Si le
point de vue d'O. Mouton sur le Venezuela est le seul que peut nous
offrir LLB, j'invite alors tous ses lecteurs à s'informer par
d'autres canaux. Face à ce phénomène de désinformation
générale et de médiatiquement correct, il est
temps que les journalistes fassent leur autocritique, que les médias
se soumettent à la critique du public et que celui-ci mette
en place des voies alternatives d'information.
O. Mouton
a présenté les médias communautaires comme un
outil politique chaviste alors qu'ils sont la voix des citoyens, qui
nous donnent une leçon de démocratie participative.
Ces médias sont la seule source d'information indépendante
dont bénéficie le Venezuela face aux monstres commerciaux
qui polluent nos écrans et participent à notre désinformation.
Alors qu' ils sont l'alternative, ils sont ridiculisés par
le "journaliste".
Ma première
expérience d'interview m'a laissé un goût amer
et ma méfiance envers les journalistes s'en est accrue. Et
pourtant, je savais que je risquais gros en m'approchant des nouveaux
chiens de garde (4)
Sarah
Fautré
Bruxelles, le 2 janvier 2003
Notes:
(1) C'est
ainsi que l'article a été dénommé.
(2) Ainsi que celle de mon collègue avec qui je suis partie
pendant trois semaines au Venezuela pour un repérage en vue
de la réalisation d'un documentaire sur le pouvoir des médias.
(3) L'emploi de ce terme n'est pas dénué de sens
(4) Titre du livre de Serge Halimi dans lequel il démontre
qu'en France, nous n'avons plus affaire à un contre pouvoir
mais à un journalisme de révérence, chapeauté
par des groupes financiers et industriels. Halimi est journaliste
au Monde Diplomatique.
Bonjour
Monsieur Mouton,
Je vous
écris suite à votre article «Les médias
pro et anti Chavez: un mur de Berlin à Caracas»,
pour vous apporter quelques précisions quant aux télévisions
communautaires.
J'ai
passé 5 mois dans l'une d'elle à Maracay.
Tout d'abord, les télévisions communautaires n'ont pas
été mises en place par le président Chavez, mais
sont bien le fruit du travail de groupes d'habitants. Pour le moment
il existe au Venezuela 4 télévisions communautaires,
qui proviennent de projets existant avant l'arrivée de Mr Chavez
à la présidence de la république.
Teletambores
(Maracay) est née au sein de l'école populaire de cinéma
qui existe depuis plus de 8 ans, Catia TVE (Caracas) est née
au sein d'un ciné club qui diffuse et produit des reportages
depuis 1989, TV Rubio (dans un village des Andes) existe comme télévision
culturelle et communautaire depuis 1994, et la quatrième «télévision»
communautaire , Canal Z, produit des reportages à Maracaibo,
mais ne peut les diffuser par voie hertziennes, car toutes les fréquences
de la région appartiennent aux médias privés.
La Constitution
bolivarienne du Venezuela, a permis un espace pour ce type de média.
Mais rien n'existait pour réguler ces télévisions
et radios communautaires. Un règlement a donc été
mis en place et négocié entre les acteurs des médias
communautaires (qui jusque-là transmettaient de façon
pirate) et la CONATEL (Commission nationale des télécommunications).
Cela a été fait dans un souci de respecter la démocratie
participative, et après plusieurs mois de négociations
(pas toujours très faciles) un règlement dont 80% a
été proposé par les médias communautaires
a été accepté par le gouvernement, le 3 novembre
2001.
Vous
pouvez consulter ce règlement sur le site :
http://www.conatel.gov.ve/ns/index.htm
Lorsque
vous dites que c'est l'Etat qui subventionne les TV communautaires,
vous avez raison, mais là n'est pas la principale ressource
(de plus, les demandes de subventions se font comme en Belgique. Vous
savez bien que certaines télévisions et certains journaux
reçoivent d'énormes subventions - européennes,
de l'Etat, ou locales - dans notre pays et ce n'est pas pour cela
que se sont des rouages efficaces au service du projet politique belge!).
En effet,
ce type de projet favorise l'autogestion. C'est pour cela qu'il est
autorisé 5 minutes de publicités à destination
des petites ou micros entreprises qui travaillent dans la zone de
diffusion. Beaucoup de personnes s'impliquant dans ce type de projet
mettent aussi la main à la poche. Par exemples, les cassettes
servant aux reportages sont achetées par les équipes
de production indépendantes (donc les habitants des quartiers)
ainsi que pour certaines leur caméras. Comment font-elles ?
En trouvant des parrainages, en organisant des tombolas, en organisant
des repas de soutiens, en vendant des tartes, etc.bref en s'organisant.
Pour
ce qui est des subventions de l'Etat, elles ne sont vraiment pas énormes,
de plus pour les avoirs cela fonctionne comme en Belgique (mais c'est
«un peu» plus lent). Il faut introduire un dossier auprès
du ministère de la culture, qui l'accepte ou ne l'accepte pas.
Si le dossier a été accepté, il faut encore attendre
au moins 8 mois avant de recevoir la première moitié
de la subvention (qui soit dit en passant n'est vraiment pas énorme,
comparé, par exemple aux subvention que reçoivent certaines
TV commerciales en Belgique ou aux moyens dont disposent les médias
privés au Venezuela. Je ne pense pas que la subvention de Teletambores
reçue pour une année pourrait couvrir les frais de production
d'un seul JT d'une TV commerciale vénézuélienne
!).
Pour
participer à ce type de média, je peux vous affirmer
que ces télévisions sont bien indépendantes et
que tout le monde a le droit de s'y exprimer (qu'il soit pour ou contre
la politique gouvernementale, ce qui n'est pas le cas dans d'autres
types de médias locaux !). De plus, tout types de programmes
ont droit de citer, il y a aussi bien des débats, que des reportages
culturels, des reportages sur la santé, de l'humour, etc. Si
ces médias existent, c'est bien grâce à la volonté
de citoyens qui ont compris qu'ils pouvaient donner leur point de
vue en participant directement à la production et à
la diffusion de l'information (qu'elle soit télévisée,
radiophonique, ou écrite).
En espérant
que cet éclaircissement vous aura permis d'en savoir un peu
plus sur les médias communautaires au Venezuela, je suis à
votre disposition si vous avez des questions,
Merci
de m'avoir lu,
Bonnes fêtes de fin d'année,
Pierre-Alain
Vandewalle
LETTRES
à LA PRESSE:
http://www.collectifs.net/risbal/agir/lettre.htm