ORGANISATION D'UN CONTRE SOMMET UNICE ET D'AUTRES REVENDICATIONS DE SOCIETE by Attac Wednesday, May. 31, 2000 at 1:23 AM |
Comment expliquer que l'augmentation de la bourse soit considérablement plus grande que l'augmentation de la production dans toutes les économies développées ?
Comment se fait-il que le capital puisse générer, comme par miracle, plus de capital encore de par le monde, alors que la génération de richesses, qui est le résultat du travail productif, est en croissance faible, y aurait-il génération spontanée de capital ?
Comment se fait-il que l’écart entre les riches et les pauvres augmente dans tous les pays, et augmente aussi entre les pays riches et les pays pauvres ?
La seule réponse, c’est que la répartition de la valeur ajoutée de la production dans le monde s’est modifiée à l’avantage sensible du capital et au détriment du travail. Le phénomène s’accélère encore en faveur des détenteurs d’actions et autres produits financiers grâce aux bourses, à la spéculation financière qui s’y développe et donc à la bulle spéculative qui s’accroît.
Le capital est libre de ses mouvements, indépendamment du travail qui seul crée de la valeur ajoutée, sans en percevoir sa part légitime de rémunération.
Comment ce phénomène d’appropriation par le capital d’une part de plus en plus grande du gâteau fabriqué par le travail a-t-il pu se produire ? Malgré une augmentation de la productivité ?
Et bien :
- Par la dérégulation voulue par les tenants du libéralisme économique, maintenant appelés les ultralibéraux pour les distinguer des libéraux philosophiques.
- Par l’affaiblissement des Etats nationaux, qui ont joué dans le passé un rôle de médiateur social sinon de régulateur social, et leur remplacement par des institutions supranationales présentant des déficits de médiation et il faut le reconnaître des déficits de représentation démocratique aussi bien sur le plan électif que sur le plan du poids des groupes de pression qui doivent être présents dans les mécanismes de médiation.
Et les institutions européennes, quoi qu’on en dise présentent à la fois ces deux types de déficits.
Quant aux autres organisations internationales, telles que la Banque Mondiale (BM), le Fond Monétaire International (FMI), l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et l’Organisation Mondiale sur le Commerce (OMC) pour ne citer que les principales, elles se caractérisent par l’absence de médiation et de représentativité démocratique. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui en conviennent, y compris certaines autorités gouvernementales et les partis démocratiques en général, sans toutefois que l’on assiste à l’instauration de mesures correctives, alors que le prosélytisme des ultralibéraux ne faiblit pas et que leur influence n’a pas diminué dans les faits.
Il serait temps d’expliquer pourquoi les dérives se sont installées, de réagir pour que l’ensemble des partenaires puissent s’exprimer et se remettre en position de négociation. Et ensuite de favoriser la recherche de consensus assorti du respect des droits qui sont universellement reconnus ou qui servent de principe de base au fonctionnement des sociétés.
Avant d’examiner les causes des dérives, nous examinerons donc les principes de base et les interprétations qu’on peut leur donner aujourd’hui.
Les bases du droit international largement reconnues sont d’une part la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et d’autre part le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Si la Déclaration des Droits de l’Homme ne fait en général pas l’objet de remise en cause dans les pays développés, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes font souvent l’objet d’accommodement au nom de la “real-politic”. Nous nous attacherons donc plus précisément à ces droits de l’homme et plus spécialement à ses valeurs symboliques exprimées par les trois principes de base issus de la révolution française, à savoir : Liberté, Egalité, Fraternité. Ils ont maintenant plus de deux cent ans d’existence et font l’objet de nouvelles analyses sémantiques compte tenu de l’évolution des sociétés.
Nous ne voulons souligner ici que ce qui semblent aujourd’hui admise par rapport au caractère absolu du respect des droits humains et conforme à la compréhension actuelle du fonctionnement du monde et des rapports humains, à savoir :
Liberté : la liberté sans protection ne profite qu’aux forts. L’épargne mondiale profite d’abord aux Etats-Unis en finançant son développement et en lui permettant d’exporter son déficit commercial.
Egalité : l’égalité n’existe pas, ni au niveau biologique (héréditaire et génétique), ni culturel (selon le milieu où l’on naît), par contre elle existe en terme de respect de l’individu, de sa dignité et de son libre accès aux mêmes droits et devoirs vis-à-vis de la société, de l’humanité en général sur toute la planète. Mais sans mécanismes de protection certains seront toujours “plus égaux que d’autres”.
