Certains sont extradés à la Haye...

...d'autres nommés à la Maison Blanche

Institutions financières internationales et politiciens sont aux anges. L'ancien président serbe Slobodan Milosevic a été extradé aux Pays-Bas pour être jugé par le Tribunal Pénal International de La Haye pour l'ex-Yougoslavie. Les médias s'en donnent à coeur joie pour reprendre leurs couplets de propagande de la guerre du Kosovo. Grands chroniqueurs et petits journalistes essaient de nous convaincre que la "communauté internationale" est, aujourd'hui, en route vers moins d'impunité, vers plus de justice. La moralité va enfin dominer les relations internationales, nous disent-ils.

Tout ce discours n'est bien évidemment et comme d'habitude qu'un écran de fumée masquant une réalité dans laquelle le deux poids deux mesures est roi.

On a appris, il y a quelques jours, que le tyran chilien Pinochet échapperait à la justice de son pays. L'alliance de la droite, des forces armées et du gouvernement social-démocrate voulant préserver la tranquille "transition" à la démocratie a permis au vieux général putschiste de s'en sortir, probablement définitivement, et sans susciter l'ire de la communauté internationale.

Ce dont on n'a pas parlé, ce sont les nominations de gens plus que douteux à des postes-clés dans l'administration étasunienne.
On savait déjà que le gouvernement de Bush n'était que le reflet de ceux ayant financé sa campagne, à savoir le secteur pétrolier (Voir: 1 - 2). On connaît aussi l'arrogance du nouveau gouvernement dans sa volonté de rejeter le Protocole de Kyoto, de poursuivre les exécutions de condamnés à mort, de remettre sur pied le projet cher à Ronald Reagan de guerre des étoiles, etc. Arrogante politique qu'ont dénoncé des milliers d'activistes européens lors de la récente visite de George W.Bush sur le vieux continent.

Ainsi, le président Bush a décidé de nommer aux principaux postes de politique extérieur pour l'Amérique latine, tant au sein du Département d'Etat qu'au Pentagone, les mêmes fonctionnaires qui furent les assesseurs et stratéges du programme d'appui étasunien à la contra nicarageyenne.

Cet épisode noir (pour la population nicaragueyenne) de la politique étrangère étasunienne eut lieu dans les années '80. L'Oncle Sam finançait la contre-révolution au Nicaragua en transformant le Honduras voisin en base militaire et en équipant et entraînant des assassins qui ont saboté les bases de la révolution sandiniste, en persécutant les gens, en violant les femmes, en détruisant les écoles, etc.

On savait déjà que l'actuel secrétaire d'Etat et ancien "héros" de la Guerre du Golfe, Colin Powell, était très impliqué à l'époque dans ces programmes d’assistance à la Contra nicaragueyenne. Les investigateurs Robert Parry et Norman Solomon ont notamment documenté le rôle que joua Powell dans les arrangements pour l’envoi de missiles à l’Iran dans ce qui devint le scandale Iran-contra (1).

Cette semaine, Bush a nommé formellement Otto J. Reich comme prochain sous-secrétaire d'Etat pour les affaires de l'hémisphère occidental (le continent américain), nomination qui devra être ratifiée par le sénat étasunien.

Qui est cet Otto J. Reich?
Quelques données:

- Avocat d'origine cubaine, Otto J. Reich fut officier de l'armée des Etats-Unis au Panama en 1967 et aussi ambassadeur au Venezuela dans les années '80.

- Reich est surtout obsédé par un problème: Cuba.
C'est le diplomate qui a le plus servi à la Fondation Nationale cubano-Américaine (FNCA) (2) et particulièrement aux intérêts de la multinationale Bacardi-Martini.
En 1996, directeur du Brock Group (groupe de lobbying), son association a reçu plus de 110.00 US dollars (selon des documents déclassifiés par la National Security Archive) dans les mois ayant précédé l'adoption de la Loi Helms-Burton renforçant le blocus contre Cuba et dont Reich fut un des principaux concepteurs.

-De 1976 à 1981, Il fut directeur à Washington du Conseil des Amériques, une association de compagnies étasuniennes ayant des investissements en Amérique latine et dans les Caraïbes, association dont était membre la multinationale Bacardi.

