Comme vous ne l’ignorez plus, les demandeurs d’asile iraniens qui s’étaient réfugiés à l’ULB depuis le 19 septembre ont été expulsés manu militari mercredi à 6 heures du matin à la demande des autorités de l’ULB mandatées par le conseil d’administration, c’est-à-dire en notre nom, en votre nom.
Conscientes de l’indignation que ne manquera pas de provoquer la brutalité d’une telle opération policière sur le site de l’ULB, les autorités n’ont pas tardé à diffuser un message de justification prétendant, notamment, que les Iraniens n’avaient plus de raisons de rester à l’ULB. Justification scandaleuse et hypocrite dès lors qu’il est manifeste qu’aucune solution ne se concrétisait. Comme personne ne peut l’ignorer, l’accord conclu le 14 novembre entre les avocats des Iraniens et l’Office des Etrangers avait été démenti le jour même par le ministre de l’Intérieur et la pratique a montré qu’il n’était nullement respecté : plus de la moitié des nouvelles demandes d’asile introduites ont dès à présent été jugées irrecevables pour des motifs aberrants, révélateurs de la mauvaise volonté de l’Office.
Du reste, seule la naïveté ou la mauvaise foi peut se contenter d’un tel accord formel, même solide. D’autres expériences similaires ont montré que la pression d’un mouvement continu constituait la seule garantie du respect des promesses du Ministère de l’Intérieur. La présence des Iraniens à l’ULB en étroite liaison avec le comité de soutien se justifiait donc pleinement même après l’accord du 14 novembre, tant que leur demande d’asile n’était pas jugée recevable.
Si la décision d’expulser les Iraniens de l’ULB est en soi révoltante, la manière dont elle a été mise en œuvre l’est tout autant et totalement contraire, elle aussi, aux valeurs prônées par notre université. Alors que des négociations se poursuivaient la veille encore concernant la présence des Iraniens sur le campus, les autorités n’ont jamais averti quiconque ni de la procédure engagée en justice, ni de ses résultats. Au contraire, dans des discussions informelles, il avait toujours été admis qu’aucune décision de ce type ne serait prise, en tout cas avant le 19 décembre. Les Iraniens, y compris les enfants, ont donc été raflés sans sommation en plein sommeil, par des policiers cagoulés et armés de matraques. Faut-il rappeler que la présence de la police sur le campus a toujours été considérée comme un échec du fonctionnement démocratique de l’ULB et acceptable uniquement dans des circonstances graves dont ne relève évidemment pas la situation actuelle ?
Les autorités de l‘ULB ne pouvaient pas ignorer les risques de mauvais traitements qu’encoure tout étranger laissé aux mains des forces de l’ordre. Les Iraniens, une fois arrivés au commissariat de Laeken, ont subi des humiliations et des violences : certains auraient reçu des coups et été aspergés de gaz au poivre et tous ont été forcés de se déshabiller complètement. A la suite de l’opération, un des Iraniens a dès à présent reçu un ordre de quitter le territoire. Par sa décision, l’université collabore donc désormais au processus de création institutionnelle de la clandestinité, processus qu’elle avait pourtant dénoncé dans sa lettre aux Ministres Dewael, Verhofstadt et Michel.
Après la rafle, les Iraniens ont entamé une nouvelle occupation, cette fois-ci à l’église des Minimes qui les avait déjà abrités en juin de cette année. Nul doute qu’une église sans installations sanitaires, sans service médical, sans cantine, sans infrastructure d’accueil pour les enfants, sans personnel ni étudiants, etc. a bien plus que l’université « les moyens d’assurer l’hébergement de candidats à l’asile » et pourra mieux résoudre « les difficultés sanitaires auxquelles toute occupation donnera immanquablement lieu ». Pas par « vocation », mais parce que quand l’Etat faillit à ses obligations, c’est précisément aux institutions dont ce n’est PAS la « vocation » initiale de prendre leurs responsabilités. Aujourd’hui, les Iraniens ayant fui une théocratie et cherché refuge dans une institution laïque, sont retournés à l’église…
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