ZDF- Télévision- mardi 30 janvier 2001 à 22 :30

00.19 Août 1996. L'assisté social Marc Dutroux est arrêté. Chefs
d'accusation: enlèvements et viols de plusieurs fillettes. Le juge
d'instruction compétent invite les témoins à se manifester. L'un d'eux est
Anna Konjevoda. Elle détient des informations sur les complices de Dutroux
...
Une grande statue veille sur la Meuse à Liège. C'est ici que lors du
nettoyage de la centrale hydraulique, une petite dame est repêchée de la
rivière.
L'autopsie indique qu'elle a été battue et étranglée avant d'être jetée dans
la Meuse. Il s'agit de Anna Konjevoda.

Plus de vingt témoins dans l'affaire Dutroux sont morts de façon suspecte.
Anna Konjevoda a-t-elle aussi été tuée parce qu'elle en savait trop?

Les traces des abuseurs d'enfants Dutroux et les témoins morts

01.59 Le propriétaire de bordel et de boîte de nuit Michel Piro est abattu
sur un parking de l'autoroute pendant que son amie va se dégourdir les jambes dans
les buissons. Il avait prévu de rencontrer deux jours plus tard les parents
de fillettes qui auraient été victimes de Dutroux. Il avait laissé entendre
qu'il possédait des informations importantes ...

02.19 Le dentiste Brigitte Jenart de Bruxelles était considéré un témoin
important dans l'affaire Dutroux. Un an après le début de l'affaire, on la
retrouve morte chez elle. Le juge d'instruction retient la cause du suicide
...
02.40 Un détenu, Christian Coenraedts, doit être entendu dans une prison de
Bruxelles sur ses liens avec Dutroux et son complice Weinstein. Le jour
précédent, il réussit à s'échapper pendant un déplacement. Un mois plus
tard, il est retrouvé assassiné dans la banlieue de Bruxelles.

03.03 L'abuseur d'enfants Marc Dutroux. Quand il est conduit, en août 1996,
du tribunal à la prison, la population lui crie sa haine et veut sa mort.
Depuis quelques heures, on sait que deux fillettes ont été libérées de la
cave de Dutroux. De nouvelles arrestations suivent. Son homme de main,
Michel Lelièvre, et sa femme Michèle Martin sont également insultés par la
population.
"A mort !" hurlent-ils.
Décontracté, le chef de bande présumé, le bruxellois Michel Nihoul, se
laisse
conduire devant le juge d'instruction. Il est suspecté d'avoir fourni les
jeune filles enlevées par Dutroux à de riches clients.

03.52 C'est seulement après d'interminables interrogatoires que Dutroux se
dit prêt à conduire les enquêteurs dans la cache de la cave. Laetitia - 14 ans,
disparue depuis 8 jours - et Sabine - 11 ans - sont retrouvées vivantes.
Sabine a passé six semaines dans la cave.
Pendant tout ce temps : aucune trace d'elles. On n'osait plus espérer les
retrouver vivantes.

04.18 Le soulagement et la joie sont indescriptibles quand Laetitia,
soutenue par sa mère, est reconduite dans sa maison. Les voisins attendent depuis des
heures pour la saluer. Les semaines de supplice ont marqué le visage de
Sabine. Un policier la soulève vers sa famille. "Vous m'avez tellement
manqué" est tout ce qu'elle réussit à dire quand ses parents la prennent dans leurs
bras.

04.45 Mais le bonheur ne dure pas longtemps. On soupçonne que d'autres
filles encore aient pu être victimes de l'abuseur d'enfants. Dans les jours qui
suivent,
les recherches commencent. Soigneusement, chaque coin de la maison de
Dutroux est fouillé. On espère trouver les preuves d'autres crimes. Déjà il
est fait mention du fait que Dutroux n'est pas un pervers isolé, mais qu'il fait
partie d'un réseau.
Sur le terrain d'une des maisons de Dutroux, on finit par trouver trois
cadavres: son complice d'antan, Weinstein, et deux fillettes disparues, âgées de huit
ans: Julie et Melissa

05.22 Pendant quatorze mois, elle ont été portées disparues et recherchées.
Elles ont été enfermées dans une cache et sont cruellement mortes de faim.

05.29 Des milliers de personnes de tout le pays viennent à l'enterrement.
Elles applaudissent en signe de soutien pour les parents. Le père d'une fille
toujours disparue embrasse le père de Julie, décédée. Il espère encore pouvoir
retrouver en vie sa fille Ann. 05.52 Comment est-il possible que les filles
n'aient pas pu être libérées à temps ? Le deuil et l'incrédulité se lisent
sur les visages des parents.

