Des gens du monde entier collaborent à notre website. by HAN SOETE Monday, May. 29, 2000 at 4:43 PM |
«Les patrons utilisent internet et la nouvelle technologie pour mieux organiser leur production. Nous l'utilisons pour organiser la résistance» Manse Jacobi
Mai 2000, agréable d’enfin communiquer avec lui autrement que par e-mail. Et, quant à lui, de se régaler de chocolats belges et d’une véritable chope de bière. Mais au fait, c’est quoi Freespeech TV?
Manse Jacobi. C’est une station de télé indépendante progressiste qui présente aux Etats-Unis des programmes via câble, satellite et internet. Chaque année, nous réalisons quelques milliers de films, de documentaires et de programmes qui n’ont pas accès aux médias commerciaux. Nous essayons de les diffuser, afin qu’ils atteignent tout de même un certain public.
Freespeech TV était parmi d’autres à la base du Media Center indépendant à Seattle. Comment naquit ce Media Center ?
Manse Jacobi. A l’approche des actions contre la réunion de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Seattle en novembre de l’année passée, nous nous sommes réunis avec plusieurs activistes de médias. Nous savions que les médias traditionnels relateraient les protestations à Seattle de manière fort unilatérale. Nous avons donc uni nos forces pour créer Indymedia, l’Independent Media Center. Objectif: devenir un centre de presse à partir duquel les activistes pouvaient diffuser leur matériel à travers le monde.
C’était le but initial, mais durant les préparatifs et les actions, le besoin d’une collaboration durable se faisait sentir. Indymedia s’est ainsi développé en peu de temps jusqu’à former une sorte de CNN website démocratique où on peut trouver des nouvelles, des articles, de la vidéo, de l’audio venant de tous les coins du monde.
En quoi Indymedia diffère-t-il des autres médias?
Manse Jacobi. La première différence est que nous ne travaillons pas pour faire des bénéfices. Les médias traditionnels sont des entreprises capitalistes ordinaires: ils attirent des annonceurs et le contenu de leurs infos n’est pas déterminé par la valeur d’actualité mais par la valeur qu’un annonceur ou un sponsor y attache.
Par ailleurs, nous estimons qu’il doit être possible à chacun de diffuser ce qui constitue pour lui l’actualité. Chez nous il n’y a pas de gardien ou de censeur filtrant ce qui oui ou non peut passer dans les actualités. Internet permet un accès facile et permet à chaque personne disposant d’une connexion à l’internet, de participer à ce processus. Chacun peut vraiment placer son article, photo, vidéo ou audio sur le web. Internet permet de briser la censure des médias traditionnels.
Vous optez résolument pour la résistance. Les médias traditionnels disent qu’ils apportent l’information de manière ‘objective’.
Manse Jacobi. Votre objectivité est déterminée par le choix des sujets. Si en tant que rédacteur en chef, vous décidez de publier des articles sur les bons restaurants à New York , ces récits en soi seront peut-être bien objectifs. Mais ce choix pour des articles concernant des restaurants souvent hors de prix fait qu’il n’y a ni la place ni les journalistes pour publier des rapports sur les quartiers populaires de New York ou sur la grève des ouvriers du bâtiment.
La plupart des journaux et des émissions d’actualité ont bien une rubrique financière mais pas de rubrique concernant la vie syndicale ou les conditions de travail? Il y existe même des médias axés uniquement sur les informations financières et économiques, mais aucun centrés exclusivement sur la vie des travailleurs.
Selon les activistes à Seattle, c’est grâce à internet si tant de gens ont participé aux actions. D’accord avec cette affirmation?
Manse Jacobi. La grande majorité des gens ne sont pas contents. Le gouvernement américain prétend que le progrès est en augmentation constante. Mais ce n’est vrai que pour une infime partie de la population. Ce qui croît surtout, c’est le nombre de gens devant travailler toujours plus pour gagner toujours moins. Par ailleurs, le sentiment de solidarité avec le tiers monde se ravive actuellement. Le mécontentement concernant son propre sort et la solidarité avec les pays du Sud sont à la base du succès de Seattle.
Mais ce succès n’a pu effectivement se concrétiser que par l’utilisation d’internet et des nouvelles technologies. C’est un moyen ultra-rapide et extrêmement bon marché. En un minimum de temps, on peut atteindre des milliers de personnes. Internet donne la possibilité de discuter avec les gens n’importe où aux Etats-Unis et dans le monde entier. Les patrons utilisent internet et les nouvelles technologies pour mieux organiser leur production. Nous l’utilisons pour organiser la résistance.
Notre website lui-même en est peut-être le meilleur exemple. Des gens du monde entier y ont travaillé. Les programmeurs habitent en Australie… Mais dois-je vraiment vous expliquer tout cela? Vous aussi, vous avez collaboré à notre site depuis la Belgique.