arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le Grain de Sable
by attac Monday, Jun. 05, 2000 at 9:32 PM

COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°139) Mardi 02/06/00

 

Dans ce numéro. En bref...

1- ATAC contre ATTAC.

Quand un supermarché attaque une association citoyenne pour une question d’homophonie on se pose quelques questions. Pour un supermarché ici, en France, le problème se pose, en Tunisie c’est le gouvernement qui s’y oppose. et pourquoi pas bientôt en Italie ou la compagnie de bus de Rome se nomme ATAC. Je vous défie cependant de trouver « éducation, formation, édition de livres, films, organisation de colloques et conférences » au supermarché du coin. Et pourtant nous nous servirions indûment de la réputation d’ATAC dans ce domaine.

2- L’appel Mattei.

L’opinion personnelle de Jean Pierre Berlan sur l’appel demandant un moratoire concernant la brevetabilité du vivant. Fausses affirmations pour un vrai problème ?

3- Brèves d’OMC .

Quelques nouvelles du monde du commerce international.

4- Forum du millénaire.

A New York vient de se tenir un forum réunissant 13OO ONG environ qui ont travaillé à une série de recommandations aux gouvernements qui se réuniront en septembre à l’ONU.

5- Briser des tabous.

Apprendre des pauvres et non apprendre aux pauvres. Tel est en deux

mots le message de Simon Tiendrebéogo

6- Vous avez rendez-vous avec ATTAC

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1- ATAC contre ATTAC

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ACTION URGENTE

Chères amies, chers amis,

La multinationale de la grande distribution International Supermarket Stores, propriétaire, entre autres, de l’enseigne ATAC (avec un seul T) s’est opposée au dépôt de la marque ATTAC (avec 2 T, c’est nous) à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), au motif que les deux sigles "seraient phonétiquement identiques et visuellement si proches qu’ils laissent une impression d’identité".

Parmi les centaines de domaines "protégés" par ATAC, et qui vont des couches culottes au dressage d’animaux, en passant par les fouets, l’amiante et le mica, figurent notamment "éducation, formation, activités sportives et culturelles, édition de livres, de revues, production de spectacles, de films, organisation et conduite de colloques, conférences, congrès, organisation d’expositions à buts culturels et éducatifs, recherche scientifique et industrielle, etc.".

Les clients des supermarchés ATAC seront sans doute surpris de cette vocation culturelle, éducative et scientifique dont ils n’ont jamais vu la moindre concrétisation !

La direction de l’INPI ayant donné suite à l’opposition à l’enregistrement de notre marque ATTAC dans ces domaines, notre association a fait appel et le procès vient devant la 4ème chambre de la Cour d’appel de Paris le 13 juin.

L’enjeu est considérable. Si ATAC obtient satisfaction devant la Cour, nous risquons non seulement de ne plus pouvoir utiliser notre sigle pour nos publications, colloques, expos, films, mais ensuite de faire l’objet d’une interdiction d’utiliser le sigle tout court et donc de devoir changer le nom de notre association.

Les méthodes de pression et de chantage de la grande distribution sur les producteurs, et ses pratiques sociales rétrogrades ont conduit le gouvernement à lui imposer un minimum de contraintes dans son récent projet loi sur les nouvelles régulations économiques. Voila maintenant qu’un de ses fleurons s’en prend à ATTAC sous des prétextes fallacieux, car on ne voit pas bien qui pourrait confondre un supermarché avec une association luttant contre l’hégémonie de la sphère financière ! Nous avons plutôt le sentiment que c’est ATTAC qui, indirectement, fait de la publicité à ATAC, notre sigle étant fréquemment cité dans la presse et l’audiovisuel...

Il faut donc faire impérativement faire comprendre à ATAC que nous ne nous laisserons pas dépouiller de ce sigle maintenant mondialement connu. C’est le message que les comités doivent faire remonter à la direction de cette chaîne. A cette fin, une visite urgente à TOUS les supermarchés ATAC de votre environnement immédiat serait fort utile. Il conviendrait d’en rencontrer le (ou la) responsable, de lui indiquer que les consommateurs que nous sommes, et tous ceux que nous ne manquerons pas de mobiliser, ne resterons pas inertes face à la prétention de nous "effacer" du paysage civique, et qu’il (ou elle) doit en informer sa hiérarchie dans les meilleurs délais. Ces actions locales démultipliées - dont nous vous demandons d’envoyer aussitôt un bref compte-rendu au siège - seront évidemment relayées par une initiative nationale.

