Le rapport interne de la direction du 127 bis à propos de la mort de Ferri Xhevdet, tel qu\'il a été révélé par le quotidien De Morgen du 16 décembre 2000, prouve que les gendarmes incriminés ont abandonné Ferri à son sort. Mais la question demeure de savoir pour quelles raisons ils n\'ont pas transporté Ferri à l\'infirmerie du 127 bis mais qu\'en compagnie des gardiens du centre, ils l\'ont conduit en cellule d\'isolement. Pour tout le monde, il était on ne peut plus clair que Ferri était blessé : il n\'était même plus capable de se tenir debout. La réponse réside dans le fait que le règlement du 127 bis prévoit que les réfugiés qui se sont évadés doivent être enfermés dans une cellule d\' isolement. Pascal Smet l\'admettra d\'ailleurs le lendemain même de la tentative d\'évasion de Ferri : \" Après une évasion, la procédure normale consiste à isoler les personnes. \" (De Morgen, 16.12.00) Même si les réfugiés en question sont blessés, ce n\'est que le lendemain qu\' on les autorise à voir un médecin. En décembre 1994, l\'asbl Frontières Ouvertes avait déjà dévoilé un rapport interne dans lequel il était question d\'une évasion manquée de Nigérians du 127 bis. \" Certains présentent des séquelles physiques de leur tentative d\'évasion. (.) Un Nigérian qui s\'était évadé a été découvert trois jours plus tard dans un fossé par un cycliste. (.) D\'autres Nigérians ont été retrouvés dans les barbelés. (.) On les a enfermés dans des cellules d\'isolement et ce n\'est que le lendemain vers 10 heures qu\'ils ont pu être soignés. (.) Il y avait du sang partout, même sur le plafond des cellules. \" Par la suite, on a maintenu ces pratiques. Le rapport annuel d\'Amnesty International pour 1999 décrit la façon dont, à la suite d\'une tentative d\' évasion avortée, Hovhannes Karapetyan, originaire d\'Arménie, a été tabassé par les gardiens jusqu\'à en perdre conscience, avant d\'être jeté dans une cellule d\'isolement. Le lendemain seulement, il recevait la visite d\'un médecin qui ordonnait son transfert immédiat dans un hôpital. Il présentait de nombreuses blessures au visage ainsi qu\'une fracture du coude. (Rapport annuel, Amnesty International, 1999) Dans cette affaire, le ministère de l\'Intérieur joue donc un rôle prépondérant. Primo, le règlement intérieur et les pratiques habituelles dans les centres fermés tombent sous la compétence du ministre de l\'Intérieur. Il est on ne peut plus évident que, si Ferri Xhevdet n\'avait pas été jeté en cellule d\' isolement, mais conduit à l\'infirmerie, il serait probablement encore en vie. Secundo, ce n\'est pas la première fois que la brigade de gendarmerie de Zaventem outrepasse les bornes. Le rapport annuel d\'Amnesty International dénonce la \"violence excessive\" de cette brigade à l\'égard des demandeurs d\'asile. La mort de Semira Adamu est encore très présente dans les mémoires, mais il y a également le récit édifiant de Matthew Selu, un réfugié sierra-léonais, déporté en novembre de l\'an dernier en compagnie d\'une escorte de gendarmes et qui, à son arrivée à Dakar, présentait une blessure ouverte de 6 cm à la tête ainsi que des lésions au dos, à la tête et aux épaules. (Rapport annuel, Amnesty International, 1999) Tertio, il est clair qu\'Antoine Duquesne, le ministre de l\'Intérieur, et Pascal Smet, son chef de cabinet adjoint, ont pris leurs aises avec la vérité. Le lendemain des faits, Duquesne déclarait: \"Il ne semblait pas gravement blessé. C\'est un incident regrettable.\" (Le Soir, 14.10.00) Directement après les faits, le compagnon de cellule de Ferri ainsi que des membres du personnel du 127 bis confirmaient à Vincent Decroly et Josy Dubié que la gendarmerie avait refusé à plusieurs reprises de téléphoner après une ambulance. Le 17 octobre, Le Soir mentionnait déjà que plus d\'une heure s\'était écoulée avant qu\'on ne fasse venir une ambulance. En dépit de ces faits, le mercredi 22 octobre, au parlement, Duquesne confirmait son entière confiance dans la gendarmerie. (Le Soir, 26.10.00) Quarto, ce n\'est pas la première fois que le ministère de l\'Intérieur ment afin de protéger la gendarmerie et le service de sécurité du 127 bis. Lorsqu\'on avait appris les mauvais traitements qu\'avait subis Hovhannes Karapetyan, on avait prétendu que l\'homme s\'était précipité lui-même contre la paroi de sa cellule d\'isolement. Quand Vincent Decroly est revenu de Dakar avec les images vidéo de Matthew Selu, le ministère de l\'Intérieur, s\'appuyant sur le rapport de la gendarmerie, avait prétendu que Matthew était \"tombé\" du combi. (Rapport annuel, Amnesty International, 1999) L\'asbl Frontières Ouvertes revendique : * Nous exigeons la suppression des centres fermés. La mort de Ferri Xhevdet n\'a rien d\'un \"incident regrettable\", comme l\'a prétendu Pascal Smet. Dans ce centre règnent la violence et l\'arbitraire et c\'est pour cette raison que la Belgique est dénoncée par les organisations internationales des droits de l\'homme, dont Amnesty International. Les sans-papiers sont enfermés dans ces centres sans aucune forme de procès, alors que leur seul délit consiste à séjourner illégalement sur le territoire. * Nous exigeons une enquête judiciaire rapide et fouillée sur la mort de Ferri Xhevdet et sur la violence qui règne dans les centres fermés. Ses résultats devront être rendus publics. Nous rappelons, en ce qui concerne Semira Adamu, que deux ans après les faits, les résultats de l\'enquête n\'ont pas encore été communiqués. * Nous exigeons que l\'on enquête également sur la responsabilité pénale du ministre Duquesne, entre autres à propos de la pratique qui a court au 127 bis d\'enfermer les demandeurs d\'asile évadés dans des cellules d\'isolement, quand bien même ils sont blessés. Au nom de Frontières Ouvertes, Tom De Meester gsm: 0486 / 58.26.68 tomdemeester@tiscalinet.be