arch/ive/ief (2000 - 2005)

La résistance est encore faible, mais elle s'accroît
by Christophe Callewaert Saturday June 10, 2000 at 09:43 AM

«Notre meilleure alliée, c'est la misère qu'ils créent», dit Jaap Kruithof La résistance est encore faible, mais elle s'accroît Interview avec Jaap Kruithof sur son livre:"Het neoliberalisme".

«Notre meilleure alliée, c’est la misère qu’ils créent», dit Jaap Kruithof

La résistance est encore faible, mais elle s’accroît
Le récent ouvrage de Jaap Kruithof, Het neoliberalisme, est présenté par les médias comme son testament politique. Pourtant, l’auteur, un philosophe très connu en Flandre, fait ici exactement ce qu’il a toujours fait au cours de toute son existence: mener campagne contre le capitalisme qui détruit l’humain et la nature qui l’entoure. Le néo-libéralisme en est l’étape la plus récente, avec ses catastrophes toujours plus nombreuses et son exploitation de plus en plus effrénée.
Interview : Christophe Callewaert
«Je suis en colère. Très en colère», dit le professeur Kruithof alors qu’il me fait entrer dans son bureau de travail. «Aujourd’hui, j’ai quatre bonnes raisons d’être en colère. Et je voudrais que vous les rapportiez toutes les quatre dans votre interview.

Primo, la boxe. J’en ai encore discuté hier avec quelques étudiants. Des gars très brillants, tous très calés en philosophie. Mais au bout de deux heures, même pas moyen de se mettre d’accord. Je prétends: le but de la boxe est de se toucher à la tête. Vous n’allez pas me dire que c’est un sport normal, non?

Secundo, Enschede. Aujourd’hui, tout le monde demande plus de mesures de sécurité. Moi, je dis que les feux d’artifice devraient être interdits. C’est dangereux, et c’est un gaspillage énorme. Rien qu’un feu d’artifice d’un quart d’heure coûte déjà un million.

Trois, la vente d’armes. Ces femmes qui manifestaient devant la Maison Blanche: c’est quand même évident que les armes ne devraient pas être en vente libre.

Et quatre, le jambon de Fabre et Hoet. C’est criminel. Il faut être un gangster pour recouvrir des colonnes de jambon. On ne doit pas jouer avec la nourriture.

Ce sont des choses si simples. Quatre points qui, pour moi, sont l’évidence même. Ça me prend toute une soirée et je ne parviens même pas à convaincre ces gars-là. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, non? En réalité, tout est permis. Interdire, c’est dépassé. Mais c’est absurde. C’est le mauvais côté de la société permissive.»

Vous insistez beaucoup plus souvent sur le développement du capitalisme. Het neoliberalisme contient-il de nouveaux aspects, par exemple, comparé à Arbeid en lust (Travail et plaisir)?

Jaap Kruithof. Dans ma façon de voir l’histoire, je vois aujourd’hui qu’en 1975, il y a eu un revirement vers le néo-libéralisme, et je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque, mais plus tard, vers 1985. Dix ans trop tard. A partir des années 92, 93, je me suis rendu de plus en plus compte de l’agressivité de ce système. Le néo-libéralisme est un système d’une agressivité sinistre qui veut tout inféoder. Une dictature incroyable. Et ça, je ne le voyais pas directement en 1985.
Dans ce cas, vous faites allusion au virage à droite, au démantèlement des droits démocratiques, à la mise en place d’un Etat policier?

Jaap Kruithof. Non, je parle d’une dictature économique agressive, avec une façade politique faible. Mais l’un n’exclut pas l’autre. Récemment, j’ai eu un débat au Groene Waterman avec Jos Vander Velpen. Il met toujours l’accent sur le caractère répressif de l’Etat. Quelqu’un a demandé si nous ne nous contredisions pas. Car, dans mon bouquin, l’Etat est un larbin servile du néo-libéralisme. Les deux points de vue sont même très conciliables. Ma position de base, c’est que le pouvoir de l’Etat diminue. Cet Etat ne peut rien contre ce néo-libéralisme international. Ce qui n’empêche nullement que certaines fonctions d’Etat, comme la répression, puissent être renforcées. Un Etat moins puissant, qui se soumet de plus en plus au néo-libéralisme, peut très bien devenir plus répressif également.

Que se passe-t-il précisément avec l’Etat, à l’époque du néo-libéralisme?