Il nous reste peu de temps pour agir !

Bien amicalement.

Bernard Cassen, président d’ATTAC

attac@attac.org

PS - Rapidement : voici la liste de supermarchés ATAC http://www.ela-asso.com/Coeur/Distributeurs/pAtac.html . Plus d’ informations bientôt mais vous pouvez déjà les contacter par lettre ou fax, mieux vous y rendre (cf. supra)

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2- L’appel Mattei

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J’ai les plus grandes réserves vis-à-vis de l’appel Mattei (1). Je ne le signerai pas bien que je lui reconnaisse la vertu d’exister et de troubler le train-train gouvernemental qui nous acheminait tranquillement vers la confiscation du vivant en agriculture et celle de notre santé. C’est bien la seule. Il ne peut être qu’un point de départ pour élargir la bataille. Mais même sous cet angle, j’ai peur qu’il ne fausse le débat et ne soit une nouvelle mystification. C’est ce qui explique qu’il rencontre un tel accueil institutionnel et médiatique.

Dans le Monde du vendredi 26 mai, je lis : "Nous réunissons ici, dit M. Mattei, des gens qui sont certes d’horizon très différents mais qui ont en commun une même conception de l’homme et de l’humanisme. Tous considèrent que l’homme, y compris dans sa plus petite partie qu’est le gène, ne saurait faire l’objet de commerce, que ce commerce soit direct ou indirect". Parmi eux MM Varaut et Testard.

Outre qu’en ce qui me concerne, je ne désire pas signer un texte avec M. Varaut avec qui je n’ai aucun point en commun (sauf sans doute les mêmes gènes), cet humanisme me paraît bien suspect. Tous les jours, nous faisons "commerce de l’homme", "directement ou indirectement", par petit morceau et en entier. Directement lorsque je fais venir mon plombier et que je paye sa force de travail en fonction de l’évaluation du "marché". Et s’il est trop cher, je fais commerce de quelqu’un d’autre. Indirectement lorsque j’achète au supermarché des chaussures fabriquées en Thaïlande, des textiles fabriqués en Chine, ce qui fait que j’achète une journée de travail de chinois ou de thaïlandais pour quelques minutes de mon propre temps. Certes par rapport à l’esclavage, le salariat bourgeois paraît comme une liberté, tout simplement parce que nous ne savons pas le regarder pour ce qu’il est : un commerce de chair humaine. A Singapour, on jette cette chair quand au bout de quelques années sur les chaînes de montage électronique les jeunes femmes sont aveugles. Elle n’ont qu’à alors poursuivre leur carrière de chair humaine comme prostituées. Et sans aller chercher si loin, il n’y a qu’à regarder ce qui se passe dans les usines automobiles "modernes" où la limite physiologique de l’exploitation est atteinte, avec près de 55 secondes de travail effectif (d’exploitation) par minute avec maladies, suicide, dépression à la clef.

L’humanisme qui inspire ce texte est le plus petit dénominateur commun de MM Testard à Varaut (!). J’espère pour M Testard, la Confédération paysanne et les nombreux organismes qui l’ont signé, que ce plus petit dénominateur est égal à 1. (en ce qui me concerne, il serait, si cela était possible, zéro). On comprend bien que J-Y Nau, auteur de l’article consacré à cet appel et ancien adjoint de M Garetta (un grand humaniste), s’y sente comme un poisson dans l’eau.

Venons en maintenant au fond : à l’absurdité de la notion de gènes "humains". Déjà, MM Blair et Clinton nous avaient fait le coup. Absurdité biologique et mystificatrice, qui ne constituera à aucun moment le moindre embarras pour les transnationales.

