Nous sommes des êtres humains adultes ! (info # 010910/2) Par Sami El-Soudi à Jérusalem © Metula News Agency Deux thèmes retiennent mon attention, vus côté palestinien, parmi les sujets abordés récemment par mes collègues de la Ména. Les commentaires qui en sont faits dans la presse écrite et électronique en français et qu'on m'a communiqués revêtent même, vraisemblablement, une importance plus existentielle pour l'avenir de mon peuple, que pour les Israéliens et pour les Français. A la lecture des réactions liées à l'affaire A-Dura, notamment celles des responsables de la chaîne française de télévision (FR2 Ndlr), je conçois à quel point l'Occident persiste dans son ignorance de ce qui se passe dans le monde arabe en général et dans l'Autonomie palestinienne en particulier. J'ai eu l'occasion, dans mes précédents articles, de m'élever contre les faux amis des Palestiniens vivant dans les démocraties libérales. J'avais demandé qu'on cesse d'encourager les pitreries propagandistes orchestrée, régies, par les leaders corrompus qui nous gouvernent et qui nous enfoncent dans une impasse stratégique, chaque jour un peu plus avant. Les Palestiniens ne sont pas des clowns, chers amis, et votre acceptation débonnaire des pitreries audiovisuelles décidées par une poignée d'irresponsables ne fait que les encourager à persévérer. Mettez-vous donc à ma place, ou à celle de dizaines d'autres intellectuels palestiniens, que votre promptitude à avaler les manœuvres infantiles de M. Arafat et des son entourage plonge chaque fois dans l'embarras et dans le ridicule. Et pour comprendre ce que j'essaie de vous dire, vous devez absolument faire acte de dé-racisme et cesser de nous considérer comme des personnes qui penseraient ou qui réagiraient d'une façon différente de votre propre capacité à percevoir les événements. Le temps des bons petits nègres est révolu, comme l'est celui des bons petits arabes ethniques, dont, à voir comment vous réagissez, votre sympathie aveugle ne s'est pas encore écartée. Cela pour vous dire que nous étions morts de honte, nous surtout, nous principalement, lorsque nous avons vu les images, reprises par toutes les télévisions du monde, qui montraient le mort de Jénine remontant sur sa litière par ses propres moyens ! Car si nous sommes un peuple qui doit inventer des massacres fabuleux et augmenter le nombre de ses morts afin de justifier nos droits nationaux et politiques, alors nous ne sommes rien. Rien d'autre que des augustes de cirque qui entendraient quémander leur liberté en nous transformant tous en acteurs de séries B. Ne vous trompez pas, car en cela vous augmentez notre misère, Arafat, Erekat et toute leur bande de voyous ont instauré le théâtre de notre souffrance en instrument stratégique. Par tous les canaux de communication, ils encouragent le petit peuple, illettré, affamé mais surtout désespéré de parvenir à quoi que ce soit de meilleur, à faire étalage de et à exagérer ses souffrances devant l'œil de vos caméras. Presque tous les réalisateurs palestiniens participent plus ou moins volontairement à cet ordre de guerre, au prétexte officiel que nous devrions utiliser tous les moyens possibles, y compris la ruse et l'affabulation, pour contrer les tanks et les avions de l'ennemi qui nous font défaut. L'exagération mise en scène de nos souffrances est ainsi devenue un mode de comportement dans notre civilisation. Elle compte des acteurs vedettes, censés avoir été blessés à de nombreuses reprises par les forces de l'occupant, s'être échappés de ses prisons et avoir repris le combat sacré. Dans les faits, ces personnages de propagande n'ont jamais participé à la moindre bataille avec les Israéliens et la création de leurs rôles n'a eu pour but que d'exacerber le nationalisme et de prouver le soi disant bien fondé de l'organisation des scénarios des massacres virtuels. Je n'ai pas participé aux enquêtes spécifiques relatives à l'affaire A-Dura et je m'abstiendrai donc d'en parler. Ceci dit, il faut quand même que vous sachiez que nos organes officiels ont fait état de 300 morts et blessés pour le jour ou le petit Mohammad aurait été tué, ce dans la seule région du carrefour de Netzarim. Pour saisir ce dont je parle, et après m'être dûment renseigné à ce propos, je suis en mesure d'affirmer, qu'en réalité, un Palestinien qui attaquait la position tenue par les juifs a été abattu