1929 Naît au Caire, de Mohammed Abdel-Raouf Arafat al-Koudwa al-Husseini. Surnommé « Yasser » (« facile à vivre ») par son père, un commerçant originaire de Jérusalem. 1934 À la mort de sa mère, Yasser, qui a cinq ans, est envoyé par son père à Jérusalem, alors sous mandat britannique. De cette période, il dit garder le souvenir de soldats britanniques forçant la porte de la maison familiale et agressant ses proches. 1939 Quand éclate la Deuxième guerre mondiale, il retourne au Caire, chez son père. Sa sœur aînée se charge de son éducation. 1946 Encore lycéen, il effectue ses premiers pas d'activiste en organisant des quêtes en Égypte destinées à l'achat d'armes pour les Arabes de Palestine. 1952 Décès en Égypte de son père dont il n'a jamais été proche. Yasser Arafat n'assiste pas aux funérailles. À l'université du Caire, où il suit des études d'ingénieur civil, il est élu président de l'Union des Étudiants palestiniens. Il rejoint le mouvement des Frères Musulmans. 1956 Après avoir participé, sous le drapeau égyptien, à la bataille de Suez, il quitte le Caire pour le Koweït. D'abord employé dans la fonction publique, il crée ensuite sa propre entreprise. Il fonde un mouvement informel dont le mot d'ordre est « La Palestine aux Palestiniens ». 1958 Avec Khalil al-Wazir (Abou Jihad) et Salah Khalaf (Abou Ayad), également installés au Koweït, il crée le Fatah dont l'objectif déclaré est la lutte armée des Palestiniens pour libérer la Palestine. Il prend un nom de guerre, Abou Ammar et consacre les années qui suivent à asseoir son mouvement au sein des communautés palestiniennes et à se trouver des appuis extérieurs. La Syrie arme et entraîne ses hommes. 1964 Il s'installe à Damas. 1965 Le 1er janvier, le Fatah mène sa première opération contre des infrastructures israéliennes et la signe « al-Assifa » (La Tempête). Sous la direction de Arafat, les opérations de guérilla se multiplient depuis le Liban, la Jordanie et Gaza, alors sous occupation égyptienne. 1966 L'activisme de Yasser Arafat, qui menace de gagner la frontière syro-israélienne, dérange les autorités syriennes. En mai, Arafat est emprisonné pour quelques jours. Il s'installe à Amman, en Jordanie. 1968 En janvier, Yasser Arafat organise, au Caire, un Sommet de coordination de la lutte armée, destiné à rivaliser avec l'OLP. En mars, il établit la prééminence du Fatah sur les autres mouvements en montant une opération contre l'armée israélienne, à partir de la Jordanie. Dans les mois qui suivent, le Fatah intègre l'OLP. 1969 Fort de ses faits d'armes, Yasser Arafat, chef du Fatah, est élu président du Comité exécutif de l'OLP (deux fonctions qu'il détient toujours). Depuis qu'il est installé en Jordanie, il tente avec ses feddayins et ses infrastructures militaires de renverser le roi Hussein. 1970 Hussein donne l'ordre à son armée de liquider la guerrilla palestinienne. Ce sont les massacres de « Septembre Noir » il quitte Amman et se réfugie au Liban où un statut d'extraterritorialité vient d'être accordé aux camps palestiniens. 1971 Le Fatah est très actif en matière d'actions terroristes. Mais Arafat se démarque des autres chefs de guerre : il rejette les attentats contre les civils dans la lutte armée. Cette position suscite des dissidences au sein du mouvement. 1973 Le Mossad, service secret israélien, assassine à Beyrouth trois dirigeants du Fatah. Arafat profite de l'occasion pour étaler sa puissance militaire dans les rues de la capitale. L'armée intervient, mais Arafat s'autorise une plus grande marge de manœuvre au sud Liban, près de la frontière israélienne. Cette même année, les pays arabes réunis à Alger confèrent à l'OLP de Arafat le statut de « seul représentant du peuple palestinien » et l'admettent comme membre à part entière de la Ligue arabe. 