arch/ive/ief (2000 - 2005)

UNIS CONTRE L'UNICE
by ATTACK Bruxelles Sunday, May. 28, 2000 at 8:09 PM

attac-Bruxelles Samedi 10 Juin, à 16 heures MANIFESTATION Place Rogier, (Building Martini)

Du 9 au 11 juin,

le grand patronat

européen

organise à Bruxelles son

premier

EUROPEAN

BUSINESS SUMMIT…

attac-Bruxelles

UNISSONS-NOUS

L'UNICE (l'Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe), la plus grande fédération patronale européenne, a le culot d'organiser, six mois après Seattle, un Sommet européen des affaires dans la capitale belge. Cet "événement exceptionnel" entend réunir 1.500 dirigeants et propriétaires d'entreprises, des hommes politiques de renom, des centaines de journalistes et la majorité des Commissaires européens. But de l'UNICE? Relancer, sur le plan européen, les négociations qui ont capoté à Seattle grâce à une mobilisation internationale sans précédent.

Ne reculant devant aucune provocation, l'UNICE compte ainsi recevoir, sous le patronage d'Albert II et des plus hautes autorités belges, onze Commissaires européens, Mike Moore (le président de l'OMC), Morris Tabaksblat (le président de La Table ronde européenne des industriels-ERT), les plus importants responsables de l'OCDE, ainsi que la fine fleur du monde industriel —tels que Steve Ballmer (président de Microsoft), Pascal Brandy (dirigeant de la société Genset impliquée dans l'hyperdéveloppement des OGM) ou Etienne Davignon, destructeur de 300.000 emplois dans la sidérurgie européenne.

Le monde des affaires espère, à cette occasion, se livrer à une grand-messe médiatique destinée à relancer la machine à privatiser le monde entier et à le soumettre aux non-règles d'une économie libérale sans freins ni frontières. Il y répétera avec force qu'il ne veut plus de ces "organisations activistes" qui "prétendent représenter de larges secteurs de la société civile". Le sommet de Bruxelles ne sera donc pas seulement destiné à redynamiser un processus grippé, mais à préparer une offensive directe contre les organisations de citoyens qui, partout dans le monde, ont commencé à se dresser contre la mondialisation de la misère et de l'exploitation.

Dénonçons ce sommet d'indignité —où pour 85.000 francs la place, chaque participant aura droit à banquets, opéras équestres, golf, spectacles récréatifs de luxe— et appelons les citoyens à s'y opposer par tous les moyens démocratiques, à l'exemple de ce qui a été victorieusement entrepris à Seattle.

CONTRE L'UNICE

L'UNICE (l'Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe) se compose de 39 organisations patronales disséminées à travers 31 pays. Du fait de la grande dispersion géographique de ses affiliés et de son caractère multisectoriel, l'UNICE se présente comme "la voix des milieux d'affaires européens".

"Conduite" à sa création par le belge Léon Bekaert, l'Union se retrouve dirigée, onze présidents plus tard, par le baron Georges Jacobs, chairman de l'UCB (transnationale belge spécialisée dans les productions chimiques et pharmaceutiques).

Depuis sa naissance en 1958, l'UNICE a toujours eu son siège à Bruxelles.

UN PUISSANT LOBBY. L'UNICE ne s'en cache pas.

Elle a pour mission absolue, voire exclusive d'"influencer le processus de décisions au niveau européen" de manière telle que les politiques et les législations, qui concernent les entreprises en Europe, tiennent totalement compte de leurs exigences. Pour ce faire, l'organisation patronale a mis sur pied 60 groupes de travail appuyés par 1.500 experts qui, chaque année, élaborent une centaine de mémorandums et prises de positions à soumettre "toute affaire cessante" à la Commission européenne.

Par une action de lobbying efficace et persuasive (allant de conversations informelles lors de repas tous frais payés, aux recommandations "suggérées" aux autorités européennes par d'anciens hauts responsables des Communautés grassement reconvertis dans le privé), l'UNICE arrive le plus souvent à ses fins.

