L’idée selon laquelle les années fac comptent parmi les plus belles ne semble plus tout à fait vraie aujourd’hui. Pour certains étudiants juifs du moins, qui avouent être à la limite de craquer non pas à cause des partiels, mais en raison du climat antisioniste et antisémite qui se développe et dont ils sont quotidiennement victimes. Sans tomber dans les excès de la généralisation, force est de constater que ce phénomène sévit essentiellement dans certaines universités qui répondent à des critères bien particuliers. Saint-Denis (Paris XIII), Nanterre (Paris X) et Villetaneuse (Paris XII) composent le « triangle d’or » où les mouvements pro-palestiniens s’expriment avec le plus de hargne et de vigueur. Traits communs à ces trois campus : leur implantation en banlieue et non à Paris intra-muros, un nombre d’étudiants juifs inscrits plus faible que dans les autres facultés et une présence d’étudiants étrangers ou d’origine maghrébine plus forte qu’ailleurs. Tous les éléments sont alors réunis pour permettre à la haine anti-israélienne et anti-juive de se développer. Le scénario se répète de façon quasi identique. Et si le délit antisémite n’est pas toujours relevé, on est à chaque fois sur le fil du rasoir. L’an dernier à Nanterre, la section de l’UEJF devait organiser une conférence sur la Shoah, animée par des intervenants extérieurs. A deux jours du rendez-vous, la direction de l’Université a demandé l’annulation des débats, suite aux nombreuses menaces de troubles que les organisateurs avaient reçues. Et, quelques jours après, on ne comptait plus sur les murs de l’établissement les graffitis du type « Auschwitz 45-Djénine 2002 ». Toujours dans le même campus, quelques mois plus tard, les mouvements pro-palestiniens organisaient une conférence à l’occasion de la journée de la Terre. Devant un amphi bondé de plus de trois cents étudiants, une jeune étudiante a même déclaré être « prête à [se] faire exploser en kamikaze ». L’amphi a applaudi à tout rompre alors que l’UEJF à déposé plainte pour « apologie du terrorisme ». Les faits se sont déroulés en avril dernier et la plainte est toujours en cours d’instruction. « L’AGEN, l’Association Générale des Étudiants de Nanterre, syndicat d’extrême-gauche bien implanté dans la fac tient un discours anti-israélien et anti-américain digne du Hezbollah ou du Hamas, que Yasser Arafat lui-même aurait du mal à tenir », explique Emmanuel Charbit, président de la section locale de l’UEJF. A la question de savoir si un éventuel dialogue est possible entre les deux associations, il répond qu’il suffit de « gratter un peu pour se rendre compte que l’antisionisme laisse place à la haine anti-juive ». C’est ainsi qu’assez récemment, un jeune étudiant s’est vu ordonné de « retourner dans sa synagogue ». Un sentiment d’abandon Ambiance tout aussi sympathique à Saint-Denis, où les tracts émanant des collectifs pro-palestiniens sont distribués à profusion. L’an dernier, il a fallu attendre trois semaines avant que le service universitaire se décide à retirer l’immense pancarte installée dans le hall d’entrée, affirmant qu’une croix gammée égale une étoile de David. On monte d’un cran à Villetaneuse, où là, il semble carrément téméraire de porter un signe distinctif juif autour du cou. C’est ce que raconte Aurélie, qui était encore inscrite l’année dernière dans cette université et qui a depuis demandé son transfert à la Sorbonne, en raison de ce climat de pression extrême qu’elle ne pouvait plus supporter. « Le jour où j’ai voulu retirer une affiche qui appelait à manifester contre Sharon, j’ai failli me faire frapper », raconte-t-elle. L’antisionisme s’est donc bel et bien emparé de certaines universités françaises. Ce qui est d’autant plus grave que, dans le cas présent et contrairement à ce que l’on peut dire au sujet de ce même phénomène qui sévit dans les cités, il est le fait d’étudiants, donc de personnes censées être cultivées et éduquées. Il ne s’agit pas là de jeunes délaissés de la société qui ne sont même pas capables de situer la Palestine ou Israël sur une carte géographique. Pire encore, cette gangrène s’immisce aussi au sein de l’élite de l’enseignement supérieur. Dans une grande école de Télécommunications située en banlieue parisienne, un mail envoyé sur le réseau de l’établissement auquel tous les étudiants sont connectés relevait du délit antisémite. Le courrier électronique incriminé commençait par ces mots : « Dès que j’ai senti l’odeur puante du Juif… ». C’est à la suite de pressions exercées par l’UEJF et certains étudiants juifs de l’école que la direction vient de décider de faire passer l’auteur de la missive en conseil de discipline. Au-delà de la lassitude et de la pression que ressentent les étudiants juifs victimes de ce climat infect, tous expriment un sentiment d’abandon de la part des directions des établissements concernés. Laxiste ou incompétente pour régler ce genre de problème, tel semble être la tendance générale. Ce que démentent, bien entendu, les intéressés que nous avons interpellés sur le sujet. « La volonté de l’Université de réagir est tout à fait évidente, mais je ne peux pas tout faire tout seul », déclare ainsi le président de l’Université de Nanterre, André Legrand. La porte-parole de la direction de Villetaneuse estime quant à elle que ce qui fait « la richesse d’une université telle que Paris XII, c’est justement la diversité culturelle et le brassage d’étudiants d’origine étrangère qu’elle porte en son sein ». Ce qui, selon elle, expliquerait en partie ces tensions inéluctables. En matière de sanctions, les uns et les autres préfèrent s’en remettre aux pouvoirs publics et à la justice. « Si un élève subit une agression, physique ou verbale à caractère antisémite, il faut qu’il porte plainte », répondent-ils en cœur.