RIO DE JANEIRO, 12 déc - Plus de mille personnes seront reconnues officiellement comme ayant été affectées par l'accident nucléaire de Goiania, ville située à 200 km de Brasilia où s'était produit en septembre 1987 un accident au césium-137, considéré comme le plus grave après Tchernobyl.
A l'époque de l'accident, le bilan avait été de quatre morts et 245 personnes irradiées à divers degrés.
Selon les autorités de Goiania (capitale de l'Etat fédéré de l'Etat de Goias), mercredi, toutes ces victimes auront droit à des dédommagements financiers payés par l'Etat.
L'Assemblée législative de Goiania devra approuver le projet d'ici la fin de l'année.
Les bénéficiaires recevront quelque 720 reals par mois (288 USD).
"Il faut revoir la situation de ces personnes qui sont depuis 14 ans sans aucun type d'indemnités, beaucoup en situation de misère", a déclaré le procureur, Marcus Antonio Alves.
Selon lui, en neuf mois d'enquête, le parquet local a relevé une série de cas de fonctionnaires qui ont eu des contacts avec le matériel radioactif jusqu'à la construction en 1997 de deux dépôts souterrains qui renferment 6.000 tonnes de déchets radioactifs (soit un volume de 3.500 m3) à Abadia, à 20 Km de Goiania.
"Ces personnes ont présenté des symptômes de contamination par la suite. Il existe de nombreux cas de cancer de la peau, de la prostate et de la tyroïde", a dit le procureur.
Nénamoins, la Commission Spéciale de l'Energie Nucléaire (CNEN) qui avait déjà réalisé des examens sur certains de ces fonctionnaires en 1997, dément qu'il y ait un lien avec la contamination au césium-137.
L'accident de Goiania avait été provoqué par l'ouverture d'une capsule de césium-137 contenue dans un appareil de radiothérapie que deux ferrailleurs avaient trouvé sur un terrain vague, près d'une clinique privée.
En février 1996, les quatre médecins et le physicien,
propriétaires de la clinique, avaient été
condamnés de un à trois ans de prison.
Les risques du "petit nucléaire"
trop souvent négligés
Utilisé aussi bien à l'hôpital que dans
l'industrie ou le bâtiment, le "petit nucléaire"
présente des risques sérieux, souvent sous-estimés
et mal connus, que les pouvoirs publics souhaitent mieux contrôler.
Alors que dans les grandes installations nucléaires (centrales,
usines de retraitement...) le risque radiologique est connu et bien identifié,
dans le "petit nucléaire", encore appelé
"nucléaire diffus", le risque radiologique dû
aux rayonnements ionisants est souvent méconnu, ont souligné
les responsables de l'Autorité de sûreté nucléaire
au cours d'un point de presse.
Selon l'Autorité, il existe quelque 300.000 sources radioactives aujourd'hui en France. Ces sources ont des utilisations extrêmement variées et peuvent se retrouver aussi bien dans les mains d'un médecin que d'un ouvrier de l'industrie ou d'un agent immobilier.
Les applications les plus connues sont médicales. Il s'agit d'abord du radiodiagnostic (radios du poumon...) qui génère de faibles doses mais touche un public nombreux mais aussi d'autres disciplines moins répandues comme la médecine nucléaire ou la radiothérapie qui impliquent des doses élevées pour les patients.
Dans le domaine industriel, le "petit nucléaire" est également très répandu. 70 % des sources sont des jauges, utilisées pour des mesures d'épaisseur, de densité ou de pesage. "Ces appareils présentent peu de risques pour les travailleurs mais le personnel qui les utilise est souvent peu formé", relève Jean-Luc Lachaume, expert sur les questions d'environnement et de radioprotection à l'Autorité de sûreté.
Au moins une centaine de morts
Les gammagraphes (6 % des sources), utilisés notamment
pour le contrôle des soudures, sont des appareils très
bien protégés, mais utilisant des sources radioactives
très dangereuses, avec des risques liés au transport
par la route (accident, vol du véhicule).
Enfin les analyseurs de plomb, des appareils pour lesquels il n'existe pas de normes, utilisés pour détecter la présence de plomb dans les peintures et donc les risques de saturnisme, sont employés aussi bien par des professionnels du bâtiment que par des notaires ou des agents immobiliers, peu formés à ce type de risque.