Le complexe génético-industriel et ses juristes fera observer (à juste titre - au moins, eux, savent de quoi ils parlent!) que la plupart de nos gènes sont communs avec les autres mammifères et les autres espèces vivantes. Nous partageons, observeront-ils, 99 % de nos gènes avec les chimpanzés et il est possible, sinon probable, que le 1 % restant se retrouve dans d’autres espèces. Certes, ajouteront-ils, nous partageons votre souci humaniste et nous mêmes, notre plus grand désir est de délivrer l’Homme des malheurs de la faim et de la maladie. Oui, l’Ethique exige de ne pas breveter les gènes proprement « humains ». Par exemple, les gènes de la liberté, de la conscience, de la capacité de distinguer le bien du mal. Mais vous pensez bien, que face au défi de la maladie, vous ne pouvez nous empêcher de breveter des gènes de chimpanzés ou de rats quand bien même ils se trouvent aussi chez l’Homme. Et puis, réfléchissez. Peut-être serait-il souhaitable finalement de breveter ces "gènes humains" pour que nous puissions les soigner. Ne nous posent-ils pas des souffrances morales insoutenables ? Pensez à l’angoisse d’un Papon que les trains n’arrivent pas à l’heure avec leur chargement; celle d’un Desmaret, pris dans le dilemme moral de rémunérer ses actionnaires et de polluer la Bretagne etc.

Ne doutons pas que dans un avenir proche quelque crétin biomoléculaire annoncera la découverte de ces gènes "humains" comme ses collègues ont déjà annoncé celle des gènes de l’obésité, de l’intelligence, du sport, de la fidélité, de la schizophrénie, du cancer, etc.

En réalité, la notion de gène humain est typique de la fallace réductionniste du « tout génétique » et du fétichisme bien contemporain du gène. Elle est bien proche de la vision d’un Richard Dawkins, pour qui nous sommes la créature de nos gènes « qui nous ont créé, corps et âme ». Au moins lui est franc.

Non, notre humanité n’est pas plus dans les gènes que notre personnalité dans les protubérances crâniennes de la phrénologie, cette discipline scientifique de pointe qui était au début XIXe siècle ce que la génétique est en cette fin du 20ème. Nous ne sommes décidément pas sortis de la préhistoire scientifique. Ce n’est donc pas pour des raisons "éthiques" ou humanistes, modelables au gré des circonstances, qu’il faut refuser toute brevetabilité du vivant.

Mais pour des raisons politiques. Parce que tout privilège est intolérable et s’exerce à l’encontre de l’humanité. Parce que c’est une absurdité. Parce qu’il faut arrêter la violence des marchés contre nos droits collectifs et ceux de l’humanité. Parce que tout simplement, le brevet du vivant confisque un espace de liberté.

Men at some time are masters of their fate :

The fault, dear Brutus, is not in our stars,

But in ourselves, that we are underlings.

Jules Cesar,Acte I, scène 2.

Jean-Pierre Berlan

Directeur de recherches, INRA/CTESI

Web : http://perso.wanadoo.fr/jpe.berlan/

 

(1) L’appel de Mattei demande un moratoire sur la 98/44/CE

STRASBOURG, 04.05.2000 - La Commission de la Science et de la Technologie de l’Assemblée parlementaire a décidé aujourd’hui de faire sien l’appel contre la brevetabilité des gènes humains, lancé le 6 avril dernier sur internet (*) par deux médecins, membres de l’Assemblée du CONSEIL DE L’EUROPE, Jean-François MATTEI (France, LDR) et Wolfgang WODARG (Allemagne, SOC).

La Commission a également décidé d’organiser une réunion extraordinaire de 4 Commissions (**) au cours de la prochaine session de l’Assemblée (Strasbourg, 26 au 30 juin prochain) afin de demander un moratoire immédiat sur l’application de la Directive européenne 98/44/CE du 6 juillet 1998 et la suspension de toute attribution de brevets sur le génome.

"Le corps humain, y compris ses gènes, n’est pas une marchandise" ont-ils déclaré.

Cette action pourrait se concrétiser par un amendement au rapport de M. Mattei sur les biotechnologies, inscrit à l’ordre du jour de cette session.

