Economie & justice sociale

Ils ont supprimé la loi de 74 sur le Minimex !

Le 18 avril 2002, les députés de la majorité votaient comme un seul homme la loi sur l'intégration sociale, entrée en vigueur le 1er octobre 2002. Ailes droite et gauche de l'arc-en-ciel s'entendaient pour mettre à mort le minimex.

La loi de 1974 avait instauré le droit à un minimum de moyens d'existence pour toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes. Comme tout droit, il était subordonné à quelques conditions objectives ; dans sa philosophie il tendait à constituer, pour tous, un ultime filet de protection sociale.

Ce droit à un minimum de moyens d'existence est remplacé aujourd'hui par un " droit à l'intégration sociale, qui peut prendre la forme d'un emploi et/ou d'un revenu d'intégration "… Le revenu n'est dès lors plus qu'une des modalités possibles du " droit à l'intégration sociale " ; il n'est donc, comme tel, plus un droit.

On ne parle plus, désormais, de minimum de moyens d'existence. On préfère " revenu d'intégration "… Glissement sémantique qui traduit, ici comme en d'autres domaines, une culpabilisation croissante de l'allocataire social. Cette culpabilisation révèle une analyse de la pauvreté comme un phénomène avant tout individuel plutôt que comme le produit de mécanismes socio-économiques déterminés par des rapports de force traversant l'ensemble de la société. Une analyse qui, conformément au credo libéral, retient comme facteur premier de la pauvreté la volonté de l'individu.

Consécration de la contractualisation

La volonté individuelle est aussi retenue comme la meilleure solution pour lutter contre la misère : la loi du 1er octobre 2002 consacre le principe de la contractualisation (introduit en 1993), c'est-à-dire l'obligation pour le demandeur de l'aide sociale de signer un contrat avec le CPAS, dans lequel il s'engage à exécuter un certain nombre d'obligations (recherche d'un logement, suivi psychologique, activité de resocialisation…) pour recevoir ou conserver son revenu. La conclusion d'un tel contrat, dénommé " projet d'intégration ", est obligatoire pour tous les moins de 25 ans ; elle peut également être imposée

Texto

Vande Lanotte (SP. A) (13 mars 2002, débat en commission) :
" Ceux qui veulent défendre le Minimex comme droit inconditionnel sont passéistes "…
" Manquent d'ambition sociale ceux qui tolèrent qu'on garantisse par la loi un revenu qui est devenu si faible et si souvent synonyme d'exclusion pour celui à qui on le donne sans plus s'en occuper "

Yvan Mayeur (PS) (13 mars 2002, débat en commission) :
" Le CPAS-Mister cash, je suis contre, il faut que les jeunes se dotent d'une stratégie de vie "

Guy D'haeseleer (Vlaams Blok) (18 avril 2002, débat en séance plénière)
" Le Vlaams Blok adhère au principe de ce projet de loi (…) "

par le CPAS aux autres demandeurs.

Consécration de la contractualisation

La volonté individuelle est aussi retenue comme la meilleure solution pour lutter contre la misère : la loi du 1er octobre 2002 consacre le principe de la contractualisation (introduit en 1993), c'est-à-dire l'obligation pour le demandeur de l'aide sociale de signer un contrat avec le CPAS, dans lequel il s'engage à exécuter un certain nombre d'obligations (recherche d'un logement, suivi psychologique, activité de resocialisation…) pour recevoir ou conserver son revenu. La conclusion d'un tel contrat, dénommé " projet d'intégration ", est obligatoire pour tous les moins de 25 ans ; elle peut également être imposée par le CPAS aux autres demandeurs.

La relation entre le demandeur de l'aide, dont la survie peut dépendre de l'octroi de celle-ci, et le CPAS est fondamentalement et irrémédiablement inégalitaire. Le risque d'arbitraire et d'immixtion dans la vie privée est dès lors très grand, et les quelques correctifs apportés au projet gouvernemental initial paraissent dérisoires : ainsi, le demandeur disposera d'un délai de réflexion de 5 jours pour la signature du contrat qui lui est proposé. Et après ?

