Seconde réaction à l’article de LIBERATION du 15 octobre 2002:
http://www.liberation.fr/page.php?Article=59013
Cher Monsieur,
nous sommes de nombreux journalistes en Europe et en Amérique Latine à avoir été particulièrement choqués par le dernier article de Libé sur le Venezuela ("l’impopulaire prend l’air"...) , qui bien que conforme à ce que nous avons l’habitude de lire chez vous ou dans le Monde, atteint des degrés inhabituels d’erreur. Le président Chavez, d’emblée dépeint comme populiste, ex-putchiste, etc ... y est dit "de plus en plus impopulaire". Or dimanche passé la plus grande manifestation d’appui au processus bolivarien, qui a frôlé les deux millions de participants, démontre simplement le contraire. Contrairement à celle de l’opposition, inférieure en nombre, financée par les grands groupes économiques mais dont Libé s’est aussitôt fait, abondamment, l’écho, celle-ci s’est forgée en quelques jours et grâce aux ressources de la population elle-même. Elle ne s’est pas faite à la "cubaine" (mobilisation obligatoire) mais dans une vaste spontanéité issue de la majorité pauvre. Laquelle commémorait sa propre mobilisation qui permit de rétablir spectaculairement la démocratie en avril dernier. On peut avoir l’appréciation qu’on veut sur la personne de Chavez, mais on ne peut passer, si on est journaliste professionnel, à côté de faits aussi élémentaires.
Celui que vous dites ex-putchiste, autoritaire, etc.. devrait vous intéresser, au-delà des clichés de consommation courante, comme figure nouvelle de militaire converti à la démocratie, et probablement et sans lyrisme aucun, comme le plus légitime des présidents d’Amérique Latine, puisqu’élu plusieurs fois, et haut la main, en peu de temps, à la suite de la nouvelle constitution. La liberté de la presse est totale au Venezuela, par ailleurs, puisque les médias y sont libres d’organiser un … coup d’Etat, et qu’aucun de ces médias n’a été d’ailleurs sanctionné à la suite de ces implications. Comme "autoritaire" on a vu pire.
Où sont l’indépendance d’esprit et la curiosité intellectuelle de Libé ? Pourquoi ne pas cultiver au Venezuela l’acuité de vos bonnes feuilles sociologiques qui nous ont fait regarder la France au fond des yeux ? Un peu d’empirisme et moins d’à priori ne tuent pas le journalisme, croyez-moi.
Thierry Deronne
résident au Vénézuela depuis huit ans, licencié en communications sociales de l´IHECS (Bruxelles 1985), journaliste indépendant et fondateur de la télévision communautaire Teletambores (Maracay, Venezuela)
Première réaction à l’article :
http://www.indymedia.be/front.php3?article_id=34008&group=webcast