Récemment, au cours d’une interview télévisée1, un journaliste demande à Yasser Arafat comment il vit son assignation à résidence dans son palais présidentiel de Ramallah par l’armée israélienne. Arafat lui rétorque qu’il n’est pas un prisonnier mais « un résistant combattant l’occupation israélienne ». Puis, il enchaîne sur la mémoire du plus célèbre résistant français : le Général De Gaulle. Il évoque sa rencontre avec le Général et le cadeau offert par celui-ci. Ce présent, Yasser Arafat, le porte sur lui. C’est une croix de Lorraine, symbole du mouvement du Général De Gaulle. Par ses explications, Arafat réalise à une heure de grande écoute une démonstration déjà faite à la conférence de Durban de l’été 2001. Il montre qu’il est un résistant face au sionisme tout comme l’était le Général De Gaulle face au nazisme. Arafat est habile. Placer le sionisme et le nazisme sur le même plan permet de légitimer, voir normaliser tous les moyens pour combattre l’envahisseur. Une nouvelle fois, Arafat stigmatise le conflit israélo-palestinien. Il présente les Israéliens comme les oppresseurs des Palestiniens. Ainsi, Arafat entretient l’anti-sionisme et donc l’anti-judaïsme qui a nourrit la plus importante vague d’attentats contre la communauté juive de France depuis la seconde guerre mondiale. Pour combattre cette idée, objectif : info s’est replongé dans l’histoire du sionisme pour permettre à tous les lecteurs de se faire une opinion argumentée du sujet. Et si un jour, quelqu’un vous affirme que le sionisme a pour but la destruction du peuple palestinien comme le nazisme voulait anéantir le peuple juif, vous serez alors peut-être en mesure de lui répondre… L’équipe d’objectif : info 1. Magazine d’informations sept à huit du dimanche 17 mars 2002 sur TF1 Le sionisme : des prémices à l’Etat d’Israël Israël et Diaspora. En l’an 1000 avant JC, David fédère les douze tribus d’Israël en un royaume dont il est consacré souverain. La présence juive connaît alors son apogée en Terre Sainte. Elle durera 300 ans. Par la suite, une succession d’invasions (babylonienne, perse, grecque puis romaine) aboutit en l’an 70 de notre ère à la destruction du second Temple. La résistance juive se poursuit jusqu’en 135, date à laquelle la dernière citadelle hébraïque, Massada, cède. Suite à cette victoire, Rome entreprend d’effacer toute trace d’identité juive en Israël. Même si la présence juive n’y est pas totalement supprimée, Israël et Jérusalem deviennent alors respectivement Falastina (de Palestine, « pays des Philistins » en araméen) et Aelia Capitolina. Le peuple juif va alors chercher refuge dans l’ombre des peuples sans jamais renoncer au rêve de bâtir une nation juive indépendante en Terre promise. Plusieurs hommes célèbres ont évoqué ce retour en Israël. Le poète et philosophe espagnol Juda Ha Lévi estime ainsi qu'un Juif vivant en dehors de la Terre Sainte mène par définition une « vie incomplète ». Au 17ème siècle, l’appel du pseudo-messie de Smyrne (ville portuaire turque), Sabbataï Tsevi, au retour en Terre d'Israël, provoque une importante vague d’immigration juive. Napoléon Bonaparte conçoit lui aussi un retour en Terre Sainte. Au cours d’un discours sur le Mont Thabor (montagne d’Israël proche du Jourdain) le 22 mai 1799, il invite les Juifs à « se rallier sous les drapeaux pour restaurer l’antique Jérusalem ». Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle que la perspective d'un retour en Terre d’Israël évolue. Pour certains, la condition juive est perçue comme un problème, le « problème juif ». Pour d'autres, comme le penseur socialiste Moshe Hess (1812-1875) ou le journaliste hongrois Théodore Herzl (1860-1904), l’approche est positive : c’est la « question juive ». Il s’agit en effet d’envisager l’avenir du peuple juif non pas sur le plan religieux, mais d’un point de vue politique et social. Hess présente pour la première fois la question juive dans son livre Rome et Jérusalem en 1862. Selon lui, par la mise en place d’un mouvement organisé, le peuple juif peut légitimement aspirer à raviver une identité nationale au sein d’un Etat. Sa théorie ne sera vraiment prise en compte qu’après la vague d’antisémitisme qui frappe l’Europe à partir de 1880. Antisémitisme Est/Ouest. A l’Est se développe un antisémitisme chrétien développé par le tsarisme. Le Tsar Nicolas II tente alors d’inverser cette tendance, en allégeant les décrets anti-juifs, mais son assassinat en mars 1881 ouvre la voie à une série de pogroms. C’est dans cette Russie très marquée par l’antisémitisme que se forment les associations « Chowewe Zion » (Amants de Sion). Celles-ci entraînent la première Aliya (immigration vers la Terre Sainte, en hébreu) dans