AU SERVICE DES MULTINATIONALES. "Il est tout à fait naturel que l'une de nos premières priorités soit d'assurer la prise en compte des besoins particuliers des PME dans toutes les politiques de l'Union européenne", assure l'UNICE. Si la grosse majorité des firmes représentées par les membres de l'UNICE appartiennent effectivement à la catégorie des petites et moyennes entreprises, on ne peut dire pour autant que ces dernières y tiennent le rôle prépondérant dévolu à leur nombre. En réalité, l'UNICE agit comme le porte-voix préférentiel et privilégié des grands groupes transnationaux européens —les PME restant soumises, elles, à l'obligation de s'insérer dans des relations de subordination, de dépendance et de sous-traitance. Dans le phrasé et la phraséologie "toujours positifs" qu'utilise le consortium patronal, cette vérité se trouve d'ailleurs résumée en termes non équivoques: "Le fait que l'UNICE se trouve dans la position privilégiée de représenter également les grandes entreprises constitue un avantage supplémentaire pour ses actions en faveur des PME, puisque celles-ci ne peuvent prospérer, dans une large mesure, que grâce aux excellentes relations de coopération avec les grandes entreprises".

 

"Niveau d'emploi élevé", "marché unique au bénéfice des consommateurs", "prospérité, amélioration des législations", "développement durable","innovation", "Europe de la connaissance"

Pour apparaître comme une force moderniste, conviviale, soucieuse du bien-être général, l'UNICE est prête à tout, même à se payer de mots.

Car à y regarder de plus près, le projet global défendu par la Confédération patronale n'est rien moins qu'une contre-révolution.

Droits des salariés; vocation sociale des services publics; ambition émancipatrice de la scolarité; préséance de l'environnement: tout devrait être soumis aux seuls impératifs de la compétitivité et du profit —l'économie de marché transformant ainsi l'Europe, jusqu'à la caricature, en une société de marché.

Au nom des droits de l'Homme… d'affaires.

 

Voici les dix priorités de l'UNICE

1. Renforcement de la compétitivité européenne, préalable indispensable pour atteindre une croissance durable et un niveau d'emploi élevé.

2. Parachèvement et bonne mise en oeuvre du Marché unique, au bénéfice de 370 millions de consommateurs.

3. Stabilité à long terme de l'Union économique et monétaire, avec une monnaie unique en bonne santé.

4. Politique de concurrence ouverte au sein de l'Union, offrant à tous un plus grand choix et des prix plus bas.

5. Libéralisation du commerce mondial, en renforçant le système multilatéral des échanges, fondé sur le respect de règles claires et équitables.

6. Elargissement de l'Union européenne, afin d'accroître la prospérité sur l'ensemble du continent européen.

7. Amélioration de la qualité des législations, afin de réduire les coûts et contraintes, particulièrement préjudiciables au développement des petites et moyennes entreprises.

8. Valorisation de l'esprit d'entreprise et définition de politiques sociales fondées sur les réalités économiques et des réformes structurelles (fiscalité plus légère, services publics plus efficaces et marché du travail plus flexible).

9. Innovation et apprentissage tout au long de la vie —par des politiques adaptées en matière de recherche, d'éducation et de formation, de protection de la propriété intellectuelle, etc…— pour répondre aux défis de la société de l'information et de la connaissance.

10. Développement durable, conciliant la nécessité de protéger l'environnement et celle de stimuler le dynamisme des opérateurs industriels.

Si on n'y prend garde,

elles constitueront

les dix articles de la

Constitution européenne.

1. "Le renforcement de la compétitivité européenne, préalable indispensable pour atteindre une croissance durable et un niveau d'emploi élevé".

Le fait est indéniable: ces dernières années, la compétitivité des entreprises européennes a littéralement explosé. Ce qui s'est marqué par une croissance durable et substantielle… de leurs profits. En France, par exemple, dès 1997, tous les grands groupes ont réalisé des chiffres d'affaires mirobolants et des bénéfices records. Ainsi Renault —pour la première fois de son histoire— a dépassé cette année-là les 1.300 milliards de francs belges en termes de chiffres d'affaires. Total (champion de la productivité) a multiplié par 2 ses profits par rapport à 1995, en dépit de la baisse des cours du pétrole. Quant à la multinationale Michelin, elle a pulvérisé ses résultats nets avec une hausse de 34% sur l'année précédente. Or les 65 plus grandes sociétés françaises, toutes touchées par des gains prolifiques, n'ont cessé de réduire leurs effectifs au rythme régulier de 1,4% l'an.

