HABACHE (George) Né le 2 août 1926 à Lydda (Palestine), George Habache est issu d'une famille de commerçants chrétiens de rite grec orthodoxe. En juillet 1948, durant la guerre de Palestine, sa famille est expulsée de sa ville natale. Installé à Beyrouth, il poursuit à l'université américaine des études de pédiatrie, qu'il achève en 1951. Il est déjà très actif politiquement, mais ce n'est que l'année suivante qu'il fonde le Mouvement des nationalistes arabes (MNA). À partir de ce moment, sa vie se confond avec celle de son organisation. C'est cette même année 1952 que George Habache ouvre à Amman un " dispensaire du peuple ". C'est de là qu'il participe à la direction du MNA dont le but est ainsi défini : " Tant que n'existera pas l'État unifié regroupant l'Irak, la Jordanie et la Syrie (comme premiers pas), notre confrontation avec les Juifs et l'alliance occidentale sera quasiment impossible. " Arrêté en 1957, il se réfugie à Damas, au moment de la constitution de la République arabe unie entre l'Égypte et la Syrie. Convertis au nassérisme, George Habache et le MNA développent des théories contraires à celles du Fath. L'essentiel, selon eux, pour la " libération de la Palestine ", n'est pas la mobilisation des Palestiniens eux-mêmes, mais l'engagement des pays arabes contre Israël. Le rôle des Palestiniens se borne à celui de " catalyseur ". En 1964, le MNA crée une branche palestinienne qui agit à partir de Beyrouth, où le Dr Habache s'est installé. Elle mène sa première action armée en 1966. La guerre de 1967, qui porte un coup sérieux au prestige de Nasser, frappe de plein fouet le MNA. Celui-ci disparaît, emporté par le naufrage de l'idée arabe que le Raïs égyptien a incarnée. Le MNA donne naissance à plusieurs sections régionales, dont les plus célèbres sont la branche du Yémen du Sud, qui s'empare du pouvoir à la fin de 1967 et le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) que dirige George Habache. Installé en Jordanie avec les autres organisations de fedayin, le FPLP développe un grand activisme sur le terrain et se fait connaître de l'opinion internationale par les détournements d'avions, dont le premier frappe, le 23 juillet 1968, un appareil de la compagnie El Al. Affaibli en février 1969 par une scission impulsée par Nayef Hawatmeh, le FPLP n'en joue pas moins un rôle provocateur dans le royaume hachémite, où il appelle à la chute du régime. " La libération de la Palestine passe par Amman ", clame-t-il, entraînant l'OLP dans l'affrontement de septembre 1970 (voir Septembre noir), qui verra l'élimination de la Résistance de Jordanie. Après cette lourde défaite, le FPLP infléchit ses orientations. Il renonce, en 1972, aux " opérations à l'extérieur ", préférant concentrer ses coups en Israël, mais sans établir de distinction entre objectifs militaires et cibles civiles. Il adopte le marxisme-léninisme comme théorie. Il rompt avec ses éléments les plus extrémistes, comme le Dr Wadid Hadad. Après 1973, le FPLP n'en est pas moins au coeur de l'opposition aux nouvelles orientations de l'OLP. George Habache condamne l'idée d'un mini-État en Cisjordanie et à Gaza ; il s'oppose à la tenue de la conférence de Genève et au voyage de Yasser Arafat aux Nations unies ; il attaque violemment l'URSS, coupable à ses yeux de pousser l'OLP dans la voie de la capitulation. Son seul allié sur la scène internationale, à l'époque, est l'Irak. Après la signature des accords de Camp David, l'unité palestinienne se ressoude mais le FPLP, qui a quitté le Comité exécutif en 1974, ne le réintègre qu'en 1981. Ayant subi une grave opération du cerveau à la fin de l'année 1980, le Dr Habache reste à l'écart pendant de longs mois. Les divergences restent profondes entre le FPLP et le Fath, et éclateront après 1982. George Habache se retrouve à nouveau au centre d'une coalition anti-Arafat : le Front de salut national palestinien auquel participent également les dissidents du Fath, la Saïka et le FPLP-Commandement général d'Ahmad Jibril. Pourtant, contrairement à ces groupes, il ne refuse pas de participer au CNP d'Alger d'avril 1987 - à l'issue duquel il rejoint à nouveau les organes exécutifs de l'OLP - et à ceux de novembre 1988 et de septembre 1991. S'il rejette certaines décisions de cette dernière session, en particulier l'acceptation de la résolution 242, il déclare vouloir maintenir l'unité palestinienne. Les accords d'Oslo prennent George Habache et le FPLP à contre-pied. Le mouvement tente, avec les organisations de la gauche palestinienne et islamistes, de créer un front d'opposition, mais sans véritable succès. En Cisjordanie et à Gaza, il voit son influence s'effriter et de nombreux militants, même hostiles à l'accord d'Oslo, regrettent une opposition stérile ; certains participeront même aux élections du 20 janvier 1996. Le FPLP assiste au Conseil national palestinien qui se tient à Gaza, en avril 1996. Il se contente de discuter le nombre de sièges qui lui sont attribués, et ses représentants n'assistent pas à la session qui abroge la Charte de 1968. Dirigeant intransigeant, le Dr Habache a longtemps gardé une grande autorité dans l'OLP, chez ses amis comme chez ses adversaires. Il conserve notamment une influence dans les camps du Liban, de Jordanie et de Syrie. S'il a su, quelles qu'aient été ses alliances avec des régimes arabes, notamment avec Damas, préserver l'indépendance du FPLP, il a été incapable de s'adapter à la nouvelle donne née des accords d'Oslo.` Alain Gresh - Dominique Vidal