Li Onesto, Revolutionary Worker: il y a des tas de gens révolutionnaires dans le monde entier qui veulent en savoir plus sur la guerre populaire au Népal. Cela serait ainsi d'un grand intérêt si vous pouviez nous donner une image de base de la situation objective, et nous expliquer quelle est la base matérielle existante pour initier la guerre populaire au Népal. Pourquoi est-ce que le Parti pense qu'il soit possible d'engager une guerre populaire prolongée, d'organiser les masses par la lutte armée ? Pourquoi est-ce la stratégie correcte par rapport à la situation au Népal ? Et pourquoi est-ce que le Parti pense qu'il soit possible de vaincre avec cette stratégie ?
Camarade Prachanda: Je veux tout
d'abord expliquer cette question en termes idéologiques.
Le Népal est un pays semi-féodal semi-colonial.
Et le marxisme-léninisme-maoïsme dit que, dans les
pays opprimés de ce type, les pays semi-féodaux
semi-coloniaux, c'est en général une situation révolutionnaire
objective qui prévaut. C'est la base idéologique
de laquelle nous sommes partis pour étudier la situation
concrète, parce que la chose principale est la clarté
idéologique. Et, à travers le cours de la lutte
de classe, des mouvements de masse, des luttes de masse, et principalement
de la lutte idéologique au sein du mouvement communiste,
nous sommes arrivés à la conclusion qu'une situation
correspondait à l'initiation de la guerre populaire.
Nous voyons que le Népal est un pays pauvre et petit. Plus
de 85% de la population vit dans les zones rurales, et les gens
sont très pauvres - ils sont très opprimés.
Les relations féodales - les formes féodales d'exploitation
- sont très sévères dans les zones rurales.
Le développement industriel est très faible, et
les types de bases industrielles qui existent sont toutes dans
les mains d'une classe bourgeoise compradore - principalement
la bourgeoisie indienne expansionniste.
Ainsi, il y a de claires distinctions de classe, et les gens se
sont battus pour des réformes, pour l'indépendance,
pour des moyens de subsistance, pour une longue période.
Il y a une lutte de masse continue. Mais à cause du manque
de direction révolutionnaire, à cause du révisionnisme
dans le mouvement communiste, à cause de la crise de la
direction : à chaque fois qu'il y a eu une lutte de masse,
la direction a été en mesure d'amener la confusion
dans les masses, de faire des compromis avec les classes dominantes
et d'avoir des concessions pour ce groupe révisionniste.
Je voudrais mentionner qu'en 1815 il y a eu une grande lutte avec
l'Inde britannique. Les Népalais se sont battus héroïquement
contre l'Inde britannique, mais en fin de compte ils n'ont pas
réussi, ils ont échoué. C'était une
lutte armée, c'était la guerre avec l'Inde britannique,
et les gens ont participé à cette guerre de différentes
manières. Il y a eu différents types de guerre de
guérilla d'utilisés.
Et, dans cette guerre, la classe dominante britannique a vu que
le peuple népalais était très héroïque
et très brave, et qu'il se battait héroïquement
contre l'Inde britannique. Pendant plus d'un an il s'est battu
et battu, et a battu l'armée britannique en de nombreux
endroits. Des centaines et des centaines de gens, y compris des
femmes et des personnes âgées, tous se sont battus
dans cette guerre.
Mais la classe dominante népalaise, principalement la monarchie,
le roi, se sont rendus à l'Inde. Il y a eu la négociation
à Sugali, et ils ont fait un compromis. Après cela,
encore plus de territoire népalais fut pris par l'Inde.
Avant cela, géographiquement, le Népal était
à peu près 3 fois plus grand. Mais tout ce territoire
fut pris par l'Inde avec le traité de Sugali. A partir
de là le Népal devint un pays semi-colonial, et
quand les Britanniques quittèrent l'Inde, le Népal
devint une semi-colonie de l'expansionnisme indien. Après
cela vint la clique du gouvernement Rana ; le grand camarade Karl
Marx avait appelé ce Jang Bahadur Rana une poupée
et un chien britannique. Les gens ont énormément
souffert de tous types d'oppression et d'exploitation, et à
partir de là le Népal est devenu un pays semi-féodal.
En 1949 lorsque le Parti Communiste Népalais fut établi,
ce fut un événement grand et jouant historiquement
beaucoup. Ce Parti fut établi lors de la victoire de la
grande révolution chinoise et que le socialisme se développait
en URSS.
RW : Est-ce que la victoire de la révolution chinoise a été un facteur très important pour la fondation du Parti Communiste au Népal ?
Prachanda : oui, ce fut un facteur
très important. Et il y avait également à
ce moment là une grande lutte armée des paysans
en Inde. C'était la large situation révolutionnaire
environnante au moment où fut fondé le Parti Communiste
au Népal. Le parti commença à travailler
dans la base des masses paysannes, et pour trois ou quatre années
il y eut un grand mouvement paysan, une sorte de révolte
révolutionnaire.
Mais, en même temps, la direction du parti changea et adopta
un point de vue révisionniste. Et la direction, le mouvement,
le secrétaire général à ce moment
là, appelèrent le roi, affirmant que nous ferons
tout notre travail pacifiquement, et qu'il faudrait ainsi regarder
notre parti ainsi. Et la totalité de la direction du parti
devint révisionniste.
Après cela il y a eu beaucoup de luttes de masse, de mouvements
de masse. Mais à chaque fois, la clique révisionniste
amena la confusion dans le peuple, fit des compromis avec les
classes dominantes, et trahit les masses. A chaque fois ils trahirent
les masses. Et en même temps il y avait une lutte idéologique
en cours dans le mouvement.
Puis, quand la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne
fut initiée en Chine sous la direction du grand camarade
Mao, cela eut un impact direct sur la révolution au Népal.
Il y a eu tellement de documents de la Révolution Culturelle
chinoise qui arrivèrent au Népal. La Révolution
Culturelle inspira principalement la génération
plus jeune des communistes et des masses. Et en même temps
les jeunes dans le mouvement communiste étaient également
inspiré par le mouvement naxalite en Inde. Cela inspira
des jeunes du district de Jhapa et provoqua une sorte de rébellion
contre la direction révisionniste, et il y eut un processus
de reconstruction du parti. En même temps se tint le quatrième
congrès du parti, et il posa également la question
de la lutte armée dans l'agenda. Mais il n'y avait toujours
pas clairement de ligne politique totalement développée
: comment réorganiser un nouveau type de parti et expliquer
aux masses le besoin de se rebeller.
Il y a eu un grand débat politique et idéologique
pendant 10 années après la Grande Révolution
Culturelle Prolétarienne, et toute l'équipe de notre
direction est un produit de cette lutte idéologique.
Et, en même temps, au sein de notre parti, il y avait
une grande lutte entre deux lignes, tout d'abord avec la clique
de Lama, parce qu'il y avait là une tendance droitière.
Nous avons vigoureusement combattu cette ligne.
Plus tard nous avons combattu la ligne de Dumdum, la ligne de
M .B. Singh, parce qu'elle consistait en l'éclectisme et
une dérive droitière et une pure confusion. Individuellement
M.B. Singh était établi comme un leader, mais sa
ligne était totalement révisionniste, et cela amenait
tellement de confusion, camouflé sous des mots éclectiques.
Nous avons combattu cette ligne, et lorsque nous avons combattu
cette ligne, nous avons développé la ligne juste,
qui est maintenant guidant le peuple et la guerre populaire. Nous
en sommes arrivés à une compréhension juste
à partir de cette lutte avec Dumdum (M.B. Singh) et nous
avons défini notre idéologie comme le marxisme-léninisme-maoïsme.
RW : quelle est l'année de tout cela ?
Prachanda : c'était l'année
1986 je pense, lorsque nous avons définitivement établi
le marxisme-léninisme-maoïsme comme notre idéologie.
A cette époque il n'y avait que le Parti Communiste du
Pérou qui avait fait de même, et nous avions eu certains
documents du PCP. Mais à propos de cette question il y
avait déjà eu quatre ou cinq ans de discussion :
pourquoi la pensée Mao Zedong ? Pourquoi pas le maoïsme
? Ce genre de discussion avait lieu dans notre parti.
Nous avons eu une année de débat pour changer cette
terminologie, c'était notre compréhension de la
contribution de Mao. Nous avions également défini
la guerre populaire et notre ligne militaire, notre ligne politique.
Et cela est notre base idéologique, politique, subjective.
En même temps, la lutte de classe se développait,
et, dans les circonstances de cette lutte de classe et la lutte
entre deux lignes, nous avons été capable de voir
la situation objective et subjective afin d'initier la guerre
populaire.
En ce qui concerne votre question quant au lien entre les facteurs
objectifs et subjectifs, j e voudrais dire que dans les pays opprimés,
selon le marxisme-léninisme-maoïsme, une situation
objective révolutionnaire prévaut dans telle ou
telle partie du pays. Le processus de développement de
ce pays est inégal. Ainsi, dans une partie du pays il y
a la possibilité de l'initiation de la lutte armée,
du soutien et du développement de la lutte. En général,
comme un tout, vous pouvez dire qu'une situation révolutionnaire
objective prévaut. Dans les pays opprimés, la question
est celle de la préparation subjective - la question principale,
le principal facteur est subjectif. Et subjectif signifie le parti
communiste, le parti communiste révolutionnaire, armé
du marxisme-léninisme-maoïsme.
Nous pouvons également dire, en ce sens, que la question
principale dans ces types de pays est comment combattre le révisionnisme
et construire un nouveau type de parti armé du marxisme-léninisme-maoïsme.
C'est la question principale dans ce pays.
Dans les pays impérialistes tel n'est pas le cas. Dans
les pays impérialistes, la question principale n'est pas
le facteur subjectif. Le facteur principal décidant des
tactiques et de la ligne est objectif. Objectivement les pays
impérialistes sucent le sang des pays opprimés et
les contrôlent. Ainsi, la question principale pour les révolutionnaires
de ces pays impérialistes est de montrer continuellement
le système tout entier, et de construire le parti, et d'essayer
consciemment de faire de la situation objective une situation
révolutionnaire - et quand une situation révolutionnaire
objective se développe, à ce moment là, de
tenter un grand saut. Nous pensons que c'est ce genre de ligne
qui devrait être appliqué ici.
Mais la stratégie est différente dans les pays semi-féodaux,
semi-coloniaux comme le Népal, où plus de 80 ou
85% de la population vit dans des zones rurales, dont le processus
de développement est inégal, où les ouvriers
modernes, les travailleurs prolétaires, sont peu. Certains
disent qu'une situation révolutionnaire objective ne prévaut
pas dans ce type de pays. Comme dans notre pays, les révisionnistes
disent toujours qu'il n'y a pas de situation objective, et ils
disent aussi qu'il n'y pas de situation subjective pour commencer
la lutte armée. Ils disent toujours cela, et nous condamnons
cette ligne. Cela n'est pas un fait. Dans ces types de pays la
question est celle de la préparation subjective. C'est
de cette manière que nous avons regardé les conditions
pour initier la guerre populaire.
Et à ce niveau de l'initiation, nous avons tenté
d'en arriver à comprendre l'ensemble de l'histoire du Népal.
Quel est le niveau culturel, le niveau culturel des masses, quelles
sont les conditions économiques, quels sont les rapports
sociaux, quelles sont les forces, quelle est l'analyse de classe.
Nous avons fait tout cela avant cette dernière préparation
finale. Et à ce moment là nous avons découvert
certaines caractéristiques spécifiques à
la situation au Népal. Malgré que le Népal
soit un petit pays, nous pensons que dans un autre sens il ne
s'agit pas d'un petit pays. Géographiquement si vous regardez
l'ensemble de l'Inde comme pays, vous pouvez voyager en une ou
deux journées d'un bout à l'autre du pays. Mais
au Népal vous avez à monter et à descendre
pour de nombreux jours - je sais que vous comprenez cela. C'est
plus isolé que l'Amérique.
RW : oui j'ai en ai eu l'expérience directe !
Prachanda : ainsi, bien que le
Népal soit un petit pays, la région montagneuse
est très favorable à la guerre de guérilla,
pour la guerre populaire.
Et nous avons également vu cela parce qu'il y a eu un gouvernement
réactionnaire centralisé pendant plus de 200 ans,
et il y a également eu une tendance des masses à
résister dans tout le Népal. Le gouvernement central
a ses armes et contrôle partout - à partir de Katmandou.
Et dans le long processus de lutte et de résistance, les
masses népalaises ont développé un type de
situation où - d'est en ouest, du nord au sud - partout
il y a la lutte de masse, de classe. Donc nous avons vu une situation
où si nous en appelions à un programme de résistance,
de mouvement de masse, alors tout le Népal s'engagerait
dans le mouvement.
Nous avons également regardé le fait que nous sommes
entouré de trois côtés par ce grand pays indien.