Si on prend la Belgique, les mêmes performances y ont été constatées. Cas-type: le secteur bancaire. Celui-ci a en effet réalisé 50 milliards de bénéfice net en 1995; 68 milliards en 96; 75 milliards en 97; 87 milliards en 98… Alors que l'avènement de FORTIS et la fusion KBC se solderont par 8.000 pertes d'emplois.

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2. "Le parachèvement et la bonne mise en oeuvre du Marché unique, au bénéfice de 370 millions de consommateurs".

Si l'on se place du point de vue patronal, il est évident que l'instauration du Marché Commun ne s'est pas faite dans le but premier de "servir les intérêts du consommateur". Le parachèvement de l'Union européenne ne le fera pas plus.

L'empoisonnement de l'alimentation —par la dioxine, les prions, le mercure, le plomb, les hormones, les antibiotiques, les farines de carcasse, les OGM, etc…— le démontre à suffisance. En fait, l'esprit de compétitivité et de concurrence (ces vertus cardinales constamment louées par l' UNICE mais dont l'exercice spontané a conduit à des catastrophes sanitaires majeures) auraient continué à provoquer partout leurs ravages —parachèvement du Grand marché compris— si les affaires de la vache folle ou du maïs transgénique n'avaient éclaté en scandales successifs.

Haro sur les exportation belges de viande, de volaille, de porc, d' oeufs, de produits laitiers: tout le monde a encore en mémoire comment compétitivité et concurrence ont guidé le jusqu'auboutisme de la firme flamande de farine animale Verkest et de l'entreprise wallonne d'huiles usagées FOGRA.

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3. "La stabilité à long terme de l' Union économique et monétaire, avec une monnaie unique en bonne santé".

Avoir une monnaie stable constitue, sans conteste, une excellente chose quand elle est mise au service du progrès social. Aujourd'hui, la monnaie unique existe: elle n'est pas stable et ne sert pas le progrès social.

Pour arriver à mettre en place la monnaie commune, plusieurs scénarios étaient envisageables. Un seul a été suivi, celui qui avait la préférence des businessmen et des marchés financiers.

Ainsi pour arriver à l'euro, les gouvernements de l'Union ont tous appliqué des plans d'austérité dont la dureté était, selon les théories monétaristes qui les inspiraient, la condition indispensable de leur succès. Qui a payé? Les petites gens et les salariés. Pas le patronat.

Conséquemment, la pauvreté, au lieu de régresser, a augmenté de manière palpable pour atteindre 50 millions d'individus (rien qu'au Royaume-Uni, pays pionnier en matière d'ultra-libéralisme et que l'UNICE considère comme un modèle, le nombre d'indigents a triplé en 20 ans pour dépasser les 14 millions de personnes, soit 25% de la population britannique).

Pareillement, au lieu de dispenser du pouvoir d'achat dans la population, les politiques monétaristes ont contribué à restreindre puis à cadenasser les salaires avec le Pacte de stabilité européen (comparaison révélatrice: en Belgique, depuis 1980 et les années de régression —justifiées par la "construction européenne"— qui ont suivi, les travailleurs ont vu leurs salaires baisser en termes réels de 15% et ces derniers ne sont toujours pas revenus au niveau de… 1979).

Tout indique —à moins que les peuples ne s'y opposent— que la même politique restrictive et antisociale sera poursuivie.

En tous cas, c'est ce que souhaite l'UNICE.

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4. "Une politique de concurrence ouverte au sein de l'Union, offrant à tous un plus grand choix et des prix plus bas".

"Concurrence ouverte"? Mais ces 12 derniers mois, on a assisté en Europe au phénomène exactement inverse. L'année 99 y a été marquée par une hausse exponentielle des fusions d'entreprises atteignant le niveau sans précédent de 120 mille milliards de francs. Opérations emblématiques de cet emballement frénétique au plan européen: l'OPA lancée par la société britannique de télécommunication Vodafone Airtouch sur l'allemande Mannesmann —la plus gigantesque opération de concentration jamais initiée (6.000 milliards de francs belges); ou "le rapprochement" entre TotalFina et Elf (2.000 milliards). Secteurs où les fusions d'entreprises sont les plus massives, outre les télécommunications? Les médias, les banques, les assurances, la distribution…

Bon à savoir: depuis l'adoption en 1989 du "règlement sur les concentrations", la Commission européenne n'a donné que onze avis négatifs sur des opérations de fusion, soit 1% des opérations notifiées. C'est dire si la plus haute instance européenne s'inscrit totalement dans cette logique visant à la constitution d'hypergroupes et de conglomérats géants —où les positions dominantes permettent tous les abus, y compris en matière de prix.