Jaap Kruithof. Avant 1975, l’Etat s’occupait de tout; aujourd’hui, il privatise tout, il cède tout au grand capital. Aujourd’hui, il n’a quasiment plus d’influence sur ce qui se passe sur le marché. Aucun parti politique traditionnel ne s’oppose encore à la réduction de l’influence de l’Etat. En réduisant cette influence, on prive l’Etat de moyens de constituer une force qui s’oppose au néo-libéralisme sauvage. On affaiblit donc le pouvoir et l’influence de la politique.

Les hommes politiques n’ont plus les armes pour agir. Ils ne peuvent influer sur les problèmes fondamentaux parce qu’ils n’ont pas d’argent. Une caractéristique surprenante de l’Europe occidentale, c’est que toutes les grandes villes se dégradent, mais il n’y a pas de plan pour aller à l’encontre de ce phénomène, car cela coûte trop cher. Prenez Anvers, Gand, Bruxelles, Paris… Aucun gouvernement n’aborde ce problème. Sauf – et ici, une fois de plus, je suis très critique – quelques membres d’Agalev, comme Mieke Vogels, qui nous annoncent que ça va aller mieux, à Anvers. Mais ça coûte des sommes effrayantes. Il faut réparer les toits, rénover l’éclairage, démolir les maisons qui menacent ruine, en construire de neuves, de nouvelles écoles, de nouvelles cliniques. Pour Anvers, il faudrait sûrement 800 milliards. On en a peut-être 50. Autant dire rien. Et que fait Mieke Vogels? Rien non plus. Ils laissent les choses aller. Bien sûr, ils ne veulent pas l’admettre, car ils se prennent pour des gens très importants. Mais ils n’ont plus la moindre importance, en réalité.

Au début des années 80, l’association des patrons présentait un rapport à la Commission européenne avec tout ce qu’elle souhaitait qu’on fasse en Europe, et tout cela a été exécuté: le TGV, la modernisation des aéroports, de nouvelles autoroutes… Les patrons ont toutes les facilités pour se développer, mais pour l’Europe sociale, on n’a rien vu.
C’était donc mieux avant 1975? L’Etat jouait-il alors le rôle qu’il devait jouer?

Jaap Kruithof. Evidemment, l’Etat a déjà été plus fort qu’aujourd’hui. N’empêche qu’il a toujours été le larbin du capitalisme. Ce genre d’Etat ne m’intéresse pas. Nous avons besoin d’un Etat démocratique qui soit indépendant des forces du capital. Difficile. Il va falloir qu’on lutte pied à pied pour y arriver. Si on renforce l’Etat et que l’Etat est la marionnette du grand capital, on renforce également le grand capital. C’est un aspect que les sociaux-démocrates n’ont jamais voulu considérer.

Par ailleurs, les capitalistes sont de plus en plus convaincus qu’ils peuvent se passer de l’Etat. Ils ont leurs propres écoles, voudraient leurs propres hôpitaux, leurs propres routes. Comme ils le font déjà en Afrique.

Vous écrivez que le néo-libéralisme va encore nous valoir de grandes catastrophes.

Jaap Kruithof.Il y a Enschede, la crise de la dioxine, les problèmes d’ozone en été, le trop-plein d’eau en hiver. Les pôles fondent. Que se passera-t-il si la côte avance jusque Gand? A cela s’ajouteront les flux migratoires. Anvers va-t-elle accueillir les réfugiés de Flandre occidentale? Quelques-uns, peut-être bien. Mais s’ils s’amènent à un demi million, ça va être la guerre. Le capitalisme ne peut résoudre ces problèmes.

Le pire ennemi du néo-libéralisme est le néo-libéralisme lui-même. Ils ne sont même pas en sécurité. Ils se bouffent entre eux. Ils exploitent des milliards de gens, mais ils s’entre éliminent aussi.

Qu’est-ce que ça change pour l’homme de la rue?

Jaap Kruithof. Ça fait pourtant une différence. Si on élabore une stratégie, il va falloir tenir compte de ces contradictions. Notre meilleure alliée, c’est la misère qu’ils créent. Ils ne peuvent que créer de la misère. Les opprimés, les chômeurs, les habitants du tiers monde, voilà nos alliés. Tous les consommateurs craignent de plus en plus les aliments empoisonnés: c’est ainsi que se constituent tout doucement des résistances. Maintenant, il faut les organiser.

Le mouvement en faveur de la nature est-il passé à l’arrière-plan maintenant que les verts sont au gouvernement?

Jaap Kruithof. Agalev participe au gouvernement, il est donc impliqué dans les projets néo-libéraux et il se laisse faire, en partie. Agalev mène une politique centriste, il n’a rien d’un contrepoids au néo-libéralisme. Mais la conscience des gens du mouvement écolo s’amplifie et se radicalise, dans une certaine mesure.

