Procès des 13 de Clabecq: Le Tribunal de Nivelles (Belgique) se déclare incompét by Jean Pestieau Tuesday July 11, 2000 at 07:04 PM |
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Le procès des 13 de Clabecq a commencé à la mi-novembre 1998. Toute la bourgeoisie, les dirigeants sociaux-démocrates y compris, avait décidé de donner une punition exemplaire aux dirigeants syndicaux des Forges de Clabecq qui avaient été capables d'unir les travailleurs des Forges et de la Belgique entière pour forcer la réouverture d'une usine que patrons et gouvernements avaient décidé de fermer
<DIV><FONT size=3></FONT>Ce mardi 11 juillet, à 14 heures, le tribunal de
Nivelles, devant lequel cette affaire était traitée, s'est déclaré incompétent.
Il a en effet estimé que le Parquet (le Procureur du Roi) avait forcé
l'ouverture du procès sans avoir permis une instruction préalable à charge et à
décharge, menée normalement par un Juge d'Instruction dûment nommé à cet effet.
Les droits de la défense (les 13 de Clabecq) étaient donc bafoués. Les
poursuites contre les 13 sont donc abandonnées. Mais il est très vraisemblable
que le Parquet, représentant les intérêts de la bourgeoisie et de la
gendarmerie, fera appel dans les 25 jours pour l'ouverture d'un nouveau
procès.</DIV>
<DIV> </DIV>
<DIV><FONT size=3>La salle du tribunal, bourrée de travailleurs, belges et
immigrés, néerlandophones et francophones, s'est transformée en une immense
clameur de joie et de fraternité: " Tous ensemble, oui, oui, oui,...",
"Réintégration des délégués". Un meeting s'est tenu immédiatement dans les murs
du Tribunal. </FONT></DIV>
<DIV><FONT size=3></FONT> </DIV>
<DIV><FONT size=3>Roberto D'Orazio, le leader syndical de Clabecq, a
immédiatement tiré les leçons du procès en insistant sur le fait que la lutte de
Clabecq montre que le mouvement ouvrier doit oser lutter, oser vaincre. Il a
continué en appelant à la mobilisation immédiate pour empêcher toutes les
nouvelles fermetures d'entreprises. Une fête de mobilisation se tiendra début
septembre 2000.</FONT></DIV>
<DIV><FONT size=3> </FONT></DIV>
<DIV><FONT size=3>Roberto Mara, autre leader syndical de Clabecq, a mis l'accent
sur le travail opiniâtre, patient et politique que les délégués syndiqués
doivent mener pour obtenir des résultats comme ceux de Clabecq: "Quand le patron
parvient à diviser les ouvriers, il gagne. Quand les délégués parviennent à unir
les ouvriers, ceux-ci gagnent". </FONT></DIV>
<DIV><FONT size=3></FONT> </DIV>
<DIV><FONT size=3>Les différents avocats de la défense ont mis en relief ce
qu'était la justice de classe. Ils ont insisté sur le fait que c'est d'abord par
la mobilisation ouvrière que cette première victoire a été obtenue. La force de
l'argumentation juridique est motivée, soutenue et amplifiée par cette
mobilisation.</FONT></DIV>
<DIV><FONT size=3></FONT> </DIV>
<DIV>Le meeting s'est terminé par la chanson de Lorent Wanson entonnée par 150
voix:</DIV>
<DIV><EM><STRONG>"Ceux de Clabecq apprennent aux ouvriers</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>La fierté de dire NON </STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>Aux lois du marché,</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>A l'Europe du pogne,</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>Al'Europe des nantis,</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>Mais à l'Europe des hommes</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG>Ceux de Clabecq disent OUI"</STRONG></EM></DIV>
<DIV><EM><STRONG></STRONG></EM> </DIV>
<DIV> </DIV>
<DIV><FONT color=#000000 size=2>Jean Pestieau</FONT></DIV>
<DIV><FONT color=#000000 size=2></FONT><FONT size=2>Relations internationales du
PTB</FONT></DIV>
Le tribunal se déclare incompétent by Jean Pestieau Wednesday July 12, 2000 at 01:00 PM |
pestieau@fyma.ucl.ac.be |
Victoire pour les treize travailleurs des Forges de Clabecq poursuivis en Justice : au terme du jugement rendu ce 11 juillet, le tribunal correctionnel de Nivelles s'est déclaré incompétent. Il a donc retenu l'argumentation des avocats de D'Orazio qui, depuis le début du procès en novembre 1998, estiment que celui-ci est irrégulier et inéquitable.
A cet égard, le jugement administre une claque au parquet, qui a empêché que l'affaire soit au préalable confiée à un juge d'instruction, l'enquête ayant été confiée à la gendarmerie alors que celle-ci s'est constituée partie civile. Les prévenus, a constaté le tribunal, n'ont donc pas non plus pu comparaître devant la chambre du conseil, où ils auraient pu faire valoir leurs arguments.