Fraternité : un principe qui participe à la fois aux deux précédents et qui active ou réactive une valeur de collaboration entre les individus, ... en opposition avec celle de compétition qui est le principal moteur des valeurs ultralibérales et de l’égoïsme, c’est-à-dire de l’individualisme sans aucune prise en compte de l’intégration sociale indispensable au fonctionnement minimal, même largement en de-çà de ce qui peut être souhaitable, des groupes sociaux.
L’individualisme n’est pas en cause, pour autant qu’il soit inscrit dans le cadre d’une liberté et d’une égalité de dignité largement reconnues. Mais il faut bien constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que c’est la raison fondamentale de notre prise de position.
Et malheureusement il existe toutes sortes de théories et philosophies qui vont du darwinisme social, au malthusianisme, à l’eugénisme en passant par le principe de compétition économique, par le racisme et parfois part la volonté manifeste d’éliminer des déviants à ces principes et théories soi-disant philosophiques, économiques ou éthiques.
L’histoire a montré les dérives qui pouvaient exister.
Mais visiblement, il n’est pas encore évident pour tous que ces principes doivent être bannis, parce que ces principes évidents pour d’aucuns sont sans doute les plus difficiles à démontrer selon les règles de la logique formelle, ou d’autres mécanismes de raisonnement qui sont les plus souvent utilisés dans notre société dite scientifique. Trop souvent de groupes d’individus sont prêts à réinventer la réalité qui leur convient, sous le couvert d’un pseudo-scientifisme, et les exemples ne manquent pas.
Et il faut bien constater qu’on se trompe largement de registre ou de niveau à ce point de vue, simplement parce qu’on oublie certaines valeurs qui , si elles ne sont pas uniquement religieuses, n’en sont pas moins au centre de toute question d’existence. En effet, si nous existons, et si on admet, comme on le fait depuis de siècles maintenant, que nous ne sommes pas au centre de la “création” ou de l’univers, nous en sommes néanmoins une partie importante en tant qu’homme “pensant”, une espèce unique dans l’univers jusqu’à preuve du contraire. Il ne nous est pas pour autant permis de négliger ni de mépriser les autres espèces, partenaires de notre environnement.
Nous pouvons cependant affirmer la primauté du respect de notre essence et de notre existence par rapport à cet univers, et exiger le respect de l’humanité, toute l’humanité.
Et l’affirmer revient à considérer comme secondaires les valeurs dérivées qui sont celles de l’argent, de l’économie qui a perdu les fondements de son assujettissement aux valeurs de l’humanité et des sociétés telles qu’on les voit actuellement.
En d’autres termes, il faut affirmer haut et fort que l’humanité doit d’abord défendre l’humain, comme valeur centrale de ses actions et trouver des réponses à la question essentielle à la base de toute éthique : comment faut-il vivre ?
On peut débattre des valeurs de progrès et d’augmentation des connaissances, mais on ne peut pas occulter leurs liaisons avec les valeurs fondamentales de l’humanité.
CRITIQUE DES PRIORITÉS DE L’UNICE
Les priorités de l’UNICE sont analysées et critiquées systématiquement en fonction des principes énoncés auparavant.
Première priorité : “la compétitivité européenne, une condition préalable pour une croissance saine et un haut niveau d’emploi”,
Il faut constater d’abord que le principe de compétitivité ne vaut que dans un cadre particulier qui a été défini au préalable, à savoir de la primauté de l’égoïsme effréné sur les besoins collectifs.
A ce titre on peut mettre en doute la nécessité de la compétitivité aussi bien que ses corollaires de croissance saine et de haut niveau de l’emploi. Le concept de “croissance saine” doit être défini dans un cadre plus large de ce qui est sain ou ne l’est pas, ce qui n’a pas été défini jusqu’à présent.
Qu’est-ce qui est sain ? Et pourquoi ? Ou pour qui ?
Questions qui restent sans réponse et sans débat dans l’état actuel des choses !
Le terme “préalable” est particulièrement contestable dans ce contexte.
Deuxième priorité : “l’achèvement et mise en oeuvre du marché unique, au bénéfice de 370 millions de consommateurs”
Le bénéfice n’est pas du tout évident lorsqu’on considère l’évolution globale des paramètres de répartition des richesses. Le système fonctionne plus en vertu d’un bénéfice plus grand pour ce qu’on appelle traditionnellement “l’offre “ que pour “la demande” matérialisée par les consommateurs.