N’empêche, la plupart des gens réclament davantage de contrôle, de mesures. Prenons Enschede, par exemple. La plupart des gens sont si prudents. Très peu adoptent d’emblée un point de vue radical. Sauf la minorité du mouvement de gauche, bien sûr. En rue, l’opposition est encore bien trop faible. Mais elle s’amplifie. Ils ne réagissent pas de façon radicale mais la conscientisation est beaucoup plus grande qu’il y a deux ans, lorsque je me suis attelé à ce bouquin.

A quoi le voyez-vous?

Jaap Kruithof. Je le vois bien, au cours des débats à la chapelle Baudelo. (Chaque année, en compagnie d’Eric Goeman, d’Attac-Flandres, on y organise une série de débats durant les Fêtes de Gand, Ndlr) Par exemple, quand un Frank Vandenbroucke vient y parler de l’Etat social actif, les gens réagissent au quart de tour: «Hé, fieu, arrête tes conneries!» (il imite l’accent gantois). Il y a deux ans, ils l’auraient encore écouté avec attention. Je pense quand même que beaucoup sont sceptiques à propos de la politique actuelle du gouvernement.

Vous ne vous êtes jamais départi de vos positions de gauche. Mais de temps à autre, vous tenez des propos amers sur d’anciens gauchistes qui ont décroché. Pourquoi tant d’intellectuels ont-il glissé à droite?

Jaap Kruithof. La gauche radicale des années soixante a convergé vers une ou deux formations politiques. Eux sont restés de gauche. Mais le groupe intermédiaire, qui n’était pas si radical, mais pas néo-libéral non plus, s’est totalement dilué, au point même de disparaître. Il a tout simplement rallié l’élite dirigeante pour y faire carrière. Ils ont laissé tomber leur conscience sociale. Puisque la gauche n’a pas pris le dessus, ils ont choisi le camp des vainqueurs. Et si on a un mouvement de gauche aussi radical que dans les années 60, mais qu’il ne s’impose pas, il sera provisoirement perdant et il y en aura tout un tas qui vont décrocher. Il faut être profondément convaincu pour poursuivre la lutte au-delà de l’échec. Ceux-là, ce sont les purs et durs.

La plupart se disent: ils ont perdu, sans doute avaient-ils tort. Par exemple, tous ces post-modernistes français (une philosophie se caractérisant par un grand relativisme. Tout est possible, rien n’est certain. Ndlr) qui, comme un seul homme, sont devenus anticommunistes. Carrément à droite. Déçus par les années 60. Avec la chute du mur, ils ont complètement tourné casaque et sont devenus ouvertement antisocialistes. Ces antisocialistes ne peuvent pas faire grand-chose à gauche, ils ont glissé vers le centre et chaque jour, ils glissent un peu plus à droite.

Votre ouvrage comporte un chapitre sur la TV. Les gens de la télé montrent le spectateur du doigt: c’est lui qui pleure pour avoir des programmes bâclés et bon marché.

Jaap Kruithof. Dans les années 80, les universités américaines ont vu naître une tendance théorique à vouloir donner la priorité à l’économie de l’offre. Cela colle bien au système car, sous le capitalisme, la demande est plus manipulée par l’offre que l’offre par la demande. Donc, en tant que capitaliste, vous disposez de moyens énormes, vous matraquez votre message au public et ensuite, vous faites une enquête pour voir s’ils en veulent et, bien sûr, ils en veulent. Mais vous oubliez que vous avez d’abord consacré des milliards à influer sur cette demande. Si cela n’avait pas été le cas, les gens n’auraient su que devoir répondre. Mais si, maintenant, vous leur demandez: qu’aimez-vous boire? ils vous répondront: du coca. Avec la TV, c’est exactement pareil. C’est celui qui a les moyens qui détermine l’audimat.

Actuellement, on injecte des milliards dans les championnats de foot. Partout où l’on va, on est saturé par ce message. Les gens suivent, d’où on conclut: c’est le spectateur qui veut cela. La majorité des Flamands veut que la pub disparaisse de la TV et de la radio, mais le spectateur n’a rien à dire.

Pourrait-il en être autrement? La TV dans une société socialiste est-elle différente?

Jaap Kruithof. Le plus important, c’est que les gens puissent faire eux-mêmes la TV. Je suis très partisan de cela. Bien sûr, l’assistance technique et l’infrastructure doivent émaner de spécialistes. Mais vous et moi, nous pouvons très bien faire de la TV, si on s’exerce un peu. Aujourd’hui, par contre, ce sont ces messieurs qui décident de tout ce qui passe sur les chaînes. Ici, en Flandre, nous avons quatre universités. Donnez à chacune de ces universités, tour à tour, l’occasion de faire une émission. Demandez aux étudiants de composer un scénario. Ainsi, les gens eux aussi sauront ce que c’est que faire de la TV. Et ils verront l’affaire sous l’autre angle. Et cela, c’est toujours positif.