1974 En novembre, Yasser Arafat, qui a consolidé ses liens avec l'URSS et le bloc de l'Est, assiste à l'Assemblée générale de l'ONU où l'OLP est admise comme membre observateur. Un revolver dans une main, un rameau d'olivier dans l'autre, il prononce un discours où il renonce officiellement au terrorisme international et accepte l'idée de la création d'un État palestinien en Cisjordanie. Ce qui entraîne de nouvelles dissidences. 1975 Le 13 avril, au soir d'une gigantesque manifestation militaire des hommes d'Arafat à Beyrouth, commence la guerre du Liban. Durant deux années, elle mettra aux prises les différentes factions de l'OLP appuyées par des mouvements libanais musulmans et les milices chrétiennes libanaises. Durant cette période, pour Arafat, « la route de Jérusalem passe par Jounieh » (bourgade chrétienne au nord de Beyrouth). 1978 L'activisme palestinien à la frontière nord d'Israël entraîne l'occupation d'une partie du Sud Liban par l'armée israélienne. 1982 Le 6 juin, l'armée israélienne occupe le Liban. Arafat est assiégé durant trois mois à Beyrouth Ouest. Grâce à l'intervention des Américains et surtout des Européens qui veulent le garder en vie pour de futures négociations, on lui sauve la mise en lui permettant l'exil. En septembre, il doit quitter Beyrouth avec ses troupes. Le jour de son départ, Ariel Sharon interdit à l'un de ses tireurs d'élite, qui avait Arafat dans son viseur, d'appuyer sur la gâchette. Après une brève halte en Syrie, le chef de l'OLP se réfugie à Tunis. 1985 Une fois de plus, Arafat est épargné lors d'un raid mené par des bombardiers israéliens sur le quartier général de l'OLP, à Tunis. Cet événement lui offre l'occasion de se ressaisir : il sort de l'isolement qui aura marqué les trois années suivant son exil du Liban. 1987 Le déclenchement de la première Intifada remet définitivement Yasser Arafat en selle. Ses portraits fleurissent dans les Territoires, et les lanceurs de pierres se réclament de son mouvement. 1988 C'est un Yasser Arafat triomphant qui préside à Alger, le 15 novembre, le XIXe Conseil national au cours duquel est proclamé un État palestinien. Pour la première fois, l'OLP fait référence à la résolution 181 de l'ONU qui partage la Palestine en deux États. 1990 Il épouse Souha Tawil, fille de Raimonda Tawill, une bourgeoise nationaliste de Ramallah. Souha, jeune Palestinienne chrétienne se convertit à l'islam. Le mariage sera rendu public en 1991. Sur le plan politique, Arafat choisit Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe. Une option qui n'est du goût ni des Américains, ni des Saoudiens, lesquels le lui reprocheront longtemps. Ce qui ne l'empêche pas de faire figure de seul interlocuteur possible et représentatif du peuple palestinien. 1991 N'habitant pas les Territoires, Arafat est exclu des pourparlers de paix israélo-palestiniens qui s'ouvrent à Madrid. Officiellement, Madrid se solde par un échec. En fait, les contacts entre les deux parties se poursuivent à Oslo, dans le plus grand secret. Pour Arafat, malmené dans la sphère arabe en raison de son appui à l'Irak pendant la guerre du Golfe, ces négociations sont une ultime bouée de sauvetage. 1993 Le 13 septembre, à Washington, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin signent une « Déclaration de principes » basée sur une reconnaissance mutuelle entre Israël et l'OLP et prévoyant un processus de négociations étalé sur cinq ans. 1994 En mai, Arafat signe les « accords du Caire » avec Yitzhak Rabin. Le 1er juillet, il opère un retour triomphal à Gaza. Élu président de l'Autorité palestinienne (avec 83% des suffrages), il confie les postes clé à ses compagnons d'exil, au détriment des « Palestiniens de l'intérieur » qui ont pourtant mené seuls la première et décisive intifada. En décembre, il reçoit le prix Nobel de la Paix, avec Yitzhak Rabin et Shimon Pérès. 