Révélations gênantes pour Tony Blair

Par CHRISTOPHE BOLTANSKI (LONDRES)

Le mercredi 10 octobre 2001

 

 

 


 

 

 

 

 

Un bon expert en communication doit avoir l'esprit d'à-propos. Moins d'une heure après que les deux avions se sont écrasés sur le World Trade Center, le 11 septembre, Jo Moore, une conseillère du ministre britannique des Transports, a envoyé un e-mail à ses supérieurs: «Sujet: relation avec les médias. C'est un très bon jour pour ressortir tout ce qu'on veut faire passer en douce.» Le message, publié hier par deux quotidiens de Londres, embarrasse le gouvernement, souvent accusé de manipuler l'opinion avec son armée de spin doctors, littéralement «raconteurs d'histoires». La coupable a dû présenter hier ses excuses.

«Tous ceux qui ont été mis au courant sont consternés. Chercher à retirer un bénéfice politique de la mort de milliers de personnes témoigne d'un véritable manque de sensibilité», a confié un responsable gouvernemental à The Independent. Mais, de fait, les ministres travaillistes ont profité de la crise pour mettre en œuvre des projets impopulaires ou sensibles. Ainsi, dans la foulée des attentats, un proche de Tony Blair a été catapulté à la tête de la BBC. La semaine dernière, les autorités britanniques ont donné leur feu vert à l'ouverture d'une usine nucléaire très controversée. Devant un congrès travailliste uni comme un seul homme, Tony Blair a lui-même saisi l'occasion pour prôner le passage à la monnaie unique avant la fin de la législature. Le ministre de l'Intérieur, David Blunkett, s'apprête à revoir les lois sur l'immigration et le droit d'asile et envisage d'instaurer, pour la première fois depuis 1952, une carte d'identité.

Dans ce climat d'union sacrée, même les europhobes les plus convaincus n'ont pas bronché quand Londres a approuvé la création d'un mandat d'arrêt européen et d'une procédure d'extradition automatique entre les quinze Etats membres. Pendant la guerre du Kosovo, Tony Blair avait été accusé de négliger les affaires intérieures. Aujourd'hui, le chef de guerre n'oublie pas qu'il est aussi Premier ministre.