11 septembre 2002 |
|
Au lendemain du 11 septembre, le
monde paraissait uni autour de quelques certitudes. Des
attentats, d'une ampleur sans précédent, avaient été perpétrés
par des fanatiques islamiques contre les symboles de la
puissance US. Chacun était appelé à choisir son camp :
celui de l'obscurantisme ou celui de la liberté.
Un an plus tard, les certitudes
ont fait place au scepticisme, voire à l'indignation. Malgré
leurs promesses répétées, les Etats-Unis n'ont pas été
capables de présenter à la communauté internationale les
preuves que ces attentats avaient effectivement été commis par
des adversaires étrangers. Revenant sur ses engagements de
transparence, George W. Bush a évoqué des "preuves secrètes"
et convoqué le témoignage de Tony Blair et de Pervez
Musharraf. Mais après avoir formé avec le président américain
et le Premier ministre britannique le noyau de la Coalition
globale, le président pakistanais est revenu sur son
appréciation et a déclaré qu'il ne croyait plus qu'Oussama Ben
Laden ait pu concevoir et fomenter ces attentats.
Les véritables coupables n'ont
donc toujours pas été traduits en justice, ni même démasqués.
Au lieu de cela, l'alibi Ben Laden a permis de présenter comme
une riposte aux attentats une simple expédition coloniale,
prévue de longue date, pour imposer le tracé d'un pipe-line à
travers l'Afghanistan.
Pire, le prétexte s'avérant
inépuisable, George W. Bush entend disposer du droit universel
de bombarder, non plus pour punir les coupables, mais à titre
préventif : pour anéantir ceux qui pourraient un jour
devenir coupables à ses yeux. Déjà, il dresse une liste de
cibles hétéroclites qu'il accuse d'ourdir ensemble de funestes
projets au sein d'un " Axe diabolique ".
Par vagues successives, un
discours irrationnel a submergé les relations internationales,
engloutissant toute notion de Droit. Des peuples peuvent être
déclarés collectivement responsables de crimes, sur la foi
d'un rapport invérifiable du FBI, et soumis à la guerre.
D'autres peuvent être menacés de destruction au seul motif que
leurs gouvernants sont suspectés de vouloir se doter d'armes
qu'ils pourraient un jour peut-être utiliser contre les USA.
Pour mobiliser les foules occidentales, cette dérive s'habille
de formules religieuses : George W. Bush prêche la "
croisade " dans la National Cathedral de Washington, tandis
que le département de la Défense diffuse des cassettes
d'Oussama Ben Laden appelant au " djihad ". Dans le monde
musulman, on découvre progressivement que l'insaisissable Ben
Laden n'est pas un héros de l'Islam, mais une marionnette de
la CIA, et l'on se prépare au pire.
Il est urgent de stopper le
discours délirant du "clash des civilisations" et les
préparatifs de guerre américains. Pour cela, il est nécessaire
d'abandonner la mystique des croisades et de revenir aux
normes du Droit. Les opinions publiques doivent exiger de
leurs gouvernements qu'ils créent une Commission d'enquête
internationale, au sein de l'ONU, pour faire toute la lumière
sur les attentats du 11 septembre. Les citoyens états-uniens
doivent demander des comptes à leurs dirigeants civils et
militaires.
La liste est longue des questions
sans réponses : pourquoi n'a t-on pris aucune mesure pour
empêcher des crimes annoncés par plusieurs services de
renseignements américains et étrangers ? Pourquoi n'a
t-on pas levé le secret bancaire pour identifier les auteurs
des spéculations boursières commises avant les attentats sur
les compagnies d'aviation et d'assurance victimes ? Par
quelle coïncidence les dirigeants des grandes sociétés du
World Trade Center ont-ils été tenus éloignés du lieu du drame
et invités à un gala de charité sur la base militaire d'Offutt
où George W. Bush les rejoignit ? Pourquoi les tours
jumelles se sont-elles effondrées alors que la Commission
technique officielle a montré que, contrairement à une
hypothèse rapide, la combustion des avions était insuffisante
pour expliquer la fragilisation si rapide des
structures ? Pourquoi la tour n°7, abritant une base de
la CIA, qui n'avait été frappée par aucun avion s'est-elle
aussi effondrée alors que la Commission technique officielle a
montré que, contrairement à une hypothèse rapide, les
secousses des deux premiers effondrements n'ont pas
déstabilisé les fondations de ce troisième immeuble ?
Pourquoi l'annexe de la Maison-Blanche a t-elle été ravagée
par un incendie ? Pourquoi les commanditaires des
attentats ont-ils joint le Secret service et comment
pouvaient-ils disposer des codes secrets de la présidence
US ? Où est passé le vol 77 ? Pourquoi avoir
prétendu qu'il s'était écrasé sur le Pentagone lorsque
celui-ci a été touché par un missile, et qui a tiré ce
missile ? Pourquoi avoir organisé le déblaiement immédiat
du World Trade Center et du Pentagone et la vitrification des
gravats, c'est-à-dire la destruction systématique des pièces à
conviction ? Etc.
Le silence de l'Union européenne
Partout dans le monde, les alliés
des Etats-Unis s'inquiètent du silence de Washington face à
ces questions, de ses projets belliqueux, et plus encore de la
profonde crise intérieure que révèle cette fuite en avant. La
plus grande puissance du monde, celle qui vainquit le nazisme
et résista au stalinisme, est malade, très malade. Pour
défendre la liberté face au terrorisme, les libertés
fondamentales énoncées par la " Bill of Rights " ont été
suspendues pour quatre ans par l'USA PATRIOT Act. Dans le
cadre du programme TIPS, le pays de la liberté a recruté un
citoyen sur vingt-quatre comme indicateur de police,
atteignant ainsi un degré de contrôle social que même l'ex-RDA
n'avait pas atteint avec la Stasi. Pour défendre les
institutions démocratiques si le gouvernement était victime
d'une attaque terroriste, le nouveau programme de "Continuité
du Gouvernement" prévoit le transfert des pouvoirs politiques
des élus du peuple vers les militaires. Se préparant à cette
situation, le chef d'état-major interarmes a déjà constitué un
gouvernement militaire de remplacement, prêt à se substituer à
tout instant au gouvernement civil.
La paix internationale apparaît
soumise à un sursaut démocratique aux Etats-Unis, à
l'ouverture d'un Pentagate. Le grand peuple qui fut capable il
y a quelques années de faire toute la lumière sur les
agissements de services dévoyés en Amérique latine, puis de
contraindre le président Nixon à la démission après la
forfaiture du Watergate, sera-t-il capable d'exiger des
comptes de ses dirigeants, de faire la lumière sur les
attentats, et de sanctionner les vrais coupables ?
Thierry Meyssan Journaliste et
écrivain, président du Réseau Voltaire.
[1] Cette tribune libre a été publiée mercredi 11
septembre 2002 par le quotidien espagnol El
Mundo : http://www.el-mundo.es/diario/docume/1224829.html.
|