Roberto D'Orazio, délégué principal des ex-Forges de Clabecq «Dès qu'on n'est pas d'accord, on devient un terroriste à 50%» Je me sens un peu perdu dans l'analyse macro-économique, mais je comprends en grandes lignes l'importance du pétrole pour les Etats-Unis. Ce que je connais mieux, c'est l'emprise des médias sur les masses. Ces médias déforment et mentent. Nous l'avons vécu nous-mêmes à Clabecq. C'est pour cela qu'il est important d'avoir une deuxième façon de communiquer avec les masses: par les militants de base, qui ont une autre appréciation des problèmes. Sur la Palestine, mon raisonnement est très simple: si on détruisait ma maison, si on me retirait ma terre, si on tuait ma famille, je pense que je deviendrais «terroriste» Mais un vrai cette fois-ci. Notre lutte à Clabecq était une affaire simple, comparée à la lutte que doit mener le peuple palestinien. Nous n'étions pas confrontés aux chars, aux missiles, aux assassinats. Le problème aujourd'hui, c'est que dès qu'on n'est pas d'accord, on devient un terroriste à 50%. Dès qu'on dit «non, je n'accepte pas cette logique», on est définitivement classé. On sème la confusion: on nous mélange la culture religieuse, le combat pour le territoire, l'immigration. Ce que je sais, c'est que c'est trop facile de tomber dans le piège que nous avons une culture et que les autres sont des débiles, et que nous, les plus évolués, pouvons donc attaquer un peuple qui se défend Sinon, on arrive à la conclusion que «c'est bon de les bombarder une fois» L'explication de base donnée par Michel sur le contexte est importante. Mais c'est aussi important de savoir comment ces forces qui veulent la guerre réussissent à faire marcher les gens dans la guerre. Notre gouvernement et les intérêts qui sont derrière ne sont pas innocents. Nous devons faire le nécessaire pour ne plus leur donner la possibilité d'utiliser un double langage: «contre la guerre, mais on l'appuie quand-même et si on peut, on vend des armes aussi.» Comment nous présente-t-on le problème palestinien? Je suis allé au débat du 1er Mai du PS. Là aussi on parlait du problème du peuple palestinien. Mais comment? Deux jeunes filles, une palestinienne et une israélienne se donnent la main, à l'image d'une «paix possible». De cette manière, on efface la contradiction de base, la contradiction fondamentale de colonisation et d'agression contre le peuple palestinien. Ce qui m'inquiète moi, ce n'est pas l'extrême droite. Je n'ai pas peur de Haider ou de Le Pen, eux sont très clairs et très cons. Mais des types comme Verwilghen, qui sort d'une commission sur les enfants assassinés et qui après fait le lien entre la race et la délinquance. Ce sont eux qui font passer le message raciste. Cela m'inquiète. La criminalisation des gens m'inquiète beaucoup, je l'ai vécue moi-même. Dans le contexte actuel, je soutiens Saddam Moi je préfère ne pas manifester avec le gouvernement. L'autre manif, celle des ONG, je dirais qu'elle est «politiquement subsidiée» par le gouvernement. Ils adoucissent les mots d'ordre, pour que cela puisse passer auprès du gouvernement. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons des mots d'ordre clairs, précis, radicaux. On nous dit que Saddam Hussein a, peut- être, des armes de destruction massive. Mais nous? Nous en avons au Limbourg, avec 100 fois ­ dit-on ­ la force de celle d'Hiroshima. Voilà comment on arrive à manipuler les gens, à leur faire accepter qu'on attaque Saddam Hussein, en oubliant que c'est ici qu'il y a ces armes de destruction massive. On me demande si je soutiens Saddam Hussein? Répondre que je soutiens le peuple irakien ne suffit pas. Parce que les Etats-Unis disent aussi qu'ils soutiennent le peuple irakien et que c'est pour cela qu'il veulent faire disparaître Saddam. Aujourd'hui, dans le contexte actuel, moi je soutiens Saddam. Lorsque l'agression des Etats-Unis s'arrêtera, alors on règlera le point suivant. Mais le représentant de ceux qui s'opposent aujourd'hui à la guerre des USA, c'est Saddam. Et sur ce point, je le soutiens à fond. Combien de gens y aura-t-il à la manifestation? La manif n'est pas une finalité en soi, c'est un instrument pour mobiliser contre la guerre. On commence par cent, puis deux cents, mais pour faire autre chose: construire un mouvement fort, clair et radical contre la guerre."