les années 1880. Le premier village juif, Rishon le Zion, est fondé en 1882. Les 10.000 immigrants créent ainsi une vingtaine de villages qui recevront l’aide du Baron de Rothschild pour l’achat et l’exploitation des terres. A l’Ouest se développe un antisémitisme pseudo-scientifique basé sur le mythe aryen infériorisant le Juif. En France, l’affaire Dreyfus qui éclate en 1893 convainc définitivement Herzl de repenser radicalement la « question juive ». En 1897, il organise le premier congrès juif à Bâle qui donne naissance à la création de la Banque nationale juive (1899) et à un organisme foncier, le KKL (1901). Dès sa constitution, l’Organisation sioniste adopte un programme politique précisant que le sionisme aspire à « la création en Palestine pour le peuple juif d’un foyer garanti par le droit public ». Jusqu’en 1904, date de sa mort, Herzl multiplie les démarches auprès des grandes puissances pour garantir la légitimité de la création d’un Etat. « Foyer national pour le peuple juif ». Une seconde Aliya, entre 1904 et 1914, regroupe 40.000 personnes animées de convictions idéologiques populistes ou marxistes. Elle transforme le paysage de la population juive de Palestine. On trouve parmi ces immigrants des personnalités telles que David Ben Gourion (premier Chef du gouvernement de l’Etat d’Israël) ou encore Moshe Sharett (premier Ministre des affaires étrangères). Le 2 novembre 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Arthur James Balfour, adresse une lettre au Baron de Rothschild dans laquelle il écrit : « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Balfour explique par ailleurs que « rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ». Ces observations poussent les sionistes à rechercher un interlocuteur arabe. Or la population de Palestine ne forme pas une véritable nation avec laquelle il soit possible de traiter politiquement. Cette population se trouve, en effet, sous la domination d’un pouvoir turc (l’Empire ottoman) agonisant. Dans ce contexte, les leaders du mouvement sioniste trouvent alors cette collaboration politique du coté de l’émir Fayçal, fils du cheikh Hussein de la Mecque et futur roi d’Irak. Dès juin 1918, Haim Weizmann (1874-1952), futur chef de l’Organisation sioniste, et Fayçal se rencontrent sur les hauts plateaux de la Transjordanie pour tenter de définir les conditions de la création de l’Etat juif. Le 3 janvier 1919, lors de la Conférence de la Paix à Paris, Fayçal et Weizmann signent un accord approuvant la déclaration Balfour, reconnaissant la Palestine comme distincte du grand royaume arabe (prévu par les accords Mac Mahon-Hussein de 1915) et le droit des Juifs à la souveraineté sur cette région. Les propositions juives admises par la délégation arabe incluent, dans les territoires dévolus à l’Etat juif, la Judée-Samarie (Cisjordanie) et une partie de la Jordanie actuelle. L’Empire ottoman, combattant avec l’Allemagne au cours de la première guerre mondiale, est ainsi morcelé et la Syrie-Palestine occupée par les forces britanniques. Suite à ces accords, 35.000 Juifs, pour la plupart d’origine russe, arrivent en Palestine entre 1919 et 1923 (troisième Aliya) découvrant sur place une situation quelque peu difficile. L'administration militaire britannique s’affirme en effet très hostile au sionisme, et ce durant la totalité de son mandat (de 1917 à juillet 1920). Elle assimile les sionistes à des agents du bolchevisme. En conséquence, elle ferme les yeux face aux attaques de groupes armés arabes contre les Juifs, comme en mars 1920 à Tel H’ai (nord de la Galilée) ou lors du pogrom d’avril 1920 de Jérusalem. Les Juifs décident alors d'organiser leur propre armée de défense, la Haganah (défense, en hébreu), avec comme chef de file Vladimir Zeev Jabotinski (1880-1940). En 1920, la conférence de San Rémo soutient la déclaration Balfour et attribue à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine pour le compte de la Société des Nations. C’est ainsi que l’administration militaire cède sa place à une administration civile britannique dirigée par Sir Herbert Samuel. Celui-ci désigne au poste de grand mufti de Jérusalem El Hadj Amine Husseini ce qui complique la situation. Ce fanatique, principal instigateur du pogrom de Jérusalem, dirige de nombreuses attaques contre les Juifs. Partisan déclaré de l’Axe, il partira en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale où il supervisera des camps de concentration, avant de diriger sur le front de l’Est la division musulmane en temps que général SS. Soulèvement arabe et quotas d’immigration. Dans l’effort de dialogue judéo-arabe, les sionistes se trouvent devant un problème majeur : Britanniques et Français