A l'est, à l'ouest, au sud, il y a l'Inde. Et au côté
nord, la Chine. Sur le côté nord il est très
difficile d'aller et de venir. C'est la chaîne de l'Himalaya.
Il y a certains endroits où les gens peuvent aller et venir
du Tibet, mais en général ce n'est pas comme pour
l'Inde. Nous avons également analysé cette situation.
Nous avons également découvert que le Népal
est également un grand pays parce qu'il y a beaucoup de
nationalités. La population n'est que de 20 millions de
personnes, mais il y a plus ou moins entre 20 et 25 nationalités
opprimés différentes. Il y a différent langages,
il y a différentes religions. Et c'est également
une particularité de la situation népalaise. Nous
avons étudié toutes ces questions et comment résoudre
la question nationale. Nous nous distinguons fondamentalement
de tous les partis révisionnistes et bourgeois. Nous défendons
le droit à l'autodétermination pour les nationalités
opprimés et, pour maintenant, dans notre situation concrète,
nous disons que l'autonomie devrait être dans le programme.
Nous l'affirmons et l'expliquons comme une situation spécifique
dans notre mouvement.
Et avec la région du Terai, vous pouvez encore dire que
le Népal est " grand ", parce que vous pouvez
voir que dans la partie sud, d'est en ouest, il y a des régions
de plaines, la région du Terai, qui est à plus ou
moins 300 mètres du niveau de la mer. C'est une grande
plaine, une grande région agraire, avec de grandes forêts.
Il y a également la région montagneuse, où
il y a de grandes montagnes - c'est là où vous avez
voyagé, vous connaissez donc cela très précisément.
Et la majorité de la population vit dans ces zones montagneuses
et la grande chaîne de l'Himalaya, qui est très froide.
De cette manière vous pouvez dite que le Népal est
un grand pays, pas un petit pays. Nous avons étudié
ces conditions géographiques.
Et nous avons également étudié notre situation
organisationnelle subjective. Nous étions dans la partie
orientale, nous étions dans la région centrale,
et nous étions également dans la partie occidentale.
L'ouest est historiquement, géographiquement et culturellement
la base de la révolution. C'est le point principal pour
la révolution - les gens sont ici plus opprimés
par les classes dominantes, et le gouvernement de Katmandou est
très loin d'ici.
RW : quelle est la base matérielle pour le fait que la révolution soit plus avancé à l'Ouest ? Est-ce que la question des nationalités opprimés est un grand facteur ?
Prachanda : oui, et une autre chose est qu'économiquement les classes dominantes négligent toujours le développement de l'Ouest.
RW : pourquoi ?
Prachanda : parce qu'ils pensent
qu'investir là-bas ne serait pas profitable. C'est un des
facteurs que nous pouvons voir. Et l'autre est qu'il y a principalement
des nationalités opprimés à l'ouest et que
les classes dominantes sont hégémoniques, chauvines,
avec un chauvinisme de hautes castes. Ainsi ils négligent
et oppriment ces nationalités.
Et une autre chose est qu'à l'époque de faire ce
pays, avant 1800, dans la dernière partie du 18ème
siècle, cette partie du pays n'était pas totalement
capturée par le gouvernement central. Il y avait une sorte
de compromis. Avec l'empire Gorkha, cette partie du pays fut capturée
plus tard. Ils prirent d'abord l'est, puis vinrent plus tard à
l'ouest. L'aspect principal n'est pas plus tard ou moins tard,
mais le fait que ces zones ne furent pas totalement capturées.
Les autorités locales avaient un certain pouvoir et les
autorités centrales également. De cette manière
ces zones avaient alors une sorte d'autonomie. Ainsi les masses
des régions occidentales n'étaient pas tant sous
le contrôle du gouvernement en place. Et elles ne se préoccupaient
pas de ce que le gouvernement faisait ou non. C'est un autre fait
historique à propos de l'Ouest.
Et au Népal occidental il y a les groupes ethniques mongols
- vous avez vu comment tous nos camarades là-bas ressemblent
à des Chinois. Ces nationalités sont si sincères
et de tels combattants courageux - historiquement ils ont ce genre
de culture. Et le chauvinisme de haute caste et les liens féodaux
ne prédominent pas chez ces nationalités.
RW : vous dites que les traditions féodales sont moins fortes parmi les nationalités opprimés ?
Prachanda : oui, moins fortes, vraiment. Lorsque vous êtes allés dans les régions centrales ou orientales vous avez vu que les traditions féodales sont très fortes.
RW : et quand j'étais au Rolpa et au Rukum je n'ai pas vu de temples.
Prachanda : oui, au Rolpa et au Rukum il n'y a pas beaucoup de temples, et dans le contexte familial de ces nationalités il y a une sorte de démocratie, de démocratie primitive. Même la domination masculine est plus faible dans ces endroits - ce n'est pas comme dans les castes dominantes. Et, en même temps, notre parti a une longue tradition de travail dans ces zones, comme au Thabang et au Rolpa.
RW : et les révisionnistes de ces zones sont plus faibles.
Prachanda : très faibles.
Et il y a eu ici continuité d'une direction révolutionnaire
consistante. L'influence révisionniste dans cette zone
a toujours été faible, et la tendance révolutionnaire
a prévalu. Voilà tous les facteurs.
Géographiquement, il n'y a pas de facilités de transports,
il n'y a pas d'électricité, et les communications
sont très faibles pour les classes dominantes. Tous ces
facteurs nous ont amené à la conclusion que l'Ouest
est la région principale pour la guerre populaire.
Mais nous avons également vu que nous ne pouvions pas initier
la guerre populaire uniquement dans la partie orientale, parce
que les classes dominantes sont très fortes. Elles ont
une armée puissante, un système de communication
performant, et toutes ces sortes de choses. C'est pourquoi si
nous n'initions la lutte armée que dans la partie orientale,
alors le gouvernement centraliserait toutes ses forces et nous
écraserait.
Subjectivement nous avons également vu une situation favorable
pour le développement de mouvements de masse dans tout
le pays. Et nous avions une organisation à travers tout
le pays. C'est pourquoi nous avons conclu que nous devrions initier
la guerre populaire à partir de différentes parties
du pays. Nous devrions centraliser à partir principalement
de trois zones : l'Est, le centre, l'Ouest, ainsi que la capitale.
Les villes devraient être un autre aspect, non pas pour
des combats armés, mais pour la propagande et ce genre
de choses.
Un autre endroit où nous devions concentrer le travail
est l'Inde, parce que plus de 7 millions de Népalais vivent
en Inde. Ainsi l'Inde devrait être un autre point où
nous devrions faire des efforts pour résister aux classes
dominantes.
C'est de cette manière que nous avons fait un plan. Ce
sont les spécificités que nous avons vu au Népal.
Nous n'avons pas vu exactement la même situation pour initier
la lutte armée qu'aux Philippines, au Pérou, en
Turquie et dans d'autres pays où il y a des types de guerre
populaire. Il y a plus de similitudes avec le PCP au Pérou,
mais pas exactement. Ils ont commencé à partir d'élections,
en les attaquant. Mais nous avons commencé à partir
de différentes parties du pays, avec des milliers d'actions
dans le premier plan [d'offensive]. Lorsque nous avons étudié
en détail la situation historique, géographique
et culturelle au Népal, nous en sommes arrivés à
la conclusion que nous devions initier la guerre populaire de
cette manière.
Plus de 72% du peuple népalais vit sous le seuil de pauvreté.
C'est une situation grave. Nous avons toujours expliqué
aux gens que rien ne peut être obtenu de système
multipartite - que c'est du vent, que c'est impérialiste,
que c'est féodal. Ainsi après trois, quatre années,
les masses ont vu que " oui, ce que les maoïstes ont
dit est réellement juste ". Ce genre de sentiments
a prévalu. Juste avant l'initiation nous avons organisé
beaucoup de grandes démonstrations de masse ainsi que des
meetings de masse. Des milliers et des milliers de gens ont participé.
Nous avions déjà déclaré que nous
allions commencer la guerre populaire. Mais les classes populaires
ne l'ont pas cru et pensaient : " ils parlent, ils parlent
seulement ".
RW : dans certains de vos écrits
vous parlez de comment le parti a à faire une grande rupture
- idéologiquement, politiquement et militairement - afin
de commencer la guerre populaire. C'est une grande question pour
les partis dans le monde, et c'est une ligne de division entre
le révisionnisme et le marxisme-léninisme-maoïsme
- la question de mener les changements idéologiques, politiques
et organisationnels nécessaires dans le parti, de commencer
la lutte armée. Pouvez-vous ainsi nous parler du type de
rupture que votre parti a dû faire pour initier la guerre
populaire ?
Prachanda : ce sont des questions
sérieuses, très importantes que vous avez soulevé.
La question des ruptures est une question de faire une percée.
Avant tout il y a la question de comprendre notre idéologie,
c'est-à-dire le marxisme-léninisme-maoïsme.
Comment est-ce que le maoïsme explique ou définit
cette rupture, ce processus en développement ? Certaines
personnes s'imaginent un processus d'évolution, un processus
en développement continu, un processus d'évolution.
Mais le marxisme-léninisme-maoïsme enseigne que tel
n'est pas le cas, que scientifiquement ce n'est pas le cas, telle
n'est pas l'analyse scientifique. Le processus réel de
développement rompt avec la continuité, faisant
une rupture. Tout dans la nature, l'histoire humaine et la société,
dans la pensée humaine - le processus de développement
- est le processus de rupture avec la continuité. Nous
en sommes arrivés à saisir cette question très
sérieusement avant l'initiation.
RW : vous parlez d'effectuer un saut [qualitatif].
Prachanda : oui, faire un saut.
A un moment, dans notre parti, pour chaque camarade, sur les lèvres
de chaque camarade, il y avait la question du saut ; le saut -
nous devions faire un saut. Nous avons fait de cette question
de faire un saut une question pointue, nous devions faire le saut.
Les partis révisionnistes et les chefs révisionnistes
ont toujours enseigné au peuple la question de la réforme,
de la réforme, de la réforme. Et la réforme
c'est le réformisme, le révisionnisme. Mais la question
d'effectuer des sauts est révolutionnaire. Nous condamnons
toutes les cliques révisionnistes pour l'évolutionnarisme
vulgaire. Nous sommes révolutionnaires, et la révolution
signifie rompre avec la continuité et la question d'effectuer
des sauts.
Avant l'initiation, nous avions un grand débat quant à
ces questions. Lorsque nous avons changé notre terminologie
de " marxisme-léninisme pensée Mao Zedong "
en " marxisme-léninisme-maoïsme ", à
ce moment là, nous avions un grand débat au sein
du parti quant à cette question du sait Et nous en sommes
arrivés à une [juste] compréhension. Mao
a dit dans la théorie de la connaissance qu'il y a une
théorie en deux étapes - l'étape du sens
ou de la perception et l'étape de la conclusion logique.
Nous avons essayé d'éduquer le parti tout entier
selon la théorie de la connaissance de Mao, cette théorie
en deux étapes. Et cela nous a amené à une
nouvelle compréhension du marxisme-léninisme-maoïsme.
Avant cela, il y avait une sorte de pensée que le marxisme-léninisme-maoïsme
signifiait différentes sortes de réformes et de
gradualismes.
Mais lorsque nous avons défini cette question de cette
nouvelle manière, alors de nouveaux sentiments, une nouvelle
confiance, une nouvelle situation se sont développés
dans le parti. Il y avait une lutte avec les tendances droitières
à ce moment là, et nous nous sommes battus, principalement
avec les droitiers, le révisionnisme.
Alors, lorsque l'élaboration du plan pour l'initiation
fut effectué, il y a eu un autre débat quant aux
questions de savoir comment commencer la guerre populaire. Notre
parti était tellement influencé par les tendances
droitières. A ce moment là, nous avons participé
indirectement aux élections, et nous avions 11 membres
au parlement, 9 à la chambre basse et 2 à la chambre
haute. Et cela a également eu une grande influence à
l'intérieur des cercles de notre parti - l'influence droitière
était là. Cela a été un grand challenge
pour notre parti que la question de savoir comment effectuer le
saut. Le parti était tellement encerclé par le révisionnisme
droitier, les tendances petites-bourgeoises, tout cela. Et beaucoup
de gens travaillaient ouvertement. Mais je tiens à préciser
et à souligner le fait que le principal de notre direction
ne travaillait pas publiquement à ce moment là.
C'était nos membres du parlement qui étaient publics.
Nos membres du bureau politique et nos camarades, la plupart des
chefs régionaux et ceux des districts ne travaillaient
pas publiquement, ils étaient clandestins. Il y avait un
travail parlementaire mais le mécanisme organisationnel
de l'essentiel du parti était clandestin à ce moment
là - vous devriez noter cela.