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5. "La libéralisation du commerce mondial, en renforçant le système multilatéral des échanges, fondé sur le respect de règles claires et équitables".

Dans plus de 70 pays, le revenu par habitant est inférieur à ce qu'il était il y a 20 ans, quand a débuté "l'épopée" de la libéralisation du commerce mondial. Il y a dix ans, les 20% de gens les plus riches gagnaient (déjà) 50 fois plus que les 20% les plus pauvres. Aujourd'hui, c'est 150 fois plus.

Constat: l'abondance de biens produits atteint des niveaux sans précédent, alors que le nombre de ceux qui n'ont pas de toit, pas de travail et pas assez à manger augmente sans cesse de par le monde. En réalité, les "bienfaits" garantis aux pays du Sud par les accords "équitables" de libre-échange (conclus sous l'égide du GATT et de l'OMC) se sont tous avérés des plus fantaisistes —du fait, notamment, des subventions à la production agricole dans les pays du Nord (350 milliards de dollars) faisant obstacle aux importations en provenance des pays en voie de développement et entraînant une concurrence déloyale sur les propres marchés de ces derniers. En fait, les obstacles posés par l'Europe et les USA au commerce ont empêché le Tiers-Monde de réaliser un chiffre d'affaires à l'exportation égal à 700 milliards de dollars par an pour les seuls produits à faible teneur technologique. En somme, la libéralisation totale du commerce prônée par l'UNICE ne peut qu'aviver ces tensions inégalitaires. "Le renforcement du système multilatéral des échanges" (autrement dit: "la guerre économique") "fondé sur le respect de règles claires et équitables" (autrement dit: "l'espoir, qu'entretient l'UNICE, d'une entente cordiale avec les Etats-Unis et le Japon") est ici une pure figure de style qui ne trompera personne.

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6. "L'élargissement de l'Union européenne, afin d'accroître la prospérité sur l'ensemble du continent européen".

En 1997, le groupe Renault, qui a réalisé 35 milliards de FB de bénéfices, abandonne Vilvorde, ses 3.100 salariés et des centaines de sous-traitants. Une année plus tard, la firme au losange annonce son projet d'une voiture à moins de 240.000 francs belges (TTC), un nouveau bas de gamme qui

sera fabriqué… en Roumanie par la firme Dacia. Est-ce à dire qu'il s'agit là d'accroître la prospérité des pays de l'Est? C'est plus prosaïque que ça: la roumaine Dacia a des coûts de main-d'œuvre représentant… 5% des coûts belges ou français. Fort de ces chiffres, on saisit évidemment mieux ce qu'implique la démarche altruiste prônée par l'UNICE: gonfler la prospérité des transnationales, par le libre déplacement de leurs capitaux là où l'exploitation de la force de travail est la meilleure marché.

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7. "L'amélioration de la qualité des législations, afin de réduire les coûts et contraintes, partilièrement préjudiciables au développement des petites et moyennes entreprises".

L'appel systématique à la sous-traitance est désormais pratique courante dans la grande industrie. Que ce soit l'automobile, la sidérurgie, la grande distribution…, le recours forcené à des PME per met de contourner les conventions sociales auxquelles les grosses entreprises sont soumises par des accords en matière de salaire, de sécurité et de temps de travail presté. De cette manière, la diminution de la masse salariale ainsi que la dépréciation des conditions de travail (accompagnant la généralisation de la sous-traitance) est d'un grand confort pour les sociétés importantes.

Symptomatique: le gouvernement arc-en-ciel est en passe d'exaucer les attentes de l'UNICE pour ce qui concerne "l'amélioration" (sic) de la qualité des législations en faveur des petites et moyennes entreprises. Le 21 mars 2000 en effet, le Conseil des Ministres a décidé de délivrer un incroyable passe-droit aux PME: celles-ci pourront dorénavant se regrouper et recourir à un "stock" de minimexés et de chômeurs mis à leur service par les agences d'intérim. "Un véritable coup d'Etat dans le droit social belge" puisqu'aux firmes d'interim (dont la vocation était, jusqu'à présent, de conclure des contrats temporaires) de nouvelles mesures légales permettront, sous contrats à durée indéterminée, de faire main basse sur cette main-d'œuvre "déclassée", qu'elles mettront ensuite à la disposition des petits et moyens entrepreneurs comme bon leur semble. Tout le monde y gagnera? Evidemment, non: l'opération ne profitera qu'aux PME qui toucheront, pendant deux ans, l' équivalent du minimex ou des allocations-chômage (20.000 frcs par mois pour un plein temps) ainsi qu'une (grosse) réduction ONSS pour "bas salaires".

