Réponse au Belang van Limburg  Les Congolais inquiets du rôle de Ludo Martens?  De retour de Kinshasa, c’est avec un certain retard que j’ai lu tout le chapelet d’imputations qu’avait publiées Roger Huismans dans Het Belang van Limburg. C’est à cette source qu’a abondamment puisé le Vlaams Blok pour intervenir à plusieurs reprises à la Chambre et au Sénat. Voici une rectification que le journal limbourgeois n’a pas jugé bon de publier.  Une mise au point de Ludo Martens  De retour du Congo, c’est avec une stupéfaction grandissante que j’ai lu toute la litanie de mensonges et de contre-vérités que Roger Huismans a présentés à ses lecteurs dans votre édition du 25 janvier.  Commençons par le plus grotesque. Daniel Mayele, du parti congolais MNC-Lumumba, aurait dit avoir appris «de source très sûre» que je recevais «130.000 francs par mois de Kabila, sans parler des billets d’avion et autres avantages». Je défie publiquement Mayele de nous faire connaître sa «source très sûre». Et j’affirme ici, «solennellement» s’il le faut, que Mayele se rend coupable de mensonge et de calomnie. S’il ne présente pas ses excuses, je consulterai un avocat afin de lui intenter un procès.  Je suis membre d’un parti révolutionnaire dans un pays riche. Il ne me serait jamais venu à l’esprit de demander le moindre centime à un pays qui a été pillé, ruiné et anéanti par l’Occident et son bichon Mobutu. Le responsable des finances du Parti du Travail de Belgique sait que mon travail au Congo coûte plus de 300.000 francs par an, payés par les cotisations des travailleurs, infirmières, employés, professeurs et médecins belges…  Au nom de quels Congolais?  Votre journal reprend à son compte la déclaration de Mayele disant que «les Congolais s’inquiètent» de mes activités au Congo. Cette affirmation est pour le moins étonnante dans la bouche d’un homme qui, en août 1998, après le début des opérations militaires rwando-ougandaises contre le Congo, s’est rendu à Kigali en vue d’épauler les bourreaux du peuple congolais…  J’ai donné des dizaines de conférences dans les quartiers populaires de Kinshasa, de Kikwit et de Lubumbashi. En trois ans, j’ai donné quelque 20 heures d’interviews aux deux télévisions nationales et à celles de Lubumbashi et Kikwit. Monsieur Huismans peut aller demander, à peu près partout au Congo, ce que les gens des «cités» pensent de mes exposés. Si cela le tente, il pourrait organiser une confrontation entre son informateur «congolais» Mayele et moi-même, dans n’importe quel quartier populaire de Kinshasa. Il verra ce qui inquiète le plus «les Congolais»: mon analyse de la guerre au Congo ou le rôle que le sieur Mayele a joué en faveur des agresseurs rwandais…  Huismans s’est également entretenu avec un «coopérant» qui prétend qu’à Kinshasa et Lubumbashi, Ludo Martens «excite contre les Belges, et surtout contre les Américains, les jeunes chômeurs qui suivent des formations dans les Comités du Pouvoir populaire». Suite à ces «excitations» de ma part, des «jeunes en colère» auraient «agressé des journalistes belges qui accompagnaient Louis Michel» aux funérailles de Kabila.  Comment le soussigné a été «agressé par des «jeunes en colère»  C’est tout aussi ridicule. Les jeunes chômeurs de Kinshasa ne parlent que le lingala. Je parle en français, je ne me livre à aucune «provocation», au contraire, je parle toujours le plus sérieusement du monde, et pendant deux heures, de l’histoire du Congo et de l’actuelle guerre d’agression sponsorisée par les Américains. Une dizaine de conférences ont été enregistrées intégralement sur vidéo et n’importe quel lecteur de votre journal peut donc s’assurer des mensonges signés par Huismans en répétant les propos de son «coopérant».  Mais il y a plus. Moi-même, je me trouvais dans une voiture qui suivait Louis Michel en direction du Palais de la Nation où Kabila a été inhumé. L’ironie du sort a voulu que mon véhicule a été davantage «agressé» que ceux qui transportaient Louis Michel et sa suite de journalistes… En effet, je me trouvais dans une voiture en compagnie de trois Congolais. Nous nous frayions difficilement un chemin parmi des centaines de jeunes très excités qui chantaient, en lingala, «Soda zoba, mundele akosi yo obomi Kabila» – «Stupides soldats, les Blancs vous ont trompés pour que vous assassiniez Kabila». C’est ainsi que des jeunes souvent illettrés exprimaient leur sentiment selon lequel c’étaient les puissances impérialistes (les Blancs) qui avaient payé les soldats congolais, naïfs, afin qu’ils commettent cet assassinat.  