Il ne faut pas s’en étonner, dans la mesure où la confusion est largement organisée entre les effet respectifs de l’offre et de la demande, et ce depuis longtemps, y compris au niveau de l’éducation, et en particulier des écoles de commerces et autres business schools. La demande, à savoir le consommateur, a toujours été flattée, l’importance de son rôle dans les mouvements économiques a toujours été surévalué en masquant le rôle moteur de l’offre, et les responsables politiques n’y ont jamais vu que du feu, à moins qu’ils n’aient été complices.
Le discours consistant à faire croire que le consommateur est maître du jeu ne sert qu’à aveugler et tromper le public.
Troisième priorité : “la stabilité à long terme de l’union économique et monétaire avec une monnaie unique forte”
La stabilité en soi n’est pas critiquable, pas plus que la monnaie forte. Le problème n’est pas là, mais bien ce qu’on en fait. Pour ce qui est de la stabilité, on doit constater qu’elle est impossible, parce que contradictoire avec l’histoire et la constatation que l’évolution est inéluctable. Par ailleurs, il faut constater que ce principe de priorité à la stabilité mis en exergue par l’UNICE est en contradiction avec les volontés de dynamisme et de changement, qui sont mises en exergue dans les priorités de compétition, d’élargissement de l’Union, qui propose à priori le changement, la réforme des systèmes fiscaux, des services publics, la flexibilité des marchés du travail, la protection de l’environnement dans un cadre supportable, et last but not least l’innovation.
Il faudrait savoir si on s’inscrit dans un cadre de stabilité ou dans un cadre dynamique, de redistribution des avantages, des changements.
Le double langage est ici tout-à-fait évident, et nous voulons mettre en garde les autorités publiques qui veulent encore respecter l’intérêt général comme elles le prétendent, par rapport à ce double langage qui est évident pour ceux qui veulent y regarder de près.
Quatrième priorité : “une politique de concurrence ouverte dans l’Union, offrant des choix plus larges (de biens et de services) et à des prix plus bas”
Si le principe de concurrence, bien compris dans le sens d’une amélioration du bien-être général, n’est pas remis en cause, nous contestons le principe de la compétition tel qu’il se pratique aujourd’hui.
En effet la compétition conduit plus à des alliances et à des fusions qu’à la concurrence saine, pour le développement de produits et de services de qualité au sens des principes admis au niveau universel. Ces fusions aboutissent en effet à la constitution d’oligopoles, sinon de monopoles, et donc à l’inverse de la concurrence soit le contrôle des marchés et les ententes entre entreprises.
Et la discussion sur la qualité des services n’a pas lieu d’être ici, elle démontrerait évidemment le non respect de celle-ci plutôt que l’inverse, mais tel n’est pas le propos.
Cinquième priorité : “la libéralisation du commerce international par le renforcement du système de commerce multilatéral, basé sur des règles claires et équitables”
La liberté du commerce international n’est pas en cause, pour autant que les règles soient effectivement claires et équitables comme il est stipulé.
Ces règles claires et équitables impliquent le respect des règles d’égalité dans le principe du respect de la dignité et de la liberté assortie du respect du droit du faible par rapport au fort, c’est-à-dire de l’indépendance de l’établissement de règles de protections éventuelles du droit des faibles lorsque celles-ci sont clairement remises en question.
Sixième priorité : “l’élargissement de l’Union Européenne pour étendre la prospérité à l’ensemble du continent européen”
Cet élargissement n’est pas contestable s’il ne s’accompagne pas d’un “dumping social” entre autres choses, et d’un manque de respect des règles démocratiques.
L’Autriche pose déjà des problèmes de respect de la démocratie à la communauté.
Il ne faudrait pas ajouter d’autres pays qui ne respecteraient pas ces règles, pas plus que ceux qui ne respecteraient pas une volonté de respect des autres règles fondamentales de fonctionnement de nos sociétés telles que définies précédemment.
Septième priorité : “une législation de meilleure qualité de manière à minimiser les coûts et les contraintes qui sont particulièrement dommageables au développement des PME”
On peut se demander si la législation doit avoir un rôle en la matière, alors qu’on refuse de la voir dans la limitation des abus lorsqu’il s’agit des grandes entreprises et en particulier des multinationales qui échappent aux législations des Etats grâce aux mécanismes de délocalisation des profits.
Toutefois la minimisation des coûts doit être envisagée dans le cadre d’une cotisation patronale à la sécurité sociale basée sur la création de valeur ajoutée et non plus sur les rémunération des personnes employées.