Résultats? Chacun de leurs nouveaux employés ne leur coûtera que 30.000 francs par mois. Qui plus est, cette mise sous tutelle indéfinie et permanente de ce qu'il faut bien appeler une nouvelle classe de "servants" légalisera les dérives de toutes sorte. Comment éviter, en pratique, que les personnes engagées par de tels regroupements de PME ne se voient imposer des horaires extrê-mement flexibles et des conditions de travail "girouettes" (style "Un jour à Gand, un autre à Liège, etc…", pour une rémunération lamentable)? Avec à la clé, le principe des sanctions qu'implique "l'Etat social actif", à savoir: privation des allocations aux chômeurs "qui ne le méritent pas" et aux pauvres "qui ne veulent pas s'en sortir"…?

L'UNICE doit se sentir comblée.

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8. "La valorisation de l'esprit d'entreprise et la définition de politiques sociales fondées sur les réalités économiques et des réformes structurelles (fiscalité plus légère, services publics plus efficaces et marché du travail plus flexible)".

"Valorisation de l'esprit d'entreprise"? Elle ne cesse déjà d'abîmer la réalité de tous les jours, si l'on sait que près de 70% des maladies sont liées aux conditions de vie et de travail (selon la Fondation européenne de Dublin, les personnes les plus stressées se trouvent dans les entreprises où on a accru la productivité et les cadences mais pas l'emploi).

"Fiscalité plus légère"? L'UNICE prêche ici pour des convaincus puisque la tendance généralissime qui prévaut en Europe en matière fiscale est "à la baisse toute". Ainsi en 1980, les entreprises belges devaient théoriquement acquitter 48% d'impôts. Toutefois, au cours des dix dernières années, le taux d'imposition réel n'a été appliqué qu'à 25%. Qui plus est, les multinationales profitent, à elles seules, d'avantages fiscaux extravagants par l'utilisation des centres de coordination qui —dans notre pays— leur permettent de ne payer, en tout et pour tout, que… 2% d'impôts.

"Services publics plus efficaces"? Par ce terme, il faut évidemment comprendre "efficace à l'instar du secteur privé", dont la Grande-Bretagne offre l'exemple à la fois le plus abouti et le plus excessif depuis qu'en octobre dernier "le train des privatisations" a déraillé à Paddington-Londres, causant la mort de 30 voyageurs. Vendue au privé, sous le gouvernement Thatcher, British Railway a été littéralement déchiquetée en une centaine de compagnies, 25 réseaux locaux, 5 entreprises de fret et 19 sociétés pour la maintenance, au nom d'une efficacité dont les résultats homériques ne se sont pas fait attendre. Même l'Administration britannique char-gée des Chemins de fer a dû le reconnaître officiellement: "Une seule ligne marche bien au Royaume-Uni, l'Island Line, mais ce chemin de fer champêtre ne dessert que trois villages dans l'île de Wight. Pour le reste des 23 autres opérateurs privés, retards et annulations sont devenus systématiques et réguliers. Tous les jours, des dizaines de trains ne partent pas, supprimés à la dernière minute sans prévenir les usagers". Les passagers britanniques ont donc de quoi se faire du souci: leurs trains sont parmi les plus chers du monde, ils sont de surcroît les plus inefficients.

