Je ne suis pas du tout d'accord avec ton idée de blâmer les bris de vitrine. Et je vais même jusqu'à dire : "Merci les anarchistes car sans vous, Bruxelles aurait été une morne plaine où les gens n'aurait même pas remarqué que l'Europe en construction pose problème". A Nice, l'année passée et juste après ma première rencontre avec ce qu'on appelle communément et souvent abusivement le "Black Block", nous avons interviewé (avec un autre collaborateur Indymedia Belgium), à côté d'une voiture de la ville retournée, un niçois de près de 70 ans qui promenait son chien. Cet homme, qui adulait pourtant les Etats-Unis, disait comprendre ces jeunes car la société actuelle est invivable (insécurité physique, sociale...). En quelque sorte, il ne comprenait pas comment les habitants occidentaux, jeunes et moins jeunes, ont pu rentrer dans une telle passivité face à la société qui les oppriment. Dans les années soixante, alors que les conditions de vie étaient supérieures, la population s'affirmait bien plus radicalement. A présent, on crie au drame quand une vitrine est brisée (sur le week-end, il y en a peut-être eu six ou sept). D'autres, plus réfléchis acceptent ces formes d'actions mais ils pensent que l'impact dans les médias va nuire au mouvement. En un an et demi pendant lequel j'ai suivi divers sommet en Europe, les quelques fois où il n'y a pas eu de bris de vitrine ou d'affrontements, la presse n'a pas parlé des manifestations ou alors de manière anecdotique. Par exemple, souvenez-vous de l'impact médiatique des 15.000 manifestants de Gand le soir. Aucun média n'a parlé du rassemblement du soir mais certains ont quant même exprimé les inquiétudes des autorités face à un groupe de quelques anarchistes (dixit). Mais il faut bien faire attention quand on parle média, il faut aussi aborder la proximité des différents médias avec l'évènement. Les médias belges ne se sont certainement pas amélioré en décembre. Mais l'évènement étant plus proche d'eux et de leur audience, ils ont envoyé plus de journalistes et d'émissions spéciales pour couvrir les évènements. Pendant la présidence espagnole, ils ne parleront pas des manifestations ou uniquement, comme d'habitude, selon l’œil sensationnaliste des agences de presse internationale. En ce qui concerne D14 (et attention, j'estime qu'il y a une différence entre D14 et le réseau Un autre Monde), j'estime qu'ils ont fait du très bon boulot et s'était leur devoir de montrer qu'une partie de la population s'opposait officiellement au sommet. D'autres part, ils ont offert une liberté totale aux participants à la manif d'exprimer leur opposition à la zone rouge. Le panneaux rouge Place Boekstael était là pour le dire (« Sommet tout droit, trajet légal à droite ») . Eux, par la position officielle qu'ils endossaient ne pouvaient pas dévier du parcours, la répression aurait été trop rapide pour s'abattre sur les représentants de la coordination. Cependant, il faudrait se demander comment ça se fait qu'il n'y a pas eu de groupes qui décident de faire une action (même de désobéissance civique non violente) pour contester la zone rouge. Pour faire un parallèle avec Gênes, le GSF n'a jamais décidé d'envahir la zone rouge. Ils ont décidé de laisser leurs composantes s'exprimer librement, les groupes se sont alors chargés du reste. Je ne pense pas que c'est à la coordination hôte de décider des actions mais c'est bien à elle d'en permettre l'exécution. Je suis évidemment d'accord avec toi concernant l'infiltration de la police. La police était partout mais certainement pas pour commettre des délits comme à en Italie ou en Espagne. Dans la manif pour la paix que je suivais, la Legal Team a dénombré près de 20 policiers en civil (avec foulard et oreillette -attention à ne pas confondre avec le service d'ordre de la CNT-). Quand j'ai interrogé avec un autre média activiste, le chef des policiers en civil (c’est comme ça que je l’appelle, on le voit souvent, en civil, aux devants des manifs à Bruxelles), il a avoué sans le vouloir qu'il y avait beaucoup de jeunes recrues (18-19 ans pour certains). Il n'est pas étonnant que les policiers aient infiltré la manif anar, pas plus étonnamment qu'une autre.