arch/ive/ief (2000 - 2005)

Fehriye Erdal et les sans-papiers
by Raf Custers Wednesday August 30, 2000 at 10:35 PM
raf.custers@euronet.be

Un communiqué envoyé par un Comité de Vigilance de Charleroi.

Communiqué de presse

Sans-papiers / demandeurs d'asile
Fehriye Erdal et les 40.000 autres...

Cela se passe depuis des mois près de chez vous...

Fehriye Erdal

Depuis quelques jours, la presse nationale et internationale (re)parle abondemment du cas de cette jeune fille de 23 ans - opposante politique au régime turc - qui essaie désespéremment d'obtenir le statut de réfugiée politique en Belgique. Toutes les conditions sont remplies: le 15 juin
2000, le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides a rendu un avis favorable. Le gouvernement et le ministre de l'Intérieur Duquesne s'y opposent.
45 jours de grève de la faim et l'indignation des associations démocratiques de ce pays et dans le monde ne les ont pas encore fait changer d'avis. Pourtant, comme le souligne le Commissariat, "sa vie est menacée en cas de retour en Turquie ou dans un pays tiers".

Nous demandons donc pour elle:
- sa libération immédiate (fin d'assignation à résidence);
- le bénéfice de la présomption d'innocence;
- l'octroi du statut de réfugiée politique, selon la Convention de Genève.

Tout cela lui est refusé en raison des amitiés économico-politiques belgo-turques et en dépit d'un rapport accablant produit par Amnesty International en 1999, celui-ci mettant en évidence le non-respect des droits de l'homme, tortures, assassinats, "disparitions", etc.
Rien n'y fait. Le gouvernement se tâte. Il doit choisir entre ses intérêts économiques et les droits de l'homme. C'est dur pour lui d'avoir une conscience.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les collaborateurs ont été déchus de leurs droits civils et politiques. En temps de paix - mais de guerre économique "propre" -, ceux qui ferment les yeux sur le fascisme ordinaire en Turquie appliquent chez nous une partie du programme du Vlaams Blok.
On prétend que la Belgique est envahie et qu'elle ne peut accueillir "toute la misère du monde" mais on fait l'impasse sur la question essentielle, à savoir qui crée, entretient et profite de cette misère politique et économique dans le monde.
Ce n'est pas cette jeune fille qui trouble l'ordre public. C'est l'ordre public qui est trouble et opportuniste.

Les sans-papiers

Voilà 40.000 personnes, dont 13.000 enfants, qui, après un an d'occupation d'églises et de Maisons de la Laïcité et de grèves de la faim, ont été séduits par le gouvernement belge et ont cru en nos principes démocratiques et en la régularisation. Ils sont sortis de la clandestinité. Neuf mois après avoir accordé cette confiance en se faisant connaître, la plupart d'entre eux ont perdu leur travail (les employeurs en noir ont pris peur).
Néanmoins, aucune aide n'a été prévue pour eux. Depuis neuf mois, c'est l'enfer. Les CPAS, avec raison, reprochent à l'Etat fédéral de ne rien avoir prévu. En attendant, ces hommes, femmes et enfants, endurent un calvaire dans un vaste camp de concentration à ciel ouvert. Pour eux, c'est
la mendicité, la rue, l'absence de réponse à leurs besoins élémentaires, tels que se nourrir, se chauffer, avoir un toit...
Hier, lundi, confrontés à un sans-papier sans-abri, nous avons testé les limites du système. Après trois heures de démarches téléphoniques effectuées par trois intermédiaires sociaux auprès de tous les services censés l'aider, il se retrouvait à 21 h, toujours sans logement, sans un franc en poche et sans nourriture dans le ventre. (Par chance, il vivait seul). L'associatif ne peut remédier à tout. La solution relève du politique.

Vu cette situation indigne d'un pays civilisé qui se revendique des droits de l'homme, nous demandons en urgence au gouvernement que soit mis fin à ces hypocrisies, en procédant à:
- une régularisation immédiate de tous les sans-papiers ayant introduit un dossier;
- en attendant cette décision politique, la création d'un fonds de solidarité fédérale, remboursant au CPAS l'aide sociale afin que les sans-papiers mènent une vie conforme à la dignité humaine (voir article 1 de la loi organique des CPAS).

Nous terminons par une réfléxion qui s'adresse à toutes les personnes et associations soucieuses de l'application concrète des droits de l'homme et de l'éducation permanente dans notre pays et qui ne souhaitent pas s'en remettre à d'autres, pour exercer leur sens critique.
Notre gouvernement s'est indigné à juste titre de la montée de l'extrême droite en Autriche et de sa participation au gouvernement autrichien. Chez nous, malheureusement, ce sont ceux, au gouvernement, qui pratiquent la politique de l'autruche... ou pour être plus exact, la politique de
l'Autriche, qui ne sont pas sanctionnés.

Cet appel est la traduction fidèle de ce que nous constatons comme limite entre le discours généreux et les pratiques restrictives.
Nous refusons de nous taire parce qu'alors nous serions complices.

Pour le Comité de Vigilance, le groupe porteur,

Pasquale Colicchio, FGTB
Rudy Peres, MOC
Pierre Lefèvre, CAL
Myriam De Ly, Frontières Ouvertes

Pour info: LDH (Charleroi et Bruxelles), la Coördination éphémère des sans-papiers de Bruxelles, la FGTB-national, l'Interrégionale wallonne de la FGTB, au MOC-CSC régional et national, aux associations du Comité de Vigilance, au centre culturel de Charleroi, au Centre d'Egalité des Chances, au ministre de l'Intérieur Duquesne, au Premier ministre, à Arthur Haulot, résistant d'hier, à Fehriye Erdal, résistante d'aujourd'hui.

NB: Ce 28 août, Fehriye Erdal a envoyé à la presse et à l'opinion publique des remerciements à tous ceux qui, dans le monde et en particulier en Belgique, se sont impliqués pour qu'elle soit entendue par le gouvernement belge. Ce document est repris ici en annexe. Il est également disponible à la Maison de la Laïcité, rue de France 31, à 6000 Charleroi ou à l'adresse e-mail suivante: fehriye@mail.com