Vous dites que l’omniprésence de la TV est un exemple clair des proportions faussées entre travail et loisirs.

Jaap Kruithof. Considérons que le travail représente une tension et les loisirs une détente. Nous avons besoin des deux. Par conséquent, on ne peut les opposer. On ne peut non plus mettre les gens devant un choix. Peut-être y en a-t-il qui veulent les loisirs sans le travail. Mais ils sont des exceptions. La plupart des gens aiment travailler. Bien sûr, il faut de la détente. Cela existe bel et bien, pourtant, les loisirs sans le travail. C’est là qu’on trouve le parasite. Je suis l’ennemi mortel du parasitisme. En fait, c’est très classiquement marxiste. Car quelqu’un qui vit de ce que rapporte autrui est un exploiteur et un parasite. Tous ces gens qui habitent grosses villas et châteaux sont donc des parasites.

Dans la situation actuelle, on oppose pourtant travail et loisirs. Il n’y a pas d’harmonie. Le travail est devenu monotone, sans attrait, et on glorifie des loisirs totalement dénués de contenu.

L’Etat social actif va résoudre le problème du chômage, prétend la coalition arc-en-ciel.

Jaap Kruithof. Celle-là, je l’entends souvent: le chômage diminue en Belgique et en Europe. Et je dis: regardez où se retrouvent tous ces gens qui reçoivent du travail aujourd’hui. Regardez bien à quoi rime, en pratique, cet Etat social actif de Frank Vandenbroucke. On voit monter en flèche le nombre de gens de maison, chauffeurs, veilleurs, gardiens, jardiniers, cuistots, serveurs… Rien que du personnel féodal pour les riches, qui ne cessent de gagner en puissance. Aux Etats-Unis, c’est le secteur à la croissance la plus rapide. Ce n’est ni plus ni moins qu’une résurgence de la féodalité. Et puis, il n’y a en fait que deux ou trois régions dans le monde, l’Europe, les Etats-Unis, et peut-être l’Asie, où le chômage recule. Pas même un cinquième de la population mondiale. Nous sommes six milliards.

La conscience de ce que, partout dans le monde, des gens et des peuples luttent contre l’injustice, vous tient debout. Vous appelez cela l’un des piliers de notre existence. Qu’est-ce qui nourrit votre espoir, aujourd’hui?

Jaap Kruithof. Sans hésiter, Cuba. Quelles brillantes réalisations!

Et le Congo?

Jaap Kruithof.Je pense qu’il faut situer Kabila dans la ligne de Lumumba. Evidemment, les circonstances ont changé. On peut aussi se mettre à attaquer Kabila. Si l’on ignore les circonstances incroyablement pénibles qu’il traverse. Qu’il a par exemple négocié avec les Américains à propos des mines, c’est exact. Mais il ne pouvait faire autrement. Il a essayé d’en tirer le plus qu’il pouvait. C’est pareil avec Castro qui, aujourd’hui, attire les touristes. Je n’en suis pas très partisan, mais je me rends bien compte qu’il ne peut faire autrement.

Je soutiens Kabila. Je lui accorde ma confiance. Et cette situation avec les Rwandais et les Ougandais qui veulent jouer au patron dans un autre pays… Les Congolais aussi ont bien le droit de choisir leurs propres dirigeants et de défendre leur pays. Non, jusqu’à présent, Kabila me fait une impression positive.

KABILA!?!
by Nestor Saturday June 10, 2000 at 11:32 PM
iyideniz30@hotmail.com Belgium

EST-CE QUE KABILA A ETE ELU???
SI OUI JE CROIS QUE J AI LOUPE UN EPISODE PARCE QUE, LE COMPARER A DES ENVAHISSEURS QU ILS SOIENT OUGANDAIS OU RWANDAIS ...
JE CROYAIS QUE CES GENS ETAIENT D ANCIENS ALLIES POUR L INVASION D UN PAYS EN AFRIQUE APPELE CONGO KINSHASA QUE CES MEMES ALLIES QUI SONT EN TRAIN DE S ECHARPER POUR UNE "POIGNEE DE DIAMANTS" . ILS SONT TOUS DANS DES REGION OU ILS SONT OPPRESSES N'ONT AUCUN DROITS POLITIQUES NI SYNDICAUX NI MEME DE SURVIE PARFOIS CE QUI EST , SOMME TOUTE, QUAND MEME PARFOIS GENANT... ISN'T IT?