" Le bilan des ces trois jours de manifs contre le sommet de Laeken ? Hyper-positif pour un mouvement encore naissant " nous confie ce dimanche un Raoul un peu fatigué mais content. Raoul Hedebouw, 24 ans, un des porte-parole de la coordination de D14, nous livre ici ses premières impressions. Pour vous, la manifestation du 14 décembre est une réussite ? Raoul Hedebouw. Et comment, il y a tellement à dire. La manif du 14 décembre est une réussite politique pour D14 parce que le message de l'immense majorité des manifestants était radicalement contre l'Union Européenne. Le niveau de conscience des manifestants était très élevée comme on l'a vu dans les interviews à la télévision chaque fois qu'on a laissé parler les manifestants sur le contenu. Et il ne faut pas oublier, qu'après déjà deux jours de manifs épuisantes, avec D14, 5000 personnes ont encore manifesté pour dénoncer l'Europe de la guerre le samedi. Je pense que ces manifestations, c'est le résultat de tout le travail entamé depuis un an par D14, dans la foulée de la manifestation contre le sommet de l'UNICE (fédération patronale européenne) en juin 2000. C'est le résultat de l'engagement des 100 organisations qui composent la coordination, de ses 15 comités locaux, des délégations étrangères. Je pense aux 240.000 tracts diffusés par toutes les composantes de D14. Ainsi 30.000 tracts ont été distribués aux usines anversoises par des jeunes de D14. Je pense aux groupes étudiants aux hautes écoles et universités comme l'ULB-VUB qui ont fait tout un travail d'information et d'action sur les campus. Je pense aussi, par exemple, à nos amis hollandais de D14 qui sont venus à 14 bus à la manifestation ou aux 2200 étrangers à qui nous avons pu dénicher un logement. Et à la centaine des Bruxellois qui se sont proposés pour les accueillir et qui se sont opposés au refus d'accorder des logements par le bourgmestre Thielemans.. Et le nombre de 20.000 manifestants, c'est satisfaisant ? Oui, pour un mouvement naissant, c'est un tour de force. Rassembler 20.000 personnes un jour de semaine, c'est vraiment pas mal : chaque participant a dû se battre activement pour venir, en prenant congé au boulot, en brossant les cours à quelques semaines des examens et pour les délégations étrangères en payant 5 à 10000 frs pour venir s'exprimer (et parfois sans pouvoir se loger). Il y a incontestablement un progrès dans l'organisation, l'ampleur et l'organisation par rapport à Nice et à Göteborg, lors des précédents sommets européens. Bien sûr, on a encore assisté à de la désinformation de la part d'une certaine presse. Mais là encore, on a eu des outils formidables pour contrer cette intox. Et là vraiment félicitations aux médias alternatifs comme Indymedia qui ont pu donner une contre-info grâce à plus de 100 média-activistes, qui ont aussi porté un autre message vers la presse traditionnelle. " Malgré cette réussite vous parlez d'un mouvement naissant ? Raoul Hedebouw. " Oui, nous nous trouvons au début d'un mouvement. Il y a quelques mois, il n'était pas du tout évident qu'on pourrait réunir autant de gens contre l'Union européenne ou même qu'il fallait manifester à Laeken le jour du début du sommet. Je pense qu'avec la coordination D14, on a pu se démarquer du carcan classique belge de conciliation. D14 s'est unifié pour dire que l'Europe actuelle ne peut pas être sociale, ni pacifique et démocratique. C'est une démarche qui est clairement en opposition au discours par exemple de certaines grandes ONG ou des directions syndicales qui veulent plus d'Europe et qui veulent se mettre à table avec les patrons et les ministres. Ainsi, ces derniers mois, un débat s'est ouvert aussi dans le mouvement syndical pour se joindre au mouvement antimondialisation. Cela a certainement encouragé ceux qui s'opposent aux projets de l'Union européenne dans les syndicats et qui l'ont exprimé lors des manifs syndicales de Liège, Gand et Bruxelles. Certains ont été plus loin et ont permis de briser la séparation entre les syndicalistes et les antimondialistes. La FGTB de Flandre orientale a rejoint la manif à Gand de la coordination d'O19. Deux centrales de la FGTB anversoise ont adhéré à D14 et la LBC (syndicat des empolyés flamands) a appelé, à son congrès, à manifester et le 13 et le 14. Avec D14, nous avons tenu à aller soutenir le combat de ceux de la Sabena. Mais c'est clair, qu'on en est qu'au début, que les relations sont encore timides et que c'est un grand défi pour les mois à venir à relever. La violence ou plutôt la casse a fait encore la une des journaux. Quelle est votre réponse ? Raoul Hedebouw. Je pense qu'il faut d'abord remettre ces incidents dans leur cadre. Des vitres brisées, c'est de la violence, on le reconnaîtra, mais ce n'est rien par rapport à la violence de la perte d'un emploi. Or que je sache, il n'y a pas eu 12000 vitres brisées à Bruxelles. Par contre, il y a bien eu 12000 emplois perdus à la Sabena quasiment sur les injonctions de l'Union européenne. Et comme nous l'avions déjà dit avant la manif, nous dénonçons que l'action éventuelle d'une petite minorité de manifestants puisse être une justification d'une répression de l'entièreté de la manif par la police, comme on l'a vu lors de l'encerclement à Tour et Taxis. Et là, il faut tirer un coup de chapeau aux 150 membres des Legal Teams qui ont su défendre les droits des manifestants, jour et nuit et dénoncer les provocations policières. Beaucoup d étudiants en droit des Legal Teams ont découvert ainsi comment fonctionnaient dans la pratique la police et la justice. Et que c'était pas vraiment ce qu'on leur enseignait à l'unif. Ca, c'est aussi un acquis pour la suite. Comment continuer maintenant ? Raoul Hedebouw. "Je pense qu'il faut laisser le temps à chacun de tirer le bilan, il faudra laisser le temps aux nombreuses associations et organisations qui composent de D14 de le faire et de voir comment continuer. On pourra ensemble voir comment continuer la mobilisation. En fonction des mouvements contre la guerre et contre les privatisations instiguées par l'Europe. En fonction des échéances comme le sommet de l'UNICE (l'association patronale européenne) à Bruxelles et Séville, lieu du prochain sommet lors de la présidence espagnole de l'Union. Ca, ce sera pour juin et il fera déjà beaucoup plus chaud, ça promet !." (rires)