Quatrième de ces 5 textes, il montre qu'une nouvelle société
est possible, et ce, sans sacrifier nos esclaves énergétiques. Il montre aussi
certains des enjeux de l'Amérique Latine et la manière dont les grandes
sociétés de l'énergie nous impose une gestion criminelle et suicidaire de
l'énergie. Ne nous y trompons pas, nous ne pouvons pas faire confiance à ces
sociétés. La pile à l'hydrogène et autres panacées qu'elles nous proposent ne
sont que des emplâtres sur une jambe de bois ne favorisant qu'une seule chose:
leurs profits. Or un autre profit que le profit individuel est possible: celui
des hommes, de chacun des hommes au service de l'humanité, de chacun
responsable du bonheur de tous les autres.
De trés large extraits de ce livre figurent ici. Le premier de ces extraits est ici. Le 2ème est ici. Le 3ème est ici.
Le réveil de l'Amérique Latine:
la civilisation des tropiques.
Les maîtres de
la civilisation occidentale qui, aujourd'hui sous des formes diverses, dominent
ou influencent fortement l'Economie, la Pensée, l'Organisation sociale et le
Mode de vie de la quasi totalité de la population mondiale, se sont développés
à partir des régions tempérées du Sud du continent européen.
A partir du
XVème siècle commence l'extension mondiale de ces peuples par la commerce et
par la conquête. Ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance en Occident
c'est le développement du rationalisme instrumental de la culture européenne et
de la supériorité technique et militaire qui en découlent. La maîtrise des
sources fossiles d'énergie et la technique de ses transformations a conduit, au
XIXème et au XXème siècle, à une domination mondiale méprisant et détruisant
les autres civilisations.
Au cours de
cette expansion les grandes sources de la puissance de la civilisation
occidentale (dans la perspective de ce rationalisme occidental faisant
abstraction des fins et recherchant seulement à multiplier la puissance
de ses moyens), la source essentielle d'énergie c'étaient les
combustibles fossiles (le charbon minéral d'abord -- en Angleterre, en France,
en Allemagne -- qui exigent des structures politiques centralisées, des
Etats-nations.) Le développement de cette expansion occidentale a conduit à la
décadence des autres civilisations. Elle a entraîné les plus redoutables
inégalités: entre le Nord et le Sud, avec le rétablissement de l'esclavage et
de toutes les formes de dépendance, et, à l'intérieur même des pays
occidentaux, une polarisation croissante de la richesse et du pouvoir, et
l'accroissement du nombre des exclus.
L'exportation
des modes occidentaux de technique et de production produisit de terribles
dégâts, à la fois du point de vue du déséquilibre écologique et de la misère
des multitudes. Les exemples les plus typiques, de cette destruction des
équilibres naturels sont la destruction des forêts amazoniennes et
indonésiennes ou une exploitation de l'Afrique qui permet au désert saharien
d'avancer de plusieurs kilomètres par an.
A l'échelle
mondiale furent détruites des cultures qui étaient mieux intégrées aux
conditions du milieu et les formes d'organisation sociale correspondantes, pour
imposer des mono-productions soit agricoles comme le café, le sucre, les
arachides etc.... et, du point de vue industriel, pour piller les matières
premières, le pétrole d'abord, mais aussi les richesses minérales. Ainsi furent
détruits non seulement les équilibres naturels, mais les formes d'organisations
sociales qui, depuis des millénaires, avaient maintenu les équilibres
écologiques.
Le choix
unilatéral des sources d'énergies fossiles non renouvelables et la logique
interne du système qui impliquait l'utilisation de quantités toujours
croissantes de cette énergie, a conduit à la perspective actuelle d'épuisement
de ces ressources, si bien qu'aujourd'hui, au rythme actuel de leur
utilisation, les ressources présentes en pétrole dans le monde, ouvrent la
perspective d'un épuisement total. Même si des découvertes nouvelles de
gisements permettent de reculer ces limites, le moment d'un épuisement total
est inéluctable.
Ce mode
d'utilisation des énergies non renouvelables entraîne la destruction des
grandes sources millénaires d'énergies renouvelables. L'exemple le plus
saisissant est le saccage de la forêt amazonienne pour produire de l'énergie
électrique selon les méthodes employées en Occident, telles que les grands
barrages hydrauliques qui exigent au Brésil l'inondation et donc, d'abord, la
destruction de milliers d'hectares de forêts.
