.
De même, la loi belge et les conventions internationales interdisent la détention de mineurs d’âge, mais ils
sont nombreux à se trouver dans ces centres, qu’il s’agisse d’enfants (y compris de nouveaux nés voire
parfois des enfants nés pendant la détention de leur mère) accompagnés de leurs parents, ou de mineurs
d’âge non accompagnés. Il n’y a pas de chiffres officiels à cet égard, ou quand ils sont publiés ils sont faux.
Il n’est pas rare que des adolescents soient enfermés sous prétexte qu’ils auraient fait une fausse
déclaration concernant leur âge. On leur impose un test osseux dont les conclusions sont plus fortes que
leur parole, bien qu’il soit notoire que ces tests n’ont pas de fiabilité scientifique. Lorsque l’hôpital
Saint-Pierre (Bruxelles) a cessé de pratiquer ces tests commandés par le ministère de l’intérieur, en
argumentant sur la non-fiabilité du résultat et sur les motivations non-médicales du test, le ministère s’est
contenté de transférer sa commande vers une autre institution (l’hôpital universitaire d’Anvers) dont le corps
médical ne fait pas preuve de la même conscience professionnelle. Cette pratique est donc maintenue. Elle
a été jugée illégale par le Conseil d’État, mais ce jugement est resté sans suite.
De même, il est devenu habituel d’enfermer et d’expulser des adolescents de 16 ans sous prétexte que,
pour eux, l’âge de la majorité est plus précoces que ce que prévoit la loi belge (18 ans).
Les centres fermés sont au nombre de 6 en Belgique, avec une capacité opérationnelle totale de 800
places. Le régime y est carcéral, mais les autorités ne reconnaissent pas ces lieux comme des prisons: ce
sont des “lieux de transits à la frontière”, bien qu’aucun d’entre eux ne se situe aux frontières de la
Belgique (sauf le “centre Inad” — comme “inadmissible” — situé dans la zone de transit de l’aéroport).
Cette subtilité juridique permet de ne pas appliquer aux centres fermés les législations en vigueur dans les
prisons. L’arbitraire y est donc total, les directions de centres fixant elles-mêmes les règles de
fonctionnement dans le cadre d’un Arrêté Royal qui laisse beaucoup à leur discrétion. Le directeur d’un
centre fermé peut décider de prendre vis-à-vis d’un détenu toute une série de mesures disciplinaires,
pouvant aller jusqu’au cachot sans matelas ni couverture (spécialité du centre fermé de Bruges).
Les détenus n’ont droit à des visites qu’avec l’accord du directeur, qui n’est pas tenu de motiver son refus le
cas échéant. Ils ne peuvent recevoir d’appels téléphoniques de l’extérieur, mais peuvent appeler
eux-mêmes, à leurs frais, aux heures décidées par la direction et en présence d’un gardien qui écoute la
conversation. Des ordres non-écrits interdisent le contact avec les organisations de défense des droits
humains. Les contacts que notre collectif entretient avec certains détenus sont donc “clandestins”, bien qu’ils
ne contreviennent en soi à aucune loi. Le courrier est lu par les gardiens et parfois confisqué: l’Arrêté Royal
de 1999 sur les centres fermés autorise cette pratique, bien qu’elle soit contraire au principe constitutionnel
de confidentialité du courrier. Il arrive que les assistants sociaux des centres fermés tentent de dissuader
les détenus d’informer leurs avocats au sujet de mauvais traitements subis dans le centre ou à l’aéroport,
notamment lors de tabassages ou de harcèlement sexuel. La simple hygiène n’est pas respectée: au centre
de Bruges, il est interdit de prendre plus de 3 douches par semaines (chaque fois 10 minutes maximum), y
compris en été.
À deux reprises en janvier 1999, des gendarmes accompagnés de chiens ont mené des expéditions
punitives dans les centres fermés (à Merksplas et à Bruges), et des détenus ont été mordus par les chiens.
Un climat d’angoisse règne quotidiennement, principalement causé par la perspective de la déportation,
mais renforcé par le racisme d’une partie du personnel et les règles de vie dans ces lieux.