- Il passa, après, deux ans dans la section Amérique latine de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (US-AID, sigles en anglais) où il bloqua toute demande d'aide au gouvernement sandiniste.

- Ronald Reagan le nomma ensuite ambassadeur à l'ONU, à Genève. Durant cette période, grâce à Reich, la Fondation Nationale Cubano-Américaine (FNCA) se vit ouvrir de nombreuses portes pour son travail de lobby, ou plutôt de sape de la révolution cubaine.

- Durant les années '80, quand les étasuniens sont intervenus dans les conflits nicaragueyens et salvadoriens, Reich a dirigé un bureau de propagande au sein du département d'Etat appelé Office of Public Diplomacy. Cette unité était composée de membres de la CIA et de spécialistes en psychologie du Pentagone. Son objectif était de tromper l'opinion publique étasunienne en diffusant de la fausse information, en discréditant des journalistes que l'administration reagan n'aimait pas, en utilisant les principes de la propagande pour manipuler et apporter la confusion au sein des "populations des pays ennemis". En 1987, ce bureau a été accusé de mener des "activités interdites de propagande cachée" et suite au scandale de l'Iran-contragate, il fut fermé.
Reich et son équipe ont en fait travaillé pour essayer d'annuler une décision législative bloquant l'assistance étasunienne à la Contra et utilisa les fonds publics du Département d'Etat pour rendre "sympathique" ces terroristes.

On pourrait encore décrire la suite du curriculum vitae de ce monsieur, mais les éléments apportés ci-dessus permettent déjà de bien cerner le personnage. Un individu très bien intégré aux sein des institutions de "la plus grande démocratie du monde" et qui ne sera pas le seul criminel nommé par la nouvelle admnistration républicaine. Ainsi, récemment, le Conseil de Sécurité a annoncé qu'Elliot Abrams, ex-secrétaire d'Etat assistant pour l'Amérique latine dans les années '80 et qui a admis avoir menti au Congrès par rapport à l'affaire Iran-Contra, occupera le poste d'assesseur principal chargé de la promotion de la démocratie et des droits de l'homme. Cette décision ne requiert pas l'approbation du Sénat, tout comme la nomination d'un certain Pardo-Maurer au Pentagone comme sous-secrétaire d'Etat assistant pour les affaires interaméricaines et qui fut officier politique des assassins de la contra nicaragueyenne.

Une telle ribambelle de criminels dans un gouvernement devrait empêcher celui-ci de faire la morale, de parler d'éthique internationale. Les classes dominantes étasuniennes savent très bien ce dont sont responsables ces individus. Ils le savent et c'est pourquoi ils ne veulent pas de la création d'un Tribunal Pénal International. Les journalistes ont pour responsabilité sociale d'en parler et cesser d'être les agents de propagande de l'empire euro-étasunien.


Notes:

(1) Alors que le président étasunien de l'époque, Ronald Reagan, appelait constamment à condamner le régime iranien "démoniaque et terroriste"de Khomeiny, son gouvernement lui vendait en même temps des armes, via Israël, pour financer la sale guerre contre la révolution sandiniste.

L'opération antisandiniste a aussi été financée par l'argent de la drogue. Dans le cadre du Projet Démocratie (Projet contre-insurrectionnel en amérique central ayant une façade honaorable), des leaders de cartels colombiens de la drogue fournissaient de la cocaïne et de la marihuana qui étaient acheminées par voie aérienne vers des pistes au Costa Rica, au Salvador et au Honduras contrôlées par la CIA. De là, la drogue était acheminée vers des aéroports civils et militaires en Floride où un autre réseau se chargeait de la mettre sur le marché. En remerciement, les narcotraficants colombien recevaient armements, matériel sophistiqué de sécurité et des facilités pour pénétrer sur le territoire américain.

(2) Cette "fondation" et la myriade d'association qui l'entoure est l'avant-garde de l'extrême droite cubaine de Miami. Totalement intégrées dans les institutions étasuniennes, elles ont participé, avec la CIA ou/ et la mafia, à des actions contre-révolutionnaires en Amérique latine comme au Nicaragua, au Chili d'Allende, en tentant d'assassiner Castro, etc.

Sources:

La Jornada

Hernado Calvo Ospina, Ron Bacardi: La Guerra Oculta, la Casa Editora Abril.

http://www.stopottoreich.net/