Vivendi joue les gros bras avec un chômeur

 

 

 

par Solveig Godeluck
mis en ligne le 14 août 2001

David Sallen, un jeune chômeur américain, propriétaire de vivendiuniversalsucks.com, a reçu des menaces de la part des avocats de la multinationale basée à Paris.


"Bien que vous ayez enregistré le nom de domaine disputé il y a plus de cinq mois, à ce jour, vous ne l´utilisez toujours pas en rapport avec une offre sérieuse de biens et services, et vous n´en faîtes pas non plus un usage non-marchand légitime ou juste. Votre enregistrement et votre incapacité à utiliser le nom de domaine disputé confirment votre intention d´utiliser ou d´exploiter le nom de domaine disputé d´une façon qui violerait la Politique unifiée de Résolution des Disputes de Noms de Domaines (UDRP) de l´ICANN." C´est en ces termes étranges que les avocats de Vivendi Universal aux États-Unis ont intimé l´ordre au propriétaire du nom de domaine vivendiuniversalsucks.com (vivendiuniversalcraint.com) de rendre immédiatement cette adresse à la multinationale. Comme si elle lui appartenait, une sorte de "marque dérivée". Et comme si le simple fait de prendre du temps pour développer un site s´apparentait à du cybersquatting. Dans ce courrier, daté du 26 juillet, David Sallen, le jeune chômeur de Brookline, dans le Massachussetts, est accusé de violation de marque commerciale et de concurrence déloyale. Le cabinet Brown & Raysman le menace d´un procès avec des sanctions financières aggravées du fait que le tort (lequel ?) causé à la marque serait intentionnel.

Des lettres terroristes
Mais Sallen ne se laisse pas impressionner par cette lettre à vocation terrorisante de la catégorie des désormais bien connues Cease and desist letters (cessez et renoncez). La frénésie start-up s´est accompagnée d´une mode des courriers juridiques menaçants, envoyés par les géants de l´économie à des PME ou des individus gênants. Elles visent à faire peur plutôt qu´à annoncer un vrai procès, parce personne n´est jamais sûr d´avoir raison devant un juge. C´est ainsi qu´ont procédé les majors du disque et du cinéma pour effrayer les spécialistes du MP3 ou les universités qui autorisaient le téléchargement des fichiers musicaux ; c´est ainsi que l´Amérique du big business étouffe la contestation. David Sallen, l´homme mis en cause par Vivendi, se réfère au juge Eric Grimm, qui s´est publiquement demandé "si les lettres de cease and desist qui contiennent volontairement de mauvaises interprétations de la loi, envoyées avec l´intention de forcer à transférer les droits sur une adresse, ne constituent pas un courrier frauduleux." Auquel cas le destinataire de la lettre pourrait se retourner contre l´émetteur. Sallen n´a pas l´intention de se lancer dans une telle procédure pour l´instant, mais s´enthousiasme pour une telle idée : "Je crois, comme M. Grimm, que si l´on pouvait exiger des sanctions pour ce genre d´actions à l´encontre de ces pirates corporate, le soi-disant "cybersquatting" disparaîtrait miraculeusement." Selon lui, en effet, "les grandes entreprises sont engagées dans une lutte rationalisée de ce qu´elles considèrent être un vol de propriété privée."

OMPI vs Free speech
Les juristes, eux, font référence à la jurisprudence de l´Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), qui a permis à plusieurs grandes entreprises de récupérer des noms de domaines susceptibles de leur appartenir. "Il suffit de lire la litanie de décisions honteuses prises par les juristes des marques déguisés en délégués impartiaux de l´OMPI pour comprendre pourquoi le problème est si fréquent", critique David Sallen. "Si les juristes de l´organisation internationale étaient un peu plus cohérents, poursuit-il, ils auraient sanctionné Vivendi pour avoir "cybersquatté" plein de noms de domaines qu´elle n´utilise pas, dont certains en ".org" qui n´ont rien à voir avec les activités commerciales d´une multinationale." Mais au-delà de ces pratiques, la jurisprudence américaine protège les créateurs de noms de domaines de type unemarquecraint.com, comme en témoigne la fédération de nombreux sites "sucks" sur le portail Sucks500.com. "Les cours américaines ont jugé que l´utilisation d´une marque commerciale dans un site Internet pour relayer des commentaires de consommateurs et des critiques ne violait ni n´affaiblissait cette marque", argumente le jeune homme. Cette attitude des tribunaux américains, on la doit essentiellement à l´existence du premier amendement de la constitution américaine qui garantit la liberté d´expression. Vivendi ne serait-elle que ce "voyou multinational" dénoncé par David Sallen ? Ou bien la défaite juridique de Jeboycottedanone aurait-elle convaincu l´entreprise que le modèle français est exportable aux États-Unis ?

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Lien(s) de l'article :

Sucks 500 :
http://www.sucks500.com

Transnationale, fiche Vivendi :
http://www.transnationale.org/fiches/156.htm

Vivendi Universal :
http://www.vivendiuniversal.com



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