Le vote

CONTRE : 1 (Vincent Decroly, indépendant)
POUR : 132 (Tous les autres)
Abstentions : 15 (Vlaams Blok)

Si après 5 jours, il n'est toujours pas d'accord ? Autre correctif : le demandeur pourra être accompagné de la personne de son choix. Mais quels sont les droits de celle-ci, quel est son rôle ? Silence de la loi… Enfin, des raisons de santé et d'équité pourraient rendre le contrat non obligatoire… mais c'est le CPAS lui-même qui statue sur ces raisons…


Quand on sait que le non-respect du projet d'intégration par le demandeur peut conduire à la suspension du revenu minimum pendant 3 mois, il n'y a plus de doute possible sur la nature réelle de ce contrat : il s'agit, au mieux, d'un moyen de pression supplémentaire, au pire, d'un mécanisme d'exclusion de l'aide.

Les jeunes mis au travail forcé

La nouvelle loi instaure, pour les moins de 25 ans, le " droit à l'emploi " dans les trois mois de la demande. Traduction : le CPAS devra, dans ce délai, proposer un emploi au jeune, ce qui permettra de vérifier sa disponibilité au travail. Si le jeune refuse l'emploi proposé, il perd tout droit au revenu minimum ; il ne pourra bénéficier que d'une " aide sociale ", dont la loi ne dit rien quant à la forme. Elle pourrait être, par exemple, une aide en nature…
Le jeune est tenu d'accepter tout travail " adapté à sa situation personnelle et à ses capacités " ; cette définition ne répond pas aux critères du droit social pour définir l'emploi " convenable " qu'un chômeur indemnisé doit accepter sous peine de perdre ses droits. L'absence de critères déterminant la notion d'" emploi adapté " laisse au travailleur social du CPAS compétent la plus grande latitude pour apprécier lui-même ce qui correspond ou non à la " situation personnelle " du demandeur, et donc pour décider ce que le demandeur est en droit de refuser…

La fin des discriminations ?

Les promoteurs de la loi se sont réjouis de la fin des discriminations entre belges et étrangers en matière de revenu minimum. Cependant, rien ne justifie que soit maintenue la discrimination entre les étrangers inscrits au registre de la population et ceux inscrits au registre des étrangers, en dépit des recommandations du Centre pour l'égalité des chances. Les socialistes ont même décliné une proposition qui visait à mettre fin à cette différence de traitement…

Selon les auteurs de la nouvelle loi, les droits au revenu minimum seraient, enfin, individualisés. En réalité, la loi supprime la catégorie " ménage " : un couple marié ne recevra plus une aide unique, chacun des conjoints recevant une aide équivalente, dans la plupart des cas, à la moitié de l'ancienne aide unique.

Programme d'Ecolo
pour les élections de juin 1999

La proposition 29 prévoit l'application du taux " isolés " aux cohabitants et aux conjoints. La fausse individualisation des droits prévue par la nouvelle loi n'a rien à voir avec cette revendication. Au lieu de transformer les "cohabitants" en "isolés", on a simplement remplacé le "ménage" par deux "cohabitants". Pure forme!

Selon la proposition 28, " la contractualisation des droits ne peut déboucher sur des sanctions qui entament le minimum de moyens d'existence ". Selon la nouvelle loi, la sanction du minimexé peut aller jusqu'à la suspension du revenu pendant 3 mois…

Réforme cosmétique, qui ne saurait faire oublier que l'injustice fondamentale réside dans l'existence de la catégorie " cohabitant ", bien présente, elle, dans la nouvelle loi ! Une véritable individualisation des droits passe par la suppression de cette catégorie.

Une augmentation dérisoire… et des promesses sans suite

L'aile " gauche " de l'arc-en-ciel parlait d'une augmentation de 10 %. Finalement, au 1er janvier 2002, le revenu minimum fut augmenté de 4 %. Au cours des débats parlementaires du 18 avril 2002, Ecolo-Agalev déclarait : " L'augmentation de 4 % du revenu d'intégration est un bon début. Les verts demandent 6 % de plus dès l'an prochain ". Les socialistes, par la voix d'Yvan Mayeur : " Ce revenu d'intégration doit être revalorisé avant la fin de la législature (…). C'est une priorité du PS, qui est rejointe par les préoccupations du gouvernement ".

La fin de la législature, nous y sommes, et aucune augmentation n'est intervenue. Ah si, une augmentation est intervenue : la réduction des cotisations sociales patronales, qui est passée de 78,1 milliards BEF en 1999 à 150,6 milliards en 2001…