Ainsi, en faisant le plan pour l'initiation il y a eu un grand
débat pour savoir comment en arriver à la lutte
armée, parce que beaucoup de gens étaient influencés
par la lutte " pacifique ", le travail au parlement,
les sentiments droitiers et petits-bourgeois, et une longue tradition
du mouvement réformiste. Alors nous avons dit que le seul
processus [correct] doit être un coup, un grand saut. Pas
un changement graduel. Il y avait des réflexions de gens
différents dans le parti, considérant que nous devrions
d'abord faire quelques actions sans déclarer la guerre
populaire, et voir ce qui se passe. Ce genre de pensées
était partagée par certains.
Et nous avons discuté : est-ce que c'est le processus ?
Et nous avons dit : non, ce n'est pas révolutionnaire,
c'est également du réformisme. C'est une approche
conspirative. Et la lutte armée n'est pas une conspiration,
la guerre populaire n'est pas une conspiration, elle est ouverte,
ouverte politiquement et déclarée ouvertement. La
théorie conspirative ne marchera pas, et ce n'est également
pas révolutionnaire. Faire une action et dire ensuite :
" ok regardons ce qui va se passer ". Puis faire une
autre action
Non, rien ne marchera comme cela.
Il y en avait également qui pensait que nous pourrions
commencer la lutte armée dans différentes parties
du pays mais ne pas dire que nous avions commencé la guerre
- et ensuite, plus tard, lorsque nous aurions vu comment la situation
s'est développée, déclarer la guerre populaire.
Il y avait également ce genre de logique. Et certaines
sections voulaient commencer la guerre mais entendaient continuer
à participer au système parlementaire d'une manière
indépendante. Ils argumentaient que certains devraient
rester au parlement, que cela nous " aiderait ". Plus
tard, certaines de ces personnes n'ont pas exactement décadé
mais ont pris leur retraite politique après l'initiation.
Ils avaient la logique suivante : " ok nous commençons
la guerre populaire mais dans la région principale, au
Rolpa, Rukum, quatre parlementaires doivent être au parlement
parce que là nous pouvons gagner et cela renforcera la
guerre populaire ". Il y avait également ce genre
de logique.
Et nous avons condamné toute cette logique et dit, non,
ce n'est pas le marxisme-léninisme-maoïsme.
RW : tout cela s'est passé vers
1995, l'année de l'initiation ?
Prachanda : oui, principalement
1995. Nous avons condamné toute cette logique, affirmant
que ce n'est pas le marxisme-léninisme-maoïsme, que
ce n'est pas en accord avec la situation objective et subjective
du Népal.
Notre point de vue était que nous devions déclarer
librement et franchement que nous avions initié la guerre
populaire et que c'est l'unique alternative laissée au
peuple, pour son émancipation, pour son indépendance
vis-à-vis des impérialistes brutaux. Nous devions
distribuer des tracts dans tout le pays. Nous devions coller des
affiches dans tout le pays. Nous devions mener nos actions dans
tout le pays. Et nous devions lancer un grand débat dans
tout le pays. Il y avait des doutes quant à cette ligne,
certains pensaient que cela pouvait être " ultra-gauche
" ou " aventuriste ". Il y avait ce genre de doutes.
Certaines personnes ne défendaient pas ouvertement cette
ligne, mais doutaient seulement. Quand il y a eu une discussion
ils ont soutenu unanimement, mais il y avait ces réticences.
Un mois seulement après l'initiation il y a eu un grand
débat national à propos de la question de la guerre
populaire. Chaque journal, chaque radio, chaque personne dans
le pays demandait : qu'est-ce que la guerre populaire, qu'est-ce
que ce parti maoïste ? D'un coup, le parti était établi
d'une manière grande et nationale, et était au centre
des débats, après seulement un mois. Nous avons
eu une réunion du bureau politique, et nous avons synthétisé
cette expérience d'un mois.
C'était un processus de grande transformation pour l'ensemble
du parti - pour l'ensemble de notre organisation des masses -
parce que ce n'était pas un changement graduel. C'est une
grande question, celle du combat à mort, et tout était
chamboulé. Nous avons conclu que ce processus d'initiation
a été correct, que le premier plan d'initiation
du parti s'était révélé correct et
avait réellement bouleversé le pays. Alors l'ennemi
a commencé à massacrer le peuple. Arrestations,
viols, meurtres, pillages - ils ont commencé ce genre de
choses. Et alors nous avons préparé le second plan,
immédiatement, un mois après l'initiation.
RW : avant que vous continuiez et parlez du second plan, en terme de lutte idéologique durant la période de préparation, quel rôle a joué le mouvement communiste international ?
Prachanda : oui, vraiment, je
dois mentionner cela. Dans l'ensemble du processus de la préparation
finale
il y a eu une participation internationale consistante.
Tout d'abord il y a eu le comité du Mouvement Révolutionnaire
Internationaliste. Cela a été un échange
politique et idéologique important. A partir du comité
du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, nous avons
eu l'expérience du Parti Communiste du Pérou, la
lutte entre deux lignes là-bas, et également l'expérience
en Turquie, l'expérience en Iran, et l'expérience
aux Philippines. Nous avons appris de l'expérience au Bangladesh
et de certaines expériences au Sri Lanka. Et il y a eu
une conférence sud-asiatique à laquelle nous avons
participé. En même temps nous avons eu un débat
direct et continu avec les communistes indiens, principalement
ceux du [PC d'Inde (marxiste-léniniste) dont l'organe est
:] People's War et du Maoist Communist Center. Et cela nous a
aidé d'une manière ou d'une autre. Cela nous a permis
de comprendre l'ensemble du processus de la guerre populaire.
Donc, ce que je veux dire ici, c'est que l'une des choses spécifiques
quant à la guerre populaire, l'initiation de notre guerre
populaire, est qu'il y a eu une participation internationale dès
le début. Dès la période de la préparation,
jusqu'à la période de l'initiation, et après
l'initiation, il y a eu une participation internationale. Aides,
débats et discussions ont été présents.
Cela a été d'un grand bénéfice pour
nous. C'était une grande aide pour les masses népalaises.
Théoriquement nous sommes clairs, et nous insistons à
chaque fois sur le fait que la révolution népalaise
est une partie de la révolution mondiale et que l'armée
populaire népalaise est un détachement de l'armée
du prolétariat international pris dans son ensemble. Cela
est clair. Mais durant la préparation de l'initiation et
après l'initiation nous avons compris cela, non pas dans
un sens théorique, mais en voyant les implications concrètes
de l'internationalisme prolétarien, quel rôle pratique
cela jouait. Nous l'avons dit au comité du Mouvement Révolutionnaire
Internationaliste : lorsque la guerre populaire au Népal
fait face à des reculs, alors ce ne sera pas seulement
une question pour le Parti Communiste du Népal (maoïste),
mais pour le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste
dans son ensemble.
Le groupe People's War, le Maoist Communist Center et d'autres
participant à la lutte révolutionnaire en Inde ont
participé à ce processus, d'une manière ou
d'une autre. Nous avons compris dès le début que
nous devrions impliquer de plus en plus de parties des masses
révolutionnaires dans le processus de notre initiation.
Donc, avant cela, nous avons effectué des investigations
au Bihar en Inde. Nous sommes partis en Andar Pradesh pour voir
la lutte là-bas et nous avons tenté de comprendre
la situation pratique et les problèmes pratiques de la
lutte armée.
Principalement, le débat et la discussion dans le Mouvement
Révolutionnaire Internationaliste a été d'une
grande aide. Et après l'initiation, avec ce débat,
ce grand résultat, des milliers et des milliers de gens
des masses indiennes en sont arrivés à comprendre
la guerre populaire au Népal. Et notre guerre populaire
a aussi aidé l'ensemble du mouvement international, parce
qu'il y a eu un grand recul avec la guerre populaire au Pérou
[avec l'arrestation du Président Gonzalo et l'émergence
d'une ligne opportuniste de droite].
A la conférence sud asiatique, j'ai dit aux autres partis
que dans cette situation la question d'aider le Pérou n'était
pas seulement la question de soutenir les révolutionnaires,
mais que nous avions à initier la guerre populaire dans
nos propres pays. Cela serait d'une grande aide. Et après
l'initiation de la guerre populaire au Népal cela a été
prouvé - nous avons aidé le PCP, nous avons aidé
l'ensemble du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste,
nous avons aidé l'ensemble des masses révolutionnaires.
Et nous avons également eu de l'aide de partout dans le
monde.
Hier j'ai vu une note dans le journal de votre voyage et, vraiment,
je suis très impressionné. Vous avez noté
qu'au Népal, en seulement trois années de guerre
populaire, il y a eu de grandes avancées. Vous avez vu
cela vous même, et l'avez noté. Mais vous avez aussi
observé que nous en arrivons à point extrêmement
crucial. Les choses en sont juste maintenant à un point
crucial. L'engagement de l'ennemi contre la guerre populaire va
devenir bien plus grand, et cela va être un grand défi.
Nous avons été vraiment impressionné que
vous ayez fait cette conclusion. Vous avez compris que ce type
de situation est en développement et le défi que
cela représente. Et vous avez également souligné
dans vos notes que l'ensemble de la communauté internationale
devrait être en alerte vis-à-vis de cette situation
et devrait jouer un rôle en parlant de la guerre populaire,
en la soutenant, et en s'opposant aux mouvements du gouvernement
réactionnaire.
Nous pensons également, à partir de ce point de
vue, que les relations internationales et l'importance de la guerre
populaire au Népal se sont développées. Et
je pense que votre passage est lui-même un point vital à
ce sujet.
Ce n'est pas simplement un tour, " vous êtes venus
et repartis ". Cela a des implications historiques, et c'est
une initiative bonne et très grande. Votre voyage au Népal,
votre projet au Népal, sera une grande initiative pour
la révolution prolétarienne - pour s'opposer aux
classes dominantes réactionnaires et pour aider les masses
au Népal. Cela sera une grande initiative. Ce n'est pas
fini - il devra y avoir un processus continu avec cela maintenant.
De vos expériences nous en sommes arrivés à
comprendre plus profondément que ce genre de projets devrait
être fait d'une manière organisée, planifiée
et continue. Et maintenant le Mouvement Révolutionnaire
Internationaliste va apprendre de votre expérience au Népal
après le succès de votre voyage. Il y a eu tellement
d'épreuves physiques que vous avez passé, mais vous
avez réussi. Et donc, au niveau international, nous voulons
également mentionner ce projet et tout ce voyage.
RW : en de nombreux endroits j'ai rencontré
des camarades qui ont parlé du fait qu'avant l'initiation
le parti était composé principalement d'intellectuels.
Et ils m'ont dit qu'il y a eu toute une série de lutte
idéologique entre les intellectuels pour faire la rupture
nécessaire, pour faire les sacrifices nécessaires,
pour passer dans la clandestinité, quitter leurs emplois,
etc., qu'il y a eu tout un trouble pour certains membres du parti
par rapport aux sacrifices à faire. Certaines personnes
ont laissé tomber, d'autres sont allées de l'avant.
D'autres sont allés de l'avant en venant des masses. Pouvez-vous
parler de ce processus de rupture et de changement dans la composition
du parti, avec l'initiation et lors des trois dernières
années de guerre populaire ?
Prachanda : c'est également
une question très importante. Oui, il y a eu un grand changement
dans le parti, vraiment. Nous avons réalisé avant
l'initiation qu'après le processus d'initiation il y aurait
un grand processus de transformation au sein du parti. Nous pensions
qu'il était possible que 50% des membres de notre parti
se détacheraient, mais que d'autres nouveaux camarades
et de nouveaux gens viendraient et rejoindraient le parti. Nous
pensions que cela pouvait arriver.
Nous avons considéré cette question à l'avance
et nous étions préparé mentalement à
ce que cela arrive - parce qu'il y avait tellement de tendances
petites-bourgeoises, trop d'intellectualisme. Nous étions
psychologiquement préparés à affronter la
question de savoir comment soutenir la guerre populaire après
ce grand saut. Nous avons encore et encore discuté de cette
question au Comité Central et dans les bureaux régionaux,
et dans d'important comités de districts - comme quoi cela
pourrait arriver et que nous aurions à être prêts.
Nous disions qu'un très grand problème pourrait
arriver si nous ne nous préparions pas nous-mêmes.
Mais si nous étions psychologiquement prêts, alors
cela ne nous ébranlerait pas. C'était une question.
Et, dans le plan pour l'initiation, nous avions un plan militaire
pour attaquer les forces de police, les propriétaires terriens,
les laquais locaux dans les zones rurales. Mais nous n'avions
pas de grand plan pour le sabotage dans la capitale parce que,
à ce moment-là, nous ne voulions pas créer
une situation où d'un coup les intellectuels s'éloigneraient
de nous. Nous voulions gagner leur soutien. Nous ne voulions pas
que les intellectuels de la capitale ou d'autres villes partent,
cessent de travailler avec le parti.
Ce qui est arrivé par la suite est que, après un
mois, nous avons vu un grand changement dans les zones rurales.
De grands changements ont commencé dans les zones rurales.