1995 La corruption de l'Autorité palestinienne suscite de plus en plus de mécontentement. Les accords d'Oslo aussi. La police palestinienne multiplie les arrestations d'opposants à Arafat, notamment en avril 170 militants du Hamas. Arafat signe les Accords de Taba. 1996 Les premières élections organisées dans les Territoires sont remportées par le Fatah d'Arafat, non sans fraude électorale. En décembre, à Gaza, et en présence de Bill Clinton, la Charte nationale de l'OLP fait l'objet d'une vraie-fausse abolition par le Conseil national. La suppression des articles prônant l'élimination totale d'Israël et la reconquête « de toute la Palestine historique » se fait à main levée. Mais un nombre très important de députés sont absents pour manifester leur opposition à cette abolition. Cette même année, naissance de sa fille Zahwa. 1999 Israël et l'OLP signent le Mémorandum de Charm el-Cheikh qui engage la poursuite des négociations sur la base des accords d'Oslo. 2000 En juillet, à Camp David, Arafat et Ehud Barak entament un nouveau cycle de négociations, en présence du président américain Bill Clinton. Arafat rejette toutes les propositions de Barak qui incluaient pourtant la reconnaissance d'un État palestinien. Quand éclate le deuxième intifada, il n'en condamne pas les débordements. Et pour cause : elle était préparée avant même le sommet de Camp David. 2001 Arafat joue remarquablement de la pression qu'il exerce par les armes sur Ehoud Barak et de celle que lui impose Bill Clinton. Il contraint Israël à de nouvelles et ultimes négociations à Taba, en Égypte. Il obtient des concessions maximales dont il compte bien faire une incontournable référence à l'avenir, dans toute tentative de règlement. 2002 Accusé sur preuves par le gouvernement israélien de commanditer une partie des attentats suicides perpétrés en Israël par les Brigades des martyrs d'Al Aqsa qui dépendent de lui, décrété par Ariel Sharon « ennemi de l'ensemble du monde libre », Arafat est assiégé à Ramallah par l'armée israélienne. Il ne peut pas participer au sommet arabe de Beyrouth, fin mars. Le président libanais lui refuse la possibilité de s'adresser au sommet par liaison satellite. Il est assigné à résidence lorsque les Israéliens déclenchent l'opération « Rempart » en Cisjordanie, puis « libéré » à l'intérieur de ce territoire. Un nationaliste palestinien, sans états d'âme et sans faille ; un inlassable guerrier au service de sa cause, dynamiteur plutôt que constructeur ; un Arabe qui n'a jamais accepté le partage de 1947 mais qui a préféré un jour y revenir pour réussir son pari, et l'ayant perdu, est retourné aux armes ; un homme qui a cherché à s'accommoder de la présence d'Israël sans lui reconnaître un seul instant une vraie légitimité ; un croyant passé par les Frères Musulmans qui récuse surtout les islamistes parce qu'ils lui disputent son pouvoir : tel apparaît Yasser Arafat. Mais au bout du compte, que veut-il donc ? C'est une question que tous les interlocuteurs du chef de l'OLP (et président de l'Autorité palestinienne) ce sont un jour posée. Officiellement, Arafat veut un État palestinien. C'est en tout cas l'objectif pour lequel il s'est toujours battu, y compris dans les années 1950, quand la « cause palestinienne » était occultée par le monde entier – y compris par les pays arabes. On sait aussi que Arafat veut être l'unique « raïs » de cet État palestinien. Ni l'âge ni la maladie n'ont eu raison de cette ambition : l'homme se sent immortel. Il ne s'est d'ailleurs jamais désigné de vice-président, ni en tant que chef de l'OLP ni comme président de l'Autorité palestinienne. Ceci dit, qu'est-ce que l'État palestinien pour Arafat, Abou Ammar de son nom de guerre ? Toute l'énigme entourant le personnage réside dans cette question. Lui-même y répond volontiers. Mais ses réponses varient