Libération (18/05/2001)
Le modèle français inspire les Etats-Unis, mais leur programme reste flou. Dans la soirée du 18 décembre 2000, alors que Jacques Chirac était à Washington pour une dernière rencontre avec Bill Clinton, encore en exercice, le président élu George W. Bush avait accepté d'aller discrètement prendre un verre avec son futur collègue français, à la résidence de l'ambassadeur François Bujon de l'Estang, Kalorama Road. De quoi allaient-ils parler? A la surprise des Français présents, l'une des premières questions posées par l'actuel président à Chirac a porté sur la stratégie nucléaire de la France et son système de retraitement. «Visiblement, la question le taraudait déjà», raconte un participant. La dernière centrale construite aux Etats-Unis a été commandée en 1973, et depuis l'accident de la centrale de Three Mile Island, en 1979, aucune administration n'a osé remettre le sujet du nucléaire sur la table. Hier, trois mois après sa rencontre avec Jacques Chirac, c'est en citant en exemple la France, que George W. Bush a brisé le tabou du nucléaire. «La France, notre amie et alliée, tire 80 % de son électricité du nucléaire», a-t-il déclaré.
Réaction des écolos. Dans le rapport sur l'énergie qu'elle a rédigé, la task force de Dick Cheney prévoit de faciliter les démarches pour la construction de nouvelles centrales nucléaires, de désigner un lieu de stockage des combustibles usés, mais aussi d'explorer la piste d'une filière de retraitement de ces derniers. Un programme encore flou, mais qui marque un vrai virage stratégique. Les pays producteurs de nucléaire, comme la France ou la Grande-Bretagne, saluent «l'excellente nouvelle»: «Avec l'appui des Etats-Unis, disait hier un expert, le nucléaire va retrouver une dynamique et une crédibilité.» La coopération internationale, ajoute-t-il, va s'accroître «notamment en matière de recherche-développement et de définition de standards communs».
Les associations environnementales, elles, s'étranglent. «C'est proprement incroyable! Le nucléaire est une énergie dépassée, antiéconomique et dangereuse, accuse l'expert nucléaire de Greenpeace à Washington, Tobias Muenchmeyer. Ce qui est le plus choquant, c'est la volonté de la nouvelle administration d'explorer la possibilité de retraiter indéfiniment les déchets»
Problème du combustible. Mais sur le nucléaire, les arguments des écologistes se sont émoussés: c'est en effet une énergie qui n'aggrave pas le problème numéro un de l'environnement, à savoir le réchauffement de la planète. Les républicains jouent à fond de cet argument. «Si nous voulons être sérieux en matière de protection de l'environnement, alors nous devons sérieusement nous interroger sur les raisons qui nous poussent à rejeter une énergie qui s'est révélée propre, sûre et très abondante», avait déjà lancé le mois dernier Dick Cheney, évoquant pour la première fois le sujet, et laissant entendre que de nouvelles licences seraient délivrées. Dans l'immédiat, la relance du nucléaire bute sur le problème des combustibles usés. Aucun industriel du nucléaire n'osera se lancer sans avoir l'assurance de pouvoir se débarrasser de ces derniers. Le problème, c'est que personne ne veut les héberger. Jusque-là, les cent trois centrales américaines - qui constituent le plus grand parc du monde et assurent 20 % de l'énergie du pays - stockent ces combustibles dans leurs piscines de refroidissement: elles en ont déjà accumulé 42 000 tonnes, et le stock s'enrichit de 1 700 tonnes par an.
Stockage. L'administration étudie depuis le début des années 1980 les lieux où les entreposer dans des conditions de sécurité maximale. C'est Yucca Mountain, à 80 km au nord ouest de Las Vegas, dans le désert, qui est considérée comme le site le plus approprié. La décision devrait être prise à la fin de l'année, malgré les protestations de plus en plus bruyantes des habitants de l'Etat du Nevada. Dans l'esprit des républicains, la relance de la discussion sur le retraitement, abandonnée depuis vingt ans, est aussi un moyen de manifester leur volonté de réduire, à terme, le volume des déchets. Mais ce débat-là est loin d'être mûr.
La Tribune (17/05/2001)
Il va devenir plus facile de construire une centrale nucléaire aux Etats-Unis. Mais pour inciter les compagnies d'électricité à réinvestir dans l'atome, l'administration Bush doit d'abord trouver une solution au problème des combustibles usés.