Certaines personnes se sont enfuies. D'autres nouvelles personnes
se sont mises en avant. De milliers et des milliers de gens passèrent
dans la clandestinité. A Rolpa, en un mois, des milliers
de personnes sont passées dans la clandestinité.
Non seulement des membres du parti mais aussi des gens parmi les
masses passaient dans la clandestinité - à Rukum,
Jarjakot, Salyan, Kalikot. C'est le genre de situation qui se
développait.
Ainsi la processus de transformation était très
grand dans ces zones rurales. Mais dans les villes où il
y a plus d'intellectuels, le processus de transformation était
très très lent, et dans certains cas, l'on peut
dire, insatisfaisant. Nous n'étions pas contents des réactions
petites-bourgeoises. Un exemple est ce qui est arrivé juste
après l'initiation de la guerre populaire, dans la capitale,
Katmandou. Il y avait la répression du gouvernement partout.
Des artistes, des journalistes, des professeurs, des enseignants
- partout, ceux qui avaient de la sympathie pour nous ont été
arrêté. A ce moment-là, qu'arriva-t-il dans
la ville ? Là où nous allions on nous disait : "
vous ne devriez pas rester là, la police va venir ".
Il y avait tellement de terreur parmi les différentes couches
d'intellectuels. Pendant longtemps ils avaient été
avec nous. Mais à partir de là, ils avaient tellement
peur, ils étaient tellement terrorisés, que même
pour nous, ils n'osaient pas lutter, nous abriter. Ainsi pendant
22 jours nous avons dû continuellement bouger dans la ville.
Mais lorsque nous avons eu le rapport de Rolpa, Rukum, Gorkha,
Sindhuli, Kabre, les zones rurales, il y a eu la confiance chez
les masses et les cadres révolutionnaires. Le sentiment
était alors : " oui nous avons fait du bon travail.
Maintenant une nouvelle vie a commencé ". Il y avait
un nouveau soutien de masse et une révolte de masse dans
les zones rurales.
Mais dans les villes, les intellectuels vacillaient beaucoup trop,
ils étaient tellement terrorisés, et nous avons
vu que c'était une question de classe. Quelle classe pense
maintenant que nous prenons notre destinée en main ? Telle
était la situation, et ainsi nous avions à lancer
une lutte idéologique dans les villes.
RW : et les forces prolétariennes
dans le villes ?
Prachanda : les prolétaires
étaient en meilleure position. Durant cette période
difficile, ils ont été les forces urbaines - travailleurs,
ouvriers - qui ont aidé le parti, qui ont sauvé
le parti. Les ouvriers de notre Organisation Syndicale pannépalaise
nous ont beaucoup aidé. Ils n'étaient pas terrorisés.
Leur sentiment était : " ok, c'est quelque chose de
nouveau ". Et un autre élément important a
été les femmes - cela est très, très
important. Les femmes de Katmandou ont été l'autre
force qui, en cette période de terreur, nous ont soutenu
et nous ont protégé, nous ont aidé à
bouger. Les femmes nous ont aidé à ce moment-là.
Il y a également eu l'aide d'étudiants, parce que
nous avions une bonne organisation parmi les étudiants
dans tout le pays. A ce moment les étudiants n'avaient
pas également pas peur. Ils se sentaient éclairés,
pensaient qu'il s'agissait d'une nouvelle chose pour le Népal,
faite par notre parti. Il y avait alors ce genre de réflexions
parmi les étudiants.
Ainsi il s'agit principalement d'ouvriers, de femmes et d'étudiants
qui nous ont aidé. Mais les intellectuels, qui avaient
beaucoup de connaissance de la philosophie, de la théorie,
etc., ces gens vacillaient tellement qu'ils ne pouvaient pas vraiment
nous aider.
Et au bout d'une année, nous avons vu davantage encore
de changement dans les zones rurales. Des milliers et des milliers
d'organisations de masses furent construites, l'influence du parti
s'élargit à de nouvelles zones et une nouvelle organisation
s'est développée. Certains révolutionnaires
petits-bourgeois s'enfuirent en Inde, dans des pays arabes ou
ailleurs à cause de la terreur. D'autres restèrent
solidement. Et en même temps, dans les zones rurales, il
y avait une révolte de masse de la part des femmes, et
des milliers de cadres à plein temps arrivèrent.
Des gens que nous ne connaissions pas auparavant devinrent des
héros, vraiment.
Rien qu'une année après l'initiation, pendant un
mois, j'étais au Rolpa, au Rukum, au Jarjakot, au Salyan,
et j'ai vu, et notre parti a vu, qu'une nouvelle chose s'était
développée. Les gens ne combattaient pas seulement
la police ou les réactionnaires, les agents féodaux,
mais ils étaient également en train de briser les
chaînes féodales de l'exploitation et de l'oppression,
toute une révolution culturelle se développait dans
le peuple. Les questions du mariage, les questions de l'amour,
les questions de la famille, les questions des rapports entre
les gens. Toutes ces choses furent mis sens dessus dessous et
changèrent dans les zones rurales.
Nous arrivions à comprendre la vision de Mao comme quoi les zones rurales arriérées seraient la base de la révolution - la base réelle de la révolution. Nous avons vu au Rolpa, au Rukum, au Gorkha, au Sindhuli, au Kabre, les graines de la nouvelle société, les exemples pour inspirer le peuple. Partout dans le pays, dans la révolution, les masses étaient fiers de leur Rolpa et de leur Rukum. Et nous voyons, à la base, au niveau des masses, que le processus de transformation n'est pas seulement dans le parti et les organisations de masses, mais dans les masses comme un tout. Les chaînes de l'oppression féodale, principalement les rapports féodaux, sont brisées.
RW : oui, particulièrement entre les hommes et les femmes.
Prachanda : oui, les hommes et
les femmes, réellement. Et notre parti a tenté de
développer la direction de camarades féminins. Il
y a eu des problèmes en le faisant, mais maintenant nous
sommes en train de résoudre le problème, pas à
pas. Des masses de femmes sont allées de l'avant comme
combattantes révolutionnaire. Et nous avons le plan depuis
le début comme quoi les camarades hommes et femmes devraient
être dans les mêmes unités, les mêmes
sections, et que tout devrait être fait en ce sens. Nous
avons travaillé à former de nouveaux rapports entre
les hommes et les femmes - de nouveaux rapports, une nouvelle
société, de nouvelles choses.
Dans la région occidentale, depuis le début, nous
n'avons pas eu de grands problèmes ni de reculs dans ce
processus de transformation, parce que des milliers et des milliers
de femmes voyaient qu'il y avait là une autre vie. Mais
dans la région centrale et la région orientale telle
n'était pas la situation. Il y avait plus d'intellectuels
dans le parti là-bas. Si le parti menait une offensive
et était victorieux ces forces diraient " oui, nous
devons faire cela ". Mais s'il y avait un type de recul et
de répression ils diraient : " oh non cela ne marchera
pas ". Il y avait ce genre de chose dans la région
du centre. Là beaucoup de gens dans le parti étaient
des intellectuels petits-bourgeois, d'origine de classe petite-bourgeoise.
Et il y a une situation économique plus prenante - chaque
famille a un peu de terre, de l'électricité, des
routes, des facilités pour l'éducation. Toutes ces
choses sont là-bas et beaucoup de membres du parti sont
de cette classe, aussi y a-t-il des tendances vacillantes.
Mais en ce processus de trois années nous avons également
vu la transformation en cours dans la région centrale -
une transformation culturelle, une transformation idéologique.
Et certains des meilleurs chefs et des meilleurs cadres viennent
de cette région. C'est une importante chose que nous voyons,
de nouvelles choses qui arrivent - certains des gens âgés
et petits-bourgeois qui reculent, et les nouvelles masses qui
avancent. De nouveaux cadres arrivent, et nous faisons de notre
mieux pour donner des responsabilités à ces nouveaux
camarades. C'est la politique de notre parti. Nous avons essayé
de le faire, non seulement au niveau régional et des districts,
mais même au niveau du Comité Central.
Rien que dans la dernière réunion, la quatrième,
la quatrième réunion historique, nous avons placé
au Comité Central sept nouveaux camarades du niveau régional
où l'on se bat vraiment à la base. Vous voyez qui
est le camarade que vous avez rencontré à Rolpa,
responsable du détachement ?
RW : oui, c'est un très bon camarade !
Prachanda : ce camarade est justement
devenu un membre du Comité Central à la quatrième
réunion. Il y a tellement de camarades comme lui. Si nous
ne faisions pas cela certains des camarades plus âgés
seraient à la traîne. Ce pour faire face à
la situation, une situation se développant rapidement avec
des questions relevant du défi ; il y a des camarades qui
ne peuvent pas changer tout leur mode de pensée. Ils pensent
juste comme avant, et c'est le problème. Ainsi notre parti
est-il en train d'essayer de donner des responsabilités
à ces camarades qui ont été forgé
dans le processus des trois années de guerre populaire,
et cela aide le parti à rester dans la juste voie. La direction
ne doit pas être dans les mains de tendances opportunistes,
quelles qu'elle soient. Nous sommes très sérieux
quant au développement d'une nouvelle direction, et les
forces que nous développons sont très enthousiastes,
très bonnes. Nous voyons qu'il y a eu plus de 700 morts.
Mais des milliers se sont mis en avant. Ce processus ne nous affaiblit
pas, mais nous aide.
Lorsque les classes dominantes ont commencé leur opération
répressive " Kilo Sera 2 ", nous pensions que
cela serait une grande chose pour notre parti, qu'il pourrait
y avoir des vacillations dans nos rangs. Mais en fin de compte
les résultats objectifs ont été qu'il n'y
a pas eu tant de vacillation. Dans certaines régions il
y a eu quelques vacillations. Mais dans la région occidentale,
il n'y a globalement pas eu de vacillation. Il y avait même
plus de confiance, plus de détermination, plus de confiance
pour lutter. Au niveau des masses, il n'y a pas de vacillation,
ainsi nous sommes fiers des masses dans les rangs de notre parti.
Dans la région centrale il y a quelque vacillation, il
y a quelques tendances qui vacillent. Et dans la capitale, comme
vous le savez déjà, il y a une vacillation parmi
quelques intellectuels. Mais il y a également de bons camarades
parmi les ouvriers, les femmes et les étudiants. De très
bons camarades, plein d'abnégation et de détermination.
Durant les trois années de guerre populaire, il y a également
eu d'autres types de changements. Les peuples des nationalités
opprimés - les peuples mongols, les peuples du Terai et
les peuples de l'extrême-orient [du pays] - ont éprouvé
beaucoup de sympathie avec la guerre populaire. Ils sentaient
que c'était l'unique alternative pour eux. Et c'est aussi
une grande victoire pour la guerre populaire et une grande défaite
pour la classe dominante réactionnaire. Ainsi beaucoup
de nouvelles organisations se sont développées parmi
les nationalités opprimés après l'initiation,
comme le Front National de Libération Magar.
RW : oui, j'ai rencontré les chefs de cette organisation.
Prachanda : il y a le Front National
de Libération Taru dans la région du Terai, le Front
National de Libération Terai, et les Rai, et les Limbu,
et les Tamang. Et dans la capitale il y a le Newar Khala, une
organisation de masse de cette nationalité qui a tellement
de programmes, comme le blocage réussi de Katmandou récemment.
Cette nouvelle organisation, générée par
le parti, mène le plan du parti.
Ce processus est quelque chose de nouveau qui est né. La
classe dominante réactionnaire sent que si ces forces grandissent
et se développent ce serait dangereux pour l'ensemble du
système. C'est pourquoi ils tentent de manipuler le peuple.
Ils tentent de faire des concessions aux nationalités opprimés
et disent qu'ils vont faire plein de choses pour elles. Et ils
disent des maoïstes : " ils veulent diviser le pays.
Ils veulent diviser les Mongols. Ils veulent diviser les Rai,
les Limbu, les Terai. Partout ils veulent diviser les gens. Ce
sont des séparatistes et ils veulent casser le pays. Ne
les suivez pas ". C'est le genre de propagande qu'ils tentent
de propager. Mais les gens ne les croient pas. Le peuple sait
que nous prenons au sérieux la question nationale, et que,
d'un point de vue politique et d'un point de vie historique et
national, c'est l'unique solution pour les nationalités
opprimés. Personne, pas même les gens des classes
dominantes des nationalités opprimés, n'osent s'opposer
à notre politique. Ils sont forcés de dire que cette
politique des maoïstes est correct. Il y a beaucoup de membres
du parlement qui disent : " oui, la politique des maoïstes
est correcte pour les nationalités opprimés ".
Il y a eu également beaucoup de problèmes parce
que nous n'avons pas été capables de développer
une grande vague de luttes des nationalités opprimés.
Mais de nouvelles choses sont nées parmi les nationalités
opprimées, et c'est une très grande force pour soutenir
la guerre populaire et rendre victorieuse celle-ci.
