Droits des étrangers La Belgique condamnée? Rien à branler! " ( ) les requérants ont reçu, fin septembre 1999, une convocation écrite les invitant à se rendre le 1er octobre au commissariat de police de la ville de Gand, en vue, selon la convocation, " de compléter leur dossier relatif à leur demande d'asile ". A leur arrivée au commissariat, ils se sont vus remettre un ordre de quitter le territoire, daté du 29 septembre 1999 et accompagné d'une décision de remise à la frontière slovaque et d'arrestation à cette fin. Quelques heures après, ils furent emmenés au centre fermé de transit de Steenokkerzeel. La Cour note que d'après le Gouvernement, la convocation en question a certes fait l'objet d'une rédaction malencontreuse, comme l'a d'ailleurs publiquement reconnu le Ministre de l'Intérieur, mais celle-ci ne suffirait pas à vicier l'arrestation tout entière, voire à la qualifier de détournement de pouvoir. Même si la Cour conserve certains doutes quant à la compatibilité d'une telle pratique avec le droit belge, faute notamment pour celle-ci d'avoir été soumise, en l'espèce, à l'appréciation d'une juridiction nationale compétente, la Convention (européenne des droits de l'homme) exige la conformité de toute mesure privative de liberté au but de l'article 5 (de la Convention) : protéger l'individu contre l'arbitraire. S'il n'est certes pas exclu que la police puisse légitimement user de stratagèmes afin, par exemple, de mieux déjouer des activités criminelles, en revanche le comportement de l'administration qui cherche à donner confiance à des demandeurs d'asile en vue de les arrêter, puis de les expulser, n'est pas à l'abri de critiques au regard des principes généraux énoncés par la Convention ou impliqués par elle. Or à cet égard, il y a tout lieu de croire que si la rédaction de la convocation en question était " malencontreuse ", elle n'était pas pour autant le résultat d'une quelconque inadvertance, mais au contraire voulu comme telle, dans le but d'inciter le plus grand nombre de destinataires de la convocations à y donner suite. A l'audience, le conseil du Gouvernement a parlé à cet égard d'une " petite ruse ", consciemment utilisée par les autorités pour assurer la réussite du " rapatriement collectif " qu'elles avaient décidé d'organiser. ( ) il n'est pas compatible avec l'article 5 que, dans le cadre d'une opération planifiée d'expulsion et dans un souci de facilité ou d'efficacité, l'Administration décide consciemment de tromper des personnes, sur le but d'une convocation, pour mieux pouvoir les priver de leur liberté. " (Extrait de l'arrêt Conka contre Belgique, rendu le 5 février 2002 par la Cour européenne des droits de l'homme) On le voit : la pratique de l'administration belge, qui consiste à convoquer les personnes en situation illégale sous de faux prétextes pour mieux les arrêter et les expulser, a été fermement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Conka. Dans ce même arrêt, la Cour a également condamné l'Etat belge pour avoir procédé à une expulsion collective des tsiganes. Or aujourd'hui, plus d'un an après l'arrêt, rien n'a véritablement changé sous le soleil de l'arc-en-ciel : les convocations mensongères (ces " petites ruses " dont parle le gouvernement) semblent devenues une technique habituelle, dans le Nord du pays tout au moins, pour procéder aux arrestations, et les expulsions collectives se sont intensifiées. L'arrêt Conka imposait aussi à la Belgique de protéger les étrangers contre tout risque de faire l'objet d'une expulsion dès lors qu'est introduit devant le Conseil d'Etat un recours demandant la suspension d'une mesure d'éloignement. Le gouvernement est resté sourd à l'injonction de la Cour : il n'a pris aucune disposition pour se conformer totalement aux exigences de l'arrêt. Enfin, le gouvernement n'a adopté aucune mesure permettant de faciliter la communication des détenus des centres fermés avec leur avocat, en dépit des conclusions de la Cour constatant que ce manque de moyens de communication viole les droits de la défense du détenu. Ce refus gouvernemental obstiné de se conformer aux prescriptions du droit international des droits de l'homme fut cautionné explicitement par les députés de la majorité. En effet, interpellé au sujet de la condamnation de la Belgique par la Cour européenne, le ministre de l'Intérieur a passé le plus clair de son temps de réponse à en minimiser la portée : il a relativisé l'autorité de l'arrêt en se fondant sur l'émission des avis dissidents émis par certains juges, et en évoquant " la bonne santé des CONKA (la famille des plaignants), leur appartement, leur voiture et leur GSM " Le
14 octobre 1999, les députés de la majorité avaient
déjà largement avalisé l'opération de piégeage,
d'enfermement et de déportation collective. Le 28 février
2002, malgré la condamnation par la Cour de Strasbourg, l'attitude
scandaleuse du Ministre de l'Intérieur et la passivité
du gouvernement, c'est une majorité arc-en-ciel plus unie encore
qui renouvela toute sa confiance à Duquesne, en votant une motion
" pure et simple" proposant le passage au point suivant de
l'ordre du jour, sans débattre de l'action politique mise en
cause. La proportion de votes favorables au Ministre de l'Intérieur
sur cette action-là de sa police et de son administration (l'Office
des étrangers) a légèrement augmenté par
rapport au vote du 14 octobre 1999 : au sein du groupe vert, on évolua
vers un alignement sans faille (alors que lors du vote de 1999, quelques
verts s'étaient quand même abstenus) ; au sein du groupe
socialiste, deux députés prenaient encore timidement leurs
distances
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