Il aura donc fallu vingt-deux ans aux responsables politiques américains pour tourner la page de la catastrophe de Three Mile Island. Jamais, depuis cet accident survenu sur le réacteur d'une centrale de Pennsylvanie, une installation nucléaire n'a vu le jour aux Etats-Unis. Traditionnel tabou de la politique énergétique américaine, le développement de la filière atomique apparaît pourtant, aux yeux de la nouvelle administration, comme une solution toute indiquée aux problèmes d'approvisionnement électrique dont souffre le pays. Pendant sa campagne présidentielle, George W. Bush a commencé par tester les réactions de son auditoire en déclinant les avantages du nucléaire. Cadre législatif. L'équipe constituée autour du vice-président américain, Dick Cheney, a pris le relais ces derniers mois, en liant de plus en plus souvent les efforts entrepris pour lutter contre l'effet de serre au renouveau de l'industrie nucléaire nationale. Sans surprise, le nouveau « mix » énergétique dessiné par l'hôte de la Maison-Blanche vise donc à augmenter la contribution du parc nucléaire américain, qui n'assure aujourd'hui que 20 % de la production nationale d'électricité. Pour y parvenir, l'administration Bush mise avant tout sur l'assouplissement du cadre législatif. Délivrés par les Etats, les permis de construction et les licences d'exploitation sont tellement longs et difficiles à obtenir qu'il est pratiquement impossible, aujourd'hui, de se lancer dans la construction d'une centrale nucléaire. Les opérateurs les plus motivés ont tenté, ces dernières années, de contourner l'obstacle en demandant la prolongation de leur licence d'exploitation. Mais là encore, la procédure s'avère extrêmement longue et coûteuse. Pour obtenir l'allongement de la durée de vie de la centrale de Calvert Cliffs, dans le Maryland, l'électricien Constellation Energy a dû batailler pendant dix ans et débourser près de 20 millions de dollars ! Un certain nombre d'incertitudes techniques devront également être levées par la nouvelle équipe présidentielle. A commencer par le renouvellement du Price-Anderson Act, qui limite la responsabilité des opérateurs en cas d'accident nucléaire, et arrive à échéance en août 2002. George W. Bush le sait bien : aucun électricien ne s'engagera sur ce terrain sans avoir l'assurance de voir renouveler ce texte de loi.
Déchets encombrants. Un autre défi, encore plus
important, attend le président américain. Celui
des déchets nucléaires, dont le sort n'est toujours
pas décidé. Depuis l'abandon, en 1977, du retraitement
des combustibles irradiés, les opérateurs de centrales
nucléaires se contentent d'accumuler leurs déchets
sur les sites de production. En attendant que les autorités
ouvrent le site de Yucca Mountain, dans le Nevada, pour l'entreposage
définitif des combustibles usés. Cette option s'est
toujours heurtée, jusqu'à présent, à
l'opposition farouche des élus locaux, toutes tendances
politiques confondues. Pour construire de nouvelles centrales,
les compagnies d'électricité auront besoin du soutien
des marchés financiers. Or, les investisseurs ont horreur
des incertitudes. Ils attendent de Washington un engagement concret,
et sur le long terme, en faveur du nucléaire. De ce point
de vue, la question des déchets est donc primordiale. Le
président Bush souhaite y répondre avant la fin
de l'année.
Infonucléaire (25/03/2001)
Des pannes prolongées d'électricité durant
cet hiver ont eu des répercussions importantes sur l'économie
californienne. De nombreuses analyses ont insisté sur le
fait que la dérégulation du marché de l'électricité
en Californie aurait contribué à perturber le système.
En effet les prix de vente par les producteurs d'électricité
sont restés libres alors que ceux à la vente par
les distributeurs étaient maintenus fixes par l'état
de Californie.
Le NIRS (Nuclear information and resources
service), organisme écologiste antinucléaire américain,
a une autre interprétation. Ces pannes correspondraient
à un déficit de puissance de 800 MW, déficit
qui serait dû aux défaillances du nucléaire
californien marqué par deux incidents, l'un à la
centrale de San Onofre, l'autre à celle de Diablo Canyon
(ce sont les seules centrales de Californie) ainsi que l'indique
le titre de leur article du 22 mars "
Peu de gens se sont aperçus que l'accident sur le réacteur
nucléaire de San Onofre est la clé des black-outs
californiens "*.