06.03 On n'est pas au bout de l'horreur. La maison du complice de Dutroux,
Bernard Weinstein, mort assassiné, est également mise dessus-dessous. Jour
et nuit, le travail des enquêteurs se poursuit. Tout est passé au peigne fin
à la recherche d'une trace. Puis la nouvelle : les corps de deux autres
filles disparues sont trouvés : Eefje et Ann. "Nous n'avons plus besoin de
les chercher" dit le père de Ann, désespéré. 06.44 Le destin difficile
réunit les parents des victimes. Ils exigent l'élucidation complète de
l'affaire, sans exception..

06.49 Puis apparaissent les photos d'une fête avec les filles libérées. Le
juge d'instruction qui a mis fin aux agissements de Dutroux est également
présent.
Quelque chose d'étrange se produit: sa destitution de l'affaire est requise
pour cause de partialité. La Belgique est indignée: justement lui, l'homme qui a
réussi à faire libérer les enfants !

07.10 "Connerotte doit rester !" crie-t-on dans la rue.
La radio : "Bonjour. La Cour de cassation vient de trancher: elle ordonne le
désaisissement du juge Connerotte." Quand Connerrotte est effectivement
destitué, la foule manifeste devant le Palais de justice de Bruxelles. En
signe de protestation, les pompiers arrosent les façades. Les étudiants
manifestent dans tout le pays. C'est du jamais vu dans la paisible Belgique.

07.39 La colère populaire gonfle et donne lieu à la plus grande
manifestation dans l'histoire de ce petit pays: plus de 300.000 personnes
traversent, pendant la Marche Blanche, le centre de Bruxelles. Et la
Belgique honore ses nouveaux héros: Pol Marchal - le père d'Ann -, Gino, et
Carine Russo - les parents de Melissa - et Luisa et Jean-Denis Lejeune - les
parents de Julie. Emues, les deux fillettes, Laetitia et Sabine, remercient la foule.

Laetitia: "Un grand merci à tous d'être venus si nombreux"
Sabine: "Merci à tout le monde d'être venu". 08.19 Trois ans plus tard. Mai
2000. Des agents de police surveillent le tribunal où l'on attend l'arrivé
Marc Dutroux. Il est conduit dans une Mercedes blindée. C'est le premier
jour de son procès. Mais ce n'est pas de l'enlèvement et du meurtre
d'enfants qu'il doit répondre, mais uniquement de sa tentative d'évasion
manquée. Quant à la date du procès véritable, personne n'ose faire de
pronostic.
Gino Russo: "On a mis deux ans pour lui faire son procès pour sa tentative
d'évasion. Mais pour nous, ce qui compte ce sont les enlèvements, les
meurtres, les viols et le temps qu'on a laissé passer. La justice a-t-elle
des difficultés à trouver des preuves ? C'est la question qui nous préoccupe
et qui nous inquiète".
Carine Russo: "Les enquêtes, sensées démontrer que Dutroux, en enlevant,
violant et tuant Julie et Melissa, a agi seul, n'en finissent plus. Je ne
comprends pas pourquoi on a besoin de tant de temps pour prouver que ces
crimes sont les faits d'un pervers isolé. S'il en était ainsi, il ne serait
pas nécessaire de reporter constamment le procès, année après année et ce
depuis quatre ou cinq ans déjà".
Jean Denis Lejeune: "Et comme par hasard, des gens meurent de façon
inexplicable. Ils ont par exemple un accident de voiture mortel, justement
sur le chemin pour apporter leurs témoignage, ou bien on les retrouve chez
eux, complètement carbonisés. Cela ne trouble apparemment pas notre
justice."

10.11 Une banlieue de Charleroi. C'est sur cette propriété qu'ont été
retrouvés les cadavres d'Ann et Eefje. Il s'agit de la maison du complice
décédé de Dutroux, Bernard Weinstein. Dutroux lui a fait prendre du
Rohypnol, un calmant, puis l'a enterré encore vivant. A ce jour, c'est le
seul meurtre qu'il ait avoué. Il aurait assassiné Weinstein parce que
celui-ci aurait tué Ann et Eefje. Weinstein, lui, ne peut plus rien récuser.

10.42 De Bernard Weinstein, il ne reste qu'un tas de ferraille. Mais pas
depreuves pour soutenir l'affirmation de Dutroux. La maison de Weinstein a
été démolie après qu'un inconnu y ait mit le feu. Certains affirment que
Weinstein voulait quitter Dutroux. A-t-il été tué pour ça ? Beaucoup se
posent la question:
Dutroux voulait-il empêcher que Weinstein devienne un témoin dangereux ?