(*) www.respublica.fr/sos.humangenome/index1.htm

(**) La Commission de la Science et de la Technologie, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille et la Commission de l’agriculture.

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3- Brèves d’OMC

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Un brevet US révoqué par l’Office européen des Brevets

Ce brevet accordé au Ministère de l’Agriculture US ainsi qu’à la société US WR Grace visait un procédé d’extraction d’huile d’un arbre indien pour servir d’insecticide. Les opposants qui avaient fait objection à ce dépôt datant de 95 (le parti Vert européen, une Fondation de recherche indienne et la Fédération Internationale pour une Agriculture organique) ont fait remarquer que ce procédé était connu aux Indes depuis plus de 2.000 ans et que ce brevet n’était que de la "bio-piraterie". L’OEB a justifié la révocation sur la base du manque de nouveauté.

OGM :

Les premiers contrats à terme dans le monde de graines de soja non génétiquement modifiées sont traités à la Bourse des Valeurs de Tokyo depuis le 18 Mai. Les échanges portant sur ce produit ont connu le premier jour de cotation un volume environ 7 fois plus élevé que le volume d’échange normal de graines de soja indifférenciées au Japon. Ce niveau élevé reflète la forte demande pour les produits sans OGM. Mais les "traders" continuent à se demander si ces produits seront ou non disponibles lorsque les premiers contrats devront être levés (en Décembre 2000). Les importations japonaises de graines de soja sont d’ environ 5 Millions T./an, principalement des USA.

Possible nouveau litige USA -UE :

Le Commissaire à l’Agriculture de l’UE a critiqué la décision US de réduire le quota annuel d’importation du gluten en provenance de l’UE à partir du 1 Juin. Il a déclaré que cette décision était de nature à aggraver encore un peu plus les relations commerciales déjà tenues entre les USA et l’UE.

L’Environnement au Parlement européen :

L’Union a rendu publique sa 4 ° copie sur la Directive concernant le recyclage des équipements électroniques et électriques en fin de vie. Les USA l’avaient pressée d’alléger la législation prévue, arguant du fait qu’il s’agissait d’un frein au commerce international.

Deux membres du Congrès et un Sénateur US ont adressé une lettre au

Vice-Président Al Gore pour le pousser à défendre la Directive

européenne afin que « ‘UE puisse mettre en place ses propres normes

sanitaires et environnementales sans avoir à rencontrer l’opposition

de la Représentante du Commerce US. »

Forum du Millenium des Nations-Unies à New-York (22-26 Juin)

Ce Forum qui est destiné à préparer l’Assemblée du Millenium de l’ONU en Automne, comprend plus de 1.000 délégués représentant la société civile de plus de 100 pays.. Les sujets de discussion porteront sur la meilleure façon d’aider les Nations-Unies à faire face aux défis du 21° siècle, avec un point particulier sur les défis de la globalisation. (ATTAC y participait)

Groupe de travail « Traités internationaux et Paradis fiscaux ».

omc.marseille@attac.org

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4- Forum du Millénaire

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Le Forum du Millénaire vient de se tenir du 22 au 26 mai à New York à l’ONU. Organisé par des organisations confessionnelles il a réuni environ 1300 ONG d’une centaine de pays afin de mettre au point des recommandations aux gouvernements qui se réuniront en septembre prochain à l’occasion d’une réunion exceptionnelle des Nations Unies.

On doit noter de grands absents, les syndicats en particulier et certaines organisations telles le Mouvement des Sans Terre ou celles qui, en particulier aux Etats Unis, ont été les principaux acteurs de « Seattle » ou de « Washington ».

M Kofi Annan y a affirmé sa volonté de travailler de manière ouverte avec la « société civile » sans toutefois jamais véritablement la définir, se référant avec insistance aux leçons apprises de la rue lors des manifestations récentes. Ce n’est cependant pas de là que vient l’originalité de cette réunion.

Durant cinq jours, lors de réunions continentales et thématiques, les organisations non gouvernementales présentes ont fait basculer la réunion marquée par des textes introductifs consensuels et faisant la part belle au Secrétaire Général et à une vision de l’humanité pour le moins « religieuse » vers un constat plus pragmatique de la situation et des recommandations claires.