Selon l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), quelque 350 accidents radiologiques, ayant fait une centaine de morts, ont été recensés dans le monde depuis 1945. Une forte proportion (41 %) de ces accidents se sont produits dans le secteur industriel (gammagraphes), ces chiffres étant toutefois à prendre avec précaution en raison d'un grand nombre d'accidents non-déclarés. L'erreur humaine est le plus souvent à l'origine de ces accidents.
Pour contrôler ces milliers d'objets qui peuvent être dangereux pour la santé, la France dispose d'un dispositif de surveillance souvent inadapté. "Il y a des inquiétudes sur la façon dont la radioprotection est contrôlée", reconnaît le directeur de la sûreté des installations nucléaires, André-Claude Lacoste.
Exemple d'accidents:
10 janvier 1956 - Milford (USA) - gammagraphie
Un employé dans un chantier de construction prend un objet métallique suspendu à une ficelle. Il le met quelques minutes dans sa poche, puis dans la boîte à gants de sa voiture. C'est une source de cobalt 60 de 1,6 Ci. Elle occasionne une dose de 25 rems et une radiodermite.
29 mars 1960 - Université de Madison (USA) - irradiations expérimentales
Un chercheur prend un vase dans lequel se trouvait un tube métallique dans lequel coulissait une source de 200 Ci de cobalt 60, commandée à distance. L'opération dure environ 10 mn. Une demi-heure plus tard il est pris de nausées. La dose était comprise entre 250 et 300 rems. Le 26ème jour, les symptômes de radiodermite se manifestent, le 37ème jour, les poils tombent. La radiodermite se " creuse " à la fin du 8ème mois. La stérilité totale est atteinte le 5ème mois (la dernière publication date de 1962).
fin 1961 - Angleterre - hôpital de Plymouth
Un opérateur utilise un appareil de radiothérapie à la tension de 50 kV au lieu de 10 kV. L'erreur de réglage persiste une semaine. Onze malades sont irradiés à des doses 60 fois plus élevées que prévues (~ 6000 rems à la peau). L'érythème apparaît entre 3 et 6 jours. Le 14ème jour, la peau est soulevée par du liquide et tombe dans la semaine suivante. La peau se reforme : sur les doigts vers la 9ème semaine, sur la face palmaire la 12ème semaine. 5 mois après, certains malades présentaient des zones ulcérées.
21 mars 1962 - Mexico (Mexique) - perte de source radioactive
En couchant son fils âgé de 10 ans, la mère retire un petit cylindre de métal de la poche de culotte et le met dans le tiroir du buffet de la cuisine. C'est une source de cobalt 60 de 5 curies. La mère (enceinte de 6 mois), les deux enfants et la grand-mère décèdent. Le père (30 ans) survit car son travail, hors du domicile, réduisait l'irradiation. Le tableau suivant résume ce dramatique accident :
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3 mai 1968 - La Pate (Argentine) perte de source
Un ouvrier soudeur âgé de 37 ans ramasse, sur un chantier un petit cylindre de métal. Il le met dans sa poche. Le lendemain, il le montre à ses camarades, le met dans l'autre poche et le garde toute la journée. Le surlendemain (dimanche) il est hospitalisé pour des douleurs insupportables et des tuméfactions de la partie antérieure des deux cuisses. Le 24e jour, la déclaration de perte de source radioactive (13 curies de cesium 137) conduit les responsables du chantier à la retrouver, au vestiaire, dans le bleu de travail de l'ouvrier. Les doses reçues variaient de 1,7 million de rads au contact de la source à 2 000 rads aux gonades, 300 rads à la poitrine et 60 rads à la tête. Ce travailleur subissait une première amputation de la jambe gauche six mois après l'accident puis celle de la jambe droite le huitième mois. Il était en vie en 1972.
août 1968 - Chicago (USA) - Ecole de médecine
Une femme âgée de 73 ans reçoit par voie intraveineuse de l'or radioactif. La dose prévue pour cet examen du foie par scintigraphie était de 200 microcuries. La dose administrée fut mille fois plus importante : 200 millicuries. Elle décéda 69 jours plus tard. A un mètre de la patiente, le débit de dose était égal à 35 mrem/h. Les organes les plus contaminés (foie, rate) ont reçu environ 7 000 rems. La dose à la moelle osseuse a été de 500 rad environ.