11.07 Weinstein et la réponse sont enterrés dans cette tombe anonyme. Il ne
reste de lui qu'un numéro.

11.16 Dans un autre cimetière de Charleroi se trouve la tombe d'un
personnage intriguant. José Steppe gît ici. José Steppe était un homme d'un milieu
simple mais, de son vivant, connu de tout le monde à Charleroi.

11.37 La commune a fait démolir sa maison vétuste dans le quartier de
Marchienne-au-Pont après sa mort, comme s'il ne fallait laisser aucune
trace.
Dans son quartier, il était un confident important pour les habitants. Si
quelque chose avait lieu à Charleroi, Steppe était au courant. Quelques
semaines après l'arrestation de Dutroux, il a contacté par téléphone un
journaliste pour lequel il travaillait de temps en temps en tant
qu'informateur. Il aurait eu d'importantes informations sur Dutroux à lui
donner ...

12.05 Casper Nader : "Ce jour-là, il appelé le matin et était paniqué. Il
avait, disait-il, des informations explosives et me demandait de venir le
plus tôt possible. Malheureusement, ma voiture était chez le garagiste. J'ai
donc fixé unrendez-vous avec lui pour le lundi suivant. J'ai ensuite essayé
de le contacter, mais sans succès. Le jour suivant, j'ai été contacté par la
gendarmerie. Elle savait que j'avais eu une conversation téléphonique avec
lui. Il était mort et ils m'ont demandé de venir témoigner".

12.44 Le jour de sa mort, Joseph Steppe quitte sa maison tôt le matin, vers
7 h comme d'habitude, pour se rendre au "Renaissance" et boire son premier café.
Au "Renaissance", tout le monde le connaît: il habite juste en face. Une
heure après, sa femme l'entend revenir. Quand elle arrive dans le couloir, Steppe
est allongé à terre.

13.04 La voisine: "Ce monsieur-ci s'y est vite rendu en courant. Nous avons
appelé une ambulance mais il était trop tard. Il ne pouvait plus respirer.
Il est mort dans nos bras".

Casper Nader: "Son appareil respiratoire était à côté de lui. Il avait
souvent des problèmes de respiration, une forme d'asthme. J'ai vu moi-même l'appareil
quand je suis entré ici. Son fils me l'a montré. A l'intérieur, on a trouvé
un comprimé de Rohypnol".

13.40 Le Rohypnol, dont parle Casper Nader, est un anesthésiant. Il n'y a
aucune raison de l'utiliser dans un appareil respiratoire. Coincidence:
Dutroux aimait utiliser ce produit pour calmer ses victimes. Nous avons
interrogé le juge d'instruction chargé de cette affaire: malgré ce détail,
le décès de Steppe n'a pour lui rien de suspect. Une autopsie n'a jamais été
effectuée.

14.29 Les collègues du gendarme Guy Geubels frappent inutilement à la porte
de son logement de fonction. Quand ils défoncent sa portent, ils le trouve
mort, à côté de son arme de service. Officiellement, Guy Geubels s'est
suicidé. Mais des doutes subsistent ...

Carine Russo: "Nous comptons Geubels parmi les morts suspects parce que pour
nous, beaucoup de choses restent troubles. Chaque fois que nous avons
demandé des informations sur sa mort à la justice, nous avons eu des
réponses différentes".

15.04 La gendarmerie ne nous donne qu'une réponse: Geubels s'est suicidé,
c'est évident. Mais les membres de sa famille ont des doutes: il aimait la
vie et n'avait pas de grand problème. Geubels travaillait sur l'affaire
Julie et Melissa depuis leur disparition. Deux jours avant sa mort, il avait
décidé avec des collègues d'élargir l'enquête.

15.28 Le village de Keumie près de Charleroi. Sur le terrain vague, la
police cherche les traces d'un crime. La veuve du ferrailleur Bruno
Tagliaferro, décédé un an auparavant, est présente. Fabienne Jaupart a
toujours prétendu qu'il ne s'agissait pas d'une mort naturelle.

15.48 Fabienne Jaupart : "Je peux vous confirmer que mon mari a été tué
parce qu'il me l'avait annoncé. Depuis sa mort, je me bats désespérément
pour que la vérité soit connue, toute la vérité".

Question : "Que vous a-t-il dit avant sa mort?"

Fabienne Jaupart : "Que tout était fini, qu'il en savait trop et qu'il
serait bientôt mort".

16.08 Parmi les connaissances du ferrailleur, on trouve Dutroux et ses
complices. C'est seulement après leur arrestation que les autorités
acceptent d'écouter Fabienne Jaupart et n'excluent plus le crime.

Le père de Fabienne: "Il était encombrant. Bruno a fait des bêtises, je ne
sais pas quoi, il était victime de chantages à travers ses enfants et on l'a
poussé à commettre des actes tordus".