La loi du silence y est de rigueur: les détenus qui témoignent de leur situation auprès d’associations de
défense ou auprès de mandataires politiques subissent des sanctions: c’est probablement une des causes
du meurtre de Semira Adamu, et certainement le motif de sanctions physiques subies par plusieurs
détenus. Le vice-directeur du centre fermé de Bruges (ce centre est connu pour sa “culture d’entreprise”
ouvertement hostile aux institutions parlementaires) a un jour explicitement justifié le passage à tabac
d’une demandeuse d’asile congolaise en rappelant qu’elle avait créé des problèmes à la direction en
témoignant auprès d’un groupe de députés: pour sa peine, elle fut ligotée et étouffée avec les mêmes
techniques qu’à l’aéroport, dans un simulacre d’expulsion qui rappelle les faits commis à l’encontre de
Semira Adamu.
Plusieurs témoignages concordent pour dénoncer le rôle joué par les médecins dans ces centres. Le
médecin du centre fermé de Votem (Liège) a d’ailleurs démissionné de ses fonctions et s’est adressée à
l’opinion publique. Des soins peuvent être refusés à certains détenus s’ils sont jugés trop coûteux, sous
prétexte que de toute façon ces gens devraient être soignés dans le pays où ils seront rapatriés. Bien que
ce droit leur soit formellement accordé, les détenus n’ont généralement pas accès au médecin de leur choix
et doivent s’en remettre à celui qui a été désigné par le ministère de l’intérieur. Lorsqu’ils doivent subir une
intervention dans un hôpital, les détenus sont souvent accompagnés de gardiens ou de gendarmes jusque
dans le cabinet médical.
Considérés dès leur arrivée comme des menteurs (leur demande est “manifestement non fondée”), les
détenus ne sont pas toujours examinés lorsqu’ils se plaignent de malaises ou de douleurs. Une jeune
détenue de Bruges s’est vue refuser jusqu’à un simple examen médical par le médecin attaché au centre,
qui lui a déclaré que ses maux de ventres n’étaient pas physiologiques mais qu’elle avait “besoin d’un
homme” (sic). Comme elle ne se sentait pas capable de manger, les gardiens l’ont conduite à l’heure du
repas chez le “psychologue” qui lui a expliqué que tout son problème se résoudrait de lui-même si elle
acceptait de retourner en Afrique. Ce professionnel de l’écoute reçut alors une chaise dans la figure (signe
que la santé mentale de la jeune fille était intacte) et il fut promu quelques semaines plus tard
“vice-directeur”.
Les conditions de vie dans ces centres ont été plusieurs fois dénoncées par des institutions internationales
et belges. On mentionnera tout particulièrement le rapport de la Fédération Internationale des Droits de
l’Homme (1999), titré “Les centres fermés: l’arrière-cour de la démocratie”, qui a décrit avec précision
l’arbitraire administratif et la “torture psychologique” qui y règnent, ainsi que les sévices physiques qui y
sont parfois commis. Plus timide mais institutionelllement incontournable, le rappport du Comité de
Prévention de la Torture et des Traitements Dégradants (Conseil de l’Europe) n’a pas été suivi non plus.
Aucun de ces rapports n’a été suivi d’effet autre que le renforcement de la surveillance, car il est évident
que seuls les contacts avec les détenus permettent de connaître ces situations. Le rapport 2000 d’Amnesty
International pour la Belgique porte presque exclusivement sur les centres fermés et les expulsions.
Plusieurs cas de violence grave y sont relevés, sans jamais que les auteurs des faits n’aient été poursuivis
(les assassins de Semira seront probablement jugés dans quelques semaines, mais les tortionnaires
d’autres détenus ne sont même pas identifiés). L’impunité est renforcée par le fait que les gardiens se font
appeler par des prénoms voire des pseudonymes (ainsi un gardien connu pour le harcèlement sexuel se
fait appeler “Bambino”).
Les aumôniers religieux qui sont autorisés à assister spirituellement les détenus sont tenus au silence par
la loi: l’Arrêté Royal de 1999 leur interdit de révéler ce à quoi ils ont assisté ou ce qu’ils ont entendu, et
cette interdiction est valable même lorsqu’ils ne sont plus en fonction. Des représentants de toutes les
religions ont protesté contre cette grave atteinte à la liberté d’expression (qui revient pratiquement à de la
non-assistance à personnes en danger) mais la loi demeure en l’état.