juin 1972 - France - chantier
Un manoeuvre de 41 ans effectue des gammagraphies sur des soudures. La source tombe au sol au cours des manipulations. L'homme croit que c'est une goupille et la met dans la poche droite de sa veste. Elle y reste 4 à 5 heures. La source avait une activité de 15 curies d'irridium 192. Le film dosimètre indiquait 120 rems. La dose à la moelle osseuse est estimée à 160 rems. Les signes de radiodermites apparurent le 10ème jour. La surveillance médicale se poursuit.
1975 - Italie - installation commerciale d'irradiation
Un soudeur intervient dans une installation d'irradiation industrielle. La source de Cobalte 60 supposée être dans son dispositif de stockage est en fait sortie. Pendant l'intervention, le visage est irradié à des doses comprises entre 1 400 et 2 800 rads. La dose moyenne était de 1 200 rads, 87 % de la moelle osseuse a reçu une dose supérieure à 800 rads et 13 % entre 400 et 800 rads. L'évolution a été rapide, et la mort est survenue le 13ème jour.
23 septembre 1977 - New Jersey (USA) - installation commerciale
Peu après minuit, un opérateur de production de 32 ans entre dans une cellule réservée à l'irradiation de différents produits médicaux et chimiques. Il pose des paquets sur la courroie du transporteur. Percevant une sensation de fourmillement (hérissement des poils dû à l'électricité statique), il lève les yeux : la source de 500 000 curies est en position " sortie " à 3 m de lui. Il sort précipitamment et rencontre deux autres travailleurs qui s'apprêtent à entrer. La dose a été estimée à 200 rads. Le patient est gardé en isolation dans un hôpital pendant un mois et demi. L'accident a été causé par des manquements graves à la radioprotection (porte en acier démontée et remplacée provisoirement par un contre-plaqué, verrouillage électrique déconnecté, avertisseur lumineux masqué).
début mai 1978 - Sétif (Algérie) - perte d'une source d'un appareil de gammagraphie
Deux garçons âgés de 3 et 7 ans jouent
avec un petit cylindre de métal près de la fontaine
du village. La grand-mère met cet objet dans un cageot
avec lequel elle transporte des objets divers jusqu'à la
maison. C'est un porte-source renfermant 17 curies d'irridium
192. Pendant 5 à 6 semaines, à raison parfois de
6 à 8 heures par jour, 22 personnes se feront irradier
(débit de dose à 1 mètre = 8 rad/h environ).
La source ne sera découverte que le 12 juin 1978. Les premières
personnes sont évacuées en France le 16 juin 1978.
Parmi les 22 personnes irradiées, 7 le seront sévèrement
:
A) Les deux garçons : état général
en amélioration, mais radio-lésions aux mains (greffe
+ amputation d'un doigt) ;
B) Deux jeunes filles (17 et 19 ans) et deux jeunes femmes (20
et 22 ans) présentent un syndrome général
sévère; pas de lésions locales ;
C) La grand-mère (47 ans) décède dans les
15 jours qui suivent la fin de l'irradiation (brûlure et
nécrose des tissus des parois abdominales et thoraciques).
La reconstitution de l'incident est particulièrement difficile
et les réactions de l'organisme ne s'apparentent pas nécessairement
à celles d'une irradiation unique et limitée dans
le temps. Les doses sont probablement comprises entre 500 et 1000
rads, bien que les évaluations déduites de l'analyse
des cellules sanguines donnent une fourchette de doses comprises
entre 230 et 550 rads pour les quatre femmes en vie et 220 à
250 rads pour les jeunes garçons. L'une des jeunes femmes
(20 ans), enceinte lors de l'incident, a avorté spontanément
dans les deux semaines qui ont suivi la phase de restauration.
Quatre malades ont nécessité 300 transfusions en
un mois et demi.
Extrait du livre : Le dossier électronucléaire
Syndicat CFDT de l'énergie atomique
édition du seuil 1980