Ce jeudi 13 Mars à 14h, sous un soleil radieux, quelques activistes antipublicitaires avaient donné rendez-vous aux médias et aux sympathisant-es à la place Jourdan (Etterbeek). Le temps de donner un premier interview pour le JT de 19h30, le petit groupe se déplaça vers le lieu de l’action, c’est à dire au coin de la rue Belliard et de la chausée d’Etterbeek. Là, à 3m60 du sol, sous une grande fresque représentant Jaques Delors (« Destination Bruxelles – Bruxelles cultive l’art sans pareil d’un accueil simple et chaleureux, grâce à l’atmosphère que seuls savent créer les bruxellois. ») se trouve un grand panneau multi-faces de +/- 20m² appartenant à la société « More O’Ferral* ». Après avoir stoppé le mécanisme de rotation du panneau (boite à fusibles qui s’ouvre au moyen d’une simple clé à tube de 9mm) et au moyen d’échelles, quatre activistes se hissèrent sur la plate-forme métallique. Avec des bombes de peinture rouge et verte le travail commence : sur la première affiche d’Electrabel dont le slogan publicitaire est « Vous avez l’énergie », on ajoutera « RESISTEZ », « PROPAGANDE ! », « Légitime réponse ». Comme au théatre, sous les applaudissements, les quatres activistes saluent le public venu l’assister. On réenclenche le tourniquet et la deuxième affiche apparaît : « la nouvelle BMW, vous n’en dormirez plus. Journées d’extase le 21 21 23 mars »… la nausée. Les publiphobes écrivent en grand « MATRAQUAGE » « ASSEZ ! » « Pollution visuelle », « Agression », « la pub abrutit ». Salutations, puis on tourne l’affiche à nouveau. Celle-ci représente une femme allongée pour un parfum. Juchés sur leurs échelles, à 6m du sol, les activistes prennent tout leur temps pour caligraphier « NIQUE LA PUB », « NUIT A LA SANTE MENTALE », « FILLE A VENDRE ? », « NON A LA PUB SEXISTE » en police taille minimum 4800 ;) Quant à la vraie police, ses représentants sont mélés aux spectateurs depuis le début. Le moindre fait et geste est noté, mais ils attendent la fin de l’action avant d’intervenir. Les trois affiches que comportent le panneau ayant été retravaillées, les activistes rejoignent les spectateurs et journalistes pour se livrer à quelques interviews. Des tracts sont distribués pour convier à la conférence-débat organisée à l’ULB le lendemain. Comme tout semble calme, un panneau plus petit (la même affiche BMW ) sera encore décorée d’un « cauchemar-pub » de bon aloi. Dans le feu de l’action, un sympathisant se saisi d’une bombe et entreprend de dessiner des cornes et une queue diabolique à la bagnole, mais ce geste intrépide lui vaudra d’être arrêté avec nous juste après. En effet, à peine est-il descendu de l’échelle que les policiers en civil procèdent aux arrestations. Philippe Mazy et Yvan Gradis sont embarqués dans une voiture et le sympathisant dans une autre. Mon témoignage : Un policier, contemplant les « dégâts » me dit : « Eh bien, on peut dire que vous n’avez pas perdu votre journée ! » Les voitures démarrent, on nous prie de garder les mains bien posées sur les genoux. Sur la radio de bord on entend : « Ce sont des gauchistes qui n’aiment pas la pub ». Yvan s’exclame : « non, moi je suis d’extrème droite », un des policiers répond : « ça tombe bien, nous aussi ! ». Sur ce, l’atmosphère se détend un peu ;) J’ai soif, Yvan me tend une bouteille. Un policier jette un coup d’œil à la bouteille et s’écrie : « quelle marque ? ». Pas de chance, Yvan a effacé tout logo et la bouteille est parfaitement anonyme. Les policiers se plaignent de devoir passer du temps à nos enfantillages, alors qu’ils pourraient être bien plus utiles ailleurs. Ils nous disent même : « pendant ce temps, il pourrait y avoir une petite vieille qui se fait piquer son sac ». Arrivés dans les locaux de la police de la zone Etterbeek, ils semblent assez embarassés et ne savent pas très bien comment s’y prendre pour réaliser nos auditions. Le plus courageux d’entre eux rassemble toute son énergie et allume son portable (la police est de mieux en mieux équipée, exit les vieilles machines à frapper, il y a même des souris sans fil). C’est Yvan qui a l’honneur d’être auditionné le premier. Le policier commence à rédiger : « donc, vous avez taggué le panneau… » Non, s’exclame Yvan, il s’agit d’un barbouillage. Le policier sursaute et d’un air entendu et modérément hilare s’adresse à ses collègues, le petit doigt en l’air : « Ecoutez moi ça ! Monsieur ne taggue pas, il barbouille ! ». Notre but n’étant pas de les énerver, nous allons nous montrer coopératifs. Yvan leur tend son « press book » dans lequel se trouvent les photos des treize « barbouillages au grand jour » précédents menés en France, ainsi que des textes explicatifs. Les policiers acceptent de nommer notre action « barbouillage » ce qui est beaucoup mieux que tagguage, pratique publicitaire que nous déplorons. Les policiers ne comprendront pas le sens véritable de l’action, ils essaieront mais renonceront vite, lorsqu’on expliquera que cela prendrait un certain temps. L’un d’entre eux dira : « C’est ça oui, on fera une bouffe un de ces soirs pour en discuter ! ». Après une petite heure d’audition détendue, pendant laquelle je pourrai même répondre aux appels sur mon portable, nous sommes relaxés. Il n’y a eu aucune violence, aucune intimidation, aucune inquisition et nous sortirons donc… en leur serrant la main. Nous remercions tout ceux et celles qui sont venu-es assister à cette action et qui ont permis, grâce à leur présence, une bien meilleure médiatisation. Des textes supplémentaires seront bientôt disponibles sur le site de R.A.P. (http://home.tiscali.be/RAP-Belgique/Action.htm ) R.A.P. n’a pas organisé cette action. Seuls les activistes cités en assument l’entière responsabilité. * La société More O’Ferral, (voir Le SOIR du 13 mars) trouve l’action lamentable. Elle met un point d’honneur à réparer les dégâts dans l’heure. J’avais remis un tract à un représentant de la société sur place pendant l’action et qui téléphonait comme un malade catastrophé. En pratique, il leur aura fallu beaucoup plus de temps. En effet, c’est seulement vers 22h que toutes les traces de l’action furent définitivement effacées. Notons aussi que, selon la société, un réaffichage leur coûte 100 Euros par affiche, et qu’un certain nombre d’exemplaires sont prévus à cet effet. Enfin ils affirment que leur panneaux sont « revisités » en moyenne une dizaine de fois par mois à Bruxelles. Bon début. Phil