Pourquoi
la marche zapatiste?
Le
1er décembre 2000, Vincente Fox Quesada devenait le nouveau président
des Etats-Unis mexicains. Cet prise de possesion du plus haut poste
de la république était un événement historique. Car, depuis la révolution,
un seul et unique parti (PRI) avait occupé cette fonction.
Lors de son discours d'investiture, le nouveau mandataire lança
un vibrant "Jamais plus un Mexique sans vous". Mr Fox voulait
ainsi montrer qu'il allait "s'occuper prioritairement" de la question
indigène. Car, en effet, la phrase "Jamais plus un Mexique sans
nous" était le slogan adopté par le Congrès
National Indigène, en 1996. Le nouveau président était-il en
train d'inventer une sorte de nouveau populisme gouvernemental,
comme le pense Adelfio Regino Montes (1) ?
En tout cas, depuis le début, les indigènes et la brûlante question
chiapanèque sont au centre de son discours-marketing.
Dès
le premier décembre, le nouveau gouvernement voulut faire
preuve de sa bonne foi et annonça qu'il enverrait au Congrès
de l'Union le document élaboré par la première Commission de Concorde
et de Pacification (COCOPA) afin de convertir en réformes constitutionnelles
et légales les Accords de San Andrès Larrainzar (voir ci-dessous).
Ce même jour, le président ordonna un très relatif retrait des troupes
militaires des "zones" zapatistes.
Face
à ces gestes de bonne volonté, l'Ejército
Zapatista de Liberación Nacional (EZLN) rompit un long silence
de plus de 5 mois et organisa, le lendemain, une conférence de presse
à La Realidad. Par la voix du Subcommandante Marcos, l'armée indigène
exposa ses conditions pour une éventuelle reprise du dialogue de
paix. Ces conditions sont au nombre de trois:
-
L'accomplissement et la transformation en loi des Accords de
San Andrès Larrainzar;
- Le retrait et la fermeture de 7 positions militaires au Chiapas;
- La libération de tous les Zapatistes prisonniers au Chiapas ou
dans d'autres Etats.
A
ces conditions, le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène,
organe de direction de l'armée zapatiste, ajouta son intention d'envoyer
une délégation de la Comandancia Zapatista à la capitale fédérale
en février de cette année.
Nous sommes aujourd'hui le 24 février, jour du début de la fameuse
marche zapatiste vers la Ciudad de Mexico. Qu'en est-il exactement
de ces conditions pour la reprise des négociations et qu'en est-il
de cette marche historique?
Les
3 conditions
(1)
La dite "loi COCOPA"
Cette
loi fut élaborée en 1996 par les législateurs de la Commission de
Concorde et de Pacification (COCOPA). Ces législateurs appartenaient
tous aux 4 partis politiques principaux du Mexique, à savoir le
PRI, le PAN, le PRD et le PT. Cette proposition de loi, ce n'est
donc pas les Zapatistes qui l'ont rédigée, mais des élus mexicains.
Elle reprend la plus grande partie des accords de San Andrès
Larrainzar, signés par le gouvernement PRIiste et l'E.Z.L.N.
en février 1996.
La dite "loi COCOPA" est soutenue par les représentants des organisations
indigènes de toutes les ethnies du Mexique regroupées au sein du
Congrès National Indigène. Elle a été, ces quatre dernières années,
âprement discutée et analysée, partout à travers le pays, dans de
nombreuses communautés indigènes.
En fait, à travers cette loi, les indigènes, et pas seulement les
Zapatistes, demandent que soit respecté leur droit à être différent,
à avoir leur propre culture, leur propre histoire, leur propre langue,
leur propre forme d'organisation sociale,…
Pour ce qui est de l'actualité politique, Mr Vincente Fox Quesada
a bien envoyé, le 5 décembre 2000, cette proposition de loi au Sénat
de la République, mettant en pratique ce qu'il avait promis durant
sa campagne électorale.
Si réforme constitutionnelle il y a, elle bénéficiera aux 56 peuples
indiens que comptent le Mexique, c'est-à-dire à environ 15 millions
d'indigènes (10 millions selon le gouvernement).
Mais, au Sénat fédéral, il y a trois propositions de loi sur le
même thème. Celle que soutient l'Armée Zapatiste de Libération Nationale,
celle de l'ancien président Zedillo (2) et
celle du Parti de l'Action Nationale, organisation politique de
droite d'où provient Mr Fox.
(2)
Démilitarisation du Chiapas
Sur
les 7 retraits de campements militaires qu'exigent l'EZLN pour reprendre
le processus de paix, seul 4 ont été effectivement démantelés.
Il y a 259 campements militaires au Chiapas. Les Zapatistes ne demandent
pas la démilitarisation de l'Etat, mais seulement que 7 campements
soient levés définitivement. Ce nombre de 7 bases est purement symbolique
mais montrerait, s'ils étaient fermés, que le gouvernement
fédéral est prêt à abandonner la voie des armes et de la violence.
(3)
Prisonniers zapatistes
La
question de la centaine de prisonniers n'a pas, non plus, été résolue.
25, seulement, ont été libérés à ce jour.
La Jornada de ce samedi 24 février annonce que 25 autres
seront libérés aujourd'hui. C'est toujours cela de pris diront les
éternels optimistes, mais c'est insuffisant.
En plus, le nouveau président de la république n'a pas fait grand
chose pour cela. C'est le nouveau gouverneur chiapanèque - du PAN
également - qui a pris l'initiative de rendre légitimement leur
liberté à ces prisonniers politiques.
Mr Fox pourrait faire pression sur les gouverneurs des Etats du
Tabasco et du Querétaro (3) où sont aussi
détenus des militants de la cause zapatiste.
La
Marcha al D.F.
La
Marche zapatiste commence donc aujourd'hui, 24 février 2001. Elle
partira officiellement de San Cristobal de Las Casas au Chiapas
et arrivera à la capitale le 11 mars après avoir traversé 12 états.
La
délégation zapatiste sera composée de 24 membres de la Comandancia
Zapatista, dont le célèbre Subcommandante Marcos.
Cette délégation se rend à la ville de Mexico sur sa propre initiative
avec pour objectif de discuter avec le Congrès de l'Union (le parlement),
la société civile et les peuples indigènes de la fameuse proposition
de loi "COCOPA".
La mobilisation de la société civile est organisée à travers le
Centro de Información
Zapatista (CIZ).
Ce centre reçoit les propositions de la dite socété civile pour
l'EZLN qui répondra et informera également à travers le CIZ.
Le voyage sera financé par la société civile, encore elle.
Il aura normalement lieu en bus.
La délégation zapatiste effectuera le même trajet que celui d'Emiliano
Zapata au début du siècle durant la révolution mexicaine. Espérons
qu'elle ne connaissent pas le même sort que cet illustre personnage
historique
En
vertu de la "loi pour le dialogue, la réconciliation et la paix
digne au Chiapas", les délégués de l'EZLN seront protégés contre
une éventuelle arrestation. Ils voyageront désarmés - c'est normal,
ils accomplissent cette marche historique pour débattre et soutenir
la proposition de loi pour les droits et la culture indigènes.
Ce qui a provoqué beaucoup de faux débats au sein du cirque politique
mexicain, c'est le fait que les délégués zapatistes garderont leur
passemontagne durant leur voyage. Explication de Marcos: "le
passemontagne est un symbole du zapatisme. Le passemontagne signifie
que le gouvernement ne regardait pas les indigènes quand ils se
montraient, et, maintenant qu'ils ont couvert leur visage, ils les
voient."
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