Je suis blanc et ils s’en sont donc également pris à notre voiture. Mais les passagers congolais qui m’accompagnaient – et ils sont tout aussi anti-impérialistes que ces jeunes – se sont mis particulièrement e  Photo - Le cercueil de Mzee Kabila quitte le Palais du peuple. Sur tout le trajet jusqu’au Palais des nations, les voitures sont entourées de jeunes patriotes. Quelques petits incidents seront gonflés jusqu’à des proportions grotesques dans certains milieux belges. Louis Michel aurait frôlé le lynchage! (Photos Solidaire, Ludo Martens)  Les vieux renards n’oublient pas leurs vilains tours de 1939-1944  A propos d’un complot contre la vie de Louis Michel et d’une incitation au génocide  Le parti où les nostalgiques du IIIe Reich se sentent chez eux s’est penché sur un «génocide» qui se prépare actuellement au Congo. Et sur la responsabilité du soussigné dans les massacres à venir. Nous avons pu assister à cette bouffonnerie au Sénat belge, le 1er février 2001, durant les questions orales.  Ludo Martens  On peut dire qu’il s’agit d’une calomnie grotesque, mais c’est aussi de cette manière que se fabrique actuellement une certaine opinion «démocratique». Le Vlaams Blok (VB) a puisé son artillerie presque exclusivement dans l’article du Belang van Limburg. Il suffit que quelques autres journaux respectables reprennent les mensonges relatés par Huismans et diffusés par le Blok pour qu’une partie de l’opinion démocratique soit persuadée qu’il s’agit de vérités confirmées.  Le sieur Creyelman, VB, devait déclarer ceci, au Sénat: «L’un des instigateurs du génocide a été Radio Mille Collines, via laquelle l’Italo-Belge Giorgio Ruggio incitait les Hutu à massacrer les Tutsi. En ce moment, au Congo, se déroule un scénario qui présente de fortes similitudes avec la situation du Rwanda à la veille du génocide. Ces dernières semaines, les médias belges ont présenté le Belge Ludo Martens comme le grand spécialiste du Congo. Ce membre du PTB sème la haine contre l’Occident. Il appelle même à attaquer les Occidentaux. L’influence de cette agitation antioccidentale a déjà pu être constatée par la délégation belge au cours des funérailles de Kabila.  Dans la situation où s’est égaré le Congo actuellement, une étincelle suffit pour mettre le feu aux poudres. Je pense qu’il ne faut pas attendre une répétition du génocide rwandais pour mettre en oeuvre tous les moyens légaux contre les provocations de Ludo Martens et de son PTB au Congo.» «Je fais remarquer que Ludo Martens est conseiller présidentiel au Congo et qu’il touche 130.000 francs par mois. J’espère que nous nous trompons. Dans de tels cas, il vaut mieux prévenir que guérir.»  Si un professeur veut faire étudier l’influence des techniques de la propagande nazie sur l’information actuelle, il peut présenter ce morceau de prose à ses élèves.  J’ai écrit des centaines de pages et tenu des dizaines de conférences autour d’un seul thème central. Le Congo se trouve aujourd’hui dans une situation de destruction presque complète et de misère criarde parce que, depuis son indépendance, il a toujours été dominé et exploité par les multinationales et banques occidentales. Parce qu’il a été dirigé par des politiciens congolais qui n’ont donné qu’une façade noire à la continuation du contrôle par l’impérialisme. Le Congo ne sortira de l’enfer inhumain dans lequel il est plongé aujourd’hui que lorsqu’il aura mis en place un pouvoir politique nationaliste fort. Ce n’est qu’en organisant et en mobilisant toute la population que l’on assurera l’indépendance et la souveraineté du Congo et que l’on pourra entamer un développement économique qui résoudra vraiment les problèmes économiques et culturels des masses populaires.  Je comprends qu’un parti comme le VB ne peut subsister que grâce au mensonge. Mais les calomnies à propos des «appels à attaquer les Occidentaux» et l’intox à propos des «provocations de Ludo Martens et de son PTB qui déboucheront sur une répétition du génocide», de même que l’affirmation disant qu’aujourd’hui, au Congo, je suis «un scénario qui présente de fortes ressemblances avec celui de Ruggio», mérite un procès.  Louis Michel répond au Blok  Au nom de Louis Michel, Flahaut, le ministre de la Défense, a émis une réponse laconique que j’apprécie. Voici l’intégralité de sa déclaration: «L’ambassade belge à Kinshasa est au courant de la présence et des activités de Ludo Martens sur place. Il intervient en tant que personne privée et, dans ce contexte, use de son droit à la libre expression. Il n’a jamais cherché à contacter notre ambassade. D’après celle-ci, il ne revêt aucune fonction officielle. On peut fréquemment l’entendre et le voir sur les médias audiovisuels où il présente l’idéologie qu’on lui connaît. Il n’y a pas d’indications apparentes permettant de penser qu’il exerce une quelconque influence sur la politique du régime congolais. Je ne prendrai pas de mesures. Aussi, cette question est-elle dénuée du moindre à-propos.»  «La sécurité extérieure de la Belgique menacée »  Le 2 mars 2001, Creyelman posait une nouvelle question, cette fois à l’attention du ministre de la Justice Verwilghen. Il parlait de «la campagne d’excitation contre la population belge que Ludo Martens, visiblement, voulait déclencher au Congo» et de «l’incitation à la violence contre la Belgique, ses sujets ainsi que ses ministres.»1  Je n’avais jamais imaginé que mes conférences au Congo allaient avoir des suites aussi inattendues et burlesques. Le Vlaams Blok, dont l’existence vise à réaliser le mot d’ordre «Que la Belgique éclate!», est brusquement très inquiet de la «sécurité de l’Etat belge» que le soussigné mettrait prétendument en danger.  Creyelmans interpelle Verwilghen de la façon suivante: «Un plus ample examen pourra déterminer si le sieur Martens s’est rendu coupable de (…) crimes et actes répréhensibles contre la sécurité de l’Etat, article 108 du Code pénal: ‘Le complot contre la vie ou contre la personne (…) des ministres qui exercent le pouvoir constitutionnel du Roi, sera puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans.»2  Verwilghen, qui appartient à un parti qui a vu bon nombre de ses cadres fusillés par les prédécesseurs et idéologues du Vlaams Blok, s’abaisse à donner quelques conseils tactiques au Blok. «Je serais plutôt d’avis que l’on devrait plus généralement réfléchir du côté d’une infraction à l’article 66, cinquième paragraphe, du Code pénal (provoquer des faits répréhensibles), combiné ou non à la loi du 25 mars 1891 concernant la répression de l’incitation à commettre des crimes.»3  Diffamation contre Louis Michel par des mots et des gestes?  En outre, le parti qui crie à tout propos son slogan «Voor ‘t Belgiskske, nikske» (pour la Belgique, bernique) fait encore référence à l’article 275 du Code pénal belge. Cet article promet six mois d’emprisonnement à toute personne qui «diffame un ministre en paroles, ou par des faits, gestes ou menaces».4  Au Congo, j’ai souvent soutenu en public les efforts de Louis Michel en vue de jeter un pont entre le Congo et la Belgique, quelles que soient par ailleurs nos divergences politiques. Dans une brusque fièvre de patriotisme belge, le Vlaams Blok estime maintenant que j’aurais «diffamé» Louis Michel en paroles ou en gestes!  Et Monsieur Verwilghen prend tout cela très au sérieux et se veut serviable en donnant de sages conseils au Blok: «Enclencher les poursuites pourrait plutôt se faire sur base de l’article 7 du titre précédent du Code de procédure pénale qui parle plus généralement de l’accomplissement de faits punissables dans le pays où ils ont été commis.» Bonté divine! Quel spectacle ce serait s’il fallait organiser des «poursuites» à Bruxelles sur base du code pénal de la République démocratique du Congo…  Dans son intervention, le Blokker faisait référence aux «gratifications présidentielles» que je toucherais au Congo. Ce maître calomniateur avait déjà prétendu au Sénat, le 1er février: «Je signale que (le sieur Martens) est conseiller présidentiel au Congo et qu’il y gagne 130.000 francs par mois.»5 Les calomnies de Mayele dans Het Belang van Limburg (voir article page 16) sont ressorties comme vérités vraies au Parlement belge. De ses mensonges, le Blokker tire la conclusion évidente: «Le fait que le sieur Martens serait au service du président congolais semble confirmer les soupçons selon lesquels la sécurité extérieure de l’Etat belge serait en question».6  «Contre paiement de 130.000 francs par mois»…  Verwilghen, représentant d’un «Etat de droit» avancé, ne juge pas nécessaire de vérifier la réalité de ma prétendue situation «au service de» Mzee Laurent-Désiré Kabila. Verwilghen admet sans la moindre vérification que j’aurais été un «collaborateur» de Mzee Kabila – ni n’examine ce que signifie ce terme. Il entend uniquement vérifier si, en tant que «collaborateur ou complice» de Kabila, je me serais rendu complète de «faits punissables» commis par le président du Congo. Verwilghen dit au Blok: «Ce qui importe, c’est de savoir si les Belges, dans l’exercice de leur collaboration avec des chefs d’Etat étrangers, ne se rendent pas coupables de faits répréhensibles en tant qu’auteurs, coauteurs ou complices.»  1 Questions et réponses au Sénat, Question n° 1178 de Monsieur Creyelman, 2 mars 2001 • 2 Id. • 3 Id. • 4 Id. • 5 Sénat, 1er février 2001, questions orales. • 6 Questions et réponses au Sénat, Question n°. 1178 de Monsieur Creyelman, 2 mars 2001.