Lazaros PETROMELIDES : 4 ans de prison demain pour ses convictions pacifistes ?

Grosse mobilisation en Grèce et ailleurs autour de Lazaros PETROMELIDES : cet objecteur de conscience refuse les conditions de service civil dissuasives et punitives imposées aux Grecs qui refusent d’apprendre à tuer. Demain, je suis appelé à témoigner à son procès pour éviter qu’à quelques centaines de kilomètres de Sarajevo, un tribunal décide de ré embastiller un militant pacifiste.

La Grèce est l’un des pays européens les plus rétrogrades du point de vue du traitement qu’elle réserve aux objecteurs de conscience. C’est seulement en 1998 qu’une loi (n° 2510/1997) prévoyant la possibilité d’un service civil alternatif au service militaire est entrée en vigueur.

Mais le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, Human Rights Watch et Amnesty International considèrent toujours cette loi comme punitive et discriminatoire. Critiques en bonne partie partagées sur place par l’ombudsman de Grèce (Sinigoros tou Politi, " l’avocat des citoyens "), qui a pris l’initiative d’adresser au Parlement un rapport spécial et des recommandations visant à sortir de la logique punitive de l’actuelle législation.

 

Service civil punitif

Avec les mouvements pacifistes et anti-militaristes et des organisations comme le Bureau européen de l’objection de conscience (BEOC-EBCO), l’Association des objecteurs de Grèce s’est mobilisée pour de nombreux cas depuis une vingtaine d’années. Elle a obtenu voici cinq ans la reconnaissance légale de l’objection de conscience (qui n’est plus considérée en tant que telle comme une infraction passible de poursuites pénales). L’Association considère l’acharnement dont Lazaros PETROMELIDES est victime comme particulièrement illustratif du caractère inique de la loi 2510/97.

Economiste, Lazaros travaille depuis six ans dans le secteur de l’aide sociale aux migrants et aux réfugiés. A 39 ans, il est marié et père de Christos, 10 ans. C’est typiquement " un militant de la paix par des moyens de paix ". Il est astreint à un service civil sept fois et demi plus long que le service militaire qu’il aurait à prester s’il faisait le deuil de ses convictions.

En effet, un Grec qui aurait par exemple étudié à l’étranger avant de regagner le pays n’est tenu, lui, qu’à une formalité de 3 à 6 mois de service militaire (selon qu’il est affecté à la force terrestre, navale ou aérienne).

En outre, contrairement à ce qui se passerait s’il acceptait un " service de rattrapage " à l’armée, ni la situation familiale de Lazaros, ni son âge, ni l’incidence professionnelle d’une longue interruption de carrière, ni des critères géographiques ne sont pris en considération : ce qui lui est prescrit, c’est un service de 30 (trente) mois à Kilkis, à 550 kilomètres de chez lui !

 

Répression des pacifistes à quelques encâblures de l’ex-Yougoslavie

Refusant de telles conditions de service, Lazaros PETROMELIDES a déposé un recours contre les dispositions discriminatoires de la loi 2510 à la Cour constitutionnelle en mars 1999. Mais la plus haute cour du pays n’a pas encore tranché et depuis lors, le gouvernement grec l’a déjà fait incarcérer à deux reprises à la Prison militaire de Corinthe, où il a passé en tout près de trois mois. Lazaros a été condamné à 4 ans de prison pour " désertion en temps de mobilisation militaire générale " (la Grèce est en état de mobilisation militaire générale depuis l’invasion de Chypre par la Turquie en 1974). Il a également été déchu du statut d’objecteur de conscience.

On assiste depuis l’entrée en vigueur de cette loi à un véritable " carrousel " où se succèdent détention, libération, nouvelle convocation sous les drapeaux et nouvelle arrestation. Le retard pris par la cour constitutionnelle pour rendre son arrêt dans l’affaire PETROMELIDES pourrait témoigner de l’embarras du pouvoir judiciaire grec face à ce type d’impasse. Ce cycle infernal touche particulièrement un grand nombre d’objecteurs qui se trouvent en quelque sorte " à cheval " sur l’ancien et le nouveau régime légal.

Lazaros risque donc, ce 16 avril, d’être réincarcéré. Pour une période qui pourrait être plus longue que les précédentes, en dépit du rapport de l’ombudsman et de la promesse gouvernementale de remédier rapidement à ce type de discriminations (un projet de loi serait sur le point d’être déposé au Parlement grec). Ainsi que d’une large mobilisation nationale et internationale pour le progrès des idéaux de paix dans des Balkans qui en ont plus que jamais besoin.

 

 

Vincent DECROLY

Athènes, 15 avril 2002

 

Courriels à adresser (avec copie a greekco@hotmail.com et à beoc.ebco@suport.org) pour demander, outre l’acquittement définitif de Lazaros PETROMELIDES,

- à M. Ioannis PAPANTONIOU, Ministre de la Défense

minister@mod.gr

- à M. Georges PAPANDREOU

Ministre des Affaires étrangères

mfa@mfa.gr

- à M. Kostas SIMITIS

Premier ministre

mail@primeminister.gr