Une amie de Fabienne Jaupart: "Fabienne m'a dit que Bruno avait démonté une
voiture qui avait servi lors de l'enlèvement de deux petites filles et qu'on
n'en aurait plus rien retrouvé. C'est seulement après que j'ai compris qu'il
s'agissait de Julie et Melissa".

Thierry: "Je l'ai dit immédiatement aux enquêteurs: Dutroux voulait faire
tuer Tagliaferro mais il ne m'a pas dit pourquoi".

Question : "Le tuer? "

Thierry : "Oui, lui et sa femme. Il offrait pour cela 50.000 F et une arme".

Question: "Quand avez-vous entendu cela?"

Thierry: "J'étais assis avec Dutroux dans la voiture, c'est Dutroux qui me
l'a dit".

17.30 Le corps de Bruno Tagliaferro est exhumé. Des échantillons de son
cadavre sont envoyés aux Etats-Unis et analysés. Les conclusions: le
ferrailleur a été empoisonné.

Fabienne Jaupart: "J'ai reçu des menaces à la maison, me disant que je
ferais mieux de me taire".

17.49 Mais elle ne renonce pas. Plusieurs fois, elle menace de tout révéler
sur les relations de Dutroux. Un jour, son fils de 14 ans la trouve morte
dans sa chambre. A moitié carbonisée, elle gît à côté de son lit. Le matelas
a été aspergé de méthanol. La justice retient l'hypothèse de l'accident ou
du suicide.

Une amie: "Les fenêtres n'étaient même pas noircies. Et vous savez,
quelqu'un qui veut se tuer ne fait pas tourner le lave-vaisselle et ne met
pas des pommes de terre sur le feu".

18.28 Fabienne avait demandé en vain la protection de la police avant sa
mort.
Elle n'a jamais été prise au sérieux.

Le juge d'instruction: "Si les instructions n'apportent aucun résultat, il
faut en déduire qu'il s'agit d'un suicide ou d'un accident. Nous ne savons
rien parce que nous n'y étions pas. Les éléments dont nous disposons ne
suffisent pas pour soupçonner qui que ce soit".

L'amie: "Elle n'était pas une affabulatrice. Elle savait exactement ce
qu'elle faisait. Elle n'était pas folle non plus. Elle ne savait simplement
plus en qui elle pouvait avoir confiance".

19.10 Nous rendons visite au témoin X1 qui, il y a vingt ans, a été victime
d'un réseau pédophile. Elle croit savoir pourquoi elle est toujours en vie.

X1:"Me laisser en vie est la meilleure stratégie car on me prend pour une
folle.
On ne m'écoute pas, la justice ne me prend pas au sérieux. Il est plus sûr
de me laisser en vie".

19.34 Quand l'affaire Dutroux éclate, Régina Louf, mariée, quatre enfants,
propriétaire d'une pension pour chiens, s'adresse aux enquêteurs en tant que
témoin anonyme et devient le témoin X1.

Pendant des interrogatoires qui durent des nuits entières, elle raconte ses
souvenirs d'hommes riches et puissants qui, pendant des partouze, violaient
des petites filles, les torturaient et parfois les tuaient. Les enquêteurs
vérifient ces déclarations et considèrent qu'il y a suffisamment d'éléments
pour les prendre au sérieux.

20.07 XI affirme que Dutroux serait le fournisseur et Michel Nihoul
l'organisateur du réseau pédo-pornographique.

20.15 Entre-temps, Nihoul a retrouvé la liberté. Par manque de preuves, dit
la justice. Les déclarations des témoins ne suffisent pas.

X1: "Je connaissais Nihoul à la fin des années 1970, début des années 1980.
Il a à peine changé. Physiquement, il est resté le même. Je l'ai d'ailleurs
tout de suite reconnu comme l'un des souteneurs qui abusaient des enfants et
qui les formaient pour les partouzes".

Nihoul: "Je n'ai jamais rencontré cette femme. Je dis "femme" parce
qu'entre-temps, à ce qu'il paraît, elle s'est mariée et a eu des enfants. De
plus, elle ne parle pas un mot de français et moi pas un mot de néerlandais.
Vous allez dire qu'on n'a pas besoin de parler sa langue pour violer une
personne.
Mais si on participe à des partouzes, on parle quand même la langue de ceux
qui l'ont organisée".

X1: "Il y a une chose qu'il ne peut plus nier: il a participé à des
partouzes, c'est évident. Moi je dis qu'il a aussi participé à des partouzes
avec des mineurs. Ce serait évidemment bête de sa part d'avouer cela
maintenant. Et le fait que les enquêtes ont été interrompues joue en sa
faveur";

Nihoul: "Cette femme doit être enfermée dans un hôpital psychiatrique".