"Marché du travail plus flexible"? C'est une incongruité: l'ultraflexibilité est une réalité communément appliquée dans notre Europe de l'emploi temporaire, flexible, vacataire, biennal, semestriel, saisonnier, à la semaine, à la journée… En Belgique, d'après le Conseil supérieur de l'Emploi, de 1994 à 1998 —sur les 120.000 nouveaux emplois créés— trois-quart des engagements concernaient des contrats temporaires. En Grande-Bretagne, 32% des jobs créés en 98 pouvaient être assimilés à de l'emploi "instable". Quant aux Pays-Bas, présentés à l'unisson par les médias comme le pays "au chômage zéro", à y regarder de plus près, le miracle y tient du mirage ou de la cécité. D'abord parce que le pays y compte une proportion démesurée d'"invalides du travail" (soit près d'un million de salariés écoeurés par le speed et le stress, mais non repris dans les statistiques du chômage), et que la proportion de "temps partiels" y est la plus élevée au monde (au point que l'OCDE s'interroge sur leur caractère volontaire ou non).

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9. "L'innovation et l'apprentissage tout au long de la vie —par des politiques adaptées en matière de recherche, d'éducation et de formation, de protection de la propriété intellectuelle, etc…— pour répondre aux défis de la société de l'information et de la connaissance".

"Mettre l'enfant au centre du système éducatif": tout enseignant de conviction plaide pour cette assertion. Or depuis un quart de siècle, ce mot d'ordre a été progressivement anémié et purgé de toute valeur émancipatrice. L'enfant, au service duquel l'école devait être soumise, est lui-même mis en demeure de s'adapter à un impératif supérieur: "la modernité", c'est-à-dire les besoins futurs de l'entreprise. Dans notre pays, c'est là le leitmotiv que répète inlassablement la Fédération des Entreprises de Belgique pour qui le niveau de scolarisation ne doit avoir qu'une ambition: être "un levier à l'employabilité". De même la Kredietbank avance que "l'efficience et la qualité de l'enseignement seraient incontestablement favorisées si les établissements scolaires étaient considérés et gérés comme des entreprises". Dans cette perspective, l'école a pour seul projet pédagogique, selon l'UNICE de "développer la capacité d'apprendre à apprendre afin de s'adapter constamment aux changements sur le lieu de travail et sur le marché du travail…". D'où la nécessité de "réformer les systèmes, les structures et les métho-des d'éducation et de formation, afin qu'ils répondent au mieux aux besoins du marché du travail, dans l'intérêt des entreprises".

Dans cette conception totalitaire, où l'économie de marché entend réduire l'Europe à une société de marché, l'éducation a pour vocation de n'être plus qu'un service rendu au monde économique. En 1995, la Commission européenne dans son Libre blanc ne disait d'ailleurs pas autre chose, plaidant pour que les diplômes ne soient plus délivrés par les Etats mais… par les industriels eux-mêmes.

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10. "Le développement durable, conciliant la nécessité de protéger l'environnement et celle de stimuler le dynamisme des opérateurs industriels".

Le 12 décembre 99, l'Erika —chargé de 37.000 tonnes de fuel— se brisait net. Sa coque gît aujourd'hui par 120 mètres de fond à 70 kilomètres au large du Finistère. Le naufrage a provoqué une marée noire sur 400 kilomètres de côte et tué plus de 50.000 oiseaux. Coût total de ce désastre écologique, indemnisation des pêcheurs et riverains compris: 20 milliards de francs belges. Or, dès le premier jour de la catastrophe, TotalFina —à qui appartient la cargaison et qui avait la charge d'en cautionner le transport— est rivée sur la même ligne de conduite, têtue et amorale: refuser toute responsabilité dans le sinistre, une attitude revêche qui a poussé la compagnie pétrolière à déployer une activité fébrile devant les tribunaux et à faire d'incessantes pressions sur le gouvernement français pour que celui-ci règle l'essentiel de la facture. Voilà ce que l'UNICE appelle sans doute, dans ses multiples ordonnances et mémorandums, "la mise en oeuvre du développement durable", la contribution des entreprises pour une approche nouvelle de la notion "pollueurs-payeurs" et du principe de "précaution"…

Last but not least: six mois après le début du drame, TotalFina (qui a réalisé un résultat net de 140 milliards de FB en 1998) se décide —en traînant des pieds— à débourser 5 milliards aux fins de réparer une partie des dégâts causés. Soit…, 12 jours de bénéfices.

Faut-il le préciser? TotalFina est l' un des principaux sponsors de l' European Business Summit, organisé par l'UNICE, ce mois de juin à Bruxelles.