au gré des interlocuteurs, des circonstances, du moment. Tout l'art de Yasser Arafat consiste d'ailleurs à dire à son vis-à-vis ce qu'il a envie d'entendre, paroles de paix pour les uns, paroles de guerre pour les autres. Et de le dire avec une telle conviction que l'on a du mal à douter de sa sincérité. Du moins les premières fois. Car, à l'usage, Arafat épuise. Nombreux sont les chefs arabes, à commencer par Hosni Moubarak, à s'être lassés des revirements du chef palestinien, au point de ne plus lui accorder le moindre crédit. En mars 2002, si son absence du sommet arabe de Beyrouth fut déplorée à coup de communiqués officiels, dans les coulisses, c'est plutôt le soulagement qui prévalait. « Son absence fut officiellement déplorée au sommet de Beyrouth. Dans les coulisses, c'est le soulagement qui prévalait » Insaisissable. Tel est le qualificatif qui correspond le mieux à Arafat, mentalement, mais aussi physiquement. L'homme n'a jamais eu une maison, un lit, une voiture... Depuis la « glorieuse » époque du Fatah et jusqu'à mars 2002, date de sa réclusion sous contrôle israélien dans son QG de Ramallah, il n'a jamais dormi deux fois de suite dans le même lit. D'ailleurs il dort très peu (deux heures par jour, dit-on), et il est réputé pour sa vie d'ascèse : une nourriture frugale, pas de maîtresses, une garde-robe limitée. S'il aime l'argent, au point d'avoir autrefois extorqué des fonds colossaux aux émirs du Golfe (parfois à coups de menaces d'attentats contre les puits de pétrole)c'est surtout pour le distribuer à son entourage proche. Et s'assurer ainsi de la fidélité des apparatchiks de l'Autorité qui habitent aujourd'hui de somptueuses villas et sillonnent les rues de Cisjordanie dans leurs berlines allemandes. Un luxe auquel Abou Ammar les avait depuis longtemps accoutumés. On sait qu'à Beyrouth, dans les années 1970, la plupart de ses proches n'habitaient pas les camps de réfugiés. Pas plus qu'à Tunis, dans les années 1980… Ces prodigalités lui ont permis de se protéger. Peu d'hommes, en effet, ont aussi souvent échappé in extremis à des tentatives d'assassinat, menées aussi bien par les Israéliens que par des factions palestiniennes rivales. Arafat est surtout doté d'une incroyable faculté à rebondir. De préférence quand il est acculé, le dos au mur. Ses revirements sont spectaculaires et il les assume avec beaucoup de naturel. Son passé de terroriste ne l'a pas empêché de verser une larme à l'annonce de sa nomination pour le prix Nobel de la Paix. Son soutien à l'Irak, lors de la guerre du Golfe, ne fut pas même pour lui un handicap quand, quelques années plus tard, il quêtait des dollars auprès des monarchies pétrolières. Il est vrai qu'entre temps, cet ancien proche de l'Union Soviétique était devenu l'ami des Américains et, clin d'œil suprême au destin, un « homme de paix » au regard de nombre d'interlocuteurs européens. Yasser Arafat sait soigner son image. Son éternelle barbe de trois jours est étudiée, tout comme le pli de son keffieh ou l'usure de ses costumes. Son mariage aussi devait servir cet objectif. À Oslo, en 1993, sa jeune et blonde épouse tint son rôle à la perfection. De même qu'à Gaza, en 1994, quand elle s'est investie dans des actions caritatives. Les dérapages de Souha Arafat sont eux-mêmes contrôlés par son mari. En 1997, par exemple, elle donnait une interview à un journal féminin arabe, où elle expliquait avoir du mal à parler avec les femmes juives. Depuis l'été 2000, Madame Arafat a disparu de la scène - sa limousine, son goût du luxe, commençaient à nuire sérieusement à l'image de son mari. Il s'en est donc débarrassé, comme il le fit autrefois avec d'autres partenaires devenus encombrants. À la différence près que Souha Arafat continue de couler des jours heureux. À Paris, avec sa fille… Marwan Haddad, le 13 mai 2002