L'avocate: "A la demande de la justice, elle a été examinée par une équipe
de l'Université de Louvain, sous la direction du professeur Igodt qui jouit
d'une excellente réputation dans ce domaine. Ces experts ont confirmé que
Régina Louf a, sans aucun doute, subi dans son enfance des abus sexuels
massifs. Le professeur Igodt précise qu'il serait utile de vérifier ce
qu'elle déclare. Ils en sont tous convaincus. Et si ce qu'elle dit ne peut
pas être utilisé en justice, il faudrait néanmoins faire des investigations
sur la base de ses déclarations".

22.38 Régina Louf parle du meurtre sexuel d'une petite fille. Les
similitudes avec le cas horrible de l'assassinat de Christine Van Hees en
1984, non encore élucidé, sont frappantes. Son cadavre a été retrouvé dans
un bâtiment abandonné à Bruxelles. Régina Louf connaît des détails sur ce
meurtre qui n'avaient jamais été rendus publics. Elle affirme que Nihoul est
l'un des coupables.

23.02 A partir de ce moment, pour les deux enquêteurs qui ont interrogé
Régina LOUF, il n'y a plus un moment de répit. Ils sont subitement critiqués
par leurs supérieurs, finalement suspendus pour une durée indéterminée, les
enquêtes sont interrompues. Motif: ils auraient des préjugés et n'étaient
plus impartiaux.

Enquêteur De Baets: "Cette affaire montre qu'il suffit de quelques personnes
à la tête d'une équipe pour interrompre toute enquête. On voit le résultat.
Les enquêtes ont été interrompues et nous avons été éloignés. Tout ceci sur
la base d'un rapport falsifié, de déclarations fausses et de manipulations
dans la presse".

23.53 C'est seulement deux ans après leur suspension que les deux enquêteurs
sont réhabilités. Une commission d'enquête déclare que leur travail est
exemplaire ... mais les déclarations de X1 ne sont toujours pas prises en
considération.

X1: "Dans le cas de Dutroux, il y a deux sortes de témoins: les témoins qui
disparaissent, qui - d'une manière ou d'une autre - meurent, et les témoins
que l'on considère comme fous. Nous, qui vivons encore, nous avons de la
chance, et on est taxés de fous.

24.48 A deux heures du matin, Gina Pardaens emprunte cette route pour
rentrer chez elle. Elle meurt quand, au volant de sa petite voiture, roulant
à 80 km/h, elle heurte le muret du pont. "Un accident" dit l'expert
judiciaire ...

25.04 Gina Pardaens est assistante sociale et s'occupe d'enfants victimes de
réseaux pédo-pornographiques. Quelques jours avant sa mort, elle écrivit une
lettre: elle aurait reçu, en relation avec son travail, des menaces de mort
et craint pour sa vie. Peu avant la nuit fatale, elle se rend à la police:
on l'aurait menacée du risque d'avoir un accident de voiture.

Morkhoven: "A l'époque, Gina était régulièrement menacée de mort. Elle était
observée et on la suivait. Nous constatons également d'étranges problèmes
avec son téléphone. Dans le train, elle a été abordée par un homme qui lui a
dit qu'elle ferait mieux de mettre fin à son travail social, sinon elle
n'aurait plus longtemps à vivre".

Une amie: "Elle a été trop souvent menacée pour qu'un accident de voiture
banal comme celui-là puisse être crédible. Pour moi, la chose est exclue. Je
crois que c'était intentionnel."

Question: Le fait qu'elle a été tuée?

L'amie: Oui, je crois qu'elle a été tuée.

26.14 Un proche de Gina filme avec une caméra vidéo la voiture endommagée et
l'endroit de l'accident. La voiture n'a pas été examinée par les experts
judiciaires mais abandonnée dans un garage. Il est difficilement imaginable
que Gina ait pu rouler à 80 km/h à cet endroit. Avant sa mort, elle a parlé
à ses amis d'une cassette vidéo sur laquelle on pouvait voir la mise à mort
d'une petite fille pendant une partouze. Elle pensait avoir reconnu l'un des
abuseurs. Il s'agirait d'un proche de Nihoul.

L'amie: "Pour les personnes que Gina aidait, toute la confiance a disparu.
Elles s'étaient adressées à Gina et espéraient, grâce à son aide, pouvoir
sortir de leur situation. Quand Gina a perdu la vie, les victimes ont
compris que les malfaiteurs avaient retrouvé Gina. A qui peuvent-ils
maintenant faire confiance ?
S'ils ont pu retrouver Gina, qui travaillait pourtant dans l'ombre, alors
ils peuvent retrouver n'importe quelle personne. Combien de temps
faudra-t-il avant qu'ils liquident leur prochaine victime ?