La durée légale de la détention est fixée à un maximum de 5 mois, mais dans la pratique ce délai est
fréquemment dépassé, parfois jusqu’à près d’un an.
La fonction officielle des centres fermés est d’être l’antichambre de la déportation. Mais dans la pratique, et
selon les documents officiels, environ la moitié des détenus sont libérés sur le territoire belge. Ces
libérations sont toujours administratives et non judiciaires. Les personnes libérées reçoivent un “Ordre de
Quitter le Territoire” dans un délai de 5, 30 ou 60 jours, selon l’arbitraire de l’administration. Ce document
leur interdit non seulement le séjour en Belgique mais aussi dans tous les pays de l’espace Schengen. Dans
la plupart des cas, les personnes concernées restent en Belgique ou se rendent dans un des pays qui leurs
sont interdits. Ils sont donc condamnés par l’État à la clandestinité et sont la proie des filières du travail
clandestin et de la prostitution. Ces filières s’organisent d’ailleurs pour recruter, principalement des femmes,
dans les centres fermés eux-mêmes, et ce par le biais notamment d’avocats connus pour leurs liens avec
les réseaux de proxénétisme. Dans cette situation, le centre fermé transforme des demandeurs d’asile en
clandestins, et les personnes sont renvoyées d’un enfer à l’autre.
Sur le plan politique, seuls deux partis représentés au Parlement ont revendiqué la suppression de ces
centres: Écolo et Agalev (partis verts, respectivement francophone et flamand). Actuellement membres de la
coalition gouvernementale, ils ont tous les deux accepté le maintien de ce système. En ce qui concerne
Écolo, la question a été au coeur des débats puisque plus de 40% des membres de ce parti ont voté contre
la participation au gouvernement en 1999, dans le cadre d’un débat où le problème de l’enfermement des
sans-papiers a été largement évoqué par les opposants. Chez Agalev, le débat n’a pas eu lieu. La ministre
écologiste flamande Mieke Vogels compte dans son cabinet un ancien directeur de centre fermé. Du côté
socialiste, plusieurs députés PS (francophones) se sont récemment mais officiellement opposés au maintien
de ce régime et annoncent , en commun avec les verts, un projet de loi visant à supprimer les centres
fermés. Rien de tel cependant au SP (flamand), dont plusieurs dirigeants ont joué un rôle central, en tant
que ministres de l’intérieur, dans l’instauration en Belgique d’une politique d’expulsion musclée. Les autres
familles politiques (libéraux, démocrates-chrétiens et fascistes) sont favorables à la politique d’expulsion,
malgré quelques réserves individuelles de la part de certains responsables démocrates-chrétiens.
Autrement dit: la situation est totalement verrouillée. Seule des pratiques de désobéissance civile
permettent de soutenir la résistance des détenus et de faire entendre leurs voix.
Daniel Liebmann
Collectif de Résistance aux Centres Fermés et aux Expulsions
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Notes
(1) Source: Budget général des dépenses pour l’année 2000, cité par Estelle FRIEDMANN, Les coûts privés et
publics de l’expulsion d’étrangers de Belgique, mémoire présenté à l’École de Commerce Solvay, Université
Libre de Bruxelles, 2000, p.78. Les chiffres mentionnés sont officiels et fortement sous-évalués. Les chiffres
réels ne sont pas disponibles, car les données qui permettraient de les calculer sont secrètes.
(2) Source: Amnesty International
(3) Tout dans cette expulsion violente est illégal. Saron Berhne est une mineure d’âge mais elle a subi
plusieurs mois d’enfermement au centre fermé de Bruges, avec des tentatives régulières pour l’expulser.
Elle est de nationalité éthiopienne mais d’origine érythréenne, et fuyait son pays où elle et sa famille sont
en butte à une épuration ethnique. Sa demande d’asile a cependant été jugée “manifestement irrecevable”,
car la Belgique a décidé unilatéralement que les discriminations ethniques ne sont plus un motif d’asile
valable.
(4) Le Collectif de Résistance aux Centres Fermés et aux Expulsions noue des liens avec des détenus de
centres fermés: c’est à travers ces contacts que sont recueillis des témoignages directs ou indirects. Ces
témoignages constituent un “échantillon” dont il n’est pas possible d’évaluer la représentativité. Une chose
est certaine: dans la plupart des cas, personne n’est au courant de rien.