Concerne:
vos articles de ce vendredi 06.12.02 sur le Pérou.
Mr Mouton, Mme Kiesel,
Le service de communication de la présidence du Pérou vous remercie pour les interviews complaisantes du Président Toledo que vous avez réalisées dans vos journaux respectifs. De telles interviews font de vous de bons journalistes. Nous vous sommes reconnaissants d'une telle complicité.
En effet, comment ne pas vous remercier de ne pas avoir rappeler certaines déclarations sans importance de M. Toledo durant sa campagne quand, par exemple, il avait juré de ne jamais privatiser les entreprises d'électricité. Maintenant il prétend continuer à vendre le patrimoine du pays. Merci de ne pas rappeler cela. Cela n'intéresse aucunement vos lecteurs, j'en suis persuadé.
Nous vous remercions également de ne pas avoir argumenter contre la volonté du président péruvien de privatiser pour remplir les caisses publiques. En effet, vous le savez sûrement, les nombreuses privatisations qui touchent notre continent bien aimé, cette Amérique si digne, n'ont été jusqu'ici que des bradages du patrimoine public des nations. Un grand merci de ne pas préciser que l'on utilise toujours l'argument du manque de deniers publics pour privatiser et de ne pas rappeler que cet argent file directement dans les caisses du FMI et de banques occidentales comme service des intérêts de la dette.
Merci également de laisser Alejandro Toledo insulter la population d'Arequipa qui s'est soulevée il y a quelques mois. Dans vos deux interviews, vous laissez M. Toledo prétendre que "Nous avons en effet connu des problèmes dans le sud du pays, à Arequipa, qui étaient liés au processus électoral régional : un leader local a voulu augmenter sa popularité en faisant de l'agitation autour de la privatisation d'entreprises électriques qui intéressaient l'entreprise belge Tractebel. Mais cela n'a pas mis en péril la politique générale de privatisation." (Le Soir) ou " le processus de privatisation a connu un problème à Arequipa en raison de difficultés locales. Certains leaders voulaient capitaliser politiquement ce conflit pour être élus, en particulier le maire de la ville." (La Libre).
Il est remarquable de constater que vous aussi vous mépriser les petites gents. Et oui, Chavez met en scène ses propres manifs, Marcos manipule ces pauvres bougres d'indiens dans la selva chiapanèque, ici c'est un maire (ou deux) qui manipule la centaine d'organisations sociales qui se sont rassemblées au sein du Frente cívico amplio pour lutter contre les privatisations. Nous saluons votre vision de l'histoire. Les grands hommes font tout, les peuples ne peuvent qu'être manipulés.
Merci également de rappeler l'origine indienne de Monsieur Toledo. C'est très bon électoralement. C'est la mode ... comme vous le savez.
En tant qu'ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, M. Toledo se préoccupe beaucoup des communautés indiennes victimes du racisme et des agressions d'entreprises pétrolières, de bois, de gaz, etc. contre ces mêmes communautés partout sur le continent pour les déloger de leurs terres ancestrales. Mais il ne faut pas trop insister là-dessus. Avec toute cette vague d'anti-américanisme et de populisme de gauche à la Chavez, à la Gutierrez, à la Lula, ... Autant ne pas alimenter un probable axe du mal.
En tout cas, le service de la présidence du Pérou serait heureux de vous accueillir prochainement pour un reportage sur notre beau pays. Peut-être viendrez-vous bientôt avec Tractebel qui paie de temps en temps des voyages de journalistes espérant récolter ensuite de bons articles dans la presse belge. Ou vous viendrez avec des représentants de la région wallonne pour montrer comment la coopération entre les universités des deux pays fonctionnent bien.
De toute manière, n'hésitez pas à nous contacter, M. Toledo serait enchanté de vous revoir. Sa femme qui est belge - vous devez le savoir - nous avait prévenu du professionnalisme de la presse belge. Mr Toledo a toujours raffolé des interviews complaisantes (style campagne promotionnelle d'un film hollywoodien) de la presse, ce contre-pouvoir si nécessaire à la stabilité de nos démocraties.
Bien à vous
Frédéric Lévêque