Janvier, à Diablo Canyon
Selon NIRS le manque d'électricité du
mois de janvier en Californie aurait été dû
en partie à un ouragan, les eaux de ruissellement ont entraîné
des algues dans la prise d'eau de la centrale de Diablo Canyon
obligeant l'exploitant à baisser la puissance des 2 réacteurs
à 20% afin d'éviter un accident de fusion du coeur.
[N'aurait-on pas dû les arrêter tout simplement ?]
Incendie le 3 février à la centrale californienne
de San Onofre (située au nord du comté de San
Diégo). Elle comporte 2 réacteurs PWR en fonctionnement
(n°2 et 3) de 1120 MW. Selon nos premières informations
reçues à Paris d'un correspondant américain
citant le journal Sacramento Bee, un incendie s'est déclenché
le 3 février au réacteur numéro 3. Il a démarré
dans une salle de commutateurs électriques, causant des
dommages importants à la turbine (au rotor, au supportage
et autres composants). Le réacteur s'est arrêté
automatiquement. " Aucune radioactivité n'a été
rejetée et personne n'a été blessé.
Le 2ème réacteur a continué à fonctionner
". Le réacteur devrait être arrêté
au moins jusqu'à la mi-mai. Le propriétaire majoritaire,
la Southern California Edison, indique qu'en fonction de la durée
de l'arrêt qui pourrait se prolonger jusqu'à la mi-juin,
la compagnie perdra entre 80 et 100 millions de dollars.
De son côté le NIRS précise que l'incendie
dû à un coupe-circuit défectueux a duré
3 heures avec perte de l'alimentation électrique externe
et déclenchement de l'arrêt d'urgence du réacteur.
La défaillance d'une pompe aurait détérioré
la turbine. Cet incendie est pour NIRS un " accident sérieux,
qui est resté virtuel et ignoré au milieu de l'attention
portée quotidiennement aux problèmes de l'électricité
en Californie. Il met en lumière la vulnérabilité
de systèmes reposant sur le nucléaire et démontre
clairement pourquoi on ne pourra jamais compter sur les réacteurs
atomiques pour nos besoins en énergie ".
Avec nos critères cet incendie est un incident, heureusement
pour les californiens, pas un accident, mais c'est un incident
sérieux. Rappelons que ce n'est pas la première
fois qu'un incendie se déclare dans un réacteur
et certains ont été plus graves. Pour mémoire,
l'incendie de Brown's Ferry, le 22 mars 1975 où un ouvrier
vérifiant avec une bougie la surpression de la salle des
câbles sur le réacteur en construction numéro
3, déclenche un incendie qui s'étend à tout
le câblage, mettant hors circuit le système de refroidissement
du coeur, le circuit d'injection de sécurité et
des vannes importantes du réacteur numéro 1 alors
en pleine puissance ! Les opérateurs réussiront
à arrêter manuellement le réacteur et à
refroidir le coeur par le RRA (circuit de refroidissement à
l'arrêt). Il a fallu aussi arrêter le réacteur
2. (" Les jeux de l'atome et du hasard
", J. P. Pharabod et J. P. Schapira, Calmann-Lévy,
1988).
Soulignons qu'avec le vieillissement de nos réacteurs français
les câbles électriques vont poser des problèmes
car leur isolement électrique ne sera plus assuré
correctement par les polymères qui les recouvrent et qui
se dégradent au cours du temps. Gare alors aux courts-circuits
générateurs d'incendies
Nous sommes bien d'accord avec NIRS sur la vulnérabilité
du nucléaire, en particulier lorsque Pau Gunter, l'un des
responsables, dit : " Utiliser l'énergie nucléaire
pour produire de l'électricité, c'est jouer à
la roulette russe. La plupart du temps on gagne, mais quand on
perd, les résultats peuvent être catastrophiques
". Heureusement ici il ne s'agit pour les californiens
que de perte d'argent.
B. Belbéoch, 2 avril 2001
http://www.nirs.org/newsreleases/sanonofrerelease3222001.htm
On voit plusieurs locaux sinistrés (entre autres celui
des pompes de circulation d'eau, des commutateurs électriques)
sur les photos prises par un travailleur et montrées sur
le site www.artbell.com/sanonofre3.html
VIENNE, 3 mai - Le monde compte 438 centrales nucléaires
en activité, qui fournissent 16% de la demande mondiale
d'électricité et dont 83% de la production est concentrée
dans les pays industrialisés, a annoncé jeudi l'Agence
internationale de l'Energie atomique (AIEA).