27.36 Retour à Charleroi, la ville avec le plus haut taux de chômeurs et
d'assistés sociaux de Belgique. La pauvreté et la criminalité vont de paire
ici.
Rien d'étonnant alors à ce que Dutroux y commettait ses méfaits.

27.50 Un peu en dehors de Charleroi vit Mme Deulin. Son fils, Jean-Paul
Taminiau, a également été assassiné.

28.02 La mère: "Ceci n'est pas sa chambre lorsqu'il était adulte. C'est la
chambre qu'il occupait quand était adolescent, avant son service militaire.
Je voulais que tout soit comme lorsqu'il était encore un enfant.

28.29 La chambre, arrangée comme un petit mausolée, est tout ce qui lui
reste de son fils décédé. Jean-Paul Taminiau disparaît peu après avoir
raconté à un ami qu'il avait reçu des informations importantes. Peu après,
il a également acheté une nouvelle arme.

La mère: "Cet ami, qu'il a vu la veille de sa disparition, est venu me voir
quelques semaines plus tard. Il a dit "Je crois qu'il n'est pas mort, il se
cache. Il avait peur de quelque chose. La police lui fait des problèmes, il
a peur".

La mère: "Je vais être brève: s'il n'y avait pas de raison personnelle, mon
fils a été tué par ceux qui voulaient protéger Dutroux".

Jean-Paul Taminiau n'est pas un inconnu dans le milieu de Charleroi. Il a
d'abord été videur dans un night club. Il connaissait bien le milieu de la
prostitution et avait de bonnes relations avec les receleurs de voitures.
Ensuite, Taminiau a été lui-même propriétaire d'un night club avec bordel,
fréquenté par la bonne société de Charleroi.

29.49 Sous la photo de Taminiau est écrit le mot "justice". Après cinq ans,
la mère espère toujours des éclaircissements sur les raisons de sa mort.

29.59 Elle nous amène à un garage dont son fils possédait la clé. Le
propriétaire de ce garage serait un complice de Dutroux. Le garage en face
appartiendrait même à Dutroux en personne.

30.10 Un an après cette disparition, un pêcheur repêche un pied du canal: le
pied de Jean-Paul Taminiau. Son cadavre n'a jamais été retrouvé.

30.25 Quand la justice arrête les recherches, la mère continue à payer les
plongeurs de sa poche, jusqu'à ce, après quelques jours, elle ait épuisé
toutes ses économies.

30.35 Elle continue à faire tout ce qui lui est possible pour démasquer les
coupables. Pendant les élections communales, la photo de son fils est collée
à côté des affiches des politiciens. On l'invite à se calmer, elle reçoit
des lettres de menace mais elle n'abandonne pas. Chaque dimanche, elle fait
le tour du marché avec sa voiture. Sa protestation est un cri étouffé pour
une justice, contre la justice qui ne paraît pas prête à faire quelque chose
pour trouver les assassins et leurs complices car ceux-ci pourraient
appartenir à l'establishment.

31.09 Devant le Palais de Justice de Bruxelles, les manifestants exigent que
la justice fasse son travail. Est également présente la mère d'un policier.
Elle est debout, silencieuse, avec une affiche: "Mère de Simon Poncelet,
assassiné".

31.25 Journal télévisé: "Ici, dans les locaux de la police judiciaire de
Mons, Simon Poncelet a été tué par quatre balles tirées à bout portant, à
11.30 h hier soir. Simon Poncelet effectuait seul le service de nuit. Un
témoin a entendu les coups de feu mais la victime n'a été retrouvée qu'une
demi-heure plus tard, par hasard, par un collègue qui, à travers la vitre, a
vu des traces de sang. Simon Poncelet est le fils de l'Avocat général de
Tournai. On n'exclut aucune hypothèse. La surveillance de l'entrée par des
caméras et le parlophone pourraient indiquer que Simon Poncelet connaissait
son agresseur. Les règles sont strictes: ne faire entrer aucun inconnu. On a
toutefois constaté que l'appareil de surveillance ne fonctionnait pas. Les
premières enquêtes montrent que, ces derniers temps, Simon Poncelet ne
s'occupait pas d'affaires problématiques. Il n'avait pas non plus été menacé".

32.15 Nous roulons vers Mons, dans le sud de la Belgique, pour rencontrer le
père de Simon Poncelet. L'Avocat général est maintenant à la retraite. Il
connaît à la perfection le labyrinthe de la justice. Il essaie de tout
mettre en ouvre pour éclaircir l'assassinat de son fils.

