Extrait d’AFP du 24 mars 2003 : « Sur les marchés des changes, le dollar reculait face à l'euro : la monnaie unique s'échangeait à 1,0648 dollar vers 11H00 GMT contre 1,0524 dollar vendredi soir à New York. "Le dollar a perdu les gains enregistrés en fin de semaine dernière, les développements de la guerre en Irak ce week-end ayant tempéré l'optimisme qui prévalait ces derniers jours", a indiqué Derek Halpenny, économiste à la banque Tokyo-Mitsubishi. » Toutes ces histoires de balancement entre le dollar et l’euro sont le reflet de relations instables entre les puissances du monde. Il y a lieu de remarquer ceci : dès qu’il a été créé, début 2001, l’euro s’est mis à reculer lentement face au dollar, à perdre de sa valeur face au dollar : de 1=1, on arrivait tout doucement à 1 euro = 0,8 dollars. Jusqu’au jour où l’Amérique a voulu faire sa guerre contre l’Irak mais que toute la communauté internationale s’y est opposée : alors, le dollar a chuté par rapport à l’euro et c’est devenu le contraire : pour le moment, un euro vaut plus d'un dollar. A ce moment-là, j’ai lu sur Indy un texte qui disait que le dollar faible était encore un coup de la part des Américains qui souhaitaient embêter les Européens en les empêchant d’exporter. J’ai trouvé cette analyse-là un peu débile. Ca rappelle les agriculteurs : quand tous les arbres gèlent au printemps, ils se plaignent qu’ils n’ont pas de récolte ; quand les arbres ne gèlent pas et sont chargés de fruits, ils se plaignent qu’il y a trop de fruits qui se vendent à perte sur le marché. On tourne en rond avec des analyses pareilles. On marine dans le complexe d’infériorité des p’tits qu’on spotche et qui ne sont pas toujours conscients de la force qu’ils ont à certains moments stratégiques. Les Américains ont beaucoup favorisé l’Europe occidentale depuis la fin de la 2ème guerre mondiale et se sont arrangés, très efficacement, pour que les pays d’Europe ne se fassent plus la guerre entre eux. Merci l'oncle Sam! Mais dans les années 80, années Reagan-Thatcher, problème! Les Etats-Unis ont lâché l’Europe. La création de l’euro est intervenue juste a à ce moment. L’euro était de la part des pays européens un acte de guerre financière et économique contre les intérêts des USA, ou plutôt un acte de défense, mais interprété par les USA comme un acte de guerre. L’euro a fait l’objet d’attaques politico-spéculatives américaines dès sa création, d’où son recul, mais s’est révélé fort peu ébranlable, d’où la lenteur de ce recul. Il s’est révélé indépendant du dollar. Cela signifie que les Etats-Unis risquent de ne plus disposer du privilège qu’ils ont eu jusqu’à présent, d’emprunter sans limites. Ce privilège a été principalement utilisé par les Etats-Unis pour se constituer un potentiel militaire incomparablement supérieur à celui de tous les autres pays ou groupes de pays du reste du monde. Maintenant que l’euro est l’égal du dollar, les Etats-Unis risquent de voir la valeur de leur dollar chuter d’un coup, et de devoir recourir, sous la supervision bienveillante du FMI, aux mesures d’austérité pour éviter cela, comme les pays d’Europe occidentale eux-même doivent le faire et comme n’importe quel Etat bananier du reste du monde - et tout est bananier sauf les USA. Même la Sibérie est bananière, si si! Si les Etats-Unis étaient empêchés par le reste du monde de faire leur guerre contre l’IRAC, ou si maintenant ils s’y enlisent et ne la gagnent pas facilement, l’euro restera fort par rapport au dollar. Qu’est-ce que ça permet, d’avoir un euro qui a tendance durablement et généralement à augmenter de valeur par rapport au dollar ? Contrairement à ce qu’a dit l’auteur de l’article sur Indy, c’est cool, c’est génial, c’est bon pour l’économie. En effet, ça permet à la banque centrale qui fabrique les euros, de faire marcher la planche à billets et de fabriquer beaucoup d’euros. D’ailleurs, ça ne le lui permet pas seulement : ça l’oblige. Il faut que la banque centrale fabrique des euros pour que l’écart entre l’euro et le dollar ne se creuse pas de trop, afin que les entreprises d’Europe puissent encore exporter. Du coup, tout cet argent qu’on crée, il faut le mettre en circulation. En voilà un problème ! Comment le résoudre, sinon en le donnant de ci de là à ceux qui doivent rembourser leurs dettes, aux travailleurs sous la forme d’une indexation plus généreuse des salaires, aux systèmes de lutte contre la pauvreté, aux services et travaux publics… ou aux dépenses militaires, car ce qui se passe en Irak prouve que la giga-armée ultra-technologique des Etats-Unis pourrait