arch/ive/ief (2000 - 2005)

Quelques réflexions quant aux propositions du Ministre des finances Reynders
by Daniel Spoel Friday September 08, 2000 at 12:18 PM
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Didier Reynders s'inscrit véritablement dans le cadre des mesures très libérales proposées par les différents gouvernements européens (allemands, hollandais, français, etc..., la Grande Bretagne a déjà pris une avance en la matière). ......

1- Ne plus taxer aussi fort les gros revenus
Didier Reynders s’inscrit véritablement dans le cadre des mesures très libérales proposées par les différents gouvernements européens (allemands, hollandais, français, etc..., la Grande Bretagne a déjà pris une avance en la matière). C’est à croire qu’il y a eu coordination au sein du Conseil ECOFIN (Economique et financier). Tous prévoient une diminution du taux d’imposition maximum, en Belgique il s’agit de passer à 50%.

2- Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres
Il paraît que c’est une “loi naturelle”. Les économistes connaissent depuis la fin du siècle dernier la loi de Pareto qui dit que quelle que soit l’économie d’un pays, le nombre de personnes N qui détiennent une richesse W est proportionnel à 1/WE, où l’exposant E est toujours compris entre 2 et 3. Pratiquement cela signifie qu’il y a concentration de richesses dans les mais d’un petit nombre. Aux Etats-Unis, par exemple, 20% des personnes détiennent 80% des richesses, ce qui n’a pas empêché la Chambre des Représentants américains d’introduire un projet de loi exonérant des riches de droits de succession. Plus le système économique est équitable (parfait disent les économistes, c’est-à-dire, mêmes possibilités d’accès à l’information, aux marchés des capitaux, du travail, etc...) plus l’exposant est proche de 3, ce qui aurait pour conséquence que 20% des plus riches ne détiendraient que 55% des richesses. Ce serait mieux que la situation aux E-U, la perfection n’existe pas. Pas plus que l’équité entre personnes dans un même pays, ni celle entre un pays et un autre pays. En cas de dictature, d’inégalité d’accès aux “marchés” (capitaux, emploi, santé, information, réglementations protectionnistes, etc...) L’exposant se rapproche de 2, augmentant la proportion des richesses détenues par la plus petite proportion des personnes.

Plus récemment, des chercheurs français (Bouchaud et Mézard) ont confirmé par une voie très différente (analogie entre les comportements économiques et les polymères) la loi de Pareto. Cela semble plaider pour une économie plus ouverte, d’aucun osent dire plus mondialisée.
Le problème est que tant la loi de Pareto que le modèle des deux chercheurs français se basent sur des hypothèses que l’on ne rencontre jamais : la perfection des marchés (accès aux capitaux, à l’emploi, à la santé, à la connaissance, à l’information, réglementations protectionnistes, etc...) pour Pareto, distribution aléatoire (au hasard) pour les deux français. Tout cela serait vrai dans le meilleur des mondes, mais ne l’est pas dans celui dans lequel nous vivons.

3- Seul l’Etat peu redresser la situation ou introduire de l’éthique dans un monde imparfait
Pour rétablir la situation l’Etat peut utiliser la progressivité de l’impôt sur les revenus, encore faut-il que tous les revenus soient traités de la même manière : les revenus du travail, les revenus immobiliers, les revenus mobiliers, soit l’assiette totale des revenus.
Seul l’Etat peut aussi redistribuer le patrimoine en taxant les droit de succession d’une manière progressive.
Seul l’Etat peut encore veiller à introduire de l’éthique, à garantir les libertés positives (capabilité d’agir) et négatives (entraves aux actions) comme l’a défendu Amartya Sen (Prix Nobel d’économie), qui a aussi montré que l’exercice de liberté dans son intégralité est en conflit avec la conception utilitariste qui est une des hypothèses implicites de Pareto.
Seul l’Etat peut promouvoir l’égalité des chances d’accès à la connaissance (éducation et formation continue), l’information, la santé, etc...
Seul l’Etat peut rectifier certaines distorsions graves telles que le surendettement, conséquence d’une inégalité d’accès aux capitaux.
Ce ne sont que quelques exemple de l’importance du rôle de l’Etat.
4- Seul un Supra-Etat peut jouer le rôle de l’Etat au niveau international, entre pays riches et pays pauvres
Il n’est pas difficile de comprendre que les institutions internationales pourraient ou mieux, devraient jouer le même rôle que l’Etat nation au niveau international.
Chacun peut faire le parallèle et donc imaginer comment assurer la progressivité de l’impôt, la redistribution du patrimoine, la garanties des libertés positives et négatives, l’égalité des chances d’accès à la connaissance (éducation et formation continue), l’information, la santé, etc..., l’annulation de la dette.

5- Conclusion
Didier Reynders connaît vraisemblablement tous ces mécanismes, mais il se garde bien de dévoiler les hypothèses qui motivent ses propositions. Agit-il en bon démagogue, faisant prendre des vessies pour des lanternes, en favorisant ceux qui bénéficient déjà de la "loi naturelle" de l'économie prétendument parfaite et agit-il en bon opportuniste avant des élections communales en promettant un bonheur illusoire qui n'a fait l'objet d'aucune négociation, à moins que ce soit cela l'Etat social actif ?

On peut s’étonner des réactions relativement timides de certains partis politiques et milieux socio-économiques. Le citoyen mérite d’entendre une plus forte contestation et d’avoir plus d’explication à propos des conséquences des propositions du ministre.