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QUAND LE PRIVE FAIT SES COMMISSIONS

Juillet 99. Le Commissaire européen Martin Bangemann annonce, dans un communiqué surprise, qu'il rejoint le géant espagnol Telefonica (privatisée deux ans plus tôt). Tollé: le conflit d'intérêts est patent mais ne semble pas gêner outre mesure l'excessivement libéral Commissaire aux Affaires industrielles et aux Télécommunications, chargé de ce secteur stratégique depuis 1993. Il faut dire que pour ce débauchage de choix, Telefonica a réservé à Bangemann un salaire clinquant: 3,5 millions de francs par mois. Sur le coup, l'initiative de l'ancien ministre allemand de l'Economie, souvent critiqué pour son manque d'assiduité comme Commis-saire, fait l'objet de sarcasmes et de soupçons de pantouflage "sentant la corruption".

Telefonica? Cette mégafirme à scandales —qui peut se permettre de mobiliser 900 milliards de francs pour réorganiser ses ambitions— est l'un des beaux "fleurons" que compte l'UNICE, via la Confédération des Employeurs Espagnols. Or, en dépit des remous sulfureux suscités par l'affaire Bangemann, quatre autres Commissaires attachés jusqu'à la mi-99 à l'exécutif européen, sont eux aussi passés (avec armes et bagages) au service de multinationales.

SIR LEON.
Le conservateur Leon Brittan a été nommé, en octobre, vice-président de la banque d'affaires Warburg Dillon Read —une filiale, à Londres, du groupe bancaire suisse UBS (montré du doigt pour son rôle dans le blanchiment d'argent sale)— et, en février de cette année, membre du groupe Unilever (conglomérat anglo-néerlandais dont la récente restructuration va supprimer 25.000 emplois) pour 1,5 million par mois.

Le gaulliste Yves Thibault de Silguy est devenu conseiller auprès de la présidence du groupe multiservices Suez-Lyonnaise des Eaux, et Marcelino Oreja président du leader du bâtiment espagnol FCC.

LE CAS KAREL.
Mais c'est l'embauche de Karel Van Miert (l'une des guest stars invitées le samedi 10 juin au Sommet des affaires) qui reste le cas le plus polémique. Ex-Commissaire aux Transports (1989-1993) puis à la Concurrence (1993-199), ce socialiste "dégagé" est l'un des pères de la privatisation menée dans le secteur des transports aériens en Europe —un processus qui, loin d'offrir plus de "liberté", accélère en fait les concentrations de compagnies et les fusions mastodontes. Or Van Miert vient d'atterrir, en mars, au Conseil consultatif du holding Swissair —au seul motif, selon ses dires, qu'"il aime l'aérien et y siège avec des gens intéressants" (sic). Toujours pour les mêmes motivations "désintéressés", Van Miert est membre, depuis février, du Conseil d' Administration du géant néerlandais Philips et entrera, en juillet, au CA de la société anversoire Agfa-Gevaert.

SUR LE PONT.
Last but not least, l'UNICE a tenu également à ce que l'ancien vice-Président de la Commission euriopéenne, le Vicomte Etienne Davignon (depuis 1985, Président de la Société Générale de Belgique) participe à un débat sur la dérégulation, avec Loyola de Palacio (le Commissaire aux Transports et à l'Energie) et John Goossens, le chief executive officer de Belga-com qui en connaît un bout sur la question: sa société va être, de manière incessante, totalement privatisée.

CE QUE NOUS VOULONS

  • un revenu minimum décent garanti à tous et la reconnaissance du principe: un travail est un droit, un revenu est un dû;
  • une réglementation du travail, basée sur les législations les plus avancées pour les salariés, et le respect des droits syndicaux;
  • des dispositions qui découragent la flexibilité (suppression des emplois précaires, des horaires saccadés et des conditions de travail stressantes) et respectent la vie privée des salariés;
  • des mesures anti-délocalisation, empêchant les multinationales de fermer les entreprises et de quitter le pays comme bon leur semble;
  • l'arrêt des privatisations et le renforcement des services publics;
  • une réforme des impôts au profit des salariés et des petites gens; ainsi que la suppression des paradis fiscaux;
  • la défense du système de pension légale et l'arrêt du recours aux fonds de pension —qui crée un système de retraite à deux vitesse favorisant les plus riches;
  • l'application de mesures contre la spéculation, notamment par l'application de la taxe Tobin;
  • l'annulation de la dette du Tiers-Monde et un commerce équitable;
  • la liberté de circulation et d'installation de toute personne dans l'espace européen;
  • le respect de la souveraineté alimentaire et le droit, pour chaque pays, de refuser de se plier aux diktats des firmes transnationales, de la Banque mondiale et du FMI;
  • l'application du principe de précaution, visant notamment à interdire les OGM tant que leur non-nocivité n'aura pas été scientifiquement démontrée;
  • le développement durable de la planète, comme critère prioritaire par rapport aux notions de concurrence, de compétitivité, de mondialisation et de "liberté" des entreprises.