32.33 Poncelet: "Depuis l'assassinat de mon fils, je suis convaincu qu'il
existe deux possibilités: soit un règlement de comptes interne, pour lequel
je ne vois aucun mobile, soit c'est lié au trafic international de voitures
qui, dernièrement, occupait toute l'énergie de Simon".

33.00 Dans le milieu des receleurs de voitures dans lequel Simon menait ses
enquêtes, Dutroux s'est toujours servi pour organiser les enlèvements des
enfants.
Guy Poncelet ne peut pas admettre qu'on ne retrouve pas l'assassin de son
fils.
Il nous conduit sur les lieux du crime. Le bâtiment est maintenant
désaffecté. Ce qui étonne le père, c'est que dans l'affaire Dutroux, le
dossier des vols de voitures et celui des abus d'enfants, qui sont
intimement liés, aient atterri dans deux parquets différents.

Poncelet: "Je ne comprends pas ce saucissonnage. Un exemple: on a, à
Neufchâteau, retiré du dossier Dutroux la partie qui concerne le trafic de
voitures volées et on l'a envoyée à Nivelles. Je ne comprends pas comment
les crimes d'une personne peuvent être examinés en justice en partie dans
une ville et en partie dans une autre, alors que l'on sait très bien que les
crimes sont liés les uns aux autres. Ce qui serait normal, c'est qu'un tel
criminel passe devant la justice une fois pour toute, dans un seul lieu.
Mais c'est alors qu'on s'aperçoit qu'à Nivelles, du dossier des vols de
voitures qui concernait plusieurs personnes, la partie concernant Dutroux
est retirée et envoyée à Charleroi, justement là où Dutroux habitait et
avait ses accointances. Je me pose alors des questions. Je ne dis pas qu'il
s'agit de manipulations mais je veux des réponses correctes et crédibles.
Pourquoi de Neufchâteau à Nivelles et ensuite, juste pour Dutroux, de
Nivelles à Charleroi ?"

34.56 A propos de la liste toujours plus longue de témoins morts de
l'affaire Dutroux, l'ancien Avocat général nous dit :
Poncelet: "Je ne peux que constater qu'il y a certains décès opportuns,
opportuns du point de vue du moment, et je me pose des questions".

35.15 Nous avons demandé une entrevue au magistrat qui s'occupe du cas de
Poncelet. Celui-ci a refusé.

35.24 François Reyskens, 28 ans, roule le long des quais à Seraing. Ce
jour-là, il a un rendez-vous important. La gendarmerie souhaite l'entendre à propos
de la disparition de Melissa. Mais il n'arrivera jamais. Des cheminots trouveront
son cadavre sur les rails. Il a été écrasé par un train.

Melon: "Un jour, il s'adresse à moi dans la rue. Il voulait me parler, il
s'agissait de quelque chose de grave. Je lui ai dit : "Grave ou non tu peux me le dire,
viens me voir, assieds-toi et je t'écouterai". J'essaie de me rappeler exactement.
Il m'a dit "Je veux te parler de la fille Melissa".

Carine Russo: "Il semblerait que le contenu de sa déposition aurait été
qu'il avait vu les enfants ou qu'il leur avait parlé, dans un bar de Maastricht".

36.32 Le père de François cherche une photo de son fils. Leurs relations
étaient plutôt difficiles. Il sait que son fils se droguait, qu'il était
vraisemblablement aussi dealer. Ils avaient souvent des confrontations. Ce que François faisait, dans quel milieu il agissait ... à la fin, son père n'était plus au courant de
grand'chose.

Melon: "J'ai par la suite dit à mes amis: ce ne sont pas des gens comme
nous, de notre milieu, qui obtiennent des informations sur un cas pareil. Ce ne
peut être que quelqu'un comme François".

Carine Russo: "Le jour fixé pour la déposition de François Reyskens, les
gendarmes sont venus nous voir pour nous dire qu'elle n'aurait pas lieu ...
Ils ont dit que François Reyskens était mort le matin sous un train".

Le père: "C'est plutôt étrange que juste à ce moment-là, il finisse sous un
train.
S'agit-il vraiment d'un accident ?".

37.47 On ne saurait donc jamais ce que François Reyskens a vraiment vu.

37.53 D'un pont, elles saluaient les voitures qui passaient....
Ils ont des ballons blancs et des mouchoirs. Ils appartiennent au Comité
Blanc.
Ils protestent contre les innombrables manquements de la justice dans
l'affaire Dutroux, l'incompétence et la corruption et exigent une réforme profonde et
une réouverture du dossier des fillettes disparues.
Sur le pont de l'autoroute, ils célèbrent le cinquième anniversaire de la
disparition de Julie et Melissa.

38.22 C'est à cet endroit que les deux fillettes ont été vues pour la
dernière fois, alors qu'elles faisaient des signes aux voitures qui passaient.