ce jour-là par un sniper et que cinq ou sept autres ont été blessés de diverses façons, la plupart de manière superficielle. J'ajoute que ce sont des Palestiniens armés qui ont attaqué, à l'arme automatique et au cocktail Molotov, la position de l'armée sur le carrefour et qu'on n'a observé, ce jour-là, aucune initiative militaire des Israéliens à cet endroit. Les combattants qui ont réellement attaqué la position israélienne étaient au nombre d'une quinzaine tout au plus. Quelques dizaines d'autres personnes armées tiraient en l'air pour donner l'impression d'une véritable bataille, lorsque ça n'était pas au-dessus de la foule. Ils généraient ainsi des mouvements de panique à l'aspect photogénique. Ils étaient entourés de centaines de manifestants et de personnes désœuvrées, et surtout, de plusieurs de ces réalisateurs de scènes d'horreur construites, qui ont savamment organisé une ambiance d'émeute, afin de créer l'atmosphère nécessaire à leur tâche. La plupart de ces scènes ont été tournées à quelques centaines de mètres de la position de Tsahal mais sur des emplacements hors de portée des tirs des soldats. La plupart des caméramans sur place étaient palestiniens, nombre d'entre eux travaillant pour des chaînes de tv internationales. Ceux-ci participent volontiers à la mascarade, en filmant les mises en scène, croyant ainsi participer à une action patriotique. Autour d'eux, lorsqu'une scène était réussie, les badauds riaient et applaudissaient en signe de satisfaction. Bien entendu, des heures de pellicule ont été tournées ce jour-là et je crains, pour l'image de mon peuple, qu'elles n'aient été récupérées par Nahum Shahaf et ses enquêteurs et que ce dont je parle ne s'affiche prochainement sur les écrans d'Amérique et d'Europe. Autre fait marquant autour de ces émeutes, pour une raison que je ne maîtrise pas encore, alors que le film de la chaîne française, repris par les télévisions occidentales appelaient la victime Mohammad A-Dura, durant au moins une semaine, la télévision palestinienne et les chaînes arabes l'appelaient Rami A-Dura, appelant à la vengeance de son sang. Ca n'est qu'ensuite, que nos médias ont emboîté le pas des occidentaux et se sont mis à appeler la jeune victime du prénom de Mohammad... Au cœur du problème, il y a que ces mises en scène remplacent la discussion de fond sur l'avenir de cette région et de ses habitants et qu'à chaque fois que les supercheries audiovisuelles ou médiatiques éclatent au grand jour, nous apparaissons tel un peuple de polichinelles, dénué de parole et de dignité nationale. Ces agissements participent d'un énorme mensonge, instrumentant la politique du pire décidée à la Mukata de Ramallah. Hier encore (dimanche), Saeb Erakat demandait sur CNN le retrait des troupes israéliennes de l'ensemble de notre territoire. Et après ? Y a-t-il un Palestinien insuffisamment doté d'intelligence pour croire que si la stratégie de Yasser Arafat n'est pas interrompue et réadaptée aux conditions actuelles, même si les Israéliens quittent nos villes une nouvelle fois, ils accepteront que des kamikazes se fassent sauter à Tel Aviv sans revenir à la charge, générant à chaque fois plus de dévastation et de misère. Y a-t-il un être humain doté de raison, pour croire que les juifs finiront par accepter de voir leur population soumise au terrorisme sans réagir contre les bases de cette terreur ? Malheureusement, la stratégie de notre leader n'a pas changé d'un iota et la propagande officielle fait encore état de centaines de milliers d'Israéliens qui quitteraient le pays, ce qui nous permettrait finalement de récupérer Tel Aviv et Jaffa et Haïfa. Suivant cette ligne dialectique débile, les jeunes gens qui se sacrifient en donnant la mort aux juifs, deviennent les martyrs de la libération de la Palestine. A suivre ces fantasmes irréalisables, nos leaders conduisent à l'anéantissement de nos espoirs. A suivre des plans irrationnels contre un ennemi, qui nous est supérieur dans tous les domaines du conflit, on aboutit invariablement à l'explication donnée par mon collègue de la Ména Gérard Huber, celle de l'auto-annihilation de notre peuple du fait des décisions fondamentalement suicidaires de ses décideurs. Ils feignent d'oublier, ces décideurs, ils oublient, nos amis d'occident, que l'invasion de nos territoires constitue une réplique aux attentats-suicides et pas le contraire. A