Pour court-circuiter le juge d'instruction et la chambre du conseil, le procureur a fait valoir les circonstances atténuantes (permettant de correctionnaliser les crimes et d'éviter ainsi ces instances). Mais, a encore relevé le tribunal, les circonstances atténuantes doivent servir une bonne justice et non une justice incomplète.
Le tribunal se déclarant incompétent, le procès est dès lors terminé en première instance. Le procureur a 25 jours pour interjeter appel. Les parties civiles peuvent également aller en appel.
D'Orazio : «On va faire la fête»
La lecture du jugement terminée, il a fallu quelques secondes pour que le public réagisse. Il a alors applaudi à tout rompre avant de reprendre le slogan des luttes Renault et Clabecq de 1997 : «Tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais, ouais.» Les quelque deux cents sympathisants présents ont pris place dans la salle des pas perdus du palais de Justice de Nivelles, où prévenus et avocats ont improvisé un meeting.
Fidèle à son humour, Roberto D'Orazio s'est d'abord inquiété du sort de ceux qui le soutiennent depuis plus d'un an et demi : «A quoi allez-vous vous mobilisez maintenant?» Pour leur confier ensuite que «ce n'aurait pas été possible d'affronter ce procès sans vous. Dès le départ, le parquet ne nous a pas permis de passer par les étapes qui auraient empêché que nous nous retrouvions devant le tribunal. Si l'appareil de justice a pu nous traîner devant le tribunal, c'est aussi parcequ'il y a eu un manquement grave dans le syndicat. En nous éjectant, la direction syndicale a ouvert la porte aux poursuites. Et même si elle a parlé de ‘mascarade' à propos de ce procès, elle n'a pas réellement mobilisé pour son arrêt.»
D'Orazio a rappelé que la majorité des délégués des Forges de Clabecq, exclus de l'usine, sont toujours sans emploi. L'ancien président de la délégation FGTB des Forges n'a jamais été inquiété par des forces politiques comme le PRL mais bien «par les partis qui jouent dans les deux camps, comme le PS. Et qui dit FGTB dit PS. La FGTB a signé la convention avec Duferco malgré l'épuration syndicale.» Reprenant le ton de la plaisanterie, il a constaté : «Heureusement que nous n'avons pas été repris, sinon il n'y aurait pas de place à Clabecq pour les travailleurs venus de Boël et de Bombardier.»
«Il faut encore voir quelle suite donnera le parquet, mais il ne manquerait plus que cela qu'on ne fasse pas la fête», a conclu D'Orazio. Celle-ci se tiendra le premier ou le second samedi de septembre.
Marra : «Nous avons gagné le combat syndical, politique et judiciaire»
Silvio Marra, après D'Orazio second accusé par le nombre de préventions qui pesaient sur lui, a rappelé les différentes étapes du conflit Clabecq.
Première étape : la mobilisation des travailleurs contre la fermeture durant 25 ans. Cette mobilisation a fait que quand les mondes politique et patronal ont tenté de fermer l'usine, «ils ont trouvé une forteresse. Car nous avons mobilisé la classe ouvrière. Nous avons créé l'esprit de Clabecq : être adulte et ne pas se soumettre aux chiens qui aboient.»
Deuxième étape : un an de lutte active contre la fermeture après la faillite. «Nous avons pris toutes les mesures pour que l'usine ne s'autodétruise pas alors que la direction était partie en laissant les portes ouvertes, espérant que nous allions piller nous-mêmes les Forges.»
Troisième étape : la remise en route des Forges en juin 1997. A ce moment, constate Marra, «le personnel a décrété la fin du conflit, via référendum. Mais nos adversaires ont continué. Région wallonne, curatelle et gendarmerie se sont constituées parties civiles.»
Quatrième étape : le conflit judiciaire qui, sauf appel, se termine mois pour mois trois ans après la relance de l'usine. «Nous avons gagné le combat syndical, politique et judiciaire», conclut Marra.
Fermon : «Le parquet a violé toutes les règles»
Pour l'avocat Jan Fermon également, la victoire du 11 juillet est due à la mobilisation. «Ce n'est pas avec de belles phrases qu'on gagne en Justice. Le caractère inéquitable, injuste du procès est reconnu aujourd'hui également parce que le tribunal a vu que les amis de Clabecq ne sont pas seuls. Le tribunal s'est déclaré incompétent. Le plus important est qu'il dénonce le parquet qui n'a pas saisi un juge d'instruction. Par ce jugement, le tribunal reconnaît ce que nous avons dit depuis le début : ce procès n'est pas normal, il est la continuation du conflit, il vise à criminaliser une lutte. Et pour ce faire, le parquet a dû transgresser les règles d'un procès normal. Le parquet voulait faire un précédent en appliquant l'article 66§4 du code pénal, qui permet de poursuivre quelqu'un non pour ce qu'il a fait mais pour avoir dirigé une lutte. Après cela, plus aucun délégué n'aurait osé prendre la parole de manière dure et franche. Pour pouvoir faire cela, le parquet a violé toutes les règles. Le procès s'adapte à son contenu, un contenu de 1886. C'est ça qui est par terre aujourd'hui.»