Ventes d'armes

Mexique 2000

Louis Michel, Jean-Claude Van Cauwenberghe et Serge Kubla s'offusquent de l'idée d'un débat parlementaire…

Le 27 avril 2000, Louis Michel, ministre des Affaires étrangères, annonçait publiquement la livraison de 500 P90 et de munitions produits par la Fabrique Nationale (FN) de Herstal à la police mexicaine. Un mois plus tard, le 24 mai, les autorités mexicaines annulaient cette commande, suscitant la colère d'un Louis Michel qui abandonnait, l'espace d'un instant, son costume de grand chevalier blanc, promoteur d'une politique étrangère éthique, pourfendeur des dictateurs (l'affaire Pinochet), et défenseur de la démocratie (l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir en Autriche)

Que s'était-il passé ? Entre l'annonce de l'octroi de la licence d'exportation d'armes et le retrait de la commande du Mexique, la polémique a enflammé l'hémicycle parlementaire. Dans un premier temps, face aux réactions d'indignation, le ministre libéral a suspendu la licence afin de vérifier la destination exacte des P90, des armes " capables de perforer 48 couches de kevlar, soit 5 gilets par-balles, à 150 mètres de distance (1) " et qui devaient servir, selon les autorités mexicaines à la lutte contre le narcotrafic !

L'administration des Affaires étrangères, par laquelle passe le dossier avant d'arriver sur le bureau du ministre, avait signalé à ce dernier que la situation de conflit interne régnant au Mexique contrevenait aux exigences du Code de conduite européen en matière d'exportation d'armes. Selon ce code, les Etats membres sont invités à n'autoriser que les ventes d'armes qui satisfont à certains critères, dont l'absence de tensions ou de conflits armés ainsi que le respect des droits de l'homme. Mais contre l'avis de l'administration et d'Amnesty International, qui réclamait l'interdiction de cette vente, Louis Michel a octroyé la licence d'exportation. D'ailleurs, pour Monsieur Kubla, ministre libéral wallon de l'économie, ce pays est " parfaitement fréquentable (2) ". Il est vrai que son fils n'est pas un jeune indigène opprimé du Chiapas (3)

" Que le même vice-Premier ministre PRL [Louis Michel] s'indigne aujourd'hui du capotage de la transaction (…), on ne peut que s'en étonner. Il rejette par là les conséquences possibles d'une transparence qu'il a lui-même initiée. Il refuse par là le prolongement potentiel sinon logique de principes moraux dont il aime par ailleurs se prévaloir (4)". La transparence, le débat, le ministre est pour … si cela sert de décoration. Si des parlementaires, par contre, font le travail pour lequel ils ont été élus et en viennent à contester les décisions du ministre, là, on dépasse les bornes : " Le risque était grand de perdre ce marché. Les parlementaires ne sont pas exemptés de mesurer la portée de certains comportements fondés uniquement sur l'émotion ou des discours faciles ou réducteurs. Les effets diplomatiques et économiques du refus de prendre en compte les différentes facettes et les implications de ce genre de dossier conduisent inéluctablement à porter préjudice aux intérêts économiques et sociaux de notre pays (5) ", affirmait Louis Michel, suite au retrait de la commande par le Mexique. Le Ministre ne décolérait pas. Il accusait clairement le jeudi 25 mai les parlementaires de s'être livrés à une surenchère partiale et irresponsable. Le chef de la diplomatie belge menaçait aussi pour l'avenir d'user " totalement de ses prérogatives fondées sur (sa) responsabilité pleine et entière en la matière ".

Pour Jean-Claude Van Cauwenberghe, Ministre-Président du gouvernement wallon, et socialiste à ses heures, " il n'est pas normal que des parlementaires flamands perturbent notre capacité d'exportation (6) ". On ramène, de manière simpliste, l'affaire à la question Nord/ Sud. Mais Mr Van Cauwenberghe est-il le mieux placé pour juger, son gouvernement étant l'unique actionnaire de la FN de Hertsal, entreprise publique à 100% depuis son rachat en 1997 au groupe français GIAT ?

Laissons le dernier mot à Serge Kubla… Pour cette éminence du parti libéral, " la politique de ventes d'armes ne se discute pas sur la place publique, par nature (sic). Et il ne faut pas se laisser empiéter par des ONG qui veulent politiser le dossier ". Pour le contrat mexicain, "il y a eu une fuite, puis l'action des ONG et un débat parlementaire. Il faut changer de méthode, dit le ministre, mais "sans brimer la démocratie" (7), ajoute-t-il. Vous voyez une contradiction dans ces propos ? Allons, allons, mauvais bougre, va !

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Notes:

(1) La Libre Belgique, 28 avril 2000. (2) L'Echo, 26 avril 2000. (3) La société qui gère la FN est la SOGEPA. Fin 2001, Serge Kubla a remanié les sociétés de participation autour d ela SOGEPA, en en créant une nouvelle, la FWPMI. dont l'un des administrateurs s'appelle ... Laurent Kubla. et Laurent Kubla, c'est le fils de Serge Kubla. Voir "La Wallonie une jeune démocratie". (4) La Libre Belgique, 26 avril 2000. (5) Le Soir, 26 avril 2000. (6) La Libre Belgique, 2è avril 2000. (7) Le Soir, 8 juin 2000.