l'heure où nous discutions avec Barak et Clinton à Camp David, l'Etat de Palestine était en bonne voie de formation, la Mukata était entière, Arafat se promenait en hélicoptère entre Gaza et la Cisjordanie et nous opérions même un aéroport international depuis la bande de Gaza. Arafat a bien fait le choix de la confrontation armée et à l'époque et pendant les semaines qui suivirent le déclenchement de l'Intifada, les juifs ne perpétrèrent aucun assassinat ciblé de chefs armés palestiniens. Les voix, en Israël, qui appelaient à la reconquête de nos territoires étaient marginales, quasi inaudibles. Il aura fallu qu'Abu Ammar mise tout notre capital vivide sur un plan irréalisable, faisant élire Ariel Sharon chez nos voisins, suivant la partition de ce plan, comptant obtenir, par la ruse et par la violence, plus que ce que nous pouvions obtenir par la négociation, pour nous plonger, dans les faits, dans un désespoir sans issue. Le seul élément stratégique qui tienne, dans les choix d'Arafat, c'est, au regard de l'histoire des négociations de paix, le fait de penser que si nous cessions le harcèlement armé contre l'entité israélienne, cela disposerait le gouvernement israélien à négocier un règlement acceptable avec les Palestiniens. A suivre les déclarations d'Ariel Sharon, même lorsque celui-ci parle de la possibilité d'établir un Etat palestinien, ses conditions sont largement inférieures au minimum que n'importe quel Palestinien, moi compris, est prêt à accepter. C'est peut-être là que se situe la faute majeure des gouvernements israéliens précédents. Il s'agit d'une erreur de taille ! Barak et ses généraux pensaient qu'après Oslo, les Palestiniens avaient définitivement, et quoi qu'il arrive, abandonné l'option armée. Non seulement ils se trompèrent mais encore, ils firent un usage abusif de cette certitude apparente. Ils prirent tout leur temps lors de l'implémentation des dispositions convenues, nous considérant comme un partenaire dépourvu de recours dans les discussions. Les retards dans l'application des accords s'accumulèrent et nous ne voyions rien changer dans l'obtention de nos nouveaux droits. Les colonies non seulement ne disparaissaient pas mais encore, elles se renforçaient, chacune d'entre elles représentant, pour tout Palestinien, la preuve que rien n'avait véritablement changé. Chacune d'entre elles, et le cortège d'injustices que nécessitait leur maintien, étant comme une dague plantée dans notre amour propre et dans nos aspirations minimalistes. Fortes de ces observations, toutes les organisations palestiniennes sont aujourd'hui persuadées qu'il faut maintenir, à un degré ou à un autre, l'instabilité sécuritaire d'Israël et que notre résistance armée est le garant unique de ce que la porte de négociations demeure entre-ouverte. Aucune de ces organisations n'entend négocier avec Ariel Sharon lors d'une situation pacifiée, étant toutes certaines, que des négociations, dans de telles conditions, seraient sans avenir. Ces erreurs israéliennes, l'arrogance de l'establishment travailliste et ses propres errements dans l'appréhension stratégique des énergies en présence, associées à la théorie du porte-avions, que Yasser Arafat n'a jamais abandonnée et du désespoir que ces conduites mutuelles font subir au peuple palestinien (surtout) ont plongé les relations israélo-palestiniennes dans une situation de pat aux échecs. A bon entendeur, et devant cet échiquier inextricable, il ne reste plus que la possibilité d'une solution imposée par les nations civilisées. Une solution qui passerait obligatoirement par les trames du plan Clinton, qui s'articulerait fermement sur le principe des deux Etats pour deux peuples et qui nécessiterait, peut-être, la création d'un mur physique, bien plus haut encore que celui que les Israéliens ont commencé à construire. En plus, il faudrait une grosse force de maintien de l'accord et qui traduirait la décision stratégique des nations civilisées d'imposer, non plus seulement une formule d'accord, mais cette fois, l'engagement courageux et irrévocable de le faire respecter. Si nous ne pouvons pas vivre en paix les uns avec les autres, il faudra bien qu'on nous oblige à vivre sans guerre. Et ce, avant que le processus d'autodestruction de notre société, dont parle Huber, n'ait atteint le point de non-retour, ce qui ne constitue pas une échéance très éloignée !