En Europe, on croyait pouvoir échapper aux organismes génétiquement modifiés (OGM). Pourtant, nos analyses le prouvent : notre alimentation est bel et bien contaminée. Malgré l'absence de cultures et les efforts de producteurs pour éviter les OGM.
Les 4 et 5 février aura lieu à Paris un débat public sur le thème : "Les organismes génétiquement modifiés et les essais au champ". Il a été lancé cet automne par le gouvernement en écho à L'actualité de l'été dernier.
Celle-ci, en effet, a été marquée par plusieurs arrachages de cultures expérimentales pilotés par la Confédération paysanne. Le syndicat de José Bové entendait réclamer un débat de fond sur la recherche sur les OGM et dénoncer les risques de dissémination des cultures expérimentales. L'autre événement estival a été l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) qui a, en quelque sorte, officialisé les contaminations en indiquant qu'il pourrait s'agir d'une situation générale. De quoi raviver les inquiétudes alors que les États européens vont se prononcer sur des propositions de la Commission pour améliorer l'étiquetage et la traçabilité des OGM.
Trouvera, trouvera pas ? En lançant nos recherches sur les OGM, nous espérions bien en dénicher quelques-uns. Mais nous n'imaginions pas que la pêche puisse être aussi grosse : sur les 103 produits de notre échantillon, 36 se sont révélés contaminés. Oh, bien sûr, il s'agit, à une exception près, de traces infimes. De plus, aucun fabricant n'est en infraction avec la réglementation sur l'étiquetage.
Les résultats de nos analyses n'en sont pas moins troublants. Ils démontrent que les produits que l'on pourrait croire sans OGM car non étiquetés en contiennent tout de même. Par conséquent, des OGM, que cela nous plaise ou non, nous en consommons déjà.
L'échantillonnage
Nous avons acheté 103 produits alimentaires. Leur point commun est de contenir du mais, du soja ou leurs dérivés. Soit les seules plantes pour Lesquelles des variétés transgéniques sont officiellement autorisées en France.
Nous avons ensuite procédé par élimination en excluant volontairement plusieurs grandes familles. Les produits bio, par exemple, dont le cahier des charges impose de ne pas recourir à des OGM. Nous avons également exclu les produits pour bébé, en général plus surveillés que les autres. Idem pour les susbtituts de repas. D'autres produits ont été proscrits pour des raisons techniques. Exemple, les produits à base de chocolat dont l'analyse reste difficile et litigieuse. Enfin, nous n'avons pas retenu de produits avec la mention "ne contient pas d'OGM". Ils sont rares et sont surveillés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Létude que celle-ci a réalisée l'an dernier a permis de déceler 3 cas positifs sur 51 produits. Les 103 produits de l'échantillon ont été achetés dans des grandes surfaces. Nous avons cherché à avoir beaucoup de marques dont des marques de distributeurs. Les 103 produits se répartissent ain!
si : 22 plats cuisinés, 18 produits
pour apéritif, 17 sauces, 15 biscuits, 13 céréales pour petit déjeuner, 9 aliments pour animaux domestiques, 6 crèmes dessert, 2 polentas, 1 produit à base de soja.
La méthode
Un organisme génétiquement modifié est un organisme auquel on a ajouté (ou supprimé) une fonction. Cette modification se fait en ajoutant des gènes (ou transgènes) à son génome (ou patrimoine génétique). Pour pouvoir les repérer dans un aliment, il faut rechercher ta présence de ces transgènes.
Notre étude a été réalisée en utilisant la méthode "PCR en temps réel" (Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation par chaîne). Elle permet de quantifier les éventuels OGM présents avec une grande spécificité et une grande sensibilité. Nous avons par ailleurs respecté à la fois la norme ISO 17025 et la norme Afnor XP V03-020-1. Cette dernière définit un seuil de détection à 0,01 % et un seuil de quantification à 0,1 % (1 kg/1 tonne).
Les résultats
4 cas de figure se sont présentés lors de l'analyse.
Pour 16 échantillons, l'ADN (le ruban qui porte les gènes) n'a pu être extrait parce que le produit a subi des traitements chimiques ou thermiques lors de sa fabrication. C'est le cas pour 12 sauces sur un total de 17. Les autres produits sont 3 plats cuisinés et 1 crème dessert.
Pour 5 échantillons, l'ADN a bien été extrait mais le résultat de l'analyse est négatif car la détection est empêchée par la présence de susbtances inhibitrices. La détection d'ADN se fait par émission de lumière et cette dernière peut être absorbée par des colorants ce qui perturbe le résultat. Les 5 produits concernés sont 4 crèmes dessert et 1 plat cuisiné.
Pour 46 échantillons, nous n'avons pas détecté d'OGM. Pour 36 échantillons, nous avons détecté la présence d'OGM. Un seul des échantillons contient une quantité de matériel génétiquement modifié supérieure à 1 %. Il s'agit de l'aliment pour chien "Com-plément riche en céréales et légumes" de la marque Leader Price. Il contient une quantité d'environ 15 % de soja OGM identifié comme étant du soja Roundup Ready, de Monsanto. Les aliments pour animaux n'étant pas soumis à la réglementation, son fabricant n'est pas obligé de mentionner la présence d'OGM sur le paquet. Pour les 35 autres échantillons, la quantité d'OGM est inférieure à 1 %. Pour 25 d'entre eux, on peut même affirmer que la contamination est inférieure à 0,1 %. Pour les 10 autres, il est impossible d'être plus précis.
Nos conclusions
35 % de nos échantillons se sont révélés positifs. Les OGM sont donc là, et bien là, et leur diffusion dans la nature est une réalité. On retiendra également que pour 21 produits, l'analyse n'a pas été possible. Si on déduit ces produits du total, te taux de positifs grimpe alors à 44 %.
Mais ces échecs montrent également les limites des méthodes d'analyse et, par conséquent, de ta réglementation sur L'étiquetage. D'où la nécessité d'une parfaite traçabilité.
(60 millions de consommateurs, janvier 2001)
2. La liste des 36 produits alimentaires contenant des OGM
Jessie Croc', d'IPS
(60 millions de consommateurs, janvier 2001)
3. Les OGM en France
Un seul soja transgénique peut être commercialisé en France. Il s'agit du soja Roundup Ready, de Monsanto. Il peut être importé, mais pas cultivé. Les graines de soja servent à fabriquer de l'huile et beaucoup d'autres ingrédients secondaires : émulsifiant, gélifiant, texturant que l'on retrouve dans les viennoiseries, les desserts lactés, la charcuterie, les plats cuisinés.
Quatre maïs transgéniques sont autorisés en France. Trois peuvent être vendus et cultivés. Il s'agit du maïs Bt 176 de Novartis, du maïs Mon 810 de Monsanto et du maïs T25 d'AgrEvo. Un maïs peut être commercialisé mais pas cultivé te maïs Bt 11 de Novartis. Plus de 400 ingrédients et additifs issus du maïs entrent dans l'alimentation humaine: amidon, farine, sirop de glucose, gélifiant...