29 juin 2001 Le 3 juillet 2001, le tribunal de district de Bülach doit rendre sa décision dans le procès de trois policiers et d\'un médecin travaillant pour le canton de Berne, qui sont accusés d\'homicide involontaire sur la personne de Khaled Abuzarifa, un Palestinien décédé en mars 1999, lors d\'une opération d\'expulsion via l\'aéroport de Zurich-Kloten. Khaled Abuzarifa s\'était vu administrer un sédatif avant d\'être bâillonné à l\'aide de ruban adhésif et attaché pieds et poings liés dans un fauteuil roulant, en attendant son expulsion. Il ne pouvait de ce fait respirer que par une narine. Selon le rapport d\'autopsie, cet homme est mort asphyxié après avoir été soumis à ces moyens de contrainte. Ce rapport dénonçait par ailleurs le fait que les policiers participant à l\'opération d\'expulsion avaient perdu un temps précieux avant de retirer le ruban adhésif lorsqu\'ils avaient constaté que le détenu ne se sentait pas bien ; il soulignait également que ces fonctionnaires de police n\'avaient pas reçu une formation adéquate. Le médecin, qui avait assisté à la mise en place du ruban adhésif et certifié que celui-ci ne présentait aucun danger, a été blâmé pour n\'avoir pas donné des instructions appropriées aux policiers. L\'utilisation de ruban adhésif pour bâillonner des personnes expulsées et les empêcher de crier n\'est plus une méthode de contrainte approuvée officiellement à l\'aéroport de Zurich depuis août 1999. Amnesty International s\'est toutefois déclarée préoccupée par un certain nombre d\'autres méthodes de contrainte dangereuses susceptibles d\'empêcher les personnes immobilisées de respirer. Un casque de boxe en caoutchouc spécialement modifié était utilisé à l\'aéroport de Zurich en 1999. Il était équipé d\'une mentonnière maintenant les mâchoires serrées et d\'une étoffe que l\'on pouvait placer sur la bouche, qui comportait une petite ouverture permettant d\'insérer un tube pour faciliter la respiration. Certaines informations font également état de méthodes de contrainte pouvant causer la mort par asphyxie traumatique (provoquée par l\'immobilisation forcée de la victime). La mort tragique de Khaled Abuzarifa n\'était pas un cas isolé. Cinq autres décès intervenus au cours de procédures d\'expulsion à partir de pays d\'Europe de l\'Ouest entre 1993 et 2000 ont été marqués par l\'emploi, peu avant la mort des victimes, de méthodes de contrainte dangereuses empêchant les personnes immobilisées de respirer. Ces individus sont morts pendant ou immédiatement après leur expulsion forcée par l\'Autriche (Marcus Omofuma en 1999), la Belgique (Semira Adamu en 1998), l\'Allemagne (Kola Bankole en 1994 et Aamir Ageeb en 1999) et le Royaume-Uni (Joy Gardner en 1993). En mai 2001, le ressortissant nigérian Samson Chukwu est mort au début d\'une procédure d\'expulsion dans le canton du Valais, en Suisse. Les examens médico-légaux réalisés en vue de déterminer la cause exacte de ce décès se poursuivent, et la possibilité d\'une asphyxie traumatique fait partie des hypothèses envisagées. En outre, selon des sources diverses, des personnes expulsées ont été victimes de violences physiques et d\'injures racistes de la part des policiers sous la garde desquelles elles se trouvaient ; des sédatifs ont parfois été administrés à des individus qui s\'opposaient à leur expulsion dans le but de les maîtriser, et non pour des raisons purement médicales ; et un certain nombre de personnes expulsées ont été privées de boisson ainsi que de nourriture et empêchées de se rendre aux toilettes pendant de nombreuses heures, jusqu\'à leur arrivée à destination. Certaines se sont même vu offrir la possibilité dégradante de porter des serviettes de protection pour incontinents ­ une pratique officiellement approuvée à l\'aéroport de Zurich qui a été abandonnée au cours de l\'année 2000, et remplacée par l\'emploi de sièges d\'avions spécialement conçus pour absorber l\'urine. Au vu des décès survenus dans le cadre d\'opérations d\'expulsion forcée ces dernières années, et des allégations persistantes faisant état d\'usage abusif de la force et de traitements dégradants, Amnesty International estime essentiel que les autorités de tous les cantons revoient les méthodes de contrainte employées par les forces de police, ainsi que les lignes directrices et la formation des policiers et des professionnels de la santé impliqués dans les procédures d\'expulsion qui se déroulent dans leur canton. Les autorités cantonales doivent veiller à ce que : ­ les policiers sous la garde desquels sont placées des personnes expulsées reçoivent des instructions leur indiquant clairement qu\'ils ne doivent recourir à la force que dans la mesure où cela est raisonnablement considéré comme nécessaire, conformément aux normes internationales relatives à l\'usage de la force par les responsables de l\'application des lois ; ­ les méthodes de contrainte empêchant les personnes immobilisées de respirer et mettant sérieusement leur vie en danger soient interdites, et à ce que des lignes directrices adéquates soient adoptées afin de minimiser les risques d\'asphyxie traumatique ; ­ toute décision d\'administrer des sédatifs soit prise sur la base de critères purement médicaux, conformément au principe 5 des Principes d\'éthique médicale des Nations unies applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu-mains ou dégradants ; ­ l\'utilisation de tout aérosol de produit irritant comme incapacitant à court terme soit encadrée par des lignes directrices strictes et rigoureusement limitée ; ­ toute personne faisant l\'objet d\'une procédure d\'expulsion bénéficie régulièrement de boisson et de nourriture, puisse se rendre rapidement aux toilettes en cas de besoin, et soit traitée dans le respect de la dignité humaine durant l\'opération. Amnesty International se félicite de la mise en place d\'un groupe de travail, auquel participent les autorités cantonales et fédérales compétentes, chargé d\'établir des lignes directrices communes sur l\'exécution des opérations d\'expulsion, et de mettre en place un groupe commun de fonctionnaires spécialement formés pour ce type d\'opérations. L\'organisation croit savoir que ses recommandations sont prises en considération par ce groupe de travail. « Les autorités cantonales et fédérales doivent se fixer pour priorité le réexamen et la modification des procédures d\'expulsion, et aller résolument de l\'avant en la matière. Tant que les pouvoirs publics n\'auront pas adopté des règles imposant le respect de l\'intégrité physique et de la dignité des personnes expulsées, rien ne garantit que des morts tragiques comme celles de ces dernières années ne se reproduiront pas. »