Celles et ceux qui ont l'opportunité de suivre de près les comportements de nos média savent bien que la presse professionnelle a une étonnante propension à sur-médiatiser certains thèmes en particulier, comme par hasard au moment même où le pouvoir politique voudrait rendre l'opinion publique favorable à certains projets (nouvelles lois, élections, etc). Ainsi la campagne électorale présidentielle en France (2002) a été caractérisée par une gigantesque campagne de conditionnement des masses. Entre le 7 janvier et le 5 mai 2002, date du 2e tour des présidentielles, la télévision française, toutes chaînes confondues, a consacré 18.766 sujets à la violence. Vous avez bien entendu : près de 20.000 sujets dédiés aux crimes, petits et grands, aux jets de pierre et aux vols de voiture, aux braquages et aux interventions policières. Soit une moyenne de 987 sujets par semaine et une croissance de 126 % de ces matières, et cela alors que les crimes et délits n'ont nullement progressé durent cette période (Ces chiffres proviennent d'une enquête publiée dans Le Monde, mais que l’ensemble des média ont très peu relayés). Cette campagne de conditionnement a permis de booster Le Pen au premier tour --> d'éliminer Jospin. Ensuite une campagne de "mobilisation citoyenne" orchestrée par cette même presse a permis à Chirac d’emporter le second tour. A nouveau président, Chirac a la garantie d'échapper de facto aux six affaires judiciaires dont il faisait l'objet. Puis, le 3 juillet 2002, le premier ministre Rafarin, nommé par Chirac, a annoncé que les services de police engageront 13.500 personnes ( !) au cours des 5 prochaines années (source : AP). Comme il y a de plus en plus de gens qui parlent de révolution, mieux vaut être prudent quand on est président et tricheur notoire. Le premier ministre a quant à lui expliqué que cette mesure répondait à "l'attente des français". Les statistiques indiquaient pourtant que la délinquance à Paris a diminué de 8,6% au mois de juin 2002 par rapport à juin 2001, tandis que les faits commis sur la voie publique ont diminué de 15% (source : AP). Revenons à Jessica et Holly. Mon petit doigt me dit que dans les prochains jours la presse va, comme l’a fait récemment le président Bush, invoquer la nécessité de constituer des bases de données d'empreintes digitales et DNA de nos enfants. Je vous parie que nos amis journalistes ne vont pas s'attarder sur le fait que les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain et que donc le fichage de nos enfants revient à terme à ficher avec encore plus de détails la totalité de la population. Je vous parie également que la presse va "attirer notre attention" sur l'intérêt d'augmenter le nombre de caméras dans les lieux publics, toujours afin de protéger nos enfants. Nos amis les journalistes insisteront beaucoup moins sur le fait qu'une majorité écrasante d'études révèlent que les caméras de surveillance n'ont aucun effet notoire sur le taux de criminalité. Mais de toutes façon nous sommes des bœufs et on ne demande pas son avis à du bétail. Ainsi les trams, bus et métros bruxellois sont en train d’être équipés de caméras de surveillance capables de reconnaître des visages stockés dans des bases de données. Un chauffeur de tram me disait que les chauffeurs n’étaient pourtant pas demandeurs de caméras, mais que la décision venait de la direction des syndicats. Le fait qu'une partie grandissante de la population ne croit plus ni en la compétence ni en l'honnêteté de nos élus (voir l’explosion depuis plus d'un an du nombre de forum contestataires sur le Web) n'a peut-être rien à voir avec l'instauration (extrêmement rapide depuis le 11 septembre) de mesures de contrôle et de répression des populations ... Une dernière chose : avez-vous remarqué que les meurtres sexuels d’enfants rapportés par la presse sont toujours commis par des gens issus de milieux modestes. Cela signifierait-il qu’il n’y a aucun pervers parmi les ministres, les chefs d’entreprises, et autres notables ? Bien sûr que non, mais les riches qui prennent leur pied en violant des gosses avant de leur éclater la gueule ont les moyens de payer le prix fort à des réseaux. Un réseau c’est fort pratique car en cas de problème ce sont les « petites mains » du réseau qui se font prendre par les flics. La presse se chargera quant à elle de discréditer celles et ceux qui auraient l’outrecuidance de suggérer qu’il existe des réseaux pour fournir les riches. Et puis aussi : une grosse pointure qui a fait des grosses conneries devient très facilement manipulable par le chantage, alors pourquoi la dénoncer quand elle peut être bien utile à certaines personnes toujours prêtes à accroître leur pouvoir « d’influence » ? Aaah, quel beau métier que celui de journaliste ! La servilité a de beaux jours devant elle !