RW : la guerre populaire c'est la destruction
de l'ennemi. Mais c'est aussi une construction. L'un des plus
grands achèvements de ces trois années de guerre
populaire est la manière avec laquelle les masses commencent
à exercer le pouvoir populaire. Une contribution importante
de Mao est sa démonstration comme quoi le processus de
guerre populaire prolongée est également un processus
d'entraînement des masses à conduire la société
d'une nouvelle manière, de formation des masses idéologiquement
et politiquement selon le marxisme-léninisme-maoïsme,
de commencement pour elles à se changer elles-mêmes
et la société - avant même la prise du pouvoir
dans la totalité du pays et la construction d'une nouvelle
société socialiste.
Pouvez-vous parler de l'importance d'exercer le pouvoir populaire
à ce niveau de la révolution ?
Prachanda : nous avons mentionné
dans notre document d'initiation que l'initiation de la guerre
populaire signifie non seulement écraser l'ennemi, mais
aussi se changer soi-même, changer les masses. Le grand
Karl Marx a affirmé que la classe ouvrière aurait
à passer 15, 20, 50 ans de guerre civile, non seulement
pour écraser l'ennemi mais aussi pour se changer elle-même,
pour être à niveau pour exercer le nouveau pouvoir.
Nous avons cité cela, et nous avons cité Lénine
à propos du processus de guerre civile qui viendrait avec
une situation extrêmement complexe. Et en faisant face à
cette situation, le parti serait capable d'exercer le pouvoir.
Nous avons également cité le camarade Mao quant
au fait que la guerre populaire ne consiste pas seulement à
écraser l'ennemi, mais aussi à nettoyer sa propre
crasse et toutes nos mauvaises habitudes, les mauvaises choses
que nous avons eu pour une longue période. Nettoyer tout
cela est aussi un des objectifs de la guerre populaire. Dès
le départ nous avons tenté de faire passer ce message
aux masses, et nous avons tenté d'entraîner tout
le parti dans cette direction. Dans notre pays où la classe
prolétaire est très faible numériquement,
les ouvriers qui travaillent dans les usines de Katmandou ou d'autres
villes n'ont également pas totalement rompu avec leurs
mauvaises habitudes.
C'est pourquoi dans ce type de pays, la guerre populaire prolongée
c'est aussi la formation d'un nouveau type de parti révolutionnaire.
C'est une leçon de l'histoire. Sans ce type de lutte révolutionnaire,
un parti communiste révolutionnaire n'est pas possible
dans ces types de pays. Nous entraînons les masses à
cette réflexion. Nous avons dit qu'en fin de compte le
processus de destruction n'est pas qu'un processus de destruction,
c'est aussi un processus de construction.
Sans destruction il ne peut pas y avoir de construction, comme
l'ont dit Mao et d'autres grands chefs. Mais qu'est-ce qui est
le principal ? Après l'initiation nous avons dit que pour
nous la destruction était le principal, la construction
le secondaire. Et quand nous avons atteint le point de prendre
et d'exercer le pouvoir réel, à partir de là,
les questions de la construction seront l'aspect principal. Mais
même là il y aurait le fait comme quoi sans destruction
il n'y aura aucune construction.
Comme Mao l'a dit, les gens pensent d'habitude qu'une guerre est
très destructrice, que la guerre est quelque chose de très
mal, que cela tue des gens, toutes ces sortes de choses. Mais
les gens ne comprennent pas que la guerre est un grand processus
de construction. La guerre a toujours eu un effet de purification.
Nous essayons d'essayer d'enseigner cela au peuple, de former
les cadres à cela.
Et nous devons également apprendre la guerre en faisant
la guerre. La tendance instinctive des intellectuels est que nous
avons à apprendre toutes ces choses, que nous devrions
tout lire, et alors que nous pourrons faire la guerre. Ces types
de tendances ont été de droite depuis le début.
Mais nous avons dit, non, cela n'est pas le maoïsme. Cela
n'est pas le marxisme. Cela n'est pas le matérialisme dialectique.
Cela ne s'accorde pas à la théorie scientifique
de la connaissance. La question est d'apprendre la guerre par
la guerre.
Le camarade Mao a dit : nous n'avions rien au début. Nous
avions seulement du millet. Nous avons mangé du millet.
Nous avions quelques armes, et nous nous sommes battus, et nous
avons capturé toutes ces choses. Nous n'étions pas
clair à ce moment là quant à quoi frapper
et quoi ne pas frapper. Nous sommes partis frapper et nous avons
appris comment frapper.
Nous essayons également de faire les choses en ce sens.
Vous avez posé la question du pouvoir populaire. Dans la
région occidentale, dans certains districts, il y a eu
une certaine forme de vide politique juste après une année.
Mais à ce moment nous n'étions pas en position d'exercer
le pouvoir d'une manière organisée. Nous n'avions
pas assez défait la police. C'était le genre de
situation qu'il y avait.
RW : vous voulez dire que les responsables
des comités de développement du village (VDC) du
gouvernement étaient partis, mais que la police était
toujours forte ?
Prachanda : oui, la police
était forte. Il n'y avait plus de responsables des VDC
qui travaillaient là-bas, mais la police était toujours
présente. C'était le genre particulier de situation
là-bas au bout d'une année après l'initiation.
Et après deux années, la question du pouvoir est
devenue une question brûlante. Elle arrivait dans l'agenda,
et nous avons commencé à étudier la question
de l'exercice du pouvoir. Nous avons discuté pour savoir
à quel niveau nous pouvions organiser le processus de l'exercice
du pouvoir populaire. Et après deux ans, deux ans et demi,
nous avons vu que, dans la région principale, principalement
la région occidentale, la police locale était globalement
défaite.
Ils arrêtaient d'aller dans les villages des zones rurales.
Ils avaient tellement peur qu'ils n'entraient pas dans les villages.
Ils restaient dans leurs commissariats, à leur poste. Et
même là parfois la police dormait hors de ses locaux.
Ils mettaient une bougie ou une lanterne à l'intérieur,
et quand les maoïstes attaquaient le poste de police, ils
étaient dehors dans la forêt. Ce genre de choses
est arrivé. Cela a été le genre de situation
pour des centaines et des centaines de postes de police.
Nos unités réussirent à mener d'importantes
escarmouches, d'importants raids, et à terroriser la police.
Ils ont souffert d'un genre de défaite. A partir de là
il n'y avait plus dans les villages ni de Comités de Développement
des Villages, ni la police.
Mais, au début, notre exercice du pouvoir n'était pas bien planifiée, cela n'avait pas été bien défini. Cela n'a pas été bien fait. Dans le processus de deux années de guerre populaire, dans la région principale, un vide politique s'est développé, et nos camarades auraient dû commencer à exercer le pouvoir. Ils ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient, que nous avions besoin d'exercer le pouvoir. Mais ils devaient tout faire. Les masses le demandaient. Parmi les masses il y avait des querelles qui devaient être mis de côté. Il y avait les questions du mariage, de l'éducation, et la terre - principalement les questions de la terre - qui devaient être résolues. Toutes ces choses. A un moment, quand nous étions en train d'étudier ce qui se passait sur le champ, nous avons découvert qu'un chef d'une unité devenait un chef politique. Le pouvoir était dans les mains du chef d'unité, pas du secrétaire du comité du district (SDC) du parti ou le secrétaire de la zone. Les gens voyaient en le commandant de l'unité le chef politique. Le commandant de l'unité donnerait des discours et attaquerait les agents ruraux. Et tout ce qu'il faisait, il le faisait en uniforme. Alors les gens pensaient, c'est notre chef. Le pouvoir était dans les mains d'un commandant d'unité. C'était là la situation pour trois ou quatre mois, c'était la situation. Et nous avons dit que ce n'était pas une bonne chose. Les armes devraient être commandés par le parti. C'est l'opinion maoïste. Ce n'était pas une erreur des commandants d'unité. Ce n'était pas bien préparé, cela n'avait pas été bien discuté. Cela a été spontané. Alors le centre du parti discuta de toutes ces questions, et les questions du front uni et les questions du pouvoir furent définies.
RW : cela après deux années
d'initiation ?
Prachanda : deux ans et demi.
l'exercice spontané du pouvoir a commencé après
juste deux années. Pendant quatre mois, non seulement dans
la région occidentale, mais également dans certaines
zones de la région orientale et certaines zones rurales
de la région centrale, il y avait un vide politique : et
en fait le pouvoir était administré par les gens
eux-mêmes, par l'armée populaire, par les unités.
Tel était la situation.
RW : ainsi le plan organisé par
le parti et la stratégie d'exercer le pouvoir populaire
sont plutôt nouveaux ?
Prachanda : nous pouvons dire
que cela a réellement commencé après la quatrième
réunion, lorsque nous avons dit : maintenant nous allons
aller de l'avant, sur la voie de la formation de bases d'appui.
Alors nous avions un plan bien défini de l'exercice du
pouvoir populaire.
RW : donc cela s'est passé à
la fin 1998 ?
Prachanda : oui. Mais avant,
il y avait déjà une vision générale
- comme quoi nous devions avoir un front uni, que nous avions
à exercer le pouvoir. Il y avait une vision générale,
mais pas un plan complet. Et avant que notre plan soit terminé,
le pouvoir réel était entre nos mains. Vous avez
déjà entendu que nos camarades taxent les businessmen
locaux, qu'il y a des cours de justice populaire, la distribution
des terres, et les fermes collectives, le divorce, le mariage
- toutes ces choses que le peuple fait. Nous avons vu ce nouveau
pouvoir populaire se développer. Et tout d'abord nous n'avons
pas enseigné aux masses - elles nous ont enseigné
comment commencer à exercer le pouvoir. Cela ne peut pas
être dicté d'en haut. Les masses elles-mêmes,
par le processus de guerre populaire, par le processus de la lutte,
ont donné naissance aux formes du nouveau pouvoir populaire.
Elles ont commencé à faire toutes ces choses.
Juste après avoir commencé le processus entier,
nous avons complété les plans pour faire un front
uni, organiser les réunions des masses, avoir les masses
élisant des chefs pour exercer le pouvoir populaire. Nous
disions que cela devait fonctionner selon le principe de trois
en un [former un groupe de direction combinant parti, armée,
et front uni des masses].
Nous avons vu que nous devions de plus en plus étudier
le processus de formation des comités révolutionnaires,
comme ce qui s'est passé lors de la Grande Révolution
Culturelle Prolétarienne en Chine - que nous devions apprendre
comment ils ont formé des comités révolutionnaires
et appliqué le principe de trois en un.
Nous sommes maintenant dans le processus préliminaire ;
ce n'est pas encore affiné. Mais nous voyons de grandes
choses arriver. Et maintenant ce que le peuple pense, quand il
voit tout le processus, c'est qu'il a le pouvoir, et il en est
fier. Les masses sentent que nous avons le pouvoir maintenant
: nous pouvons distribuer les terres, nous avons les fermes collectives,
nous pouvons divorcer, nous pouvons améliorer les choses,
nous pouvons briser toutes les chaînes, nous pouvons taxer
les businessmen, nous pouvons gérer les forêts. Nous
pouvons faire toutes ces choses nous-mêmes - sans les VDC,
sans la police. Notre front uni est là, notre unité
est là. Les gens le sentent vraiment. Et ce grand sentiment
est la base pour la victoire de la guerre populaire. C'est la
base que l'ennemi ne peut pas écraser.
Ce grand sentiment parmi les masses existe principalement dans
la région occidentale. Dans les régions centrale
et orientale, ce sentiment se développe aussi. Mais la
situation est très favorable pour les ennemis dans ces
régions. Le gouvernement peut aller partout et écraser
le peuple. C'est pourquoi il y a des problèmes. Mais même
dans ces zones le peuple comprend progressivement l'importance
du pouvoir. Dans la région centrale, beaucoup d'hectares
de terre ont été pris, et des milliers et des milliers
de quintaux de grains ont été pris et distribués
aux masses. Et ce processus fait que le peuple pense : "
oui, c'est à nous ".
RW : en termes d'exercice du pouvoir,
une des choses moins développées est la réforme
agraire, et plus de formes collectives de production parmi les
paysans. Pour les révolutions dans les pays opprimés,
la question agraire et les rapports de production dans les campagnes
sont la clef essentielle pour révolutionnariser la société.
Quelle est la vision du parti quant au processus de révolutionnarisation
des rapports de production dans les campagnes, comme élément
du processus de construction de la guerre populaire ?
Prachanda : nous disons que
cette nouvelle révolution démocratique est une révolution
agraire. Fondamentalement, le caractère de cette révolution
est agraire. Mais la situation au Népal n'est pas classique,
pas traditionnelle. Dans la région du Terai nous trouvons
des propriétaires avec quelque terres, et nous nous sommes
emparés des terres et les avons distribué aux paysans
pauvres. Mais dans les régions entièrement montagneuses,
cela n'est pas le cas. Il y a de petites possessions, et pas de
grands propriétaires terriens. C'est pourquoi notre plan
principal dans ces zones est de développer les fermes collectives
et de révolutionnariser les rapports de production.