La France arrive en tête des dix pays les
plus dépendants de l'énergie nucléaire,
avec un taux de dépendance de 76,3%,
devant la Lituanie (73,7%), la Belgique (56,8%), la Slovaquie
(53,4%), l'Ukraine (47,3%), la Bulgarie (45%), la Hongrie (42,2%),
la Corée du sud (40,7%), la Suède (39%) et la Suisse
(38,2%).
L'Europe occidentale compte 150 réacteurs nucléaires,
et leur nombre ne devrait pas varier notablement dans les prochaines
années, estime l'AIEA, rappelant que les 118 réacteurs
nord-américains fournissent 20% de l'électricité
aux Etats-Unis et 12% au Canada.
Le Proche-Orient et l'Asie, qui comptent 94 réacteurs,
sont en revanche engagés dans un développement résolu
de l'énergie nucléaire, "particulièrement
en Chine, Inde, Corée du sud et Japon", selon l'Agence.
Six centrales ont été connectées au réseau
en 2000, dont trois en Inde, une au Pakistan, une au Brésil
et une en République tchèque.
Un total de 31 réacteurs nucléaires sont en cours
de construction, dont deux au Japon et un en Chine dont la consctrution
a débuté l'an dernier.
MOSCOU, 30 jan - La Russie entend construire 40 nouveaux réacteurs nucléaires d'ici 2020 pour faire face à une éventuelle "crise énergétique, a annoncé mardi un vice-ministre de l'Energie atomique Boulat Nigmatouline lors d'une conférence de presse.
"Nous sommes en retard de 20 ans. Ces réacteurs auraient dus être construits avant 2000", a expliqué M. Nigmatouline à l'AFP.
Selon lui, la construction de ces réacteurs nucléaires avait été prévue dans les années 80 et gelée dans les années 90.
Un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé le 26 avril 1986, causant le plus grave accident de l'histoire du nucléaire civil.
La Russie compte actuellement 29 réacteurs nucléaires sur neuf centrales.
"La partie européenne de la Russie sera bientôt confrontée à un déficit énergétique. La seule solution possible pour le gouvernement est la construction de nouveaux réacteurs", a souligné le responsable.
"Nous ne pouvons pas brûler tout le gaz que nous avons et qui est l'avenir de nos enfants", a-t-il ajouté.
Autre avantage, les centrales nucléaires fonctionnent avec l'équipement et les technologies russes contrairement aux centrales thermiques dont l'équipement est importé, selon M. Nigmatouline.
Dans les dix prochaines années, la Russie doit se doter de 10 nouveaux réacteurs nucléaires, a-t-il précisé.
Il a également assuré que la Russie dépensait "assez d'argent pour maintenir la sécurité dans les centrales nucléaires, en conformité avec les normes internationales".
Selon lui, 1,4 milliard de roubles (près de 50 millions de dollars) sont prévus pour la sécurité nucléaire en 2001.
La production des centrales nucléaires a augmenté l'année dernière de 8,3% par rapport à 1999 avec une production de 130 milliards de kW/h d'électricité, a de son côté indiqué Iouri Iakovlev, directeur de Rosenergoatom, compagnie d'Etat chargée de l'exploitation des centrales nucléaires.
Il a également souligné que la sécurité des centrales s'est améliorée l'année dernière. 67 incidents ont été enregistrés en 2000 contre 88 en 1999.
PARIS, 8 déc - Le secrétaire d'Etat
à l'Industrie Christian Pierret a déclaré
vendredi au Sénat que "le nucléaire (était)
et (resterait) un des piliers de notre politique énergétique"
et "constitu(ait) un atout aux yeux du gouvernement".
"La confiance des Français sera d'autant plus forte
dans le nucléaire qu'ils auront la conviction que cette
industrie ne leur cache rien. C'est le sens de la réforme
de l'organisation de la sûreté nucléaire",
a souligné M. Pierret lors de la discussion des crédits
de son ministère.
Il a indiqué qu'un projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la sûreté et à la protection contre les rayonnements ionnisants "serait proposé au Parlement dans les prochains mois".
Le secrétaire d'Etat a souligné que "l'avenir du nucléaire français devr(ait) beaucoup à la transparence et à la clarté stratégique" en soulignant que la confiance dans le nucléaire, "c'est savoir gérer les déchets de cette filière".
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