Dans le domaine de la mondialisation, un accusé : l’ultra-libéralisme qui met toutes les activités humaines et les ressources naturelles que nous partageons, sous la coupe d’entreprises multinationales au seul nom du profit. Ainsi il a été proposé qu’un cadre légal international soit imposé aux sociétés transnationales afin d’en réguler le fonctionnement.

Dans le domaine politique, le manque de transparence d’organisations internationales et l’emprise quasi despotique de l’OMC en particulier. Ainsi il a été proposé en particulier que les pays en développement ne soient pas soumis aux accords sur la propriété intellectuelle (TRIPS) et que les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) ainsi que l’OMC rendent des comptes auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.

Il est à noter la réaffirmation du rôle prédominant que doit jouer l’ ONU dans le monde si tant est qu’elle évolue sur deux points en particulier. De virulentes attaques ont été exprimées contre le Conseil de sécurité et ses membres permanents en particulier afin que celui-ci se réforme et soit plus représentatif du monde aujourd’hui. D ‘autre part, la volonté d’adjoindre à l’assemblée générale une autre chambre dont le rôle serait consultatif et dont les membres seraient des élus directs des peuples, s’est faite jour. Mais il s’agissait aussi de condamner l’attitude de certains pays, en particulier les Etats Unis, dont le refus de payer met en péril le fonctionnement même de l’organisation. Il a été demandé en particulier que le droit de vote de ces pays soit fonction du paiement de leurs arriérés.

ATTAC y était présente pour réaffirmer son analyse du processus de la mondialisation ainsi que deux propositions en particulier : la mise en place de la Taxe Tobin et l’abolition des paradis fiscaux acteurs centraux des circuits de blanchiment de l’argent issu des trafics en particulier celui des femmes et des enfants, des organes humains, et celui des drogues et des armes. Ces deux propositions se sont intégrées dans nombre de débats mettant en jeu bien entendu « le processus de la mondialisation libérale » mais aussi « l’éradication de la pauvreté et l’annulation de la dette », « le développement durable » et le « financement de l’ONU ». Exprimée à la fois comme un moyen global en relation avec la mondialisation quelle que soit la forme qu’elle prenne, une avancée de la démocratie dans la lutte contre la spéculation financière qui déstabilise des économies entières, et une source de financement en particulier d’un « fonds de la pauvreté » proposé par les ONG africaines et repris par l’ensemble des participants, l’idée de la Taxe Tobin est partagée par la majorité des ONG présentes qui en ont fait à diverses occasions l’une des recommandations aux gouvernements.

Bien que le document final ait réclamé en réunion plénière 18 heures de débats acharnés sur chacun des points qu’il aborde, il ne reste qu’ une déclaration qui sera remise à chacun des gouvernements auxquels il appartient d’y donner suite. De fait des manifestations pourraient être organisées en septembre devant l’ONU pour rappeler aux chefs de gouvernement certaines réalités et leur demander des prises de position nettes dans certains domaines que ce soit l’annulation de la dette, la protection de l’environnement ou des droits de la personne humaine, la paix et le développement économique respectueux des peuples et des cultures.

Laurent Jésover. Rédacteur journal@attac.org

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5- Briser des tabous

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Briser des tabous pour être de la même maison que les personnes très

pauvres

Pour être en partenariat avec les très pauvres, il faut être de la même maison qu’eux. Ca veut dire créer quelque chose avec eux, à partir de leur volonté. Nous ne sommes pas les partenaires des pauvres ; c’est les pauvres qui sont nos partenaires. La relation compte énormément. Pour que cette relation se passe bien, on doit se préparer bien. Avant qu’on s’approche des plus pauvres, d’autres disent, "Faites attention, ce sont des méchants, des voleurs, des sorcières." Ca te bloque. Il faut franchir ce qu’en disent les gens, et savoir que c’est faux. C’est pour ça qu’il faut avoir du courage pour briser les tabous.