38.32 Peu après, Dutroux les aurait prises dans sa voiture ...

38.37 Dans la cave de sa maison, route de Philippeville, il a construit
cette cache. Derrière cette étagère se trouve la pièce secrète. C'est à
peine assez haut pour un adulte. Dans le plafond, un système d'aération
minuscule pour qu'aucun bruit ne sorte à l'extérieur. Les fillettes auraient
vécu et auraient été abusées pendant huit mois à cet endroit.

39.02 Dans une autre propriété de Dutroux, la voie d'accès a été
spécialement aménagée pour qu'il puisse y passer avec une petite pelleteuse. Les
enquêteurs trouvent, dans la maison et aux alentours, une grande quantité de matériel
de construction. Ils arrivent dans la cave, ils trouvent trois petites cellules
presque terminées, semblables à celle où ont été cachées Julie et Melissa.

39.21 Nous rencontrons à Charleroi un homme qui appartient au milieu
criminel.
Il a connu, il y a quelques années, Dutroux en prison, où ils écoulaient
tous deux leur peine.

G: "Il n'a jamais été question d'obtenir une rançon des parents des filles.
Les filles étaient une marchandise, c'est clair. Il ne faut pas se casser la
tête, il y a une raison évidente. Les filles ont disparu, les parents ont tout de suite
dit "S'il s'agissait d'un violeur, on les aurait retrouvées".

G: "Le style de vie de Dutroux, l'argent, les maisons qu'il possédait, il
n'a pas gagné tout cela en violant lui-même les filles. Cela ne rapporte pas
d'argent. En ce qui le concerne, il faut se poser une question : D'où vient l'argent ?"

40.16 De ces cinq maisons, on sait maintenant qu'elles appartenaient à Marc
Dutroux qui bénéficiait de l'assistance sociale. De plus, il n'a jamais loué
un garage ou un dépôt. Les enquêtes ont révélé qu'il achetait régulièrement
des actions et qu'il disposait de nombreux comptes en banque. Après
l'enlèvement de Ann et Eefje et après celui de Sabine, de grosses sommes ont
été versées sur ces comptes.

40.41 On ne sait toujours pas d'où vient cet argent. Dutroux lui-même se
tait.
Officiellement, il est considéré comme un pervers isolé. Mais les témoins
continuent à mourir, malgré qu'il soit en prison.

Marchal: "J'ai des sentiments très ambigus envers Dutroux: c'est un monstre
mais ce monstre a été partiellement créé par la société, la société toujours
en place. Cela me met en rage, non seulement parce qu'on n'empêche pas que
de tels monstres voient le jour, mais parce qu'on continue à les laisser
agir".

41.34 Nous avons demandé une entrevue auprès du Juge d'instruction, auprès
de l'Avocat général, auprès du Parquet et auprès du Ministre de la justice
belge.
Personne n'a répondu à notre demande.

41.46 Dans cette prison d'Arlon, dans le sud de la Belgique, Dutroux attend
son procès. Personne ne peut dire quand il aura lieu.
Nihoul s'estime injustement inculpé. Il n'y a pas que les proches des
victimes qui posent des questions. Les réponses, c'est la justice belge qui
doit les donner.

Nihoul: "Il n'existe rien pour entamer un procès de criminalité grave contre
moi.
Je n'ai rien fait. Je sais que tout ce qu'on m'a reproché est faux".

Gino Russo: "Pourquoi son nom apparaît-il dans différentes parties du
dossier Dutroux, comme par exemple en relation avec le trafic de drogue ?
Pourquoi Nihoul, qui habite à Bruxelles, a-t-il des liens si étroits avec
Dutroux ? Pourquoi se sont-ils téléphoné pendant l'enlèvement ? Comment
expliquer que différents témoins disent avoir vu Nihoul et Dutroux ensemble
? Pourquoi ces relations entre deux personnes qui vivent à 100 km l'un de
l'autre et pourquoi les contacts au moment de l'enlèvement ?"

Carine Russo: "A notre tristesse s'ajoute la déception depuis que nous avons
perdu nos enfants. Cela augmente la douleur parce que nous avons tout tenté
afin que les choses bougent et que la vérité soit faite dans cette affaire.
Cela me semble important pour tout le pays. On a tout fait pour qu'on ne
connaisse pas la vérité. Nous avons l'impression d'avoir fait tout cela pour
rien".

Jean-Denis Lejeune: "Il n'y a pas de mots pour exprimer mon sentiment. C'est
tout de même ma fille qui a dû payer de sa propre vie. Une petite fille de
huit ans".


Travail de traduction et de retranscription de l'émission reçu de:
Aimé Bille
abille530103@chello.be