Le principal problème là-bas est de savoir comment
développer la production, comment l'augmenter. Les pauvres
petites parcelles de terre des paysans ont une faible productivité.
Avec les fermes collectives cela sera plus scientifique et des
choses peuvent être faites pour augmenter la production.
Mais nous ne pouvons pas organiser immédiatement les fermes
collectives. En terme de propriétés terriennes,
cela sera une propriété privée du paysan.
Mais le processus de production sera collectif. Nous sommes en
train d'essayer cela dans nos régions. Et les fermes collectives
ont globalement déjà été établies
dans nos régions développées.
RW : pouvez-vous plus nous expliquer
cela, comment cela marche ?
Prachanda : dans les zones
développées nous avions déjà tracé
un plan et commencé, dans certains endroits de Rolpa, de
Rukum, de Jarjakot, de Salyan - moins à Salyan, principalemen
au Rolpa, Rukum et Jarjakot. Tout d'abord nous avons pris la terre
de propriétaires terriens vivant à Katmandou, d'usuriers,
de ce genre de personnes. Nous avons pris la terre mais ne l'avons
pas distribué aux paysans. Parce que distribuer cette terre
parcelle par parcelle ne marcherait pas, ne les aiderait pas à
élever leur niveau de vie, leur niveau économique.
Donc la première chose ce sont les types de terres pris
aux propriétaires terriens, usuriers, etc. La seconde chose
ce sont les autres terres, comme les terres publiques qui peuvent
être cultivées. Et la troisième chose les
terres possédées par les paysans. Ce sont les trois
types de terres qu'il y a ici. Lorsque nous prenons la terre des
propriétaires terriens, cette terre devient une propriété
collective - il y aura une propriété collective
de masse. Cette terre sera la terre des masses, et tous les paysans
travailleront sur cette terre, et les récoltes de cette
terre seront la propriété de la localité.
RW : comment est ce que le grain de cette terre est distribué ? Cela devient-il des fonds collectifs ?
Prachanda : oui, des fonds collectifs. Ce que rapporte la terre sera les fonds collectifs des masses, utilisés pour les besoins des masses de cette localité. Jusque-là nous avons fait comme cela. Et la terre en jachère, ou la terre publique qui peut être cultivé, nous sommes en train d'essayer de cultiver cette terre collectivement et de distribuer collectivement aux masses la production. La distribution collective signifie que cela est fait selon le pourcentage du travail fait, du nombre d'heures travaillées. La production distribuée est proportionnelle aux heures de travail de telle ou telle famille.
RW : ainsi il y a une sorte de système de comptabilité où les paysans travaillent et ont tant de revenus pour tant d'heures travaillées, et ils ont les grains en fonction.
Prachanda : oui c'est exactement cela. Là où notre base de masse est forte et les masses sont dans le processus de lutte, nous commençons à avoir les fermes collectives. La propriété est privée, mais le travail collectif. Cela a déjà montré son efficacité dans le processus de production.
RW : cela serait comme si 5 fermiers avaient chacun un carré de terre, mais qu'ils travailleraient tous ensemble ces terres. Est-ce qu'ils collectiviseront les outils, les instruments, les animaux ?
Prachanda : les animaux, les outils,
la terre - selon les outils qu'ils utilisent et le nombre d'heures
de travail, en pourcentage, selon le pourcentage de travail fait,
ils divisent la production. De cette manière nous pouvons
élever la quantité de la production. C'est ce que
nous faisons dans les zones développées.
Mais dans les zones moins développées, dans la région
orientale et la région centrale, nous essayons un système
qui n'est pas exactement un échange de force du travail.
Durant la dernière saison des pluies, s'il y a moins de
bras ou si la force de travail n'est pas suffisante qu'il n'est
pas possible de bien cultiver, alors d'autres familles paysannes
sont là pour aider. Ma famille va vous aider, et votre
famille va m'aider, et nous allons vous aider. Il y a ce genre
de tradition dans les familles paysannes.
RW : ce genre de traditions existait déjà ?
Prachanda : il y avait ce genre
de traditions, et maintenant nous développons cette tradition
de manière organisée. Et d'une manière plus
organisée nous commençons à développer
différentes formes de fermes collectives - et des mesures
menant aux fermes collectives. Nous essayons d'organiser le système
du travail des fermes, et cela permet les paysans d'achever une
sorte d'unité entre eux. Ils font toutes ces choses pour
briser les chaînes du féodalisme, et c'est une école
de la transformation culturelle. Quand toute nos familles travaillent
ensemble, chantent ensemble, dansent ensemble - alors cela est
plus communautaire.
La Guerre Populaire est un concept valable partout, universellement.
Les révolutionnaires doivent mener la Guerre Populaire,
mais en l'appliquant selon les conditions concrètes du
pays. C'est le Président Gonzalo qui a ouvert théoriquement
la voie, et également pratiquement avec le développement
de la Guerre Populaire au Pérou.
Au Terai, jusque là, nous n'avons pas eu une forte base de masse, il n'y a pas de forte lutte. Il y a une action de guérilla en cours dans le Terai, dans les plaines. Il y a de grands propriétaires terriens, il y a la terre du roi, la terre de la reine - énormément de grandes terres bourgeoises. Jusque là ce que nous avons fait est prendre le grain des propriétaires terriens. Nous ne sommes pas encore capables de prendre la terre au Terai. Mais nous sommes capables de prendre le grain stocké. Cela permet aux masses de comprendre l'importance de la guerre populaire, l'importance de la révolution. Progressivement ils arrivent pour voir : " oui, c'est à nous ". Et ainsi nous développons également une base de masse dans la région du Terai.
RW : une question très importante que je voulais poser concerne le quatrième plan stratégique de développement des bases d'appui. Pouvez-vous nous dire où en est ce processus et ce qu'il reste à faire dans la prochaine période pour mener le plan à bien.
Prachanda : c'est également une question très importante. Notre quatrième congrès a esquissé, expliqué les questions de la construction des bases d'appui. Pour faire ce plan de développement des bases d'appui, nous avons tout d'abord tenté de clarifier la conception théorique des bases d'appuis, parce qu'en Asie du sud il y a la tendance à un économisme armé, un type d'économisme armé, de réformisme, de réformisme armé.
RW : la lutte armée sans perspective ?
Prachanda : sans perspective,
exactement. La ligne existe en Inde. Certains groupes disent :
zone de guérilla, zone de guérilla, zone de guérilla.
Ils disent zone de guérilla depuis 25 ans, mais il n'y
a aucune perspective, aucune perspective concrète. Et nous
connaissions cette question de la zone de guérilla, et
la base d'appui allait devenir une question très sérieuse.
Nous avons essayé de clarifier ces questions parce que
les bases d'appui sont une question stratégique pour la
guerre populaire prolongée. Sans l'objectif de bases d'appui,
il n'y a pas de guerre populaire réelle. Sans vision stratégique
des bases d'appui il n'est pas question de guerre populaire prolongée.
La question des zones de guérilla n'est pas une question
stratégique. C'est une question de transition - des masses
non armées aux masses armées, et des masses sans
pouvoir aux masses avec le pouvoir. Pour passer ce processus,
la zone de guérilla n'est que transitoire. Ce n'est pas
une question stratégique. C'est pourquoi nous ne devons
pas confondre les termes de zone de guérilla et de base
d'appui. Notre principale stratégie est de conquérir,
de capturer, de construire des bases d'appui. Nous avons tout
d'abord clarifié cela dans notre plan.
Ensuite, dans notre situation concrète, maintenant, nous
n'allons pas établir de bases d'appui. Nous ne sommes pas
en position de le faire. Nous n'allons pas établir de bases
d'appui dans ce quatrième plan. Nous concentrons et centralisons
nos efforts pour construire des bases d'appui. Nous sommes dans
le processus de construction des bases d'appui. Nous avons à
comprendre cela.
RW : est-ce que la distinction est celle entre bases d'appui temporaires et permanentes ?
Prachanda : pas exactement. Nous n'utilisons pas les termes de temporaire et de permanent. Nous sommes dans le processus de construction des bases d'appui. Nous ne disons pas " bases d'appui temporaire ". Cela pourra être temporaire ou permanent. Cela dépend des forces du pouvoir populaire - ce qui signifie notre capacité militaire.
RW : qu'est-ce qui caractérisera une base d'appui ? Vous dites que vous êtes maintenant dans le processus de formation des bases d'appui. Mais quel sera le critère pour dire: maintenant nous avons établi une base d'appui ?
Prachanda : le critère
pour avoir une base d'appui, du point de vue militaire, est d'avoir
à ce moment là défait la capacité
militaire de l'ennemi. Jusque là et tant que nous n'avons
pas défait une unité de militaires envoyée
contre nous, la force armée de l'ennemi, nous ne pouvons
pas dire que nous avons une base d'appui stable. Nous pouvons
avoir une sorte de forme préliminaire de base d'appui.
Mais nous ne pouvons pas dire qu'elle est stable.
Nous voyons que Mao n'a pas utilisé le terme de permanent
ou temporaire. Ce dont il a parlé, c'est de base d'appui
stable, de base d'appui instable, de forme préliminaire
de base d'appui. Ce sont trois types de formes que Mao a expérimenté
et synthétisé. C'est pourquoi pour avoir une base
d'appui stable nous avons à écraser la force armée
de l'ennemi.
Mais avant cela nous ne pouvons faire que des bases d'appui instables.
Nous combattons les forces armées et, pour le moment, elles
ne viennent pas. C'est pourquoi nous avons une base d'appui. Mais
quand elles viendront, alors elles vont se battre, et cela sera
instable. Et alors cela ne sera peut-être qu'une zone de
guérilla. Alors encore nous capturerons, battrons l'ennemi
et cela sera stable. Il y aura ce processus de stable et d'instable.
Nous voyons les choses comme cela.
Et vous avez demandé quant au critère pour avoir
une base d'appui. Une chose est une forte organisation du parti.
Il doit y avoir une direction forte, consistante. Une seconde
chose est une bonne base de masse, comme Mao l'a dit. Une bonne
base de masse de masses en lutte. Et avoir une bonne base de masse
signifie non seulement des sympathisants, mais aussi des masses
elles-mêmes entraînées à la guerre.
C'est la signification d'une bonne base de masse. Et vous avez
besoin d'une forte armée populaire. Jusque là nous
n'avons pas dit : " armée populaire ", "
armée populaire de libération " - nous n'avons
pas utilisé ce genre de termes. Nous avons utilisé
ceux d'unité de guérilla, de section de guérilla.
RW : vous n'utilisez donc pas le terme
d'" armée populaire " ?
Prachanda : nous utilisons
le terme d'armée populaire au sens théorique. Mais
comme nom formel de l'armée, nous ne disons pas "
c'est notre APL, Armée Populaire de Libération ".
Nous avons une armée populaire, mais nous n'avons pas appelé
cette forme d'organisation l'" Armée Populaire de
Libération ". Maintenant nous avons le but de former
des compagnies. Nous sommes organisés maintenant jusqu'à
la section. Et vous avez vu la force armée spéciale
- c'est un pas en avant dans la formation des compagnies.
Lorsque nous soutiendrons la formation d'une compagnie, où
il y a deux, trois, quatre compagnies, et, en même temps,
des sections ailleurs - alors nous dirons que c'est notre puissante
armée. Notre vision est que lorsque nous avons des compagnies,
alors nous aurons une armée puissante pour avoir une base
d'appui. C'est également l'autre critère.
Et pour établir des bases d'appuis est nécessaire
une situation nationale et une situation internationale particulières.
Cela signifie de grandes contradictions dans les classes dominantes
- elles se battent entre elles - et il y a également une
situation instable avec l'Inde.
Parce que pour nous, au final, nous aurons à nous battre
avec l'armée indienne. C'est la situation. C'est pourquoi
nous devons prendre en compte l'armée indienne. Lorsque
l'armée indienne viendra avec ses milliers et milliers
de soldats, cela sera une grande chose. Mais nous n'avons pas
peur de l'armée indienne parce, en un sens, cela sera une
très bonne chose.
RW : vous pourrez leur prendre plein
d'armes
Prachanda : oui, ils vont nous donner beaucoup d'armes.
Et beaucoup de gens vont les combattre. Cela sera une guerre nationale.
Et cela sera une très grande chose. Ils auront beaucoup
de difficultés à intervenir. Cela ne sera pas facile
pour eux. Mais s'ils sont assez stupides pour oser
Ils oseront,
ils seront obligés. Ils feront cette stupidité.
Nous devons nous préparer à cela. Et pour cette
raison nous disons que nous aurons également besoin d'une
situation internationale particulière. Et, pour nous, cela
a principalement affaire avec l'Inde, l'expansionnisme indien.
Lorsqu'il y aura une situation instable en Inde et une forte base
de masse en soutien à la guerre populaire, et qu'il y a
des contradictions à l'intérieur de la classe dominante
indienne - à ce moment-là nous pouvons conquérir,
nous pouvons établir et déclarer que nous avons
des bases d'appui, que nous avons un gouvernement.