La vieille Anne-Marie survit en demandant de l’aumône à la mosquée. D’ autres lui donnent de l’aumône pour se débarrasser de leur malheur. Donc de manger ce qui lui a été donné, ça peut porter malheur aussi. C ‘est pourquoi je ne mangeais jamais la nourriture d’Anne-Marie quand elle me l’offrait. Mais un jour, elle m’a dit de manger sa nourriture ou de ne plus jamais revenir la voir. Je ne voulais pas, mais il fallait que je le mange pour qu’elle me mette dans une vie familiale.

Nous ne serons jamais au bout de comprendre les pauvres, mais eux, ils nous comprennent. C’est la même chose pour rencontrer une grande personne dans l’administration. Avant la rencontre, d’autres peuvent dire du mal de la personne. Mais chacun est humain. On doit porter en soi la personne qu’on va rencontrer.

J’ai connu Anne-Marie dans mon pays, le Burkina Faso. Aujourd’hui, je vis au Sénégal. Il y a quatre ans, trois personnes de la ville de Thies, qui connaissaient notre équipe d’ATD Quart Monde, nous ont dit qu’ils avaient la volonté d’atteindre les plus pauvres chez eux. Donc depuis ce temps, je vais régulierement dans leur ville toutes les semaines, ou pour une semaine entière, selon le temps qu’il faut pour rencontrer les personnes.

D’abord, j’ai refusé d’apprendre leur langue. Je parle d’autres langues, mais je ne voulais pas parler le wolof, pour qu’ils m’ accompagnent. Comme ça, ces trois amis ne peuvent pas me laisser seuls et nous faisons les choses ensemble.

Maintenant à Thies, nous organisons des réunions tous les mois pour que les personnes pauvres rencontrent des représentants d’ONG, des personnes de l’administration. Ce sont des temps pour se connaître, pour dépasser les tabous, et apprendre les uns des autres en écoutant. Une rencontre par mois a lieu pour tous, et une deuxième réunion par mois est réservée aux mamans.

Il n’y a pas longtemps, on allait visiter une famille qui assiste toujours à nos réunions. La maman de cette famille vend des légumes sur le trottoir. Le papa est fatigué, comme on dit, il ne peut pas toujours bouger. Ils ont cinq enfants. On les connait depuis quelques années. On allait chez eux parce que le trimestre scolaire finissait, on allait comme des frères, pour prendre des nouvelles des progrès de leurs enfants. Ils nous ont appris une grande nouvelle : pour la première fois, leur fils aîné était le deuxième dans sa classe, et leur fille cadette était la première dans sa classe. Tous les parents étaient invités à la remise des cahiers scolaires. Pendant notre visite, les parents ont décidé de ne pas assister à cette remise des cahiers, pour venir à notre réunion mensuelle qui était en même temps. Je me demandais pourquoi. C’est toujours un moment qui honore les parents des meilleurs élèves. Pour cette famille, qui est pauvre, c’ était une chance à ne pas rater. J’ai failli dire, " Mais allez plutôt à l’école ", mais je me suis retenu pour mieux comprendre leur décision, à laquelle ils avaient réfléchie.

Les parents ont demandé à leur fils aîné de représenter leur famille à la remise des cahiers pour la classe de leur fille. Les parents sont venus avec nous à la réunion mensuelle. Après, le papa m’a dit :

Notre fille est honorée à l’école, mais on vous considère aussi comme notre enfant. A l’école on aurait été applaudi ; mais à cette réunion, on discute de notre vie et des vies des autres. C’est à cause de ces réunions que nos enfants réussissent à l’école. " Et le soir, nous avons tous fêté la réussite de la fille ensemble, dans une ambiance qui a soudé l’espace entre ces deux évenements, la remise des cahiers et la réunion mensuelle. C’est dans la soudure de ces espaces différentes qu’on crée ensemble. C’est incroyable, ces parents ont refusé d’aller à la remise des cahiers pour être des héros. Ils ont choisi plutôt d’être présents pour soutenir d’autres dans notre action commune.

