Mondialisation Tous
les pouvoirs aux plus forts La dangerosité de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) est avérée. Son objectif : supprimer, à terme, tous les obstacles légaux à la libéralisation du commerce des services. Dépouiller les Etats de leur pouvoir de régulation et faire primer définitivement les intérêts des investisseurs privés sur les intérêts collectifs des populations. Assouvir, par là, la soif de profit des grands groupes privés transnationaux qui convoitent la santé, l'eau, l'éducation Pour y parvenir, l'AGCS installe une dynamique de libéralisation sans fin ou, plutôt, une dynamique dont la fin est la libéralisation totale des services. Ainsi, l'article 19 prévoit-il que des négociations successives " auront lieu périodiquement en vue d'élever progressivement le niveau de libéralisation " et que " le processus de libéralisation progressive sera poursuivi à chacune de ces séries de négociations ". Au cours de ces négociations, il s'agit de s'accorder sur les nouveaux secteurs ouverts à la concurrence. L'article 6 stipule que les lois et règlements adoptés dans un Etat en matière de qualification (ex : les critères définissant l'eau potable ou les normes de sécurité en matière de transport) ne pourront jamais être " plus rigoureux que nécessaire ", l'OMC se réservant le droit de déterminer si une réglementation nationale constitue un " obstacle non nécessaire au commerce des services ". Illustration concrète : les Etats-Unis proposent aujourd'hui que soit considéré comme une mesure " non nécessaire au commerce " le salaire minimum garanti Selon l'article premier, tombent sous l'application de l'accord " les services de tous les secteurs, à l'exception des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ". Ouf ! Les services publics sont sauvés, pense-t-on Il n'en est rien : l'article 1 définit ce qu'est un " service fourni dans l'exercice du pouvoir gouvernemental " : c'est un " service qui n'est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ". Or il est évident que les services dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'environnement sont aujourd'hui, dans l'immense majorité des pays, fournis en concurrence entre un service public et un secteur privé. Conclusion : l'AGCS s'applique aussi aux services publics. L'AGCS n'est pas nouveau : il fut ratifié par le Parlement belge à la veille des vacances parlementaires de 1995. Le PS, qui défila ostensiblement parmi les dizaines de milliers de manifestants contre l'AGCS le 15 février dernier à Bruxelles, appartenait à la majorité qui vota l'adhésion de la Belgique à l'accord Si on en parle aujourd'hui, c'est parce que nous nous trouvons à la veille d'un nouveau cycle de négociations. L'Union européenne devait, pour le 30 mars, présenter aux autres membres de l'OMC les secteurs qu'elle propose d'ouvrir à la libéralisation. A cette fin, la Commission européenne a établi une liste de ses offres, sans consulter les parlements nationaux. Elle leur a préféré les conseils éclairés du European Services Forum, lobby patronal européen, qui rassemble les 80 plus grosses entreprises européennes de services. Elle s'est aussi appuyée directement sur les travaux du Comité 133, dont la légitimité démocratique est nulle et dont la proximité avec les lobbies patronaux est établie. La Commission a ensuite transmis la liste aux ministres nationaux en charge du dossier (chez nous, c'est Annemie Neyts), en leur interdisant de la diffuser à d'autres personnes qu'aux " fonctionnaires intéressés ". Le Gouvernement belge s'est plié docilement aux injonctions de la Commission. Ce sont des fuites diverses qui ont permis de se faire une idée approximative et incomplète de la liste. Mise (un peu) sous pression par quelques députés, la ministre Neyts a finalement autorisé les parlementaires à consulter la liste des offres pendant quelques heures, sans papier ni crayon Le texte de la liste d'offres est complexe et s'étale sur plusieurs centaines de page : deux heures de consultation sans possibilité de prendre note, c'est dérisoire. Et pourtant, pas une seule fois les verts ou les socialistes n'ont exigé la communication en copie du document à chaque élu Mettre les services publics à l'abri de l'AGCS ? Ecolo et PS votent contre ! A ce jour, la Commission a sans doute rentré la liste des offres à l'OMC. Aucun débat parlementaire n'aura donc eu lieu sur la base d'une claire connaissance de son contenu par les élus. Personne ne l'a exigé. Pire : la majorité arc-en-ciel a même évacué " purement et simplement " une motion de recommandation, déposée le 11 juin 2002, qui demandait la suspension des négociations au sein de l'OMC tant que les services publics n'étaient pas exclus irrévocablement du champ d'application de l'AGCS. Le 18 décembre 2002, Verts et Socialistes, à la quasi unanimité, ont rejeté des amendements portant la même revendication. Ils se contentèrent d'une molle résolution exprimant quelques réserves et demandant au gouvernement de les informer de l'évolution du dossier. Résolution qu'ils ne firent, on l'a vu, même pas respecter Entre-temps, le 21 novembre, les mêmes avaient voté pour les Accords de Cotonou, dont l'article 41 comporte l'obligation, pour les PVD d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de se soumettre à l'AGCS! |