Huitième priorité : “la promotion de l’esprit d’entreprise et la définition d’une politique sociale basée sur les réalités économiques ainsi que des réformes de structure ( taxation plus faible, services publics plus efficaces et marchés de l’emploi plus flexibles)”
La promotion de l’esprit d’entreprise dépend largement de la possibilité d’accès au financement de celui-ci. Jusqu’à preuve du contraire, et les études le montrent dans tous les pays, le capital se désintéresse de la partie “capital-risque” qui est à l’origine des créations d’entreprises et donc de “l’esprit d’entreprise”. Il préfère à plus de 90% se reporter sur les valeurs spéculatives qui sont plus rémunératrices, compte tenu des différents mécanismes de spéculation qui n’ont rien à voir avec l’économie réelle, ou les mécanismes boursiers qui prétendent rémunérer les actions à 15% de leur valeur nominale alors que la croissance économique n’est que de 2 à 3%.
La taxation plus faible ne se justifie que si elle est assortie d’une taxation forte des mouvements financiers spéculatifs qui ne créent pas de richesse, et d’une révision de mécanismes de taxation qui rétablissent une valorisation du travail, qui est seul créateur de richesses par rapport à une faible taxation des revenus financiers de quelle que nature qu’ils soient.
L’efficacité des services publics peuvent et doivent être améliorés. Mais non pas en fonction des critères de rentabilité appliqués aux services marchands parce qu’ils n’ont pas la même finalité.
Les critères d’évaluation de la création de richesses publiques n’existent pas à l’heure actuelle, ils peuvent et devraient être mis en place, mais ils ne figurent pas encore dans les comptes nationaux ou internationaux, ils ne font l’objet que de peu de considération et encore moins de systèmes d’évaluation. Une modification dans ce domaine serait plus que salutaire si l’on considère le fonctionnement harmonieux des sociétés et des relations entre les nations, de manière à promouvoir une mondialisation équilibrée.
La flexibilité de l’emploi se base actuellement sur des prémisses fausses : d’une part la formalisation d’une demande claire et lisible de la part des entreprises et d’autre part une population capable, à court terme, de vouloir et de pouvoir répondre à cette demande.
Il faut bien constater que ni l’une, ni l’autre des conditions ne sont remplies.
Mais on doit aussi constater que les milieux patronaux utilisent d’une part le chômage et d’autre part l’argument de manque “d’employabilité” pour traumatiser la population des demandeurs d’emploi à quelque niveau que ce soit. Plusieurs indicateurs le montrent effectivement.
Le chômage, en vertu du principe de la lutte contre l’inflation, est devenu une variable d’ajustement de la politique économique globale, qui est largement utilisée par les banques centrales ayant acquis leur indépendance par rapport aux gouvernements respectifs, défendant par la même les intérêts des milieux financiers. Ces banques, avec les milieux financiers, ont largement organisé le système consistant à utiliser le chômage comme valeur d’ajustement.
L’employabilité, ou plutôt la non-employabilité, est un concept qui ne sert qu’à avilir et à réprimer la personnalité des individus qui se trouvent dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’emploi.
Le mécanisme est similaire à celui utilisé par les polices des sociétés totalitaires, à savoir la destruction de la personnalité en jouant sur les ressources de l’équilibre dont dispose un individu ordinaire : la pudeur, le contrôle émotionnel, la loyauté, la discrétion ... Les système de reclassement ou de recrutement au travers de la “gestion des ressources humaines” tendent à transformer la pudeur en impudeur, le contrôle en désarroi, la loyauté en déloyauté.
Les mécanismes d’out-placement n’ont été mis en place que pour pallier à une partie des dommages infligés aux individus en cas de licenciement, sans y parvenir complètement. Ce ne sont en général que des mécanismes instrumentaux pour limiter les dommages individuels et collectifs. Dans de nombreux cas, les individus placés dans ces situations perdent complètement confiance dans la société et dans sa capacité à régler les problèmes qui les concernent.
Mais il faut néanmoins constater que l’out-placement fait partie dans mécanismes usuels mis en place par le capital pour donner l’impression qu’il se soucie des problèmes humains.
L’employabilité, ou plutôt la non-employabilité des jeunes ne procède pas autrement.
Pour ce qui concerne ceux d’entre eux qui sont les moins favorisés, qui n’ont pas un bagage suffisant, on les fait lanterner suffisamment longtemps au chômage pour en faire une population “ajustable”, tout en s’offusquant, c’est-à-dire en les culpabilisant plus encore, de leur incapacité à être intégrables.