Une forêt bien
exploitée peut produire normalement 2 à 3 stères de bois par hectares et par
an. La même exploitation, dans la forêt tropicale, peut fournir de 40 à 60
stères par hectare et par an. Le Brésil, par exemple, possède environ 325
millions d'hectares de terres impropres à l'agriculture mais capables, par une
exploitation forestière appropriée, d'utiliser la moitié de ces surfaces (qui
représentent 20 % du territoire national). Ceci permettrait de produire de
manière permanente l'équivalent énergétique de 6 milliards de barils de pétrole
par an, c'est à dire à peu près la production totale des pays de l'OPEP.
On peut
imaginer aisément que l'utilisation, même partielle, de ce potentiel
énergétique changerait profondément toute la structure actuelle du pouvoir
mondial.
Dans la zone
tropicale pourrait s'instaurer une nouvelle distribution du pouvoir, car cette
mutation historique de réhabilitation de l'homme tropical et de son milieu
naturel, permettrait, à partir de ressources énergétiques renouvelables, en
particulier celle de la biomasse, de créer des formes nouvelles de rapports
sociaux et politiques. Cela exige de mettre fin à l'exploitation des ressources
naturelles par les prédateurs de l'Occident et de ses vassaux, et de fonder un
modèle de développement sur l'exploitation rationnelle de ces ressources
renouvelables, avec toutes les conséquences politiques, stratégiques ou
écologiques qui en découlent.
Un rapport
récent, Projet énergétique et technologique adapté au milieu ambiant (Brasilia
1986), indique: "la cause principale de la destruction de la foret
tropicale est le développement d'une structure économique fondée sur des
modèles technologiques importés qui conduisent à la dégradation de
l'environnement."
Le fondateur de
cette réflexion sur une civilisation des tropiques, est Gilberto Freyre dans
son livre: L'homme, la culture et les tropiques.
Bautisto Vidal,
de l'Ecole Polytechnique du Brésil, complète cette analyse:
"La
quantité d'énergie qui tombe chaque jour sur les Tropiques humides est
l'équivalent de 6 millions de bombes nucléaires du modèle Hiroshima. Alors que
la civilisation du pétrole est la civilisation d'un jour, nous avons là la base
énergétique d'une autre civilisation à condition d'en finir avec la dépendance
de l'extérieur. Cette dépendance a coûté à notre pays, le Brésil, pour
contribuer à cette destruction, 2 milliards de dollars par an, c'est à dire 40
milliards en 20 ans. (A titre de comparaison le plan Marshall, pour
reconstruire l'Europe, a coûté 13 milliards de dollars). Tel est le coût de
cette civilisation technologique et de la division internationale du travail
qui a créé la dépendance technologique.
Avec le système
actuel de dépendance nous produisons à Cucurui de l'énergie électrique qui nous
coûte 42 dollars par mégawatt-heure et que nous vendons 13 dollars pour
produire de l'aluminium exporté. Tel est le modèle pervers qui nous est imposé
du dehors par les grandes compagnies multinationales. La proche pénurie a
conduit à utiliser l'énergie nucléaire. C'est cette méthode que l'on envisage
d'imposer au Brésil. Il est prévu, pour la sécurité de la population, d'évacuer
un territoire de 40 kilomètres de rayon. Si sur cette surface, nous créons une
forêt en utilisant sa biomasse nous produirons 3 fois plus d'énergie que ce
dangereux réacteur. La biomasse, comme forme d'énergie, a pour origine le
soleil, gigantesque réacteur a fusion nucléaire heureusement situé a très
grande distance. Cette énergie solaire permet de créer des conditions de vie
permanentes et à visage humain.
Le pétrole, lui
aussi, a comme origine le soleil. Sa formation exige de 200 à 300 millions
d'années, alors que le charbon végétal, l'énergie éolienne, ou la biomasse se
renouvellent de façon permanente. La photosynthèse capte par les plantes cette
énergie.
Le Brésil
détient 50 % des tropiques humides de la planète. L'autre moitié est répartie
en plusieurs pays d'Amérique latine, d'Afrique et de l'Asie du Sud-Est, qui ont
les mêmes problèmes que nous. La survivance énergétique du monde et toutes les
conséquences sociales qui en découlent dépendent de cette mutation qui implique
une intégration profonde de l'homme tropical à son milieu naturel."
Source: L'avenir de la civilisation des tropiques, Edition de l'Université de Brasilia, 1990 (p. 221-231)