Lorsque nous déclarerons que nous avons une base d'appui,
alors nous ferons formellement un gouvernement central. Nous pensons
que lorsque le Rolpa, le Rukum, le Jarjakot, le Salyan seront
une zone libérée, alors nous proclamerons la République
Populaire du Népal - le gouvernement de la République
Populaire du Népal. Ce gouvernement sera au centre, et
il y aura aussi des bases d'appui, des zones de guérilla,
de futures zones de bases d'appui, différents types de
zones. Mais lorsqu'une base d'appui sera déclarée,
alors la République Populaire du Népal sera aussi
déclarée.
C'est pourquoi, pour maintenant, nous ne disons pas que nous avons
établi des bases d'appui. Mais dans un sens pratique vous
comprenez que, lorsque vous êtes allés au Rolpa et
au Rukum, il y a un certain type de base d'appui - où nous
exerçons le pouvoir. Nous collectons les taxes, nous tenons
des cours [de justice] populaires, nous contrôlons les forêts,
toutes ces choses.
Là nous avons l'unité, la section, la force spéciale.
Et la police n'ose pas venir dans ces zones. C'est un type de
base d'appui préliminaire. C'est le processus de formation
des bases d'appui.
RW : clarifions les choses. Vous avez
dit qu'une fois une base d'appui formée la République
Populaire du Népal serait proclamée. Vous dites
qu'elle sera proclamée avant la prise du pouvoir dans l'ensemble
du pays ?
Prachanda : nous n'avons pas
exactement dessiné un plan détaillé. Mais
en général notre réflexion est que, lorsque
nous serons en position de déclarer pour la première
fois une base d'appui dans une région du pays, d'autres
régions devraient être bientôt des bases d'appui.
Comme dans les régions orientale et centrale, une forme
de pouvoir devra être exercé ouvertement. Jusque
là, nous ne pouvons pas faire une zone libérée
à l'ouest. Mais avec cette situation nous pouvons organiser
un grand mouvement de masse à Katmandou comme dans d'autres
villes. Nous pensons comme cela. Ce n'est pas finalisé
et cela n'a pas encore été décidé.
Mais nous pensons généralement qu'au Népal
nous pouvons faire comme cela, parce que nous avons déjà
un front uni central. Et nous avons un plan pour faire de ce front
uni un outil pour la lutte révolutionnaire au niveau central,
une arme pour le pouvoir populaire, au niveau local. C'est notre
définition du front uni. Au niveau local cela devrait être
un instrument pour exercer le pouvoir. Au niveau central cela
devrait être un instrument de propagande et de lutte révolutionnaire
de masse.
Lorsque ce type de situation se développera, alors nous
pourrons faire de front uni central une forme de république
populaire, une forme de république populaire d'une valeur
de propagande, d'une valeur politique, et écraser l'ennemi
et soulever les masses. Au niveau central, nous aurons à
former une forme de gouvernement. Mais avant cela nous ne dirons
pas que nous avons une forme de gouvernement - c'est un front
uni.
RW : proclamer un nouveau gouvernement
aurait aussi des implications internationales parce que vous demanderez
une reconnaissance internationale.
Prachanda : oui, une reconnaissance
internationale - toutes ces choses que nous aurons à faire.
A notre quatrième congrès ces questions se sont
posées. Devrions nous dire maintenant que nous avons un
gouvernement formel ? Non, cela serait prématuré.
Nous devons dire que c'est prématuré, ce n'est pas
encore le temps de dire cela. Mais si nous regardons tout le processus
de développement, nous voyons qu'en fin de compte à
un moment nous aurons à déclarer un nouveau gouvernement
et un président et une république, les ministères
et toutes ces choses. Et nous dirons aux masses mondiales que
c'est un gouvernement du peuple.
Nous disons également que nous ne libérerons pas
seulement deux, trois, quatre districts sans nous occuper des
autres régions ou de la capitale. Au Népal lorsque
nous libérerons une zone et déclarerons notre gouvernement
- et c'est notre base dans la région occidentale - alors
nous aurons besoin d'un plan clair et précis pour l'ensemble
du pays et des masses. Il devra y avoir une grande révolte
des masses dans les autres parties du pays. Sans cette révolte
de masse et cette lutte de masse dans toutes les futures zones
d'appui et les zones de guérilla en même temps, alors
militairement nous ne serons pas capable de maintenir notre base
d'appui. Parce qu'à ce moment là l'Inde viendra
également à nous, et les forces de police seront
centralisées pour nous écraser. Alors des milliers
de gens seront massacrés.
RW : ainsi une base d'appui ne peut être
qu'établi que si la guerre populaire est forte dans tout
le pays.
Prachanda : oui, c'est notre
perspective.
RW : peut-être pourriez-vous parler
brièvement de la question de la construction d'une nouvelle
culture dans le peuple. En particulier, il y a deux choses qui
m'ont frappé lors de mes voyages. La première, c'est
la culture particulière de sacrifice et de dévouement
au parti, et le rôle que cela joue dans le développement
de la guerre populaire et de la conscience révolutionnaire
du peuple. La seconde chose est moins générale,
il s'agit de la question du développement de la culture
de rébellion contre les traditions féodales et la
révolutionnarisation des rapports sociaux dans le peuple.
Prachanda : en ce qui concerne
cette question j'aimerais dire que former les masses à
l'esprit de sacrifice est très important, parce qu'à
l'époque de l'impérialisme et de la révolution
prolétarienne, dans la situation entière aujourd'hui,
sans sacrifice, sans effusion de sang, nous ne pouvons pas prendre
le pouvoir, et nous ne pouvons pas transformer l'ensemble de la
société sur une nouvelle base.
C'est pourquoi il est question de sacrifice, d'effusion de sang,
comme vous avez à l'ouest avec les martyrs. Les gens veulent
devenir des martyrs. Les gens sentent que devenir martyr c'est
être respecté. C'est le grand sentiment qui nous
permet de changer l'entière perspective prévalant
dans cette société : féodale, individualiste
et anarchiste. Quand vous vivez parmi ces camarades, ces familles
des martyrs, leurs frères, mères, fils - vous voyez
qu'il y a une sorte de transformation culturelle existant en eux
et leurs sentiments.
Lorsqu'un camarade tombe en martyr nous en faisons vigoureusement
une question de fierté et d'importance historique. Et le
père et la mère, les parents du martyr, sentiront
alors que " maintenant mon fils est mort, mais il y en a
des milliers et des milliers d'autres qui sont maintenant mes
fils ". C'est le grand sentiment. C'est le grand changement
qui a eu lieu. Ces parents qui voient que " chacun est mon
fils - des centaines de jeunes sont maintenant mes fils ".
Cette entière culture féodale et individualiste,
sectaire, qui a prévalue, a été mis sens
dessus dessous. Nous encourageons, pour notre révolution
culturelle, ce type de sacrifice, et nous glorifions ce type de
sacrifice. Parce que nous savons qu'en cette époque, en
cette situation mondiale aujourd'hui, des milliers et des milliers
de gens auront à se préparer pour se sacrifier.
Mao a dit que s'il y a une troisième guerre mondiale, tout
le monde ne pourra pas être tué. Peut-être
que la moitié de la population disparaîtra et que
l'autre moitié restera et un autre monde apparaîtra.
Mao n'était pas irresponsable en disant cela. L'esprit
de ce qu'il a dit ne consiste pas en ce que des millions de gens
devraient mourir. C'était l'esprit de faire un nouveau
monde. C'était l'esprit de changer le monde.
Et, dans un sens plus général, vous avez demandé
globalement comment changer le féodalisme. Il y a deux
questions ici, je pense. D'abord le parti doit avoir un plan complet,
et il doit y avoir des efforts complets pour le faire. Il doit
y avoir une ligne idéologique et politique développée
et formée à changer les relations féodales.
Ensuite nous devons faire un plan concret pour chaque région.
Parce que, comme je l'ai dit, bien que le Népal soit petit,
il est grand. Il y a beaucoup de sortes de culture ici. Et on
ne peut pas faire un plan pour chacune d'entre elles.
Pour toute la région himalayenne, nous devrons faire
un plan complet, regarder aux problèmes culturels, les
chaînes traditionnelles, les différents types de
problèmes tribaux qu'il y a. Et dans la région montagneuse,
dans la région occidentale, comme vous l'avez vu, il n'y
a pas beaucoup de temples. Mais lorsque vous allez à Katmandou
il y a tellement de temples - c'est une capitale de temples. C'est
pourquoi nous devons faire un effort conscient pour chaque région,
pour chaque nationalité. Quelles sont leurs chaînes
traditionnelles, quelles sont les exploitations féodales
et les oppressions féodales qui prévalent pour telle
nationalité - nous devons faire des efforts pour écraser
consciemment ces choses.
Et le dernier point est que la question principale est la lutte.
Dans le processus de lutte, les masses se transforment elles-mêmes.
La lutte est le moyen principal de transformation. Les autres
choses sont secondaires.
RW : pour continuer cette question, il
y a le rôle particulier des femmes dans la guerre populaire
et la question de briser l'oppression féodale des femmes.
Une chose que nous avons apprise de la lutte de classe et du processus
révolutionnaire en Chine est qu'il y a une relation dialectique
entre la lutte idéologique et politique - transformant
la réflexion des gens - et la transformation des rapports
sociaux actuels, économiques et familiaux qui bloquent
les femmes, qui empêchent les femmes de jouer un rôle
égal dans la société.
En d'autres termes, tant que les femmes ont toujours la responsabilité
de s'occuper des enfants et des tâches ménagères,
ce genre de choses, elles seront empêchées de jouer
un rôle complet dans la société et dans la
révolution. Ainsi de nouvelles formes ont à être
trouvé dans la société pour résoudre
cette contradiction. Et c'est un processus de lutte de classe
au sein du peuple - transformant la réflexion du peuple
pour changer les institutions et développer de nouvelles
institutions révolutionnaires qui changent les rapports
entre les gens et par la suite transforment leurs réflexions.
Peut-être pourriez-vous parler de ceci par rapport à
ce qui a été réalisé dans la guerre
populaire au Népal - et ce qui reste à faire, y
compris amener les femmes à des niveaux supérieurs
de direction et de responsabilité.
Prachanda : avant l'initiation,
la question féminine n'avait pas été débattu
sérieusement dans notre parti. C'était notre faiblesse.
Et dans notre société la domination masculine, les
rapports féodaux ont prévalu pour une longue période.
En termes généraux nous étions d'accord,
oui, la question féminine est importante. En tant que communiste
nous connaissons ces choses. Mais dans un sens concret, dans un
sens sérieux, je dirais qu'avant l'initiation nous n'étions
pas sérieux en ce qui concerne la question féminine.
Et comme nous n'étions pas sérieux, beaucoup de
femmes camarades n'étaient pas en première ligne
de notre mouvement. Il y avait des femmes sympathisant et quelques
organisatrices, mais il n'y avait pas beaucoup d'effort pour développer
les femmes camarades.
Alors juste après l'initiation la question s'est posée
- elle est arrivée brutalement. Et particulièrement
dans mon expérience, j'ai été très
ému quand, durant la première année après
l'initiation, j'ai vu le sacrifice des femmes dans la région
principale, dans les zones de combat - leur militance, leur héroïsme,
et leur dévouement. Lorsque j'ai vu des masses féminines
venir sur le champ, alors nous avons commencé à
débattre sérieusement de la question féminine.
Et maintenant la situation dans le parti, plus ou moins, a globalement
changé, pour voir la question féminine d'un point
de vue prolétarien. Nous avons tenté de comprendre
à partir de différents angles la question féminine
- quelle est la signification de la question féminine,
quelle est son importance politique et théorique, et quelles
sont les implications pratiques dans la lutte de classe et l'ensemble
de la perspective historique ?
Et d'un point de vue pratique, je voudrais dire que parmi les
nationalités opprimées il n'y a pas tellement de
domination masculine. Il y a une sorte d'égalité.
Chez certaines nationalités les femmes sont considérées
comme plus importantes - les veuves sont considérées
comme plus importantes que les hommes.
RW : à quelles nationalités
vous référez vous ?
Prachanda : principalement
les nationalités mongols, principalement Magar, et principalement
au Rolpa et Rukum. Ici il n'y a pas tant de domination masculine.
Les femmes peuvent facilement divorcer, et si une femme se remarie
la communauté ne la regarde pas comme une mauvaise femme.
Les traditions sont très différentes. De plus de
plus de cadres femmes militantes et révolutionnaires viennent
de ces nationalités. Et nous faisons pour le mieux pour
développer la direction de ces camarades.
Avant l'initiation il n'y avait pas de femmes dans les comités
de districts. Maintenant il y en a. Au Rolpa, il y a trois ou
autre camarades femmes dans le comité de district, et il
y a également des femmes au niveau du secrétariat.