Peut-être d’autres ne comprendraient pas pourquoi ils ont fait ce choix d’assister à une réunion. Pour ces parents, la vie est une course où chaque geste est faite pour nourrir sa famille. C’est comme un tabou que les pauvres doivent rester dans cette course de la survie et ne pas s’asseoir pour réfléchir. Mais on a besoin de cette reflection commune pour savoir où il faut tirer pour détruire la misère. C’est clair et net, on ne peut pas écouter les tabous ; les pauvres ont le droit de réfléchir ensemble et avec d’autres.

C’est de mon père que j’ai appris à prendre le temps d’écouter les pauvres. En plus de son travail, mon père s’occupait de la distribution de vivres par l’église Caritas. Je tenais la liste des noms des familles pauvres qui devaient en recevoir. Mon père me parlait de qui étaient ces personnes, car en plus de faire la distribution, il prenait son temps pour les rencontrer et les visiter, sans conditions. Ensuite, il m’envoyait chez une personne dont il m’ avait parlé. Mais j’avais peur, mes copains m’avaient dit que c’était un sorcier. Alors j’ai jeté le sac de farine jaune sans lui parler. Quand mon père l’a su, il ne m’a pas grondé, mais m’a renvoyé à nouveau chez le monsieur. J’avais toujours peur, mais le monsieur m’a invité à entrer chez lui. Si je ne venais pas, il allait le dire à mon père, alors je suis rentré, le mine serré. Le monsieur m’a dit :

"Sais-tu que tu es le seul enfant à être entré ici ? Ton papa me parle comme si nous sommes de la même famille. Mais les enfants du quartier m’ont jeté des cailloux, comme toi, tu as jeté le sac de farine." Maintenant, je prends le temps de m’arrêter.

Etre partenaire des pauvres, c’est accepter l’autre. Ne pas tout accepter sans réfléchir, mais accepter d’être là au bon moment où l’ autre choisi de s’ouvrir. Ce n’est pas facile. Pour moi de le faire au Sénégal où je suis étranger, c’est différent que pour les natifs. Ils disent d’une personne, " On ne peut plus le récupérer. " Ils perdent espoir, parce qu’ils ont vu la famille descendre de plus en plus bas. Nous, comme étrangers, nous pouvons garder le courage d’espérer pour cette personne parce qu’on n’a pas vu le début de leur histoire. Pour les natifs, c’est très difficile de regarder une case brûler jusqu’à la fin. D’autres venus d’ailleurs, même s’ils arrivent à éteindre le feu, ils ne sentent pas la même douleur que ceux qui ont vu la case brûler.

Pour empêcher la case de brûler, le plus important est d’être mobile, toujours prêt à recevoir de l’autre. C’est plus qu’être disponible ; il faut être mobile pour être vraiment présent à l’autre. Ce qu’on apprend à l’école n’aide pas pour lutter contre la pauvreté. C’est vrai qu’on doit prendre le temps pour que les pauvres comprennent ce qui se passent dans les écoles, et dans les statistiques. Mais on doit aussi s’instruire à l’école des pauvres. C’est eux qui tiennent le programme. C’est comme ça qu’on peut être en famille avec les plus pauvres. Je n’ai pas créé ma manière d’être avec les pauvres. C’est eux qui m’ont appris à ne pas écouter les tabous.

Simon Tiendrebéogo, Mouvement International ATD Quart Monde, le 22 mai

2000

fworld@idt.net

 

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6- Vous avez rendez-vous avec ATTAC

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D’ici au prochain numéro du Courriel d’information voici quelques

rendez-vous d’ATTAC et de ses groupes locaux auxquels vous pouvez

participer. Pour plus d’information, n’hésitez pas à consulter notre

calendrier <http://attac.org/fra/cale

  • Vendredi : ROUFFACH - VANNES
  • Samedi : PARIS 11 - ROUFFACH - DUNKERQUE - GRENOBLE
  • Dimanche : PARIS 11 - ROUFFACH
  • Lundi : FOIX - ROUFFACH - PERTUIS - NANCY - LA ROCHELLE - BOURGES
  • Mardi : PARIS 11 - LYON - PARIS 15 - SOISSONS - VERSAILLES -

GARDANNE - GRENOBLE