 

Jusqu'au samedi 10 juin,

16 heures...

  • Le mardi 6 juin:

Projection du film D'une brousse à l'autre (France 1997), au Nova (3 rue d'Arenberg, 1000 Bruxelles) à 20 heures 30, suivie d'un débat avec le réalisateur Jacques Kébadian.

La soirée est organisée par la Fondation européenne des Sans-papiers (PAF: 150 francs).

  • Le jeudi 8 juin:

Conférence de presse et colloque, organisés par

Voix dissonnantes, avec Jacques Nikonoff (Attac-France, Un travail pour chacun), Olivier Hoedeman (Corporate Europe Observer), J. Kruithof (professeur à l'Université de Gand) et J.G. König (journaliste allemand).

Salle Helder Camara, 19 rue Pletinckx (1000 Bruxelles), à 19 heures 30.

Conférence-débat, organisée par

les étudiants de dernière année en Sciences-Politiques de l'ISC-Saint-Louis:

"Mondialisation et développement durable: quel avenir pour le citoyen?",

de 18 à 20 heures 30, à l'Auditorium Fortis Banque, 30 rue Royale à 1000 Bruxelles.

Avec la participation (sous réserve de confirmation) de Guy Verhofstadt;

Charles Picqué (Ministre de L'Economie); Olivier Deleuze (Secrétaire d'État à l'Energie et au Développement durable); Tony Vandeputte, (Administrateur-délégué de la FEB);

Riccardo Petrella (Professeur d'économie à l'Université de Louvain et Professeur au Collège d'Europe à Bruges); Nadine Gouzée (Vice-Présidente du Conseil wallon de l'Environnement); Pascal Lamy (Commissaire européen); Benoît DERENNE (Directeur de la Fondation pour les Générations futures); Paul Frix (Directeur Général aux Affaires étrangères et Représentant permanent adjoint à l'OCDE); Henry Ingberg (Secrétaire général du Ministère

de la Communauté Wallonie-Bruxelles).

Animation des débats: Simone Reumont, rédactrice en chef du journal parlé RTBF.

  • Le vendredi 9 juin:

Colloque public sur la taxe Tobin, au Parlement belge à partir de 9 heures. Coorganisateurs: Union interparlementaire et Réseau d'action contre la spéculation financière.

  • Le samedi 10 juin:

de 10 à 15 heures 30 à la Madeleine (rue Duquesnoy à 1000 Bruxelles),

colloque international organisé par Les Marches européennes: "Un minimum social pour tous en Europe". Avec la participation d'Angela Klein (mouvement des chômeurs, Allemagne), Marie-Paule Connan (Marches européennes), Wolfram Otto (Bundesarbeitsgemeinschaft Sozialhilfheininitiative, Allemagne), Catherine Levy (France), et Georges Debunne (FERPA).

Puis…

SAMEDI 10 JUIN,

16 HEURES

"UNIS CONTRE L'UNICE"

MANIFESTATION

Place Rogier (building Martini)

avec Jean-Claude Amara (Droits devant!-France),

Agnès Bertrand (Observatoire de la Mondialisation-France),

José Bové (Confédération paysanne),

Albert Faust (Président du SETCA-Bruxelles),

Pierre TARTAKOVSKI (Secrétaire général d'ATTAC-France),

tous les groupes ATTAC de Belgique,

des délégations d'ATTAC-France,

le Grand Théâtre Royal de Luxe de Nantes,

la FGTB-Bruxelles, la FGTB et la CGSP-Liège

la Ligue des Droits de l'Homme,

La Fondation européenne des Sans-papiers,

Les Marches européennes,

L'Appel des 600, Kairos (Bruxelles-Wallonie),

le POS, le PTB, le PC… puis

MEETING

à la MADELEINE (rue Duquesnoy)

à 18 heures