Porto Alegre (Forum Social mondial)- 01/02/2002



Citoyens et ONG demandent davantage de cohérence à leurs élus!

En accueillant le second Forum parlementaire mondial, le Forum social
mondial (FSM) offre l'occasion aux parlementaires qui le souhaitent
d'échanger sur les grands thèmes de la lutte pour une autre mondialisation
tout en prenant part aux multiples conférences et ateliers thématiques
organisés par ailleurs.


Ce vendredi, la séance d'ouverture de ce Forum parlementaire a été émaillée
par une manifestation particulièrement animée de citoyens et d'associations
en colère. Leur dénonciation portait sur le double langage de certains élus et partis,
qui, présents au FSM, soutiennent pourtant par des votes au sein de
l'assemblée où ils siègent la mondialisation libérale contre laquelle le FSM
a précisément été créé.


Au cri de 'Forum si, guerra no', une délégation conduite notamment par
plusieurs animateurs du Forum social de Gênes a souligné la contradiction
existant entre les propos anti-guerre de certains élus et leur vote, il y a
trois mois à peine, en faveur de la campagne de bombardements lancée par les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne en représailles des attentats du 11
septembre.

Coté belge, cette manifestation évoque le projet de Guy Verhofstadt de se
pointer quelques heures à Porto Alegre pour y tenir une conférence de
presse. Cette nouvelle provocation du Premier ministre (après sa 'lettre
ouverte aux antimondialistes') n'a guère éveillé de réaction chez ses
partenaires gouvernementaux. Quelques heures à peine avant le début du FSM,
les ONG ont même eu la surprise de recevoir du Secrétaire d'Etat à
l'Energie, Olivier Deleuze, une invitation à une activité qu'il organisait à
Porto Alegre avec le Premier ministre.


Heureusement, le comité international d'organisation du FSM a signifié à Guy
Verhofstadt qu'il y était persona non grata et les choses en sont restées
là.

Reste l'urgente réflexion que doit susciter l'interpellation vigoureuse
lancée aux mandataires ce vendredi par les associations et ONG.


Au-delà du problème de l'honnêteté politique personnelle de chaque élu, n'y
a-t-il pas à diagnostiquer l'impact négatif de la marchandisation sur la
manière de faire de la politique ? A force de réduire l'action politique à
sa dimension purement communicationnelle, n'y a-t-il pas contamination de la
politique par la publicité, cette technique de vente fondée sur la
projection d'une image de la réalité idéalisée, voire totalement inversée
par rapport à elle ?


Il y a dans le discours de certains élus comme une pédagogie de l'irréel au
vu de leur action politique effective et particulièrement de leurs votes sur
certains enjeux du type de ceux qui sont abordés à Porto Alegre. A
l'objectif légitime de la communication politique (faire comprendre et
donner espoir), se substitue un résultat de brouillage des pistes et des
repères.

Ainsi a-t-on vu des socialistes belges, aujourd'hui, applaudir
frénétiquement des orateurs dénonçant les méfaits de l'économie libérale. Si
elles s'étaient trouvées à Porto Alegre ce vendredi, on aurait sûrement
compté, parmi les manifestants, les victimes de leurs politiques
d'accompagnement du puissant mouvement de libéralisation - dérégulation-
privatisation à l'œuvre en Belgique et en Europe ces dernières années...


Si bien des élus belges semblent avoir pris rendez-vous cette semaine avec
leur 'surmoi' (le siège de l'idéal du 'moi' selon Freud), il nous reste à
espérer que le soleil de Porto Alegre continue à les inspirer demain sous
nos fraîches latitudes. A défaut de cette continuité restaurée entre leurs
actes et leurs paroles, le risque est grand que se confirme l'hypothèse-même
que le libéralisme cherche à imposer : le politique a pour seule fonction de
permettre au marché de se déployer sans limite ni démocratique, ni sociale,

ni environnementale.


Vincent DECROLY

Député indépendant au Parlement fédéral belge.