se mettent d’accord pour déposséder Fayçal de la couronne du royaume arabe, afin satisfaire leurs politiques impérialistes. Par conséquent, les accords Fayçal-Weizmann tombent à l’eau. Les Juifs se retrouvent alors face à une population arabe farouchement hostile à l’établissement d’un Etat juif. A cette animosité arabe s’ajoute le revirement de la politique britannique : en effet, alors que les Juifs espèrent la mise en place du plan Balfour, le gouvernement britannique leur impose les « Livres blancs » (1922, 1930 et 1939) à partir desquels se développe une politique de quotas limitant l’immigration juive en Palestine et l’achat de terres par les Juifs. Parallèlement, le mouvement nationaliste arabe prend de l’ampleur et multiplie les pressions sur les Britanniques. Suite aux soulèvements arabes de 1936 à 1939, l’administration britannique crée deux commissions. La commission Peel propose dans un rapport en 1937 une diminution du territoire de l’Etat d’Israël prévu par le traité de Sèvres de 1922 de 27.000 km² à 7.655 km². Paradoxalement, les sionistes acceptent ce « mini-Etat » et les Arabes le refusent. En 1938, une nouvelle commission présidée par Sir John Woodhead propose de réduire le futur Etat juif à 1.275 km² (soit Tel Aviv et ses alentours). Mais une fois de plus, les Britanniques se heurtent au refus de principe des nationalistes arabes. En 1933, de l’autre coté de la Méditerranée, en Allemagne, le parti nazi accède au pouvoir avec à sa tête le chancelier Adolf Hitler. L’application de sa doctrine ultra-nationaliste et raciste pousse certaines communautés juives d’Europe occidentale à prendre la route de la Palestine. Mais les quotas d’immigration ne leur permettent pas de rentrer sur le territoire. La marine britannique arraisonne alors de nombreux bateaux dont les occupants seront renvoyés vers leur port d’embarquement. Autrement dit vers la mort… Plan de partage et indépendance. Au sein de l’Organisation sioniste, de nombreuses tensions apparaissent quant à la politique à mener face aux Britanniques soumis aux pressions arabes. Ben Gourion résume ainsi l’opinion de la quasi-totalité de ses compatriotes : « nous combattrons Hitler comme s’il n’y avait pas le Livre blanc ; nous combattrons le Livre blanc comme s’il n’y avait pas Hitler ». Jabotinsky, préconisant une riposte par la force au terrorisme arabe, quitte l’Organisation sioniste mondiale. Il crée son propre mouvement et ordonne ainsi à sa branche militaire, l’Irgoun, de procéder à des attaques d’installations militaires et administratives britanniques. Après la victoire des Alliés, les Juifs espèrent une conciliation de la part des Britanniques. Mais l’élection au pouvoir, en juillet 1945, du travailliste Ernest Bevin n’arrange guère la situation. Cette fois-ci, les Juifs se dressent unanimement contre la Grande-Bretagne. Les actes de sabotage militaire sont à présent quotidiens : dynamitage de ponts, destruction d’avions, etc. Les Britanniques sont dépassés par les évènements. Au printemps 1947, ils demandent l’inscription de la « question palestinienne » à l’ordre du jour à l’ONU. Diverses commissions sont alors chargées de définir un partage équitable de la Palestine. Deux propositions en ressortent : l’une en faveur de deux Etats indépendants (l’un arabe, l’autre juif) reliés par une Union économique ; l’autre pour un Etat fédéral. Le vote est favorable à la première proposition. Même les deux grands rivaux, les Etats-Unis et l’URSS, convergent vers cette idée. Du côté de l'Agence Juive, ce plan de partage est accepté, tandis que les Arabes le combattent farouchement. La situation dans la région devient alors chaotique, au point que la Commission des Nations Unies chargée de l'application du plan de partage ne peut s'acquitter de sa tâche. Une partie de la presse mondiale prépare l'opinion publique à l'idée d'un anéantissement du Foyer national juif de Palestine avant même la création de l'Etat d’Israël. Mais la volonté des Juifs de créer leur Etat est trop forte. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame, selon le plan de partage de l’ONU (14.400 km2 pour l’Etat juif), l'indépendance de l’Etat d'Israël. Dés le lendemain, face à l’attaque des pays arabes de la région, Israël entre dans un conflit pour sa survie qui n’est aujourd’hui toujours pas terminé. Bibliographie Que sais-je : l’Etat d’Israël chez PUF Que sais-je : le sionisme chez PUF Quid chez Robert Laffont Une Histoire des Juifs de Paul Johnson chez JC Lattès Identité juive, identité humaine de Raphaël Draï chez Armand Colin Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme chez Cerf Histoire universelle des Juifs sous la direction d’Elie Barnavi chez Atlas Hachette