Les sociétés les plus discriminatoires n’ont pas procédé autrement en traitant les individus qu’elles voulaient rejeter de “vermines” ou d’autres qualificatifs.
Pour ce qui est des diplômés, qui ne sont pas issus des filières ayant subi le lavage de cerveau approprié, à savoir les écoles de commerce ou d’économie dispensant les vertus du capitalisme, le traitement est le même : le chômage pendant un an ou deux, selon un principe non déclaré de la punition pour inadaptabilité au système. Aucun compte n’est tenu de la richesse culturelle de leurs études qui pourrait être d’un apport considérable aux entreprise qui viendraient à les engager. Elles ont beaucoup trop peur d’une éventuelle modification de “culture de l’entreprise” au nom d’un conservatisme que l’on ne saurait assez décrier.
Les directions des ressources humaines ont des instructions très (ou trop) précises, qui les empêchent d’introduire de la créativité, en dehors des canons établis. Si ce n’est pas du conservatisme, nous ne savons pas ce que c’est, malgré les slogans prétendant rechercher la créativité et le dynamisme.
Neuvième priorité : “le développement soutenable en réconciliant la protection de l’environnement tout en stimulant le dynamisme de l’industrie européenne”
Voilà un principe qui mérite attention et vigilance, par rapport auquel nous ne pouvons que nous réjouir des positions patronales.
Tout reste à voir et à contrôler ce qui est réellement fait par rapport une telle déclaration démagogique.
Dixième priorité : “l’innovation et l’éducation permanente, au travers de politiques de recherche ciblées, d’éducation et d’apprentissage, de protection de la propriété intellectuelle, etc..., de sorte que l’on relève les défis de la société de l’information et des connaissances”
Voici à la fois l’une des plus grandes ambitions mais aussi les plus grands dangers.
Personne en effet ne pourrait s’opposer à la réalisation de cette grande ambition sans se faire taxer de rétrograde, de pense-petit ou de statique.
Pourtant, à bien y regarder, on peut se poser des questions, qui sont déjà largement présentes dans les publications les plus diverses.
L’innovation est un facteur de changement, personne ne le niera, encore faut-il que l’innovation soit intégrable et assimilable socialement, sinon économiquement.
Quelques exemples pour s’en convaincre :
- la plupart des entreprises dites de haute technologie, surtout celles liées à l’internet sont chroniquement déficitaires, elles ne doivent leur survie qu’à la spéculation sur leur devenir. Mais rien ne prouve que cet avenir existe dans l’absolu et dans les conditions définies par leur valeur boursière.
- les technologies avancées ne touchent qu’un partie très faible de la population des nations développées, les mécanismes économiques en place ne permettent pas de créer à court ou à moyen terme des marchés de masse comme ce fut le cas pour la voiture Ford modèle T, faute de pouvoir d’achat et de connaissances suffisantes. Les pays en développement en sont exclus comme ils le sont des autres bénéfices de la technologie comme les produits pharmaceutiques, faute de “ demande solvable”.
- la technologie de l’information est plus orientée vers les produits ludiques (émissions de TV, jeux, sports, etc.. ) que vers la création de “connaissances”, parce qu’elle est aussi préoccupée de profits à court terme et non pas de “formation et d’éducation” qui demandent des investissements.
Seuls les pouvoirs publics, ou les institutions soucieuses du bien général sont susceptibles de remplir ces besoins qui n’impliquent pas de rentabilité immédiate, c’est-à-dire à un an (le temps moyen d’un investissement comme un fond de pension dans une entreprise ne dépasse pas neuf à dix mois).
Comment voudrait-on que le secteur marchand, le privé pour le nommer, investisse dans douze ou quinze ans d’études d’un individu sans garantie de “rentabilité”. C’est aberrant, n’est-ce- pas, et pourtant le secteur privé a la prétention de devenir un partenaire, sinon un opérateur de l’éducation et de la formation.
Notre remarque formulée auparavant sur sa capacité à intégrer les formations culturelles non-acceptables par le secteur privé n’en est que plus pertinente.
Nous ne voudrions pas terminer notre analyse sans souligner que les entreprises, non contentes de refuser l’intégration des jeunes pour raison d’inemployabilité, rejette aussi les plus âgées pour raison d’ incapacité à s’adapter à la nouvelle culture des entreprises, c’est-à-dire à la flexibilité ou en d’autres termes à l’obéissance absolue qui en d’autres temps était qualifiée d’esclavage.