Et il y a des camarades femmes qui dirigent des comités
de parti de zones entières, qui dirigent des unités
entières. Elles font toutes ces choses. Il y a également
certains secrétaires des comités de districts, de
nouvelles camarades femmes qui ont été formées
et qui ont fait du bon travail. Et vous avez vu dans un district
de l'est, la secrétaire du comité de district est
une camarade femme. Et dans un autre district, à côté
de la frontière indienne, il y a également un camarade
femme secrétaire d'un comité de district. Dans les
comités de district, il y a maintenant entre 40 et 50 femmes.
Cela montre un grand changement dans notre structure nationale
et comment nous développons les qualités de commandement
des femmes.
Nous essayons également d'amener les femmes au niveau de
la direction régionale, et nous essayons de les former
pour la direction du comité central.
Chez les nationalités opprimées, il y a beaucoup
de potentiel pour le développement de la direction prolétarienne
dans les masses féminines. Et nous concentrons notre attention
et centralisons nos efforts ici pour développer la direction
des femmes. Il y a également beaucoup de potentiel pour
développer la direction des femmes parmi les ouvriers.
RW : Qu'en est-il des obstacles pratiques
auxquels la femme fait face à la maison, en terme de jouer
un rôle plus grand ? Par exemple, lorsque j'ai voyagé,
j'ai vu beaucoup de femmes avec des enfants en bas âge,
et c'est un problème. Certaines femmes peuvent avoir de
la famille pour s'occuper de leurs enfants, mais cela n'est pas
toujours possible. Y a-t-il une perspective pour socialiser plus
le travail ménager et le fait de s'occuper des enfants?
Prachanda : à ce stade,
les problèmes pratiques auxquels sont confrontées
les femmes camarades, on peut dire que c'est tout le parti qui
y est confronté, consistent principalement en le fait de
s'occuper des jeunes enfants. Quand des membres d'unités
tombent enceintes et ont leurs bébés, il y a la
question de savoir qui va s'occuper de l'enfant. Certaines femmes
ont un bon esprit et continuent de travailler, mais les problèmes
pratiques de s'occuper du bébé deviennent un grand
obstacle.
Dans la région principale, ce que le parti essaie de faire
est pour l'instant, quand une femme a un bébé, de
l'amener dans une zone sûre parmi les masses pendant 6 mois.
Elle ne revient pas à son propre domicile, et elle est
parmi les masses, continuant ce qu'elle peut faire comme travail
au niveau local. Puis, après 6 mois, elle peut voyager
avec son enfant et d'autres camarades peuvent s'occuper de l'enfant,
et les femmes camarades peuvent alors partir, parler et organiser.
C'est le genre de choses que des centaines de femmes font. Et
quand l'enfant a un an, alors les masses ou les organisations
de masse peuvent s'en occuper et la femme camarade peut revenir.
Maintenant, localement, le parti est en train de discuter de savoir
comment organiser la gestion de l'enfance. La question se présente
pratiquement d'elle-même en ce moment. En certains endroits,
il y a des plans de formation d'une maison de l'enfance où
des camarades qui ont une bonne expérience et un bon esprit
iraient et travailleraient. Ce plan n'est pas finalisé,
mais est discuté.
Le parti ne presse également pas directement, mais encourage
fermement les camarades hommes et femmes, les couples, à
ne pas avoir d'enfants pour l'instant, de ne pas avoir de bébé
pour cinq ou sept ou dix ans parce que cela serait un grand problème
pratique. Nous expliquons cela quant à cette question,
c'est aussi une sorte de sacrifice. Nous avons à sacrifier
- ne pas avoir de bébé. Et il y a beaucoup de cas
où les couples n'ont pas encore d'enfants. Mais essayer
de ne pas avoir d'enfants pose un autre problème, parce
que le Népal est très arriéré et qu'il
n'y a pas de centres de soin, pas de docteurs.
RW : vous parlez du manque de contraceptifs
?
Prachanda : quand une femme
tombe enceinte il se pose la question de l'avortement - elles
veulent avorter. Et après de nombreux avortements la condition
physique de la femme est affaiblie.
RW : de fait le contrôle des naissances
est pratiquement une question pressante.
Prachanda : oui, une question
pressante. Nous disons aux camarades que cela aiderait de ne pas
avoir de bébés pour l'instant. Mais s'ils ont un
enfant alors nous organiserons les masses pour résoudre
le problème de s'occuper des enfants. Et il y a beaucoup
de cas où les femmes ont un bébé et, quand
on s'occupe de l'enfant en-dehors de l'organisation du parti,
alors elle se fait arrêter. Il y a beaucoup de femmes camarades
en prison dans la région occidentale à cause de
cela.
RW : parce qu'elles avaient à partir
pour des zones sûres ?
Prachanda : si elles quittent
les zones sûres en dehors du contrôle de notre organisation
alors elles sont capturées par l'ennemi. Ce problème
existe aussi. En ce qui concerne les femmes, je voudrais dire
qu'un autre grand problème est le développement
de la direction
RW : et l'analphabétisme est un
grand obstacle pour les femmes, n'est-ce pas ? A cause du faible
niveau théorique, du niveau d'éducation, qui forme
un obstacle pour les femmes venant à des niveaux supérieurs
de direction.
Prachanda : oui, c'est également
une question. Maintenant au niveau local nous essayons de développer
un système d'éducation local pour enseigner aux
femmes camarades à lire et écrire - une école
du soir. De telles choses sont en cours d'être fait. Mais
cela sera un long processus. Un processus prolongé. Cinq,
dix, vingt années seront nécessaires pour alphabétiser
tout le monde. Nous devons apprendre aux femmes camarades à
lire et à écrire. Il y a beaucoup de femmes camarades
qui maintenant savent désormais lire et écrire,
et nous faisons de notre mieux pour les amener à la direction.
Mais l'analphabétisme est un grand problème, et
nous tentons d'élever le niveau d'alphabétisation
dans les masses en général.
RW : avant que nous ne terminions, pouvez-vous
nous parler brièvement de votre parcours personnel, de
telle manière que les gens sachent quelque chose de vous.
Quel est votre histoire politique ? Qu'est-ce qui a marqué
votre pensée révolutionnaire et vos activités
? Comment est-ce que la lutte de classe, au Népal et au
niveau international, a joué sur vous ?
Prachanda : je viens d'une
famille de paysans pauvres de la région centrale, de Pokhara.
Mais à cause des pauvres conditions de vie, ma famille,
mes parents, partirent de Pokhara, des zones montagneuses, pour
la région du Terai, le district du Chitwan. Toute ma jeunesse,
l'école, était dans le district de Chitwan. Et j'ai
commencé à être influencé par l'idéologie
communiste il y a 28 ans, lorsque j'avais 17 ans. A ce moment-là
il y avait de grands mouvements de masse dans la région.
Il y avait des mouvements étudiants. Il y avait des mouvements
de masse opposés à l'expansionnisme indien. Toutes
ces choses m'ont impressionné. C'est une zone avec de grandes
forces bourgeoises comprador indiennes et beaucoup d'exploitation.
Toutes ces choses m'ont marqué. Et encore plus, ce qui
m'a impressionné, m'a convaincu, cela a été
la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en
Chine. Mao, la révolution culturelle, tous les mouvements
anti-révisionnistes : toutes ces choses m'ont marqué.
Il y a 28 ans je suis devenu un communiste, je suis devenu un
membre du parti. Et après quelques temps, il y a eu une
grande lutte entre deux lignes, et j'étais en liaison avec
des camarades révolutionnaires au quatrième congrès
du parti. Dans le processus de lutte entre deux lignes, je suis
rentré en contact avec des camarades révolutionnaires
plus âgés que moi, et nous avons eu un contact serré,
des discussions, et des débats.
Et il y avait un grand mouvement progressant dans la lutte de
classe. Il y a vingt ans il y a eu un grand mouvement de masse,
et dans mon district un grand mouvement de femmes et un grand
mouvement paysan. Cela a formé l'environnement amenant
au développement de ma réflexion révolutionnaire.
En même temps, il y avait une grande lutte entre deux lignes
dans le parti, et j'ai continuellement été avec
la ligne révolutionnaire. Et quand il y a eu la scission
avec Dumdum (M.B. Singh), alors collectivement nous les camarades,
l'équipe principale du comité central, avons tenté
d'étudier l'ensemble du processus international, le mouvement
communiste international, le mouvement communiste népalais.
Et ma réflexion s'est développé dans ce processus.
RW : la lutte contre le révisionnisme
a été très importante
Prachanda : mon trait principal
est que je hais le révisionnisme. Je hais sérieusement
le révisionnisme. Et je ne fais jamais de compromis avec
le révisionnisme. Je me suis battu et battu avec le révisionnisme.
Et la ligne correcte du parti est fondée sur le processus
de lutte contre le révisionnisme. Je hais le révisionnisme.
Je hais sérieusement le révisionnisme.
RW : je voudrais examiner plus en avant
vos commentaires à propos de la situation internationale
et, en particulier, la signification de la guerre populaire au
Népal en tant qu'élément de la révolution
mondiale. Quelle est votre réflexion à ce sujet,
en deux temps - comment est-ce que la guerre populaire au Népal
peut renforcer le mouvement international et comment le mouvement
communiste international peut renforcer la guerre populaire au
Népal, leur relation dialectique?
Prachanda : il y a objectivement
une relation dialectique entre la guerre populaire au Népal
et l'ensemble de la situation internationale et du mouvement.
Et ce que nous pensons, et ce que je pense, est qu'une nouvelle
vague de la révolution, de la révolution mondiale,
est en train de commencer, parce que l'impérialisme fait
face à une grande crise. Certaines personnes pensent qu'économiquement
et culturellement l'impérialisme est dans une crise plus
profonde qu'avant la seconde guerre mondiale. Il y a beaucoup
de symptômes de changement radical que les mouvements populaires
sont en train de voir dans le monde entier. Et quant à
la base économique, culturelle et politique, nous voyons
qu'une nouvelle vague de la révolution mondiale est en
train de commencer. C'est un fait. Nous avons à comprendre
cette question, parce que comme Mao l'a dit, il y aura de 50 à
100 années de grand bouleversement et de grandes transformations.
D'un point de vue pratique, la guerre populaire au Népal
contribue à former et à accélérer
cette nouvelle vague de la révolution. Et cela contribue
à l'organisation du mouvement communiste international
sur une base maoïste. Et le maoïsme doit être
au poste de commande de cette nouvelle vague de la révolution
mondiale. La guerre populaire au Pérou a fait du bon travail
en établissant le maoïsme. Nous pensons également
que le Parti Communiste Révolutionnaire des USA a fait
un bon travail, idéologiquement et politiquement, en ce
qui concerne la lutte contre le révisionnisme et l'établissement
du maoïsme. Et notre parti et la guerre populaire au Népal
est également en train d'accélérer ce processus.
Maintenant, subjectivement, les forces prolétaires sont
faibles - après la mort de Mao et la contre-révolution
en Chine.
Le Népal est un petit pays, nous sommes un petit parti
- mais nous avons une grande perspective. Notre guerre populaire
peut être l'étincelle, une étincelle pour
mettre le feu à la prairie. Nous avons également
vu que durant ces trois années de guerre populaire les
communistes indiens et les masses indiennes ont été
d'une certaine manière impressionné. Et il y a eu
des milliers et des milliers de personnes à New Delhi en
train de crier " Vive la guerre populaire au Népal
! Nous soutenons la guerre populaire au Népal ! ".
A chaque coin de rue en Inde la guerre populaire au Népal
est le sujet du débat.
Nous menons la guerre populaire sous la bannière du marxisme-léninisme-maoïsme.
C'est pourquoi nous pensons que cela a joué un rôle
très important et significatif dans les masses révolutionnaires
indiennes et dans le débat idéologique du mouvement
communiste indien. Cela a également aidé le Mouvement
Révolutionnaire Internationaliste à montrer le révisionnisme
international, le révisionnisme moderne, le révisionnisme
en Chine et le révisionnisme russe. Au Népal il
y a un grand parti révisionniste et beaucoup d'influence
révisionniste. Et la guerre populaire a joué un
très grand rôle en montrant tout cela.
Cette guerre a changé le nom du pays lui-même - l'identité
du pays. C'était un pays très arriéré,
pauvre mendiant. Mais maintenant c'est un pays de héros,
de héros prolétariens. Et maintenant, sur le mont
le plus haut du monde, le Sagarmatha [le mont Everest] - il y
a le drapeau rouge.
Cela se verra du monde entier. Les gens diront : quel pays est-ce,
le Népal ? C'est le pays avec le mont le plus haut. Que
se passe-t-il là-bas ? Une révolution prolétarienne
héroïque, il y a la guerre populaire. Cela se verra.
C'est pourquoi nous pensons que nous avons une grande responsabilité,
que nous faisons face à un grand défi dans l'actuelle
situation internationale. Et nous ferons de notre mieux. Nous
devons faire de notre mieux, jusqu'à la fin, pour accomplir
notre devoir et notre responsabilité.