bien sauver leur dollar et maintenir l’euro dans une position faible. La conséquence de la position faible de l’euro est évidemment que les pays d’Europe occidentale, comme le reste du monde sauf les Etats-Unis, continuent à être astreints à l’austérité de leur budget public. L’hypersensibilité du dollar à la guerre est le signe que les Etats-Unis doivent absolument faire cette guerre pour sauver leur dollar, leur système économique, bref leur position jusque là privilégiée. Plus on est haut, plus on tombe bas si on perd l’équilibre. Plus on a usé du privilège de s’endetter impunément, plus on risque de tomber bas. Les Etats-Unis risqueraient-ils un effondrement comme l’Argentine? Possible. Que le dollar ne vaille plus rien du tout, cela changerait la face du monde aussi brusquement et de manière aussi inattendue que l’effondrement de l’URSS il y a douze ans. Il est possible qu'actuellement, la confiance des opérateurs financiers dans le dollar ne tienne plus qu’à un seul fil : la capacité des Etats-Unis à dominer militairement les Etats pétroliers du Moyen-orient. Via cette domination militaire, les Etats-Unis les obligent, sous peine de répression militaire, à investir une bonne part de leurs pétrodollars dans les bons du trésor américains, c’est-à-dire dans les prêts à l’Etat américain. L’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit et quelques autres Etats sont les créanciers généreux des Etats-Unis, dont la générosité conditionne la confiance des autres créanciers des Etats-Unis. C’est l’usage de la puissance militaire pour emprunter. Dans les relations privées, on appelle ça du racket, mais dans les relations entre Etats, ça doit porter un autre nom plus diplomatique. L’intervention des Etats-Unis en Irak, ainsi que dans tout autre pays pétrolier qui prétendrait utiliser ses pétrodollars à une autre fin qu’à la dette des Etats-Unis, semble donc vitale pour les Etats-Unis. C’est pourquoi Bush n’est pas si bête ni si paranoïde qu’on ne le dit volontiers dans les coulisses frondeurs de l’Europe d’Astérix, mais fait semblant de raisonner faux et de piquer une crise de paranoïa parce qu’il ne peut pas faire autrement. En refusant la guerre contre l’Irak et en s’y opposant par la voie diplomatique, la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine ont donné des sueurs froides aux sponsors de Bush. Mais comme ce refus très convergeant, et enthousiasmant pour les Européens, n’était qu’un refus diplomatique, les Américains ont décidé de jouer la carte militaire, et la force l’emporte sur le droit international. Les grands Etats du continent eurasien ne sont pas prêts à interdire leur espace aérien ou maritime aux véhicules militaires américains, car cela impliquerait qu’en cas de violation de cette interdiction par les Américains, ils devraient utiliser leurs missiles et leurs bombes, et entrer en guerre. Or, les Américains, qui défendent leur intérêt collectif vital, auraient osé violer une telle interdiction. Nous aurions alors connu la troisième guerre mondiale, tous contre les Etats-Unis. Tous, sauf les traîtres : gaffe aux diplomaties secrètes ! Sans parler des armes nucléaires. Ce n’était pas gagné d’avance… ou bien c'est, face aux USA, le reste du monde qui marine dans le complexe d’infériorité des p’tits qu’on spotche et qui ne sont pas toujours conscients de la force dont ils pourraient se faire un levier dans un moment stratégique? Tout le texte qui précède est hautement hypothétique. Prenez-le pour tel. Laissez-vous tenter, non à le croire, mais à chercher à le vérifier en lisant les vrais spécialistes, Brzezinski et la clique. En plus, deuxième critique qu’on peut faire au présent texte : ce n’est pas démesurément enthousiasmant pour le reste du monde de savoir qui, de l’Europe ou des Etats-unis, peut emporter le leadership capitaliste. La seule chose vraiment intéressante est de savoir comment améliorer le niveau de vie et la qualité de la vie des, pour taper dedans, 50% des plus pauvres de la planête, qui sont 80% dans les pays pauvres et 20% dans les pays riches. Il y a aussi 20% de pauvres dans le leader du monde, les Etats-Unis. Il y en a même un peu plus qu’en Europe, où la richesse est, encore actuellement, un petit peu moins mal répartie. L'égalité ou le bien-être social ne sont pas le premier souci des Américains. C'est la véritable raison pour laquelle le monde leur en veut, y compris en Europe occidentale. Qu'on se débarasse du leadership américain et alors, on pourra peut-être choisir autre-chose. C'est du moins ce qu'on a envie de croire, et de laisser croire.